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transporturbain - Le webmagazine des transports urbains
tramway
15 octobre 2020

Trois réseaux (et un matériel) fêtent leurs 20 ans

Montpellier, Orléans, Lyon... et le Citadis.

Le 30 juin 2000, la première ligne de tramway de Montpellier étrennait sa livrée bleue à hirondelles entre Odysseum et La Mosson. A l'époque, seules Saint Etienne, Marseille, Lille, Nantes, Grenoble, Rouen, Strasbourg et la banlieue parisienne (avec T1 et T2) bénéficiaient de ce mode de transport. La cité héraultaise suivait la voie tracée depuis 15 ans, avec un projet fortement ancré dans les choix d'urbanisme de l'agglomération. Pour le coup, la pugnacité d'un maire aux postures par ailleurs parfois contestables a joué en faveur de l'intérêt général, avec un projet mené à un rythme soutenu, seulement 4 ans après l'adoption de la Loi sur l'Air et l'Utilisation Rationnelle de l'Energie et du Plan de Déplacements Urbains montpelliérain.

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Montpellier - Odysseum - 2001 - Les premiers Citadis 301 avaient d'emblée été appréciés par leur livrée et le très bon confort de roulement des bogies, au prix d'une petite marche. Ces rames ont été depuis allongées avec 2 caisses supplémentaires. © J.H. Manara

C'était aussi une première pour Alstom et son nouveau tramway Citadis, avec la première version reposant sur les excellents bogies LHB retenus un peu plus tôt sur les tramways de Magdeburg. Le Citadis 301 n'était pas encore à plancher bas intégral puisque les places et le couloir situés sur les bogies moteurs extrêmes étaient placées sur une estrade.

Le 24 novembre suivant, c'est à Orléans qu'était inaugurée la première ligne de tramways, dans un contexte assez différent. A l'époque, le projet avait été vivement contesté en arguant que la taille de l'agglomération était insuffisante pour justifier un tel investissement par rapport à un service d'autobus. Néanmoins, l'engagement du maire de la ville a permis de maintenir le cap et de donner naissance au premier tramway dans une agglomération de taille moyenne (environ 250 000 habitants). Orléans a ainsi joué un rôle décisif dans l'élargissement de l'horizon pour ce mode de transport qu'on imaginait cantonné à quelques grandes villes. Si sous le feu des critiques, l'alternance municipale qui suivit eut failli avoir raison d'une seconde ligne, celle-ci ne fut finalement que retardée... et retracée.

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Orléans - Place du Martroi - Juin 2005 - Version un peu plus étroite du Citadis 301 serpentant ici au pied de la statue de Jeanne d'Arc. La réalisation du tramway d'Orléans avait à l'époque déclenché de vives critiques qui se sont rapidement révélées infondées. © transporturbain

A Orléans comme à Montpellier, le Citadis 301 faisait son apparition, avec une livrée différente (sables de Loire) et surtout un gabarit plus réduit à 2,32 m au lieu de 2,65 m pour tenir compte des contraintes de franchissement de l'étroit pont George V sur la Loire. Ce fut aussi une première technique puisque le tramway était autorisé à 80 km/h le long de la RN20 à Olivet.

Enfin, le 18 décembre, Lyon renouait avec le tramway en réussissant le tour de force de mettre en service d'un coup 2 lignes, dans un contexte alors très particulier : apparu en 1996, toujours en lien avec l'élaboration du PDU, avait suscité des critiques véhémentes, violentes même. L'opposition était nourrie par le débat entre le tramway et le métro : Lyon était en effet la première agglomération à réintroduire le tramway après avoir constitué un réseau de métro. La tenacité du maire de Lyon et de son adjoint en charge des transports ont eu finalement raison des critiques.

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Lyon - Rue de Marseille - 24 décembre 2008 - La rue de Marseille avait cristallisé bien des oppositions contre le tramway durant la concertation et l'enquête publique. Le maire de Lyon, par ailleurs président de la Communauté Urbaine, n'a pas flanché. Et qui s'en plaint aujourd'hui ? © transporturbain

A Lyon, Alstom livrait pour la première fois la nouvelle version du Citadis à plancher bas intégral (dit Citadis 302) avec bogies Arpège.

Vingt ans plus tard, Montpellier dispose de 4 lignes et s'apprête à lancer la cinquième. Orléans dispose de 2 lignes mais ne semble pas envisager de nouveaux développements. Quant à Lyon, la métropole dispose de l'un des plus importants réseaux avec désormais 6 lignes et plus de 100 rames.

Et le Citadis a été vendu dans le monde bien au-delà des espoirs d'Alstom, qui, en 1996, espérait en vendre 80. En 2020, on compte plus de 2300  tramways de ce type, dans ses diverses versions, à travers le monde.

La dynamique française en faveur du tramway au cours des 25 dernières années a été particulièrement soutenue. Puisse-t-elle continuer au même rythme dans le quart de siècle à venir : nos villes en ont encore grandement besoin !

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13 octobre 2020

Le transport public dans l'incertitude

Une lente remontée de la fréquentation mais des signaux d'alerte

Comme tous les autres secteurs d’activité, le transport public paie un lourd tribut à cette crise sanitaire dont on ne connait pas – encore la fin – pour mesurer l’ampleur de ses conséquences. Il le paie d’autant plus fortement que c’est par nature un lieu concentrant une population importante sur un espace restreint. Pour autant, de ce que l’on arrive à déterminer actuellement, les transports publics ne seraient pas un lieu de transmission majeur de ce virus. En revanche, une véritable inquiétude est apparue dans la population.

Avec le confinement du printemps, le trafic s’est effondré, chutant de 90 à 95%, que ce soit pour les transports urbains et interurbains. Si des allègements d’offre ont été opérés, il n’en demeure pas moins que les frais fixes n’ont pas diminué, entrainant une explosion des déficits. Si l’Ile de France a finalement obtenu gain de cause, les autres autorités organisatrices attendent toujours la traduction du « quoi qu’il en coûte » présidentiel.

Avec la rentrée 2020, on a pu constater un net regain du trafic, sans revenir au niveau nominal : le télétravail, pour les métiers compatibles, et une évolution des choix modaux entrainent un plafonnement du trafic, autour de 80% en moyenne nationale, du moins pour les heures de pointe. En revanche, le trafic en heures creuses a fortement chuté, y compris le week-end.

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Bourg en Bresse - Rue Pierre Sémard - 20 octobre 2017 - Conjoncture difficile pour les petits réseaux, a fortiori quand les conséquences de l'effondrement du trafic ne sont pas reconnues : les transports en commun sont essentiels à la vie d'une cité, quelle que soit sa taille. © transporturbain

Incontestablement, l’augmentation de l’usage du vélo explique aussi l’érosion de la fréquentation des transports publics, mais il y a aussi un retour à la voiture qui ne doit pas être occulté d’autant que le niveau de congestion des grands axes a été l’un des premiers phénomènes revenus à la normale après le déconfinement. La crise sanitaire a donc entraîné un retour à l’individualisme pour une partie de la population, encouragé par des aménagements « temporaires » y compris aux dépens des transports publics de surface.

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Paris - Porte de Saint Cloud - 10 octobre 2020 - Exemple d'aménagement favorisant les vélos mais pas vraiment les usagers des autobus. Pourquoi ne pas avoir conservé l'unité de la gare des autobus en plaçant la piste cyclable entre celle-ci et la circulation automobile ? Sans compter les conditions d'attente des voyageurs plus que précaires et que la limite du mini-trottoir bitumé est invisible. © Th. Assa

Sur les longs parcours, la SNCF a constaté un été moins pire que prévu avec 85% du niveau de 2019, mais souffre depuis la rentrée de la faiblesse du trafic d’affaires et de moindres déplacements pour motif loisirs le week-end. Résultat, des allègements d’offres TGV, une activité aux risques et périls de la SNCF.

Ne pas surestimer les effets du vélo et du télétravail

Dans ces conditions, l’économie du transport public est durablement bouleversée, car les prévisions faisaient état à la fin de l’été d’un retour possible à une situation nominale dans un délai de 2 ans. Mais les incertitudes demeurent quant à l’évolution de la pandémie et les décisions politiques qui seront prises dans les prochaines semaines et les prochains mois.

L’étude réalisée récemment par Kisio pour SNCF Transilien sur l’Ile de France est assez riche d’enseignements. La généralisation de 2 jours de télétravail pour les 29% de salariés potentiellement éligibles entrainerait un écrêtement de 6 à 13% selon les axes de la charge en heure de pointe. Un bénéfice relativement modeste, qui pourrait a minima procurer un meilleur confort, mais il ne faut pas écarter un scénario optimiste avec une nouvelle vague de report modal de la voiture vers les transports publics à iso-offre et taux d’occupation constant grâce à la pérennisation de cette dose de télétravail.

Cependant, la question de fond est celle de la soutenabilité de transports publics avec un déficit accru du fait d’un décrochage du trafic et en particulier de la clientèle occasionnelle, celle qui n’est pas abonnée. Outre le fait qu’une compensation par l’Etat des conséquences du confinement est impérative à court terme, il va falloir interroger le modèle économique à moyen terme et éviter une spirale malthusienne, qui a le mérite de la simplicité mais peut prétendre au trophée de l’inefficacité. Alléger les dessertes en heures creuses ne réduira que marginalement le coût global du service structuré par les pointes, mais aura assurément un effet sur la non-attractivité du service public.

La crise environnementale n'a pas été confinée...

En outre, il ne faut pas oublier qu’au-delà de la crise sanitaro-économique, il y a aussi – surtout ? – une crise environnementale qui appelle inéluctablement à accroître le rôle des transports publics au détriment du transport individuel motorisé… et que le vélo n’est une réponse que très partielle, écrêtant tout au plus les pointes.

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Marseille - Rue de la République - 14 février 2014 - Les transports publics constituent la solution la plus efficace pour réduire l'usage de la voiture en ville et structurer un urbanisme de densité durable. En coeur d'agglomération, le vélo peut tout au plus écrêter les pointes. SItuation probablement différente en périphérie, notamment pour organiser les rabattements sur les modes lourds. Rappel : la circulation des bicyclettes sur les voies des tramway est interdite ! © transporturbain

Pour affronter cet enjeu durable, il va falloir donner aux transports publics le moyen de surmonter une crise durable, en maintenant une offre soutenue malgré une moindre fréquentation. L'une des clés pour maîtriser les coûts de fonctionnement réside dans un mot qui heurte bien des oreilles : productivité. En la matière, il s'agit d'augmenter la vitesse commerciale, par des aménagements assurant - restaurant parfois - de bonnes conditions de circulation : cela concerne évidemment d'abord les réseaux de surface, autobus et trolleybus aux premières loges. Voies vraiment réservées, sites propres, priorité aux carrefours, accélération des échanges aux arrêts avec l'accès par toutes les portes, vente de titre de transport déportée aux arrêts, voire dématérialisée. Ajoutons aussi dans certains cas (et notamment à Paris et sa petite couronne), une révision des plans de circulation pensés pour les transports en commun, notamment en réassociant au maximum les itinéraires allers et retours... Voilà un vrai urbanisme tactique durable !

Au-delà, il faudra aussi s’interroger sur la valeur du service de transport public, et notamment les modalités de financement, sans exclure les voyageurs. La mise en place de la gratuité semble de peu d’effet sur le report modal depuis la voiture ou les 2 roues motorisés, mais s’invite déjà dans la pré-campagne des élections régionales du printemps prochain.

Or rien n’est vraiment réglé sur ce point : en Ile de France, le mécanisme adopté fait quand même reposer sur la Région la majorité des conséquences de la crise, et dans les autres villes, l’Etat reste sourd aux demandes des collectivités. Le « quoi qu’il en coûte » est déjà dépassé. Mais en Ile de France, le financement de l’exploitation du Grand Paris Express est toujours au point mort. L’Etat ferme les yeux devant un problème qui montera en puissance tout au long de la décennie pour atteindre 2 MM€ par an à horizon 2030…

11 octobre 2020

Des tramways plus longs à Besançon

Avec plus de 40 000 voyageurs par jour, le tramway de Besançon a réussi le pari d'un réseau à coût maîtrisé dans une ville de taille moyenne. S'il n'y a pas à ce jour de perspectives concrètes pour développer le réseau, les voyageurs devraient en revanche bénéficier de rames plus capacitaires et plus nombreuses. Ainsi, 6 des 19 Urbos actuellement en service vont passer de 24 à 37 m par l'adjonction de modules supplémentaires, tandis que 2 rames supplémentaires vont être livrées en formation longue. Pour aller au-delà, il faudrait procéder à des travaux dans l'atelier du tramway pour augmenter sa capacité.

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Besançon - Rue Nicolas Nicole - 20 août 2015 - Le tramway compact n'est pas la seule solution adoptée pour réduire le coût d'investissement du réseau de Besançon : on voit ici une rame vers Chalezeule s'engager sur une section à voie unique dans des rues étroites. © transporturbain

12 septembre 2020

Bordeaux : la municipalité n'aime pas le tramway

L'élection du nouveau maire de Bordeaux pouvait réserver des surprises : on n'est pas déçus !

Nous avions malencontreusement laissé passer entre les mailles de notre filet cette petite déclaration de M. Hurmic, fin juin dernier. Merci à notre fidèle lecteur qui nous l'a rappelée ! Elle vaudrait certainement au nouveau maire une place de choix dans le triste hit-parade des propos les plus déplacés (pour rester poli) en matière de transports publics :

« Trop coûteux, c'est le mode de transport des maires mais pas des travailleurs ».

C'est tellement affligeant que cela pourrait se passer de tout commentaire. On a l'impression d'un - mauvais - remake de Dom Camillo, dans lequel M. Hurmic endosserait le rôle de Pepone. Qui plus est, l'alternative proposée s'appuierait sur des autobus à hydrogène, technologie émergeante, à un coût pour l'instant assez prohibitif ramené à la capacité du système de transport. Pourtant, un écologiste un peu éclairé saurait que le cycle de production, stockage et distribution d'hydrogène n'est pas vraiment vertueux pour l'environnement puisqu'il est d'abord produit avec des énergies grises et qu'il en consomme beaucoup pour les multiples phases de compression - décompression inhérentes à ce cycle. Sans compter les batteries que doivent de toute façon embarquer les véhicules en guise de tampon entre la production de la pile à combustible et les moteurs de traction.

Qui plus est, fut-il à hydrogène, le bus reste un véhicule routier à forte porosité, au sens qu'on peut lui faire faire tout... et n'importe quoi, y compris le considérer au même titre que les véhicules individuels. C'est aussi donc le risque d'avoir, sur des axes à fort trafic qui justifient sans discussion le tramway (voir notre proposition de schéma directeur), la continuité de solutions médiocres, ne bénéficiant que de quelques aménagements ponctuels qui ne feront pas des transports en commun l'épine dorsale de la desserte de la métropole. Un raisonnement qui devrait donc continuer de faire la part belle... à la voiture !

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Bordeaux - Rue Croix de Séguey - 3 juillet 2020 - Donc le tramway, c'est le joujou des maires de la Métropole à en croire le nouveau maire de Bordeaux, qui semble adopter les mêmes considérations que les adversaires conservateurs qui ont conspué depuis les années 1980 le retour de ce mode de transport dans près de 30 villes françaises. Pourtant, même eux semblent avoir compris... © transporturbain

Pour l'instant, on peut constater le fossé entre Bordeaux et Lyon, où M. Doucet à la mairie et M. Bernard à la Métropole et au SYTRAL, misent bel et bien sur les transports en commun avec un programme qui - pour l'instant - apparaît plutôt cohérent, incluant même une rupture par rapport aux 2 décennies écoulées : le tramway arrivera place Bellecour (ou au moins place Antonin Poncet !).

30 août 2020

Lecture d'été : Les transports urbains (M. Bigey - A. Schmider)

Publié en 1971 aux Editions Universitaires, ce petit livre d'une centaine de pages est intéressant à relire, tant pour se replonger dans le contexte de l'époque, et constater à quel point il était en rupture avec la pensée dominante en matière de politique des transports en ville, que pour mesurer les évolutions en quasiment 50 ans. La préface de l'économiste Alfred Sauvy vaut le détour et fixe d'emblée le cap de cet ouvrage de Michel Bigey (futur père du retour du tramway de Nantes) et Alain Schmider, dans lequel on voit poindre, sans le nommer, le tramway moderne (qui existait déjà... mais quasiment pas en France) et une réflexion très critique sur la propension française à plonger tête baissée dans les solutions technologiques, même quand elles sont déconnectées d'une approche pragmatique des besoins.

L'histoire étant souvent un éternel recommencement, il est toujours intéressant de prendre le temps de jeter un oeil dans le rétroviseur. Le papier a un peu jauni... mais les idées restent plus que jamais d'actualité, car le transport public reste toujours la proie de tentations contraires... qui peuvent changer de forme, mais dont les impacts sur leur fonctionnement reste globalement les mêmes.

L'ouvrage n'étant pas aisément trouvable, transporturbain ouvre sa bibliothèque et vous en propose une lecture commentée et illustrée.

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22 juin 2020

Tours : au secours, revoilà le pneu !

Manifestement, les leçons de l'histoire - pourtant très récente - ont du mal à être assimilées par certains esprits. Ou alors c'est encore un effet pervers du confinement...

Commençons par un oubli de transporturbain. Le projet de deuxième ligne de tramway de l'agglomération tourangelle à horizon 2025 a progressé en choisissant en fin d'année 2018 son tracé, en privilégiant l'itinéraire par la gare de Tours en tronc commun avec l'actuelle ligne du carrefour de Verdun à la gare... et avec un étrange choix entre la gare et la place Jean Jaurès, amenant à créer une bifurcation sur la place de la gare et un croisement au débouché de la rue Nationale. Ce n'est pourtant pas la place qui manque...

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Pas de question jusqu'alors sur le mode de transport. Puisqu'il y a déjà un tramway, et que le tracé prévoit un tronc commun avec la ligne actuelle, comment pourrait-il en être autrement ? Eh bien si, voilà qu'ils se posent la question ! Ils ont osé.

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Tours - Avenue André Maginot - 1er septembre 2013 - Puisse l'église du Christ Roi protéger le tramway de Tours de la tentation démoniaque du pneu pour la deuxième ligne... Comment peut-on encore en arriver à ce niveau de réflexion en 2020 ? Amnésie ou méconnaissance ? © transporturbain

Pourtant, l'article de La Nouvelle République met les choses au clair en rappelant les déboires des tramways sur pneus à Caen et Nancy, où le TVR a été ou va être remplacé à court terme par un vrai tramway. A Clermont-Ferrand, les débuts ont été difficiles, et aujourd'hui, comme sur les deux lignes franciliennes, on comprend la douleur avec les surcroûts et les inconvénients d'un véhicule à faible gabarit, sans compter l'inconfort de ce Translohr (oui oui, il existe toujours !)qui se dandine sur son unique rail de guidage avec un roulement sur pneus qui génère des secousses...

Bref en un mot, en un seul, à Tours, pour la deuxième ligne, il faut du tram, et du vrai... pour d'évidentes raisons :

  • homogénéisation technique : mutualisation de la maintenance du matériel roulant et des infrastructures ;
  • interopérabilité du matériel (il faudra donc que les rames de la deuxième ligne soient au gabarit 2,40 m et munies de l'APS) ;
  • moindre consommation d'énergie ;
  • possibilité de choisir son fournisseur (alors avec le Translohr, le constructeur est en situation de monopole) ;
  • confort pour les voyageurs ;
  • possibilité de maillage du réseau intégrant l'actuelle ligne.

On se demande comment on peut arriver à encore rappeler ces évidences en 2020... Mais bon, prenons une nouvelle fois notre bâton de pèlerin !

Ou alors, ils pensent BHNS (mais leur expression est pour le moins confuse)... mais au regard du succès de trafic de la première ligne, qui a démarré avec des rames de 43 m, on peut s'attendre à ce qu'une solution par bus soit notoirement sous-capacitaire.

30 mars 2020

Kamianske ou le maintien des tramways dans une ville ukrainienne

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Un refuge pour attendre le tram ? Pour quoi faire ? La vue a été prise à cent mètres de l'hyper-centre de Kamianske ; la circulation est inexistante, seul le tram passe environ toutes les dix à quinze minutes. Nous sommes bien en Europe, cette Europe un peu oubliée de nos pays à l'agitation frénétique. (Kamianske - Prometei - 14 juin 2018 - © Thierry ASSA)

Lorsque en 1989 le Mur de Berlin tomba, ce fut le début d’une tornade qui annonçait la fin du XXe siècle. Cette tornade n’est pas tout à fait terminée tant les évolutions géopolitiques en Europe sont sans cesse en mouvement. Une génération n’a pas suffi à mettre en place de nouveaux équilibres et il y a fort à parier que les changements violents de 1989-1992 apporteront encore durant de longues années, des événements surprenants.

Dans le monde des transports urbains, les réseaux n’ont évidemment pas continué une vie tranquille. Confrontés à une nouvelle donne économique et sociale, ceux des pays dit jadis  « de l’Est » ont eu à faire face à de profondes mutations et à des difficultés majeures. Si ceux des zones entrées dans l’Union Européenne ont pu bénéficier de cette union pour moderniser progressivement les infrastructures et les services, il en alla tout autrement dans l’ancienne URSS.

Ainsi, depuis 1992, tous les réseaux de tramways ont disparu d’Arménie, d’Azerbaïdjan, de Géorgie ; le Kazakhstan et l’Ouzbékistan ont pu maintenir quelque chose au prix d’autres suppressions. Il en alla de même pour les réseaux de trolleybus. La Russie n’a pas été épargnée qui a perdu quelques réseaux de trams dont, récemment, celui de Tver. La situation en Ukraine n’a pas été facilitée par la Guerre du Donbass, avatar des changements des années 1989-1992 et les tramways ont disparu pour fait de guerre dont ceux de Lugansk en 2014. La Biélorussie a échappé aux difficultés, soutenues par la Russie.

Néanmoins, tant bien que mal, les trams et trolleybus sont maintenus dans des conditions économiques difficiles en Russie ou en Ukraine. Il semblerait que certaines villes aient compris que le tram comme le trolleybus, sont des moyens importants pour conserver un service correct malgré la concurrence des petits autobus privés (Marschroutki). La conservation de ces réseaux, parfois de petite taille, a reçu le soutien des populations locales, attachées à ce symbole de leur vie quotidienne.

Faisons un tour dans l’un d’entre eux, à Kamianske (ancienne Dniprodzerjynsk de l’époque soviétique), ville ukrainienne située dans l'oblast de Dnipro, à 450 km au sud-est de Kiev, dans ce nouveau dossier de transporturbain.

Bonne lecture !

3 mars 2020

Grenoble vers un nouveau marché de tramways

Il en était question lors de l'inauguration du petit prolongement de la ligne A à Pont de Claix pendant les fêtes de fin d'année : le Syndicat Mixte des Mobilités de l'Agglomération Grenobloise (nouvelle appellation du SMTC) devrait lancer un appel d'offres pour la fourniture de 20 rames de tramway de 300 places, qui viendront remplacer 15 TFS, parmi celles n'ayant pas été rénovées, c'est à dire les 15 dernières unités livrées. Le surcroît de 5 rames est la conséquence du projet de réorganisation du réseau avec la création de nouvelles liaisons directes par l'utilisation ou la création de raccordements entre les lignes existantes.

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Grenoble - Rue Félix Poulat - 29 décembre 2018 - La motrice 2050 sur la ligne A : la dernière tranche de TFS devrait être la première à partir avec la commande de nouvelles rames de grande capacité. © ortferroviaire

2 mars 2020

Nancy : le TVR s'arrêtera en décembre 2021

A la fin de l'année prochaine, la France sera enfin débarrassée du TVR. Ce véhicule du troisième genre, asexué du transport urbain, n'était ni vraiment un tramway ni vraiment un trolleybus. Caen l'a détruit et intégralement converti - il est vrai à grands frais - en authentique tramway, et Nancy va donc faire de même. On l'avait bien dit... dès le premier jour d'ailleurs, que ce machin n'aurait qu'une existence éphémère : même en ayant été inauguré par la première dame de France de l'époque, les lois de la physique - et du bon sens - ont fini par l'emporter. Mieux vaut tard que jamais ! On peut même se dire qu'il aura quand même tenu 20 ans !

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Nancy - Rue Saint Georges - 19 septembre 2019 - Le TVR sera-t-il vendu par petits morceaux par cet antiquaire de la rue Saint Georges ? Probablement pas... Bon débarras ! © transporturbain

Ainsi, le 12 février dernier, le Préfet a signé la déclaration d'utilité publique du nouveau tramway qui reliera le parc-relais de la Porte Verte à Essey au pôle hospitalier de Brabois, avec une nouvelle antenne vers un autre parc-relais, à Heillecourt, qui profitera du déplacement de la gare de Houdemont sur la ligne Nancy - Vittel, dont la Région Grand Est a demandé le transfert de gestion (infrastructure + exploitation).

Le Grand Nancy devrait lancer dans l'année les différents marchés, non seulement sur le génie civil mais aussi sur le matériel roulant, avec la commande de rames de 300 places, donc vraisemblablement des modules de 43 à 45 m, et probablement au gabarit 2,40 m. Dans un premier temps sera réalisé le tronc commun entre Essey et Vélodrome, avec une mise en service prévue fin 2023. Brabois retrouvera sa liaison directe en 2026 et Heillecourt sera desservie en 2028.

Dans l'intervalle, les nancéiens vont devoir s'entasser dans des autobus articulés thermiques, seule solution pour gérer les déviations successives d'itinéraires au fur et à mesure des travaux. Mais on peut être surpris des délais annoncés, et surtout de l'écart de 3 ans entre la réalisation du tronc commun et celle de la branche de Brabois. Même chose pour celle de Heillecourt, qui manifestement ne présente pas de difficultés notoires.

 

2 janvier 2020

Une décennie pour les transports urbains

La décennie qui commence sera, du moins espérons-le, celle d'un nouveau rapport entre la ville, ses habitants, ses activités et la façon de se déplacer. Déjà, dans plusieurs villes, l'usage de la voiture commence à reculer. L'usage du vélo augmente d'autant plus nettement quand il est précédé d'aménagements de qualité pour faciliter et sécuriser la circulation vis à vis du trafic automobile. Le citadin réapprend parfois même à devenir piéton, surtout quand les villes font des efforts pour réaménager les trottoirs et délimiter des espaces qui leur sont plus favorables. Les situations demeurent cependant très fluctuantes en fonction des conjonctures locales et de la compréhension du sujet par les élus locaux. A ce titre, on a pu constater que les revirements pro-voiture qui ont suivi les élections municipales de 2014 ont souvent été de courte durée : le bon sens a fini par l'emporter. La cure de réduction de la dépendance exclusive à la voiture n'est pas terminée, mais le processus est tout de même globalement engagé.

Les transports en commun apparaissent plus que jamais comme l'épine dorsale des transports dans les bassins urbains. On peut tout de même mesurer l'important chemin accompli depuis le tournant des chocs pétroliers de 1973 et 1979 : il est indéniable que les réseaux urbains reviennent de loin, mais pour autant, le retard accumulé durant les Trente Glorieuses, civilisation de l'auto-mobilité, reste conséquent. Alors que de plus en plus de déplacements se font autour du coeur d'agglomération, les investissements portent encore principalement sur la (re-)constitution de lignes radiales : Strasbourg (avec la ligne E), Grenoble (avec la ligne D), Nice (avec la ligne T3) et Lyon (avec la ligne T6) font exception avec la réalisation au moins d'amorces de lignes de rocade.

En ce début d'année 2020, la France compte, hors Ile de France, 5 réseaux de métro (Marseille, Lyon, Lille, Toulouse et Rennes), 25 réseaux de tramways classiques et une ligne de tramway sur pneus (Clermont-Ferrand). Il faut aussi ajouter que 3 réseaux de villes frontalières desservent la France : le tram-train de Sarrebruck vient à Sarreguemines, le réseau bâlois dessert Saint Louis en plus du village du Leymen et désormais Annemasse avec les tramways genevois.

Le marché du tramway en France devrait être, au cours de la décennie, animé car une première projection peut faire état d'un besoin minimal d'au moins 450 rames en ne considérant que le renouvellement des premières générations et les opérations déjà identifiées. Ainsi, Nantes prévoit le remplacement des 46 TFS. D'ici 2030, il faudra probablement en faire de même avec les 53 TFS grenoblois. En Ile de France, l'appel d'offres est déjà passé pour retirer les 35 éléments du T1, dans un appel d'offres de 120 unités couvrant l'ensemble des besoins de la rocade nord entre Rueil-Malmaison et Val de Fontenay. A Lille, si on ne connaît pas encore l'ampleur des besoins liés à la réalisation de nouvelles lignes, du moins faudra-t-il remplacer les 24 rames Breda actuelles. Enfin, à Nancy, il faudra remplacer le TVR et l'agglomération projette l'acquisition de 25 rames.

Au chapitre des développements, outre Lille dont on ne connaît pas encore le volume de rames nécessaires pour les nouvelles lignes esquissées l'an passé, Angers aura besoin d'une vingtaine de rames pour ses 2 nouvelles lignes, tandis que Montpellier devrait see doter de 29 rames pour la ligne 5. Les extensions marseillaises devrait générer la commande d'une trentaine de rames. Brest aurait besoin de 10 unités et Tours d'une vingtaine, pour leur deuxième ligne. On peut d'ores et déjà considéré que Lyon devra acquérir au moins une dizaine de rames pour le prolongement de T6 jusqu'au campus de La Doua. Les réflexions havraises pourraient motiver le besoin de 12 à 20 rames selon l'ampleur des investissements, incluant notamment la transformation de la ligne ferroviaire de Rolleville.

Le métro ne restera pas à quai. Dès cette année, une tête d'affiche : la deuxième ligne de métro à Rennes avec la première mise en exploitation du Cityval de Siemens. Lyon reçoit ses MPL16 dans le cadre de l'automatisation de la ligne B et du renforcement de la capacité de la ligne D. Toulouse allonge ces jours-ci les trains de la ligne A pour faire face à la hausse continue et soutenue de la demande. Marseille vient de désigner Alstom pour renouveler son matériel, en lien avec l'automatisation de son réseau. Lille finira bien par accoucher du projet d'augmentation de capacité de sa première ligne...

Voici donc pour le socle, et encore une fois, hors Ile de France (pour laquelle nous consacrons un article similaire dans transportparis).

Quant aux véhicules routiers, on peut à grands traits esquisser deux lignes d'action : l'amélioration des performances de l'exploitation, avec la réalisation de BHNS plus ou moins évolués dans leur degré de séparation par rapport à la circulation générale, et l'électrification de la motorisation. Le bus électrique à batteries semble démarrer plus difficilement que ce que l'imaginaient constructeurs et élus locaux, ce qui ouvre une brêche favorable au trolleybus nouvelle génération, ne posant pas de question d'autonomie et de modalités de recharge nocturne. Puisse cette décennie faire du slogan de transporturbain « le trolleybus est le seul bus électrique complètement interopérable » une réalité communément admise. La relance à Saint Etienne et les nouveaux projets lyonnais seront certainement scrutés par de nombreux observateurs.

Au-delà, il faudra assurément constituer un fonds d'investissement pour les transports publics, de sorte à ce que l'Etat - et aussi l'Union Européenne - puisse soutenir les collectivités locales dans ces projets au nom de la réduction de la consommation d'énergies fossiles importées. La FNAUT ne cesse de demander le lancement d'un nouvel appel à projets type Grenelle Environnement, mais son efficacité ne peut être réelle sans un appui financier conséquent. La prise de conscience de la population est bien réelle et les attentes sont fortes. Se traduiront-elles dans les urnes ? La sphère politique est-elle vraiment au diapason du corps électoral ? Si nous posons les questions, c'est que nous ne sommes pas convaincus des réponses... Néamoins, le transport public urbain a devant lui une décennie prometteuse si on lui en donne réellement les moyens, ce qui supposera de faire des choix, qui seront parfois jugés tranchés sinon radicaux... mais on a trop attendu, en dépit des réels efforts accomplis au cours des 4 dernières décennies.

Quant au véhicule autonome, promis par certains à un grand avenir, il est encore en phase expérimentale, avec des véhicules de très faible capacité à une vitesse très réduite. L'autonomie totale des véhicules routiers ne sera probablement pas mûre de sitôt, moins pour des raisons techniques qu'administratives : la maîtrise technologique évolue mais c'est dans la définition des responsabilités qu'il faudra statuer en cas d'accident. Le véhicule autonome privilégiera-t-il ses occupants ou le piéton face à lui ? Autre interrogation : ces véhicules nécessitent une hyper-connectivité et une fiabilité des bases de données (de sorte à ce que la voiture ne cherche pas à passer par une rue en escaliers par exemple...). Qui plus est, dans une vision partagée, il n'est pas avéré que ces nouveaux véhicules soient plus économes en distance parcourue. En revanche, la décennie qui débute pourrait être celle d'une déconnexion croissante entre la propriété et l'usage de l'automobile.

Bonne année !

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