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transporturbain - Le webmagazine des transports urbains

VAL : le pionnier du métro automatique

Il y a certes eu le réseau interne de l'Exposition Universelle de Montréal en 1967, dont l'exploitation fut prolongée jusqu'en 1972 par la ville, mais sans succès et dans un but ludique, et le Kobe Port Liner au Japon, destiné à la desserte de l'aéroport de Kobe, en 1981 (merci à nos lecteurs pour ces précisions).

Le premier métro urbain automatique du monde - au sens d'une exploitation régulière sur un service d'intérêt général - est quand même considéré comme français… mais il n’est pas parisien (même si la RATP s'arroge fréquemment le titre). Néanmoins, Kobe peut effectivement prétendre aussi à ce titre, quoique l'écart de 2 ans semble surtout le fait d'un délai de réalisation plus rapide au Japon.

Il est lillois et c’est au professeur Robert Gabillard qu’on doit cette invention technique, qui sut répondre au défi fixé par Arthur Notebart, maire de Lille. D’où son nom : VAL comme Véhicule Automatique Léger et… Villeneuve d’Ascq – Lille puisque tel était l'enjeu du projet de recherche.

Quand la recherche devient appliquée

La naissance de la première génération de métro automatique est donc indissociable de la genèse du réseau de Lille. Plus encore, le VAL est véritablement un système de transport complet fondé sur un véhicule de petit gabarit pour en limiter le coût de construction et automatique pour réduire les coûts d’exploitation.

Les travaux sur l’électromagnétisme en milieu souterrain du professeur Gabillard ont donc été orientés sur la création d’un système transport public rapide et à fréquence élevée, visant environ 6000 places / heure / sens. C’est le couple d’un module à petit gabarit, à fréquence élevée et vitesse soutenue, disponible 20h sur 24, qui a donc donné naissance au brevet du système VAL en 1971. A l’époque, le groupement Matra – CIMT - CEM avait été retenu pour engager un projet de transport dans l’agglomération et construire un prototype, réalisé en 1973 à Lezennes.

prototype-val

L'essai du prototype VAL, encore objet de recherche, mais devenant concrète... et qui commençait à se faire savoir, mais l'idée d'un transport de voyageurs automatique était encore très novatrice : il lui fallait faire ses preuves. (cliché X)

Lille ouvre la voie

Les études de la SOFRETU évaluaient le gain sur le génie civil à 15% et sur l’exploitation à 30% par rapport à un métro conventionnel avec un véhicule à petit gabarit facilitant l’insertion de l’infrastructure dans des environnements difficiles Néanmoins, l’idée rencontre de nombreuses réticences et oppositions, fondées pour partie sur une forme de peur de la nouveauté : « erreur funeste », gaspillage financier, mise en danger de la sécurité des voyageurs… Tout y est passé. Certes, la première ligne avait été estimée à 230 MF en 1972, coût réévaluée à 875 MF en 1974, mais cette réévaluation ne doucha pas les ardeurs lilloises.

Reportage du journal d’Antenne 2 du 30 juin 1975 présentant le projet, avec la boucle de démonstration et le véhicule prototype.

La Déclaration d’Utilité Publique de la première ligne de métro de Lille en 1976 a été contrariée par le rejet du projet de concession initialement envisagé. La Communauté Urbaine de Lille assuma donc seule les coûts du projet, mais aussi les frais de développement du système de transport. Matra prit alors son bâton de pèlerin pour intéresser d’autres villes : Nice, Bordeaux, Toulouse et Strasbourg, furtivement Nantes et Rouen, mais il manquait une réalisation concrète et il fallut donc attendre l’inauguration lilloise en 1983 pour donner de la visibilité au VAL.

1983-09-02 - LIlle - Quatre Cantons - Assa - 01

Lille - Quatre Cantons - 2 septembre 1983 - Les débuts du VAL en service commercial à Lille. Le logo du système de transport se confond un peu avec la première ligne dans l'agglomération nordiste. Avec le métro automatique, sont également apparues les portes palières pour séparer les quais des voies. © Th. Assa

1984-02-17 - LIlle - Quatre Cantons - Assa - 01

Lille - Quatre Cantons - 17 février 1984 - Les portes palières concourent à la sécurisation du réseau et donc à sa fiabilité. On note d'ailleurs que le système VAL réduit au maximum les temps techniques alors que sur les métros automatiques modernes, s'écoulent plusieurs secondes entre l'arrêt de la rame et l'ouverture des portes. © Th. Assa

Reportage du journal d’Antenne 2 du 25 avril 1983, duquel on note la conclusion pessimiste sur le système VAL… d’autant plus quand on songe qu’il est à l’origine de tous les métros automatiques du monde entier !

Matra visait grand et démarcha aussi les Etats Unis : Miami, Los Angeles, Orlando, Chicago, Jacksonville. En Asie, Taipei fut aussi sondée.

1984-02-17 - LIlle - Quatre Cantons - Assa - 02

Lille - Quatre Cantons - 17 février 1984 - La constitution des viaducs sur le VAL a été conçue pour limiter les coûts, en recourant parfois à des systèmes de préfabrication, et en évitant le percement d'un tunnel dans certains quartiers de faible densité, ou comme d'ici dans la traversée de l'hôpital. © Th. Assa

VAL ou tramway : le grand débat des années 1980

En France, le VAL occupa les débats lors des élections municipales dans les années 1980. Il s’imposa à Toulouse. A Rennes, le clivage avec Nantes amena à un choix diamétralement opposé, objet de vives polémiques. A Strasbourg, le VAL fut au cœur de la campagne électorale de 1989 et centra l’élection sur le choix entre le tramway et le métro. A Lyon, la conversion du projet de 4ème ligne en métro automatique, malgré la présence de Matra, mit de côté la technologie du VAL.

VAL-rennes

Le VAL de Rennes avec ses rames VAL208 : la deuxième ligne qui sera mise en service en 2020 sera dotée d'une nouvelle génération de matériel, avec un gabarit et des systèmes de guidage et d'exploitation totalement différents. (cliché Rennes Métropole)

Le VAL fut également retenu pour la desserte entre le RER B et l’aéroport d’Orly, qui se révéla un échec financier retentissant amenant la RATP à reprendre l’exploitation. Le VAL est aussi venu remplacer le projet de SK, funiculaire horizontal devant desservir l’aéroport de Roissy. En Europe, le métro de Turin a adopté la technologie VAL. Enfin, la dernière réalisation est en Corée du Sud, à Uijeongbu, mise en service en juillet 2012.

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Aéroport d'Orly - 1995 - Le VAL dans un rôle particulier : la desserte interne de l'aéroport d'Orly mais aussi la connexion avec le RER, dans un montage financier qui a échoué... et avec un schéma de desserte jugé encore peu attractif. La ligne 14 du métro prolongée à Orly pose la question du devenir d'Orlyval, probablement reconverti en 19ème ligne de métro avec la création de nouvelles station. © J.H. Manara

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Aéroport de Roissy - 21 septembre 2017 - Après l'échec technique du SK avant même la fin de sa construction, les installations, dont le béton avait à peine eu le temps de prendre, ont été transformées pour installer un VAL208 assurant la desserte interne et gratuite de l'aéroport. © transporturbain

L’aventure Matra dans les transports

Un mot sur l’entreprise Matra : Matériel Aviation Traction, d’abord désignée Capra à sa fondation en 1937 (Compagnie anonyme de production et réalisation aéronautique), était surtout destinée à la fabrication d’armes lourdes. En 1962, elle se diversifia dans l’aérospatiale et l’automobile. Dans les années 1970, sous la présidence de Jean-Luc Lagardère, l’entreprise se diversifia, notamment dans les médias, en prenant le contrôle d’Europe 1 et de Hachette. C’est avec cette diversification que Matra s’engagea dans l’aventure du transport public avec Matra Transport et le VAL en projet phare.

Nationalisée à 51% par l’Etat en 1981, Matra fut aussi à l’origine du Renault Espace, le premier monospace, mais dut amorcer des restructurations. Actionnaire de la CIMT (Compagnie Industrielle de Matériel de Traction), elle céda ses parts à Alsthom.

Cependant, Matra était un petit poucet à l’échelle européenne. Siemens monta au capital de la branche Transports avec la privatisation en 1987. Le gouvernement français pousse à la fusion avec Aérospatiale opérée en 1999, précédant de 2 ans la création d’EADS avec l’Allemagne. En 2001, Siemens prit totalement le contrôle de Matra Transport, et récupéra donc les brevets de la technologie du métro automatique.

Le VAL est un symbole des recherches technologiques des années 1970 et 1980, mais c’est l’une des rares à avoir connu un débouché commercial. Il a été malgré tout assez modeste pour le produit complet, mais les aventuriers du VAL ont ouvert la voie à l’ensemble des métros automatiques sans conducteurs, un marché sur lequel Siemens s’est taillé la part du lion.

VAL206 et VAL208 

Le premier véhicule de série, le VAL206, est une rame de 26 m de long, large de 2,06 m, haute de 3,25 m, à roulement sur pneumatiques, assurant une sécurité accrue par l’adhérence plus élevée, se traduisant par un freinage plus performant et une précision d’arrêt en station. La voie du VAL est à un écartement particulier, les pistes supportant les pneus étant séparées de 1620 mm. L’alimentation s’effectue assez classiquement par un 3ème rail alimenté en 750 V.

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Toulouse - Basso-Cambo - 2 mai 1998 - Le VAL206 a aussi été adopté à Toulouse par la SEMVAT, exploitant à l'époque le réseau. La ligne A circule en viaduc à ses deux extrémités tandis que la ligne B circule entièrement en tunnel. (cliché X)

Ce petit véhicule léger ne pèse que 30,5 t, et dispose de 4 moteurs développant une puissance de 480 kW soit 15,7 kW / t.

La capacité est d’environ 160 places dont 44 assises. Le VAL206 a donc la capacité du tramway français standard alors en développement pour le projet nantais.

Les VAL206 sont présents à Lille et à Toulouse, sur la première ligne et sur Orlyval.

Le modèle VAL208 constitue son évolution avec une motorisation synchrone à aimants permanents. La rame, d’allure plus profilée, est plus large de 2 cm, d’où son appellation VAL208. La puissance des rames est portée à 520 kW (65 kW par moteur) pour une masse de 28 tonnes. La capacité est identique aux rames VAL206.

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Le viaduc surplombant la voie rapide, de type bow-string, relie les stations de Jolimont et de Balma-Gramont. Deux rames VAL208 portant les couleurs de Tisséo se croisent sur cet ouvrage de structure assez légère. (cliché Siemens)

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Intérieur d'une rame VAL208 toulousaine : c'est tout de même bien étroit et la capacité est limitée malgré un nombre minimal de places assises. En compensation, la fréquence doit être resserrée... avant d'allonger les trains, ce qu'a fait Toulouse sur la ligne A, où est pris ce cliché au franchissement de la rocade. (cliché X)

Le VAL208 circule à Lille, à Rennes, à Toulouse, à Turin, à l’aéroport de Roissy et à Uijeongbu.

VALturin

La première ligne de Turin, mise en service en prévision des Jeux Olympiques, est de facture classique pour un VAL208. Une deuxième ligne est en projet mais le système de transport n'est pas encore déterminé : il sera assurément incompatible avec la ligne existante (cliché GTT)

VAL256 : le produit pour l’exportation

Le modèle VAL256 a été vendu à la fin des années 1980 pour l’exportation, avec une caisse unique de plus grande largeur (2,56 m), pensée comme un « people mover ». Les succès de Chicago et Jacksonville aux Etats-Unis furent cependant douchés par l’arrêt du service de 4 km de Jacksonville, le matériel étant vendu à Chicago. Il fut également vendu à Taipei.

Les VAL 256, d’une longueur de 13,78 m, disposent de 44 places assises pour un emport total de 114 places. Les modules sont couplables jusqu’à 4 unités. L’écartement entre les pistes de roulement est porté à 1,88 m.

Neoval : un nouveau concept

Siemens reprit le brevet du pilotage automatique développé par Matra,

Le Neoval s’appuie sur une nouvelle génération de pilotage automatique et un nouveau module de transport développé avec l’industriel alsacien Lohr. Il se décline en 2 versions : Airval pour les dessertes aéroportuaires et Cityval pour les dessertes urbaines. Il est intéressant de noter que le Neoval apparaît sur le site Siemens Mobility à la page des « people moover » et non des métros.

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Deux vues du nouveau matériel de la deuxième ligne de Rennes. En haut, le 1er octobre 2019, animation au congrès du GART : le Secrétaire d'Etat aux Transports visite le Cityval. En bas, à Innotrans le 19 septembre 2018,avec au premier plan l'attelage automatique et le système de guidage avec les fameux galets en V autour d'un rail central. © transporturbain

Le partenariat avec Lohr Industries ne se limite pas à la production des caisses : Siemens s’est aussi intéressé au système de guidage du véhicule par un rail central, développé pour le Translohr, le « tramway sur pneus ». Le rail est pincé par 2 galets en V,  placés en amont de l’essieu de type routier, doté de moteurs-roues. La caisse est donc indépendante du truck routier, qui peut s’accommoder de courbes très serrées, jusqu’à un rayon de 10,5 m.

La rame de base est composée de 2 caisses, d’une longueur de 22,4 m. Elle est proposée en 2 largeurs : 2,65 m ou 2,80 m, avec 2 portes de 1,95 m d’ouverture par face et par voiture. Leur hauteur est de 3,61 m. Ces modules se distinguent par leur importante surface vitrée et l’intégration d’un système d’évacuation par l’avant de chaque caisse. L’alimentation reste assurée par un rail latéral sous 750 V.

Siemens propose la rame en configuration à 2, 3, 4, 6 ou 9 voitures. Pour l’instant, le produit a été retenu à Rennes pour la 2ème ligne de métro qui ouvrira en fin d’année 2020. Il est évidemment pressenti à Toulouse pour le Toulouse Aerospace Express.

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