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transporturbain - Le webmagazine des transports urbains
13 octobre 2020

Le transport public dans l'incertitude

Une lente remontée de la fréquentation mais des signaux d'alerte

Comme tous les autres secteurs d’activité, le transport public paie un lourd tribut à cette crise sanitaire dont on ne connait pas – encore la fin – pour mesurer l’ampleur de ses conséquences. Il le paie d’autant plus fortement que c’est par nature un lieu concentrant une population importante sur un espace restreint. Pour autant, de ce que l’on arrive à déterminer actuellement, les transports publics ne seraient pas un lieu de transmission majeur de ce virus. En revanche, une véritable inquiétude est apparue dans la population.

Avec le confinement du printemps, le trafic s’est effondré, chutant de 90 à 95%, que ce soit pour les transports urbains et interurbains. Si des allègements d’offre ont été opérés, il n’en demeure pas moins que les frais fixes n’ont pas diminué, entrainant une explosion des déficits. Si l’Ile de France a finalement obtenu gain de cause, les autres autorités organisatrices attendent toujours la traduction du « quoi qu’il en coûte » présidentiel.

Avec la rentrée 2020, on a pu constater un net regain du trafic, sans revenir au niveau nominal : le télétravail, pour les métiers compatibles, et une évolution des choix modaux entrainent un plafonnement du trafic, autour de 80% en moyenne nationale, du moins pour les heures de pointe. En revanche, le trafic en heures creuses a fortement chuté, y compris le week-end.

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Bourg en Bresse - Rue Pierre Sémard - 20 octobre 2017 - Conjoncture difficile pour les petits réseaux, a fortiori quand les conséquences de l'effondrement du trafic ne sont pas reconnues : les transports en commun sont essentiels à la vie d'une cité, quelle que soit sa taille. © transporturbain

Incontestablement, l’augmentation de l’usage du vélo explique aussi l’érosion de la fréquentation des transports publics, mais il y a aussi un retour à la voiture qui ne doit pas être occulté d’autant que le niveau de congestion des grands axes a été l’un des premiers phénomènes revenus à la normale après le déconfinement. La crise sanitaire a donc entraîné un retour à l’individualisme pour une partie de la population, encouragé par des aménagements « temporaires » y compris aux dépens des transports publics de surface.

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Paris - Porte de Saint Cloud - 10 octobre 2020 - Exemple d'aménagement favorisant les vélos mais pas vraiment les usagers des autobus. Pourquoi ne pas avoir conservé l'unité de la gare des autobus en plaçant la piste cyclable entre celle-ci et la circulation automobile ? Sans compter les conditions d'attente des voyageurs plus que précaires et que la limite du mini-trottoir bitumé est invisible. © Th. Assa

Sur les longs parcours, la SNCF a constaté un été moins pire que prévu avec 85% du niveau de 2019, mais souffre depuis la rentrée de la faiblesse du trafic d’affaires et de moindres déplacements pour motif loisirs le week-end. Résultat, des allègements d’offres TGV, une activité aux risques et périls de la SNCF.

Ne pas surestimer les effets du vélo et du télétravail

Dans ces conditions, l’économie du transport public est durablement bouleversée, car les prévisions faisaient état à la fin de l’été d’un retour possible à une situation nominale dans un délai de 2 ans. Mais les incertitudes demeurent quant à l’évolution de la pandémie et les décisions politiques qui seront prises dans les prochaines semaines et les prochains mois.

L’étude réalisée récemment par Kisio pour SNCF Transilien sur l’Ile de France est assez riche d’enseignements. La généralisation de 2 jours de télétravail pour les 29% de salariés potentiellement éligibles entrainerait un écrêtement de 6 à 13% selon les axes de la charge en heure de pointe. Un bénéfice relativement modeste, qui pourrait a minima procurer un meilleur confort, mais il ne faut pas écarter un scénario optimiste avec une nouvelle vague de report modal de la voiture vers les transports publics à iso-offre et taux d’occupation constant grâce à la pérennisation de cette dose de télétravail.

Cependant, la question de fond est celle de la soutenabilité de transports publics avec un déficit accru du fait d’un décrochage du trafic et en particulier de la clientèle occasionnelle, celle qui n’est pas abonnée. Outre le fait qu’une compensation par l’Etat des conséquences du confinement est impérative à court terme, il va falloir interroger le modèle économique à moyen terme et éviter une spirale malthusienne, qui a le mérite de la simplicité mais peut prétendre au trophée de l’inefficacité. Alléger les dessertes en heures creuses ne réduira que marginalement le coût global du service structuré par les pointes, mais aura assurément un effet sur la non-attractivité du service public.

La crise environnementale n'a pas été confinée...

En outre, il ne faut pas oublier qu’au-delà de la crise sanitaro-économique, il y a aussi – surtout ? – une crise environnementale qui appelle inéluctablement à accroître le rôle des transports publics au détriment du transport individuel motorisé… et que le vélo n’est une réponse que très partielle, écrêtant tout au plus les pointes.

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Marseille - Rue de la République - 14 février 2014 - Les transports publics constituent la solution la plus efficace pour réduire l'usage de la voiture en ville et structurer un urbanisme de densité durable. En coeur d'agglomération, le vélo peut tout au plus écrêter les pointes. SItuation probablement différente en périphérie, notamment pour organiser les rabattements sur les modes lourds. Rappel : la circulation des bicyclettes sur les voies des tramway est interdite ! © transporturbain

Pour affronter cet enjeu durable, il va falloir donner aux transports publics le moyen de surmonter une crise durable, en maintenant une offre soutenue malgré une moindre fréquentation. L'une des clés pour maîtriser les coûts de fonctionnement réside dans un mot qui heurte bien des oreilles : productivité. En la matière, il s'agit d'augmenter la vitesse commerciale, par des aménagements assurant - restaurant parfois - de bonnes conditions de circulation : cela concerne évidemment d'abord les réseaux de surface, autobus et trolleybus aux premières loges. Voies vraiment réservées, sites propres, priorité aux carrefours, accélération des échanges aux arrêts avec l'accès par toutes les portes, vente de titre de transport déportée aux arrêts, voire dématérialisée. Ajoutons aussi dans certains cas (et notamment à Paris et sa petite couronne), une révision des plans de circulation pensés pour les transports en commun, notamment en réassociant au maximum les itinéraires allers et retours... Voilà un vrai urbanisme tactique durable !

Au-delà, il faudra aussi s’interroger sur la valeur du service de transport public, et notamment les modalités de financement, sans exclure les voyageurs. La mise en place de la gratuité semble de peu d’effet sur le report modal depuis la voiture ou les 2 roues motorisés, mais s’invite déjà dans la pré-campagne des élections régionales du printemps prochain.

Or rien n’est vraiment réglé sur ce point : en Ile de France, le mécanisme adopté fait quand même reposer sur la Région la majorité des conséquences de la crise, et dans les autres villes, l’Etat reste sourd aux demandes des collectivités. Le « quoi qu’il en coûte » est déjà dépassé. Mais en Ile de France, le financement de l’exploitation du Grand Paris Express est toujours au point mort. L’Etat ferme les yeux devant un problème qui montera en puissance tout au long de la décennie pour atteindre 2 MM€ par an à horizon 2030…

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Commentaires
G
Je suis étonné de lire « ce que disent les conseillers techniques et experts qui entourent JB Djebarri » déterminerait les décisions d'urbanisme de maires de villes de province. Vous avez des sources à ce sujet ou c'est juste votre représentation fantasmée du fonctionnement des collectivités locales ?
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M
A paris, tout les aménagements cyclable ne sont ils pas la pour chasser les voitures ?<br /> <br /> S'ils y a des dégâts collatéraux sur les bus ou encore que les pistes sont faite en dépit du bon sens c'est pas grave ?<br /> <br /> <br /> <br /> Je constate que de plus en plus de livreurs se garent sur la route faute de place. Les bus arrive parfois à les contourner d'autres fois ils restent bloqués.
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O
Traduit à l'échelle française, ce qu'on peut imaginer à l'échelle de Montélimar ou de Romorantin-Lanthenay n'est pas franchement envisageable à l'échelle d'une mégapole comme Paris... au sens large et non pas seulement les 20 arrondissements.
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V
"Pourquoi ne pas avoir conservé l'unité de la gare des autobus en plaçant la piste cyclable entre celle-ci et la circulation automobile ?"<br /> <br /> <br /> <br /> Cela n'aurait-il pas impliqué que les bus coupent la piste cyclable ?
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C
C'est marrant l'aménagement cycliste Porte de Saint Cloud, ca doit être le seul du 16ème. La mairie d'arrondissement ne fait rien pour les vélos. Parfois on frise au délire (essayer de suivre la piste cyclable Porte Dauphine...).<br /> <br /> Après je suis 100% d'accord cet aménagement est débile
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R
Cher ORTF, vous tapez encore sur le vélo, mais moins fort que ces derniers temps. Je le note. Passons ;)<br /> <br /> <br /> <br /> On manque de chiffres, récoltés et traités par des gens sérieux, mais j'ai l'impression que le télétravail est la grande faucheuse des TC, plus que le vélo.<br /> <br /> <br /> <br /> Petit exemple outre-atlantique (on en parle assez peu ici) avec l'agglomération de Washington. Suite à un gravissime accident sur la ligne rouge du métro (juin 2009, 9 morts, 70+ blessés), s'en est suivi une descente aux enfers de ce réseau construit ex-nihilo dans les années 70 et 80. Rebelote en 2015, avec un dégagement de fumée sous tunnel qui envoie 84 personnes à l'hôpital et une personne à la morgue. De nombreux incidents — heureusement moins graves — ponctuent régulièrement l'actualité du réseau…<br /> <br /> <br /> <br /> Depuis le premier accident de 2009, les rapports s'accumulent pour pointer du doigt les dysfonctionnements systémiques, le manque d'investissement chronique dans l'entretien même élémentaire (sans même parler de régénération/renouvèlement), les mauvaises pratiques des employés *et* du management, etc. Depuis quelques années, les fonds et les méthodes sont enfin là pour remettre d'aplomb le réseau, faire des RVB, changer les aiguillages, mettre des patrouilles pour vérifier voies et 3ème rail électrique, etc.<br /> <br /> <br /> <br /> Mais, lassés de la piètre qualité de service et des interruptions massives (du style Castor, mais à tout moment de l'année, et services de bus de remplacements complètement chaotiques les premiers temps), nombreux sont ceux qui dans la région de Washington ont trouvé d'autres moyens de transport mais surtout se sont mis au télétravail partiel, y compris chez les fonctionnaires (nombreux dans la région), et le réseau a perdu près de 20% (!) de ses usagers entre 2011 et 2018 (dont près de 15% ! pour la seule année 2016, suite au dégagement de fumée).<br /> <br /> <br /> <br /> La solution de l'opérateur pour reconquérir ses clients ? La *fiabilité* du service. Continuer les travaux difficiles (le retard est suffisamment rattrapé que désormais les travaux sont faits comme chez nous pendant les vacances ou la nuit/weekends), renouveler le matériel, tout ça pour réduire les incidents et donner confiance aux usagers qu'ils arriveront raisonnablement à l'heure (et en vie !) et de manière régulière, jour après jour. Jusqu'à la pandémie, les courbes étaient en train de s'inverser, les usagers de revenir dans les trains.<br /> <br /> <br /> <br /> Retour en IdF, à coup sûr, la pandémie change vraiment la donne, du moins tant qu'il n'y aura pas de vaccin ou tout autre médicament permettant de lever durablement les mesures de distanciation sociale. Néanmoins, je pense que c'est clairement le bon moment pour continuer un maximum les efforts sur la régénération des infrastructures (coucou RER B et tes pannes de signalisation tous les jours) et du matériel roulant afin de préparer au mieux l'avenir. Peut-être que certaines nouvelles lignes pourrait être reportées voire annulées. À coup sûr investir largement dans les équipements vélo dans les gares afin de concilier vélo et TC, surtout en banlieue.
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