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transporturbain - Le webmagazine des transports urbains

BHNS : quelles applications ?

Pas toujours à la portée des finances des collectivités locales et pas systématiquement justifié compte tenu des prévisions de trafic, le tramway ne constitue pas une réponse universelle aux besoins d’augmentation de performance des réseaux de transports urbains. Cependant, en plus de 25 ans de résurrection, le tramway a acquis une certaine notoriété en termes d’image et d’impact sur l’aménagement urbain auquel le bus ne peut prétendre.

La montée en gamme de l’autobus constitue une situation intermédiaire qui peut constituer une réponse pérenne, pour des axes à trafic moyen où le tramway n’est pas durablement justifié. Encore faut-il s’entendre sur ce créneau de pertinence. A ce sujet, nous vous invitons à consulter le dossier de transporturbain consacré à l'alternative tram ou BHNS et le dossier du CEREMA.

Le concept de BHNS n’est pas uniforme et les différentes applications en France montrent qu’il peut s’adapter à différents contextes : la notion de « haut niveau de service » est donc à géométrie assez variable. Il peut s’agit d’une ligne de bus en site propre intégral avec priorité aux carrefours et des stations de type tramway (cas de Nantes) et, à l’opposé, d’une ligne de bus bénéficiant d’aménagements ponctuels de voirie.

transporturbain vous propose d’analyser quelques cas types.

Aux origines

Si le premier couloir d’autobus est parisien, en 1964 quai de la Mégisserie, le développement des voies réservées aux autobus fut assez tardif. Dans les années 1970, une première prise de conscience des limites d’une politique des transports uniquement fondée sur l’automobile se fait sentir. On assiste aux premières révisions de plan de circulation pour faciliter la circulation des autobus, avec des couloirs réservés, parfois à contresens. C’est notamment le cas à Besançon dès 1977, sous la direction du maire Jean Minjoz. Six ans plus tard, la rue de la Liberté à Dijon est réservée aux autobus, tandis qu’à l’achèvement des travaux du métro de Lyon, la rue de la République l’est également entre l’hôtel de ville et la place des Cordeliers dans le cadre d’une vaste piétonisation.

D’autre part, la ville nouvelle d’Evry se singularisait par la création d’un réseau d’autobus (prévu initialement pour être exploité en trolleybus) avec plusieurs longues sections en site propre.

Cependant, ces aménagements restaient ponctuels et servaient aux lignes existantes, constituant le plus souvent des troncs communs centraux sommairement aménagés.

Trans Val de Marne : un pionnier ?

En 1994, la RATP mettait en service une nouvelle ligne de bus entre le marché international de Rungis et la gare de Saint Maur Créteil, baptisée Trans Val de Marne, établie en site propre sur l’essentiel du parcours et bénéficiant de stations aménagées de façon identique au tramway, mis en service deux ans plus tôt. L’aménagement urbain a été ponctuellement revu, surtout dans le but d’organiser les correspondances avec les autres lignes de bus, mais aussi le métro et le RER.

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Choisy le Roi - Avenue Jean Jaurès - 13 décembre 2013 - Le site propre du TVM accueille aussi entre Thiais et Créteil la ligne 393 qui circule également totalement en site propre mais n'a droit ni à un label TVM2 ni TZen. La RATP y essaya un Crealis prototype. © transporturbain

Elle fut d’abord exploitée avec des autobus articulés PR180.2 similaires aux autres véhicules du parc RATP, mais qui se différenciaient par une livrée personnalisée. La vitesse commerciale est élevée, de l’ordre de 22 km/h sur cet axe de rocade empruntant la RN186. C’est la première application de ce qu’on n’appelle pas encore le BHNS, une ligne de bus en site propre quasi intégral, avec une identité particulière, mais pas encore de véritable priorité aux carrefours.

Voir le dossier de transportparis sur les BHNS franciliens.

Busway et Tzen : des applications maximalistes

Après avoir fait renaître le tramway en 1985, Nantes disposait de 3 lignes en 2000 et envisageait un schéma de développement global de ses transports en commun articulé sur la poursuite du réseau de tramway et la mise en place d’un réseau complémentaire sur des itinéraires affluents. Après avoir envisagé le tramway pour la desserte du sud-est de l'agglomération, elle se résolut à maintenir une solution routière et développa avec Transdev, opérateur de SEMITAN, un concept de bus à haut niveau de service aux prestations assez voisines de celles du tramway. Baptisé Busway, la première ligne a été mise en service en 2006 entre la cathédrale et l'entrée de Vertou. En 2020, une deuxième ligne a été créée, par amélioration de la ligne C5 entre la gare et l'île de Nantes, qui avait déjà bénéficié de plusieurs améliorations dont un tracé majoritairement en site propre. Cette ligne récupéra le matériel initial du Busway (ligne 4), lors de l'augmentation de capacité de ce dernier.

Pour aller plus loin, le dossier de transporturbain sur le Busway.

Le concept a fait des émules jusqu'en Ile de France. Le 4 juillet 2011, la première ligne du nouveau concept francilien de BHNS, le Tzen, était mise en service entre les gares de Corbeil Essonnes et de Lieusaint-Moissy. Dans un premier temps, 9,6 des 14,7 km de la ligne sont en site propre avec priorité aux carrefours. La ligne est exploitée avec des véhicules de 12 m compte tenu de la prévision de trafic de l’ordre de 5000 voyageurs par jour. Le coût de cette ligne atteint 86,2 M€ dont 82 pour l’infrastructure et 4,2 pour le matériel (Créalis Neo 12 m).

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En Ile de France, le concept de BHNS a pris l'appellation de TZEN dans une démarche communicante. La première ligne entre Corbeil et Lieusaint a permis d'initier un produit censé valoriser l'image du bus pour un coût moindre que le tramway. Cependant, les spécificités demandées sur le matériel font gonfler l'addition... © Th. Godin - thibxl

Dans cette approche, on peut aussi intégrer la nouvelle ligne G du réseau de Strasbourg : mise en service le 30 novembre 2013 pour un coût de 29,3 M€ pour 5 km, elle est en site propre sur 90% du parcours et constitue un autre exemple de BHNS « maximaliste ».

TEOR

Après le Métrobus qui n’est autre qu’un tramway circulant partiellement en souterrain, l’agglomération rouennaise a privilégié des axes de bus améliorés sur le corridor est-ouest, constitué d’un tronc commun et de ramifications à l’est et à l’ouest du centre-ville. Le choix effectué en 1997 fut principalement dicté par un souci de moindre investissement par rapport au tramway. La mise en service s’est déroulée par étapes, en 2001 et 2002 pour la constitution des 3 lignes, dont l’achèvement eut lieu en 2008.

Ces lignes de BHNS sont équipées de la priorité aux carrefours et circulent en site propre sur la majorité du parcours. L’effet du guidage optique reste sujet à discussion. Elles forment un sous-réseau que transporturbain vous propose de découvrir dans ce dossier.

Bayonne : un Txik Txak plutôt classique

Deux lignes structurantes ont été réalisées dans l'agglomération de Bayonne, exploitée avec des autobus articulés électriques à charge rapide aux terminus. Elles reprennent les principes généraux d'aménagement des BHNS, avec priorité aux carrefours et une part significative du tracé en site propre, généralement ouvert aux autres lignes d'autobus. La singularité de ce réseau réside dans l'usage de l'ancien tunnel du chemin de fer d'intérêt local Bayonne - Anglet - Biarritz, au moyen d'une section à circulation alternée puisqu'il n'existe qu'une seule voie de circulation.

Ce réseau est présenté dans ce dossier.

Cristalis, Chronobus, Lianes… BHNS ou bus amélioré ?

A Lyon, la réalisation des lignes C1, C2 et C3 a constitué une autre application du concept de BHNS. Ces lignes de trolleybus, dotées de Cristalis d’Irisbus, circulent partiellement en site propre, même si la ligne C2 bénéficie de plusieurs aménagements représentant environ la moitié du parcours. En revanche, la ligne C1 circule en voirie classique sur le plateau croix-roussien. La ligne C3 ne bénéficiait que d’aménagements ponctuels (rue de la République et Vaulx en Velin) et d’un contresens réservé entre Villeurbanne et le Rhône. En 2019, après 3 années de travaux, la ligne a été mise en sitr propre sur l'ensemble du parcours entre la place des Cordeliers et la station de métro Laurent Bonnevay, faisant la jonction avec des sections préexisantes. Ces lignes bénéficient d’une priorité aux carrefours, soit par boucle magnétique (C1 et C2), soit par onde radio (C3). L’aménagement aux stations est équivalent à celui des arrêts classiques, tout au plus peut-on noter des abris de grande taille sur les stations principales. Enfin, ces trois lignes bénéficient du libre accès par les 4 portes.

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Lyon - Boulevard Vivier-Merle - 12 avril 2013 - La ligne C2 constitue l'un des trois BHNS lyonnais, mais avec des aménagements ponctuels. Particularité par rapport aux autres lignes de bus et trolleybus, le libre-accès par toutes les portes. A gauche, un Citélis 12 de la ligne C6, bénéficiant de la même nomenclature, mais sans équipement spécifique : il y a donc deux vitesses dans les lignes C lyonnaises. © transporturbain

En revanche, les autres lignes « C » lyonnaises (C4 à C26) sont nées en août 2011 dans la restructuration du réseau de bus et ne peuvent être assimilées à de BHNS. Au prix d’un léger brouillage de la communication, les lignes C désignent les axes principaux du réseau de bus et de trolleybus. Ainsi, il y a des lignes C exploitées en Cristalis qui sont assimilables à du BHNS et d’autres, également en Cristalis, qui n’en font pas partie, tandis que la majorité des lignes est exploitée en autobus en ne bénéficiant parfois d’aucun aménagement spécifique.

L’image du BHNS est en effet perturbée par le souci des exploitants de revaloriser globalement l’image des lignes de bus au travers de concepts tels que les Lianes (lignes à niveau de service élevé) à Dijon, Lille ou Bordeaux, toujours dans un souci de hiérarchisation du réseau. Même chose à Nantes avec le concept Chronobus, notamment sur des axes de rocade permettant de délester les lignes de tramways convergeant vers le centre-ville. Cependant, les aménagements sont ponctuels, et la labellisation a plutôt vocation à permettre aux usagers occasionnels de repérer les lignes principales.

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Dijon - Place de la République - 28 septembre 2012 - Les Lianes de Dijon ont débuté leur service dans le cadre d'une restructuration du réseau, mais avec le matériel existant parfois en fin de vie : ici un AG700, à plancher haut, quelque peu éloigné des standards de ce label de qualité. Depuis, la plupart des lignes ont reçu des autobus Heuliez hybrides. © transporturbain

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Le Bouscat - Avenue d'Eysines - 29 novembre 2013 - Même concept de Lianes à Bordeaux, avec ici un Citélis 18 fonctionnant au GNV. La restructuration bordelaise a sérieusement toiletté le réseau en complément du tramway mais les moyennes densités d'habitat autour du centre-ville, et l'usage de bus articulés, limite l'offre à des fréquences de 10 à 15 minutes. © transporturbain

Metz : un BHNS maximaliste

En lançant Mettis, Metz s’est dotée d’un réseau en site propre avec priorité aux intersections sur 17,8 km, mis en service le 5 octobre 2013. Mettis approfondit la démarche qui a fait le succès du Busway nantais car les 3 lignes de ce réseau traversent le centre-ville de Metz, entièrement rénové à l’occasion. Le coût de l’opération approche les 290 M€, ce qui le place dans une vision maximaliste du BHNS.

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Metz - Hôpital de Mercy - 24 janvier 2014 - Mettis fait progresser le BHNS dans sa version maximaliste avec un matériel bi-articulé dont la configuration intérieure s'apparente aux tramways modernes. © C. Brot

Mettis est exploité à l’aide de 20 mégabus hybrides Van Hool Exquicity de 24 m, la première réintroduction d’autobus de 24 m en France après l’abandon des mégabus bordelais. Ces véhicules marquent une nouvelle étape de montée en gamme de l’autobus, certes au prix de 855 000 € l’unité. L’aménagement intérieur sépare le poste de conduite, comme dans un tramway moderne, et dégage une vaste surface pour les voyageurs, la motorisation hybride étant concentrée à l’arrière du véhicule. Les 4 portes procurent à chaque fois de vastes plateformes pour favoriser les échanges de voyageurs.

Conclusion

Au travers de ces quelques exemples, il se confirme donc que le BHNS peut être une solution pertinente pour compléter le tramway ou, dans des villes de taille moyenne, constituer l’armature du réseau principal. Cependant, la démarche de certaines autorités organisatrices et des exploitants, restructurant leurs réseaux de bus, peut accentuer la confusion avec le concept de BHNS qui lui-même offre une large palette d’applications.

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Maubeuge - Boulevard de l'Europe - 28 février 2014 - Le BHNS dans une version minimaliste principalement sur l'apparence du matériel roulant : aux limites entre l'amélioration de l'exploitation et la communication... © C. Brot

La montée en gamme constatée avec TEOR, le Busway puis le TZen en Ile de France et dernièrement avec le Mettis constituent 3 exemples de véritables BHNS. Les autres démarches, lignes C à Lyon, Lianes et autres Chronobus, est à rapprocher des lignes « pilote » développées à partir de 1975 à Paris, c'est-à-dire de lignes « un peu meilleures » que les autres ».

Les fonctionnalités des BHNS sont multiples et les combinaisons d'assemblage rendent difficiles la constitution d'une classification hiérarchisée des solutions :

  • une desserte cadencée avec un intervalle qui n'excède pas les 15 minutes en banlieue et 10 minutes en zone centrale ;
  • le libre accès aux véhicules par toutes les portes, pour accélérer les temps de stationnement ;
  • le recours à des véhicules de grande capacité : au moins des bus articulés de 18 m ;
  • une identité spécifique des véhicules et de l'appellation des lignes ;
  • des stations aménagées avec la vente de titres hors des véhicules ;
  • des véhicules propres, au moins au biogaz, hybrides ou électriques ;
  • une circulation a minima dans des couloirs réservés, voire en site propre clairement différencié de la circulation générale ;
  • la priorité aux carrefours.

Si le niveau maximal est évidemment plus aisé à définir (puisqu'il suffit de remplir l'ensemble des critères), identifier des paliers intermédiaires constitue un exervice bien plus délicat. Rien que les deux premiers critères amènent à écarter de la définition du BHNS une partie des Lianes de Bordeaux, Lille ou Dijon, mais aussi des lignes C lyonnaises. Si l'identité spécifique du matériel roulant n'est pas un facteur techniquement déterminant, il l'est sur le plan de l'image, ce qui influe sur la perception du grand public, et il est assez largement répandu. Quant aux aménagements de voirie, la situation est là aussi fluctuante selon les cas. Si Nantes constitue un des cas maximalistes, il y a autant de nuances que de lignes en France.

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Marquette - Rue d'Ypres - 6 mars 2019 - Les Lignes à Niveau Elevé de Service, selon l'appellation imaginée par Keolis, sont-elles des BHNS ? La circulation sur voies réservées est loin d'être une généralité, les voyageurs sont astreints à la montée par l'avant, la vente des tickets s'effectue toujours à bord de l'autobus, qui ne bénéficie pas non plus de la priorité aux carrefours. Juste une appellation particulière et une livrée spéficique pour des lignes disposant d'une fréquence meilleure que le reste du réseau. © transporturbain

Ceci dit, difficile d'imaginer un BHNS sans une part majoritaire de circulation en voies réservées, sans véhicules de grande capacité en libre accès par toutes les portes. Cela semble dans l'absolu constituer le socle minimal pour bénéficier de cette appellation trop générique.

Si on ajoute la vente de titres de transport en station et la priorité aux carrefours, un saut qualitatif net est assuré et on peut alors considérer que les conditions techniques primaires sont remplies. Le design du matériel et des stations vient un peu en cerise sur le gâteau. Quant à la question énergétique, les réalités environnementales en font de toute façon un élément incontournable dans une logique de responsabilité et d'exemplarité.

Sur le plan économique, on notera que le coût du BHNS varie fortement en fonction des applications, avec une amplitude élevée, de 3 à 12 M€, alors que les industriels du tramway, soutenus par certaines villes comme Besançon, cherchent à contenir le coût du kilomètre ferré à 15 M€ en misant sur la durabilité et l’évolutivité du tramway.

De ce fait, la prévision de trafic s’avère déterminante. Elle doit être la plus fine possible car lorsqu’elle aboutit à un flux proche des 1500 voyageurs / heure, la marge d’erreur risque de créer la saturation de la ligne en cas de conception « au plus juste ». Etant donné qu’au-delà de 1650 voyageurs à l’heure, c'est-à-dire un bus articulé toutes les 4 minutes, le BHNS trouve ses limites, il est déterminant d’affiner les perspectives d’évolution : investir dans un BHNS – dont l’investissement s’amortit comptablement sur 7 à 8 ans – pour réaliser un tramway dans la foulée constituerait une forme de gaspillage, vu que la part d’investissement « récupérable » est faible lors du passage de l’un à l’autre. En un mot, il faut une bonne politique des transports pour choisir !

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