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transporturbain - Le webmagazine des transports urbains

Transport Public 2018 : position d'attente ?

Le millésime 2018 des journées du Transport Public n'ont guère prêté à l'euphorie. D'abord par le contexte ferroviaire : l'effet de la grève sans fin à la SNCF, la réforme certes votée au Parlement mais qui laisse encore tant de questions en suspens à commencer par l'avenir du réseau ferroviaire absolument pas garanti par les dernières annonces du gouvernement, mais aussi par un silence assourissant de l'Etat quant à la transition écologique et à son volet concernant les mobilités. Les discussions sur la nouvelle Loi d'Orientation sur les Mobilités donnent l'impression que la trajectoire est incertaine du fait d'un sujet de second voire troisième rang dans l'ordre des priorités de l'Etat. Pourtant, entre la hausse du prix du pétrole et les effets d'un printemps tropical sur la France (avec son lot d'intempéries et les effets de l'imperméabilisation des sols, de la bétonnisation à outrance et d'une agriculture intensive), il y avait bien des'occasions de montrer que ces questions n'étaient pas délaissées.

Des hybrides à contre-temps, des électriques pas encore totalement branchés

Il y a 2 ans, l'autobus électrique pointait son nez au salon Transport Public. Il n'a pas encore totalement supplanté les motorisations thermiques mais c'est assurément le sujet du moment. Néanmoins, il y avait cette année peu de véritables nouveautés hormis des évolutions esthétiques. Certes, MAN présentait en première mondiale son nouveau Lion's City, au demeurant très réussi, mais il s'agit d'abord d'un restylage plus que d'une véritable évolution technique. On a surtout remarqué que MAN exposait un modèle articulé à moteur Diesel Euro6 et un modèle standard à motorisation hybride. Deux solutions plus vraiment dans le vent.

Lion's City articulé

Lion's City hybride

Le restylage du Lion's City était la nouveauté chez MAN, avec (en haut) une version articulée Diesel Euro6 arborant la livrée francilienne pour un réseau de Transdev et (ci-dessus) une version standard hybride.

Il n'empêche que les bus hybrides étaient encore largement présents, chez Iveco Bus, Heuliez notamment, en dépit d'une réelle remise en cause de cette solution, à commencer par la décision d'Ile de France Mobilités de ne plus commander de tels véhicules. En revanche, la filière gaz semble reprendre de l'allant, avec notamment un Urbanway francilien et, chez Scania, un Citywide grenoblois.

Citywide GNV

Urbanway GNV

Tendance gaz naturel avec le Scania Citywide pour Grenoble et un Iveco Urbanway pour Transdev, en livrée francilienne lui aussi. Plus que la nouveauté dans les véhicules, le salon montre bien les fluctuations dans la motorisation.

Crealis

GX337BHNS

Tiens, des hybrides. Un Crealis Neo pour le BHNS en Arthois-Gohelle (Lens, Béthune, Bruay) et un démonstrateur GX337 Linium illustraient cette filière remise en cause par Ile de France Mobilités qui a décidé l'arrêt des commandes. Qu'en sera-t-il parmi les réseaux de province ?

Dans le domaine électrique, il y avait un GX437 électrique sur le stand Heuliez, mais l'autre nouveauté du salon, c'était assurément le i2e-tram chez Irizar, qui, en dépit de sa livrée des plus sombres, ne pouvait passer inaperçu avec sa borne de biberonnage. Il a été retenu pour les BHNS d'Amiens et de Bayonne.

GX437electrique

Heuliez exposait aussi un GX Linium en version articulée, esthétiquement intéressante, mais surtout présentée pour sa motorisation entièrement électrique avec batteries... et toujours la question de l'autonomie et du devenir après usage des batteries.

i2e-tram

Chez Irizar, on misait sur les succès remportés à Amiens et Bayonne avec l'i2e loin d'être inintéressant, mais avec une interrogation sur la diversification des dispositifs de recharge des batteries, et le risque d'un foisonnement des plus complexes à gérer par les opérateurs, sauf à se mettre pieds et poings liés avec un seul industriel. Le véhicule est ici exposé avec sa borne de recharge, et son pantographe inversé (il est fixé à la borne).

On aura aussi noté la présence d'un seul véhicule doté d'une pile à combustible pour fonctionner à l'hydrogène : Safra exposait une nouvelle version de son concept-bus Businova. Néanmoins, avec une pile d'une puissance de 30 kWh, il s'agit plutôt d'un bus électrique conventionnel à batteries doté d'un groupe d'autonomie, d'une puissance limitée, un peu à l'image des moteurs thermiques installés sur les trolleybus.

Businova hydrogène

Le concept bus de Safra est un habitué des salons... mais au-delà ? Seul représentant des véhicules à pile à combustible, son autonomie a alimenté bien des débats. L'aménagement intérieur aussi car il faut bien admetttre que le ratio encombrement / capacité n'est pas à son avantage !

Yutong et BYD confirmaient leur positionnement avec une nouvelle fois deux autobus électriques. Il était d'ailleurs intéressant de noter que ces véhicules étaient à l'écart des autres constructeurs, tout comme Solaris d'ailleurs. En revanche, ni Mercedes ni Van Hool n'exposaient de véhicules. Quasiment une première.

Yutong-E12LF

Le chinois Yutong essaie de percer le marché français en misant sur l'expérience acquise en Asie. Plusieurs réseaux ont essayé son E12LF mais pour l'instant, les commandes ne sont pas légion, même en misant sur un assemblage en France chez Dietrich Carebus. Son concurrent BYD mise sur une usine en cours de construction dans le beauvaisis pour également bénéficier d'un label "made in France" qu'on sait décisif.

Autre point d'attention, l'aménagement intérieur des autobus : les consructeurs semblent revenir à un peu plus de classicisme, non sans élégance d'ailleurs avec des sols en parquet, des ambiances souvent agréables, bien éclairées. On voit également poindre les prises USB à hauteur des places assises. En revanche, nombre de véhicules exposés étaient munis de sièges en plastique translucides, d'un confort pour le moins précaire (sauf à être soi-même bien rembourré...).

En revanche, on aura noté - non sans malice - que Lohr apparaissait maintenant avec des navettes autonomes plutôt qu'avec son tramway sur pneus...

Ferroviaire en berne

Le secteur ferroviaire était assez faible. Bombardier mettait en avant ses livraisons en cours de Régio2N et de Francilien en Ile de France. Alstom mettait surtout en visibilité le Citadis X05 du tramway de Caen. Chez CAF, on jouait sur un autre registre : à défaut de succès français, c'est le métro de Bruxelles qui était mis en avant. Mais l'importante surface du constructeur ferroviaire chinois CRRC n'est pas passée inaperçue. Sur le marché français, il était un peu question d'appel d'offres, hormis pour les TET Paris - Toulouse et Paris - Clermont-Ferrand, mais sans réel suspense sur une procédure que certains ne jugent pas des plus ouvertes...

Evidemment, le climat était quelque peu crispé par le conflit persistant à la SNCF dans le contexte de réforme ferroviaire et avec la perspective qui se rapproche d'ouverture à la concurrence du marché intérieur : Transdev, Keolis et RATP Dev n'ont pas manqué de faire valoir leurs expériences en la matière...

Surtout, on s'interrogeait sur l'évolution du financement du réseau ferroviaire, les insuffisances du Contrat de Performances, les récentes annonces du gouvernement (voir notre dernier article à transportrail), le devenir des petites lignes, des dessertes par TGV de villes de taille moyenne, les relations particulières entre Alstom, la SNCF et l'Etat, leur évolution dans le contexte de fusion Alstom-Siemens, Bref des sujets rémanents et tout de même l'impression que le contenu de la réforme a bien été aiguillé par la SNCF, sans pour autant résoudre durablement des questions trop longtemps mises sous le tapis commode de la fierté ferroviaire nationale incarnée par le TGV.

Du transport public aux mobilités alternatives

Ce qui était en revanche nettement remarquable, c'est la part croissante de ce qu'on qualifie pompeusement de mobilités alternatives, nov'langue derrière laquelle se cachent le vélo et la marche, mais aussi les mobilités connectées, à commencer évidemment par l'apparition de prises USB dans les véhicules mais aussi les évolutions dans le domaine de la télébillétique sur les smartphones.

Les navettes autonomes étaient aussi présentes, mais n'allant guère au-delà du stade expérimental et sur de petites capacités : dire que certains voient en elles une alternative crédible à des solutions jugées ringardes comme l'autobus ou le tramway. L'histoire montre que les ruptures sont souvent jonchées de pièges...

Par contre, il semble qu'on ait évité les sujets qui fâchent comme les déboires rocambolesques du changement de délégataire pour les Vélib', ou encore la crispation sur la situation économique d'Autolib', avec un service en perte de vitesse et un déficit qui se creuse, qui devraient être compensées par les municipalités (qui évidemment ne l'entendent pas ainsi).

Dans les couloirs...

Dans les conversations du salon, on aura notamment entendu que les activités françaises de Car Postal allait probablement faire les frais des révélations sur la manipulation des comptes de l'entreprise, sur tout de même 90 MCHF sur la période 2007-2015. Il fut aussi beaucoup question des modalités de mise en concurrence des opérateurs de bus et cars en Ile de France. Le calendrier pour les réseaux Optile est jugé trop déséquilibré par rapport au territoire actuel de la RATP, puisque le passage en DSP après appel d'offres devrait avoir lieu dès les prochains contrats alors que la RATP bénéficierait d'un répit de 4 années supplémentaires. Transdev, Keolis, RATP Dev et les autocaristes indépendants plaidaient pour un alignement de l'ensemble des réseaux routiers sur la date de 2024. Keolis a annoncé la sortie de cet accord et soutient désormais une ouverture des réseaux Optile dès 2020.

Naturellement, tout le monde attend les orientations de la future Loi d'Orientation sur les Mobilités et la place qui sera accordée aux transports publics : pour l'instant, difficile d'y voir clair, et la stratégie du gouvernement sur la réforme ferroviaire n'incite guère à l'optimisme sur la clarté de la trajectoire, mais il serait particulièrement mal vu qu'elle fasse la part belle aux modes du moment au détriment de solutions de fond. S'il est indiscutablement nécessaire d'innover dans les modalités de desserte des territoires, la nouveauté peut aussi - surtout - passer par des solutions connues mais insuffisamment dimensionnées aujourd'hui. Bref, la navette autonome ne fera pas tout...

Bref, comme on le constate chaque année, derrière le rideau d'autobus exposés à l'entrée du salon, les questions sont nombreuses et leurs réponses se font parfois attendre d'un millésime à l'autre !

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