L'histoire des trolleybus à Saint Etienne
Etonnante situation que celle du trolleybus à Saint-Etienne, ville qui, comme Marseille, s'est développée dans un site tourmenté et qui justifie pleinement le recours à la traction électrique pour les transports en commun, puisque le centre y est dense et les faubourgs nichés sur les hauteurs : après une période plutôt faste jusqu'au milieu des années 1970, le trolleybus a connu des heures passablement creuses au point qu'il fut permis de s'interroger sur leur devenir.
Ce premier chapitre couvre les 50 premières années de l'histoire du réseau, de 1942 à 1992.
Un déploiement rapide
Le trolleybus apparut dans la cité minière par la situation critique de certaines lignes de tramway mal tracées et en mauvais état. Probablement inspirée par l'expérience du voisin lyonnais, la CFVE, exploitant du réseau, engagea une première transformation pendant la guerre sur la ligne dite du Soleil dont les voies avaient été rapidement déposées. Les trolleybus furent naturellement commandés chez Vétra.
Le 1er janvier 1942, la section Hôtel de ville - Place Raspail fut donc livrée et exploitée à l'aide de quatre CB45 destinés à Poitiers, mais où les travaux de lignes aériennes n’étaient pas encore terminés. Le 1er mai 1944, la ligne fut prolongé au quartier du Soleil par la gare Châteaucreux. Elle reçut alors 7 CB45 équipés d’un moteur de 75 ch, et dotés d’une caisse provenant de l’entreprise Barthélémy de Marseille. Les voitures de Poitiers ne rejoignaient leur destination initiale qu’en mai 1947.
La CFVE confirmait en 1947 un programme de conversion des lignes de tramways esquissé dès 1943 : le 6 juin 1948, l'importante ligne Bellevue - Firminy inaugurait une vague de travaux qui se termina le 20 juin 1952, date à laquelle seule la ligne 4, Bellevue - Terrasse, restait assurée en tramways, compte tenu du niveau de trafic et de l'étroitesse des rues. Ainsi, les lignes 1 (Bellevue - Firminy), 3 (Dorian - Terrenoire), 5 (Dorian - Michon), 6 (Dorian - Rond-Point), 7 (Bellevue - Châtreaucreux), 8 (Dorian - Rivière) et 10 (Tardy - Soleil) étaient alors exploitées par des trolleybus de gabarit réduit.
Saint Etienne - Rue Beaubrun - 1960 - Croisement d'un CB60 (dans le sens de la montée) et d'un CS60 (à la descente) reconnaissance au dessin des jantes de l'essieu avant. Ces deux trolleybus circulent sur la ligne 10 Tardy - Le Soleil. © A. Presle
Saint Etienne - Place Dorian - 1965 - Le CS60 n°16 stationne au départ de la place Dorian sur la ligne du Soleil. Les trolleybus n'avaient pas de capot de ligne et la CFVE n'avait pas encore ajouté la petite plaque avec le numéro de l'itinéraire. © J.H. Manara
Saint Etienne - Dépôt CFVE Bellevue - 1973 - Une partie de la flotte de VCR de la CFVE, perches au fil. On notera les publicités sur la toiture et les angles arrière des véhicules. A l'époque, le réseau avait la particularité d'être bénéficiaire ! © J-H. Manara
L’effectif comprenait alors, outre les 7 CB45, 12 CS60 livrés entre avril 1946 et mai 1947, auxquels s’ajoutent une 13ème voiture louée à l’Omnium Lyonnais, 55 VCR commandés en plusieurs tranches entre 1948 et 1953 et 5 VDB reçus en 1948. Enfin, en 1958, la CFVE achetait en seconde main un CS60 à la RATP.
Deux décennies d’apogée
L’augmentation du trafic incita la CFVE à commander de nouvelles voitures de plus grande capacité et retient l’ELR, dérivé de l’autobus PLR dont elle s’était déjà doté. Trois commandes furent livrées entre décembre 1960 et mars 1964 autorisant la réforme des CB45 et d’une partie des CS60.
La disparition de Vétra entraînant l’arrêt de la production de trolleybus, la CFVE dut recourir aux acquisitions d’occasion pour achever le renouvellement du parc. Elle acheta ainsi 26 ELR au réseau de Nice, 13 à Marseille et un à Toulon. Ces quarante trolleybus furent livrés entre août 1969 et mai 1974, au gré du démantèlement de ces réseaux : ils furent équipés pour moitié de moteurs de 100 ch et pour l’autre moitié de moteurs plus puissants de 130 ou 140 ch.
Saint Etienne - Place Dorian - 1981 - Derniers temps de l'exploitation des increvables ELR, avec ici un véhicule ayant échappé à la rénovation entrainant la suppression de la porte arrière. Il n'en demeure pas moins que la montée par la petite porte avant était un obstacle à la rapidité du service. © J-H. Manara
Les ateliers de Bellevue engagèrent une modernisation lourde de ces voitures afin de prolonger leur carrière d’une douzaine d’années : la suppression du receveur et l’adoption de la montée par l’avant entraîne le retrait de la porte arrière. La montée par la demi-porte avant ralentissait considérablement les échanges, démontrant certains mauvais choix opérés par la CFVE dans cette opération.
Saint Etienne - Place Jean Jaurès - 1981 - Les ELR rénovés portaient une livrée éclaircie par des bandes blanches et se repéraient aisément par la suppression de la porte arrière. Résultat, l'accès par la demi-porte avant était particulièrement lent ! © J-H. Manara
Enfin, au second semestre 1972, la CFVE acheta 13 VA3-B2 au réseau de Marseille pour le service de la ligne 1 : également modernisés, l’exploitant choisit de porter la capacité assise à 45 places, ce qui, combiné à la suppression de la troisième porte, allongeait nettement la durée des arrêts. Là encore, les choix de l’exploitant sur l’aménagement de son parc étaient contestables.
Saint Etienne - Place Bellevue - 1er mars 1975 - Engagés sur la ligne de Firminy, les VA3-B2 ex-Marseille ont simplement augmenté la capacité de transport sur la ligne 1. L'accès par une simple porte à l'avant ne procurait pas un service des plus rapides. © G. Tribe
Entre modernisation et contraction
En 1974, suite à un remaniement du plan de circulation, les trolleybus de la ligne 7, Bellevue - Châteaucreux, furent remplacés par des autobus. Néanmoins, le réseau connut toutefois deux extensions, de Rond-Point à La Métare sur la ligne 6 et de Soleil à Cotonne sur la ligne 10.
Face au vieillissement de son parc, la CFVE s’intéressa au projet ER100, initié par les réseaux de Lyon et Grenoble avec Berliet, et commanda 25 trolleybus avec équipements conventionnels à résistances, livrés entre janvier et juin 1979. Ces trolleybus étaient équipés de moteurs de 130 ch de réemploi récupérés sur les ELR réformés. La compagnie souhaitait essayer ce nouveau modèle quoiqu’elle n’était pas totalement convaincue par les solutions techniques retenues.
Quatre ans plus tard, une seconde tranche de 25 ER100H – cette fois-ci à hacheurs de courant, chaîne de traction Alstom et moteur de 172 ch au lieu de 140 – fut réceptionnée par la STAS, nouvel exploitant du réseau. Les derniers Vétra - ELR et VA3-B2 - pouvaient alors être complètement réformés, alors que ceux-ci avaient été rénovés 2 ans auparavant, ce qui permit de transférer des moteurs de 140 ch sur les ER100R afin d’améliorer leur comportement sur un réseau comprenant des pentes jusqu’à 13%.
Saint Etienne - Gare Châteaucreux - 1982 - Sur cette vue générale de la gare, récupérée dans les archives de la SNCF, on aperçoit 3 trolleybus ER100, dont 2 stationnent au terminus de la ligne 7. Le troisième pourrait être une voiture de la ligne 10. (archives SNCF)
Enfin, en 1983, huit trolleybus articulés de type PER180H étaient mis en service sur la ligne 6 desservant La Métare, autorisant le redéploiement des ER100 sur les autres lignes.
Saint Etienne - Avenue de la Libération - 1985 - La ligne 6 fut dotée de PER180H bimodes afin d'augmenter la capacité de transport sur cette ligne desservant plusieurs établissements scolaires et le quartier de grands ensembles de La Métare. © J-H. Manara
En particulier, la STAS rééquipait la ligne 7 de trolleybus et devait acquérir, à l’automne 1987, 6 ER100R de seconde main auprès du réseau de Grenoble, libérant une partie de son effectif avec les travaux du tramway. Deux PER180H isérois rejoignaient également la ligne 6 en juillet 1989. Le parc de trolleybus stéphanois atteignait alors 56 voitures dont dix articulées.
Saint Etienne - Gare Châteaucreux - Vers 1988 - Le premier des ER100 stéphanois, numéroté 401, au terminus de la ligne 7 Châteaucreux - Bellevue, peu après le retour des trolleybus sur cet itinéraire. (cliché X)
Saint Etienne - Rue de La Montat - mars 2003 - Les ER100R ex-Grenoble étaient reconnaissables au capot cachant l'embase des perches : sur les premiers ER100 livrés en septembre 1977 à Grenoble, le capot ne couvrait qu'une petite partie de la toiture. © transporturbain