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transporturbain - Le webmagazine des transports urbains

Les transports en commun dans la métropole toulousaine

Présentée comme une des « métropoles d’équilibre » des années 1960, l'agglomération toulousaine a connu une augmentation de sa population extrêmement rapide. L'absence de structuration du territoire, faute d'une réelle politique d’urbanisme maîtrisant les déplacements, a provoqué une baisse sensible de la population de la ville-centre entre 1975 et 1982, après période de stagnation. Il en a résulté une explosion du phénomène périurbain, grâce aux développements du réseau autoroutier, et ce d’autant plus que l’habitat dans le centre de Toulouse était plutôt de médiocre qualité. L'augmentation de la capacité de stationnement dans Toulouse avec la réalisation de plusieurs parkings en ouvrage a aussi encouragé la population à utiliser la voiture. Autant dire que la ville rose partait de loin.

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Toulouse - Place du Capitole - 1968 - Cet APH521 en configuration urbaine à 3 portes a déjà 16 ans de carrière et approche donc de la retraite. Derrière lui, on aperçoit un APH522 (ou un APU53) à peine plus récent... mais surtout le parking à ciel ouvert qui occupe la majorité de l'espace public. © J.H. Manara

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Toulouse - Rue Alsace-Lorraine - 1972 - Transition dans la livrée des autobus toulousains sur ces APVU troquant le vert hérité des tramways pour une couleur rappelant la brique rouge des Minimes. Un effort pour les transports en commun : le couloir à contresens sur cet axe alors très passant (le cliché a dû être pris un dimanche ou pendant les vacances scolaires car il y a peu de trafic...). © J.H. Manara

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Toulouse - Place du Capitole - 1984 - Retour sur cette place bien connue : le traic automobile est intense et la rue du Taur venant de Saint Sernin est envahie par la circulation. Le SC10R du 21 stationne à son terminus. (carte postale)

Hypercentralisation et forte croissance démographique

Toulouse compte parmi les aires urbaines les plus dynamiques, comptant en 2020 environ 1,3 millions d'habitants. Elle gagne 20 000 habitants par an : elle comprendrait 450 000 habitants supplémentaires, soit l'équivalent de la ville de Toulouse, à horizon 2050.

Elle est caractérisée par une hyperpolarisation (Toulouse est la seule grande agglomération de l'ancienne Région Midi-Pyrénées), mais aussi par une densité de population assez moyenne, 2,5 fois inférieure à celle de l'aire urbaine lyonnaise. Pour le seul périmètre des transports urbains de 2015, on dénombrait un peu plus de 900 000 habitants sur 888 km² un ratio moitié moindre qu'à Lyon.

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Focus sur les densités de population en Midi-Pyrénées (données INSEE 2011) qui suivent très nettement la géographie du réseau ferroviaire.

La dynamique économique est encore assez nettement positive avec 52 000 emplois supplémentaires entre 2015 et 2020, contribuant à une augmentation du nombre de déplacements dans le périmètre des transports urbains de l'ordre de 500 000 par jour à horizon 2025.

Toulouse est 14 fois plus peuplée que la deuxième commune de l’agglomération, Colomiers. On compte environ 400 communes économiquement liées au quotidien avec Toulouse. L’influence de la ville rose ne cesse de s’étendre au point qu’on puisse parler de « Toulouse et le désert midi-pyrénéen ».  Montauban se retrouve satellisée, tout comme Castres et Albi. Il en résulte d’importantes difficultés de circulation par l'insuffisance de l’offre de transports en commun tant urbains que régionaux, ou plus exactement un rythme d'amélioration non seulement décalé dans le temps mais aussi moins rapide que celui de l'évolution démographique.

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Sur cette représentation des flux domicile-travail de 2011, qui ne représentent qu'environ 30% des motifs de déplacements, on note ce flux assez important vers le nord, tracé au cordeau : c'est le trafic Paris - Toulouse lié à l'activité aéronautique. (données INSEE)

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Comme dans la plupart des aires urbaines, on a assisté depuis 40 ans, à temps de trajet constant, à une augmentation des distances parcourues au quotidien pour aller travailler. L'amélioration des moyens de transport, et d'abord le réseau routier, a permis de réinjecter les minutes économisées dans un accroissement de la lonfueur des trajets, notamment pour bénéficier de logemements à meilleur ratio coût - espace.

Bilan, dans l'Enquête Ménages Déplacements de 2013, la voiture assure environ les deux tiers des déplacements dans l'aire urbaine toulousaine. Autre élément important de cette enquête, les déplacements domicile-travail et domicile-études ne totalisent que 39% des trajets journaliers (si on intègre les déplacements domicile-travail avec une étape intermédiaire, par exemple pour déposer les enfants à l'école). Cette enquête dénombre 252 000 véhicules par jour entrant dans la métropole dont 9% pour du simple transit.

La forte proportion d'emplois situés en périphérie de Toulouse, principalement dans le muretain, autour de l'aéroport et du côté de Labège explique l'importance des déplacements vers la première couronne, majoritairement effectués en automobile, avec pour conséquence la saturation du réseau routier : on compte ainsi entre 100 000 et 140 000 véhicules par jour sur la rocade toulousaine... et on ne compte plus les minutes perdues (ni la quantité émise de gaz à effet de serre).

Ce portrait de la métropole toulousaine doit être complété par la singularité d'un paysage politique morcelé avec plusieurs structures sur un même territoire : Toulouse Métropole, Muretain Agglo, le SICOVAL (Syndicat Intercommunal de la Vallée de l’Hers) au sud-est et le SITPRT (Syndicat Intercommunal pour les Transports Publics de la Région Toulousaine) pour les communes n’adhérent ni à l’une ni à l’autre. Autant d'occasions de désaccords, même si toutes ont délégué leur compétence sur les transports au syndicat mixte des transports, Tisseo Collectivités.

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L'effet du métro sur l'usage des transports collectifs

Dans la zone centrale, l'usage des transports en commun a progressé de 60% depuis 1991 : c'est véritablement l'effet de la mise en service des 2 lignes de métro, mais cela ne concerne que le coeur de l'agglomération, où la voiture totalisait encore 60% de parts de marché dans cette zone au début des années 2010. La dernière décennie a été marquée par un essor de l'usage du vélo, en particulier à Toulouse et dans sa première couronne. Au-delà, la progression est surtout liée aux commodités d'accès aux gares pour combiner vélo (pour le trajet d'approche) et train (pour le trajet principal).

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Toulouse - Basso-Cambo - 2002 - L'arrivée de la première ligne de métro a été évidemment un facteur majeur d'amélioration de l'attractivité des transports en commun, du moins sur l'axe bénéficiaire. Le réseau de bus progressait plus lentement, notamment avec le renouvellement du parc (ici un GX107). © J.H. Manara

Face à sa saturation, la ligne A a été modernisée et réaménagée pour autoriser une exploitation avec des unités multiples (2 éléments VAL, longueur 52 m) pour augmenter la capacité d'emport et desserrer un peu les voyageurs entassés dans ces rames de 2,06 m ou 2,08 m. Une opération similaire sur la ligne B n'est pas encore programmée mais elle devrait s'avérer indispensable dans le courant de la décennie 2020, venant au passage souligner les limites du concept de métro à - très - petit gabarit.

Le réseau de bus est progressivement amélioré avec la création des lignes Lineo, qui devraient être 14 en 2026, garantissant un intervalle de moins de 10 minutes avec un service fiabilisé par la priorité aux carrefours et des aménagements facilitant la circulation des autobus repérables à leur livrée gris et argent, généralement de type articulé. Malgré ces progrès, la capacité offerte demeure limitée par rapport à la dynamique démographique métropolitaine. En 2020, Tisseo annonçait 109 km d'itinéraires bénéficiant de voies réservées dont 63 en site propre.

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Toulouse - Rue de Metz - 25 septembre 2021 - Les 2 lignes de métro ont tout de même permis de réduire la circulation dans l'hypercentre de Toulouse, tout comme la piétonnisation presque totale de la rue Alsace-Lorraine. Ce Citaro C2G de la ligne L4 s'engage sur la rue de Metz apaisée. Les cyclistes ont refait leur apparition, notamment avec la création d'un réseau de vélos en libre-service. © transporturbain

Sur la rive gauche de la Garonne, un embryon de réseau de tramway a été constitué avec 2 lignes desservant l'aéroport et les communes de Blagnac, Beauzelle et Aussonne, avec d'abord une fonction de rabattement sur le métro à la station Arènes. Le prolongement au centre de Toulouse s'est finalement limité à la traversée de la Garonne et une connexion à la ligne B du métro à la station Palais de Justice. Les réflexions initiales sur le développement du réseau et notamment la desserte de la gare Matabiau ont été rangées dans un placard.

Le rôle du tramway reste donc assez marginal et ses performances moyennes, du fait d'un tracé tortueux dans la commune de Blagnac, crée un écart significatif par rapport au métro, car il faut reconnaître au VAL son excellente fiabilité et sa vélocité. Nul doute que la conversion de certaines lignes Lineo en tramway serait justifiée mais elle supposerait des choix un peu plus tranchés dans le partage de la voirie en faveur des transports en commun de surface.

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Toulouse - Avenue des Arènes Romaines - 29 septembre 2021 - Le tramway toulousain est-il voué à jouer un rôle subalterne ? Les 2 lignes existantes sont connectées aux 2 lignes de métro et le seront aussi à la troisième au moyen d'une nouvelle station à la bifurcation de T1 et T2. Le potentiel de ce mode de transport demeure sous-utilisé à Toulouse, mais les moyens sont d'abord mis sur la nouvelle ligne de métro. © transporturbain

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Le réseau structurant toulousain en 2021 : métro, tram et Lineo, des lignes de bus améliorées. (cartographie Tisseo)

La desserte de l'agglomération présente cependant encore des lacunes qu'une nouvelle ligne de métro ne viendra que partiellement combler, d'autant qu'elle se contente d'une desserte de la première couronne de l'agglomération et sans accès direct à l'hypercentre, ce qui impliquera des correspondances avec les lignes existantes. L'enjeu est probablement aussi de desserrer cet espace notamment pour pleinement intégrer la gare Matabiau dans la centralité toulousaine : le canal du Midi fait encore un peu barrière.

Un indispensable RER

Toulouse constitue un des cas d'école dans le développement de dessertes périurbaines à fréquence élevées. La réflexion est déjà ancienne puisqu'elle est intégrée au projet LGV Bordeaux - Toulouse, avec les Aménagements Ferroviaires du Nord de Toulouse sur l'axe Montauban - Toulouse. Le sujet avait également été exploré dans les études sur la section Toulouse - Narbonne. 

Les réflexions en cours sur le développement de la desserte ferroviaire proposent un scénario insolite quoi que déjà appliqué sur la desserte de Colomiers. Cependant, si, au regard du trafic déverser des voyageurs dans le métro au pôle d'échanges d'Arènes ne pose pas trop de difficultés (surtout depuis l'augmentation de capacité de la ligne A du métro), le même schéma au futur pôle de La Vache aura ses limites non seulement sur l'attractivité du service, mais aussi tout simplement sur la capacité du métro à absorber le trafic. Le schéma développé dans le dossier de transportrail consacré au RER de Toulouse, avec une desserte en recouvrement combinant des Montauban - Toulouse - Baziège et des Castelnau d'Estretefonds - Carcassonne, semble bien plus approprié. Le terminus de La Vache pourrait servir en cas d'incident d'exploitation dans le secteur de Matabiau.

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Toulouse Saint Agne - 24 septembre 2021 - Desservant les quartiers sud de Toulouse, la petite gare Saint Agne connaît des pics d'affluence très importants en heure de pointe grâce à la correspondance - proche mais par la voirie - avec la ligne B du métro. Le train ici photographié est en direction de Matabiau. Sur le quai opposé, la Région a financé de nouveaux abris pour inciter les voyageurs à mieux se répartir, sachant qu'il n'existe qu'un seul accès, au demeurant fort étriqué. © transporturbain

L'enjeu du RER réside évidemment dans la capacité du réseau à absorber une augmentation du nombre de circulations. Le sud de Toulouse est une zone critique : entre Matabiau et Portet sur Garonne, le développement du trafic est fragilisé par les bifurcations à niveau d'Empalot et de Portet, avec une signalisation améliorée mais de fluidité limitée et surtout une alimentation électrique qui n'arrive plus à fournir une puissance suffisante à des trains plus nombreux et à la consommation accrue du fait de leurs performances.

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Grisolles - 27 septembre 2021 - Les Régio2N sont venus augmenter la capacité d'emport des trains sur l'étoile de Toulouse. L'horaire 2020 a été marqué par une augmentation de l'offre de 11%. L'axe Toulouse - Montauban était l'un des plus urgents à équiper. © transporturbain

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Castelnaudary - 24 septembre 2021 - Les Régio2N d'Occitanie sont aussi engagés sur la relation Toulouse - Carcassonne qui dessert les gares périurbaines de l'est toulousain. © transporturbain

Mais au-delà des questions relatives à la technique ferroviaire, le succès du RER résidera aussi dans l'aménagement des gares, l'efficacité des pôles intermodaux (celui de La Vache ne devrait pas être exemplaire avec plus de 300 m entre la voie ferrée et le métro), et surtout le sésame tarifaire qui, ailleurs en Europe, assure la commodité d'usage aux voyageurs. La complémentarité entre les modes est pourtant évidente, comme nous le rappelions par exemple dans notre dossier Pas de bons RER sans une véritable intermodalité.

En conclusion, compte tenu de la prégnance de la question périurbaine dans une métropole qui s'est largement étendue et polarise fortement un vaste territoire, il ne sera pas possible d'apporter de réponses réellement efficaces sans un décloisonnement des raisonnements. Elle impliquera la construction d'une offre multimodale coordonnée à l'échelle de l'aire urbaine toulousaine (bus, téléphérique, tramway, métro, RER) et une réelle prise en compte des transports en commun dans les projets d'urbanisme de sorte à maîtriser un étalement urbain qui déjà bien commencé. La dimension technique n'est pas la plus difficile : construire dans la durée la convergence et le partenariat entre la Région et la Métropole est un acte d'abord politique, et on connaît la versatilité en la matière !

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