Sirio : le tramway italien qui s'exporte
Connus par des matériels à la longévité hors normes et une exploitation parfois aléatoire, les tramways italiens ont aussi profité d’un élan de modernisation des réseaux à partir de la fin des années 1980 avec, en parallèle, la restructuration de l’industrie ferroviaire. Ainsi, Fiat, Stanga et Ansaldo étudièrent en commun un nouveau matériel de type « métro léger », qu’on retrouve par exemple à Turin (série 5000).
Dans le moule des tramways modernes
Après la constitution de la société AnsaldoBreda, récupérant les activités ferroviaires italiennes, un nouveau tramway a été élaboré, de façon très comparable aux autres productions européennes, notamment le Citadis d’Alstom et le Cityrunner de Bombardier.
Baptisé Sirio, la nouvelle plateforme à plancher bas intégral ciblait d’abord les besoins des réseaux italiens, caractérisés par leur ancienneté, l’état inégal de leurs infrastructures, et leurs particularités, notamment des courbes pouvant être serrées, jusqu’à 15 m de rayon et des terminus équipés de boucles justifiant la conception de rames unidirectionnelles. Il fallait aussi s’adapter aux variantes de longueur et développer un produit assemblant des bases standardisées en les ajustant aux différents besoins.
L’esthétique du matériel a été confiée à Pininfarina, cette fois-ci plus inspiré que pour le design des rames Breda vendues à Lille. La forme ovoïde et plate, comme un miroir, de la face frontale des rames baptisées Sirio permet de les reconnaître au premier coup d’œil, d’autant qu’elle a été appliquée à la plupart des productions, à l’exception de deux marchés européens.
Le Sirio a pris l’appellation Sirietto à Milan pour les rames courtes.
Un tramway surtout italien
La gamme a rencontré un succès plutôt modeste, principalement en Italie (Bergame, Florence, Milan, Napes, Sassari et prochainement Turin). Les Sirio circulent aussi en Grèce, à Athènes, avec 35 rames sur les lignes réalisées à l’occasion des Jeux Olympiques de 2004, et à Goteberg, en Suède, où les rames ont connu de sévères problèmes de qualité de fabrication avec une corrosion précoce dès 2013, soit 8 ans après la livraison des premières rames. Néanmoins, le réseau en commanda 25 unités supplémentaires, portant son effectif à 65 rames. On trouve aussi des Sirio sur 2 réseaux en Turquie (16 rames à Samsun et 38 rames à Kayseri) et 2 réseaux en Chine suite à un partenariat industriel avec CNR Dalian : 31 rames circulent à Pékin et 11 rames à Zhuhai.
Milan - Carrefour Stelvio-Farini - 22 juin 2011 - En livrée d'origine, un Sirio milanais en version 7 caisses. La dégradation de l'état des voies exporte de nombreuses contraintes sur le matériel roulant, dont le roulement est assez médiocre. © transporturbain
Milan - Via Lega Lombardia - 22 juin 2011 - Les Sirio milanais sont unidirectionnels. Les Sirio se caractérisent par une grande flexibilité de longueur pour s'adapter aux différents gabarits admissibles par les réseaux. © transporturbain
Milan - Piazza Cordusio - 21 juin 2011 - Les Sirietto avec la nouvelle livrée milanaise, qui leur va moins bien qu'au matériel ancien. L'intérieur de ces rames recourt massivement au plastique : l'intérieur vert trahit le choix de décoration d'origine de l'ATM, procurant une ambiance particulière aux voyageurs. © transporturbain
Florence - Viale Degli Olmi - 11 novembre 2017 - D'un format plus standard, les Sirio ont accompagné la création de ce nouveau réseau, selon des conceptions très basiques pour toute réalisation de ce genre. Le roulement sur les voies modernes est assez sensiblement meilleur. © transporturbain
Naples - Corso Garibaldi - 9 octobre 2008 - Les Sirio napolitains sont les plus courts ayant été produits. On note l'absence de cache sur les bogies, soit pour faciliter la maintenance soit pour améliorer le refroidissement des moteurs... © A. Knoerr
Bergame - Borgo Palazzi - 29 mai 2012 - Allure plus massive pour les Sirio de Bergame dans un rôle de métro léger réutilisant un ancien chemin de fer secondaire reconverti. © A. Knoerr
Si les rames exportées en Turquie et en Asie sont assez standardisées, les productions italiennes sont assez diverses. On notera par exemple qu’une partie du parc milanais a été modifié a posteriori en modifiant la voiture arrière pour lui donner une porte, allongeant légèrement les Sirietto, passés de 25 à 26 mètres. Les rames napolitaines se singularisent par leur faible longueur, de 22 m seulement et ne disposant que d’un seul bogie moteur (qui a intérêt à être fiable).
Göteborg - Centralstationen - 8 juin 2013 - Allure particulière aussi pour les Sirio suédois : c'est le matériel le plus récent du deuxième réseau de tramways de ce pays, qui compte tout de même 12 lignes. © A. Knoerr
Kayseri - Stade - 23 juin 2009 - Les Sirio pour l'exportation ont accompagné la création de plusieurs réseaux de tramways, comme ici dans cette ville de Turquie, et adopté le gabarit large de 2,65 m. © A. Knoerr
Pékin - Chapeng - 22 juillet 2019 - La courte Xijiao Line dans l'ouest de la mégapole capitale adopte le modèle standard des Sirio avec un accord industriel avec Dalian. On note ici l'accès aux quais très contrôlé, avec détecteurs de métaux, tourniquets de contrôle et façades de quai. (cliché X)
Un comportement correct… sur voies neuves
Les rames Sirio et Sirietto se caractérisent aussi par la diversité de leurs aménagements intérieurs : les rames milanaises ont un habitacle 100% plastique. Sur ce réseau dont la qualité des voies a fortement régressé au cours de la décennie 2010, les qualités de roulement déjà limitées de ce matériel à plancher bas intégral, aux suspensions très limitées, sont mises à rude épreuve et transmettent de nombreuses vibrations et grincements en tous genres. Sur un réseau neuf comme celui de Florence, les voies étant en bon état, le comportement des Sirio est meilleur. En outre, à Florence, l’intérieur est un peu moins plastique et la qualité d’assemblage des rames apparaît meilleure.
Le Sirio reste en rade à Toulon
AnsaldoBreda avait candidaté en France, mais avait mal choisi son marché : en répondant à l’appel d’offres de Toulon, l’entreprise courait un risque… puisque dans le petit monde des transports, Toulon s’est forgée une image de « chat noir », supprimant les trolleybus en 1973 à quelques jours d’un choc pétrolier historique, et préférant des investissements routiers au développement des transports en commun : un projet apparut néanmoins au début des années 1990, mais il se heurta à l’opposition de la population réclamant une autoroute urbaine souterraine. Néanmoins, le Prefet du Var déclara le projet d’utilité publique le 22 décembre 2000. AnsaldoBreda fut désigné lauréat de l’appel d’offres pour la fourniture de 47 rames de tramway… mais le marché ne connut aucun développement puisque les municipalités n’ont eu de cesse de privilégier les investissements routiers. Toulon reste une de ces grandes villes au retard d'équipement flagrant en matière de transports en commun...