RNTP 2019 : de l'électricité - statique - dans l'air
Assurément, les Rencontres Nationales du Transport Public 2019 organisées par le GART à Nantes ont été placées sous le signe de l’électricité. L’exposition en entrée de salon des autobus de dernière génération confirmait cette tendance apparue depuis au moins deux éditions. Les carburants fossiles régressent, mais les solutions électriques présentées recourent encore massivement aux batteries et à des interfaces pas toujours interopérables entre deux fournisseurs.
Comme à l’accoutumée, lveco Bus et Heuliez se partageaient les premières loges. En tête d’affiche, les versions électriques du GX437 et du GX337 Linium (version BHNS) chez Heuliez. En face, Iveco Bus était venu avec un Crossway Low Entry, un Urbanway au gaz naturel et – enfin ! – avec un trolleybus, un Crealis Neo articulé. Depuis la présentation du Trollino voici au moins 10 ans, aucun véhicule de ce type n’avait été exposé. Malheureusement, il fallait être très observateur pour découvrir qu’il ne s’agissait pas d’un simple autobus : les perches n’étaient pas levées ! Pourtant, nombreux sont les fins observateurs qui ont fait la remarque, en vain.
Premier Aptis de série exposé par Alstom à l'entrée du salon. La partie basse des extrémités semble bien fragile pour une exploitation au quotidien dans la circulation. © transporturbain
Enfin un trolleybus ! Iveco Bus était venu avec un Crealis... très discret puisque les perches n'avaient pas été levées, ce qui en faisait un autobus anonyme. Dommage ! © transporturbain
Donc on vous confirme : c'est bien un trolleybus, et on note le retour des rattrape-trolley à l'arrière, contrairement aux Cristalis. Moins moderne mais plus simple et plus efficace ! © transporturbain
Chez Heuliez, le GX337 électrique de Toulouse attire surtout l'oeil par ses couleurs bordeaux et cuivre. Deux portes seulement pour des lignes à haut niveau de service, c'est étonnant... © transporturbain
Restylage et nouvelles motorisations chez MAN avec ici la version hybride du Lion's City. Le constructeur allemand était le seul à exposer un autobus urbain fonctionnant uniquement au gasoil. © transporturbain
On a également vu pour la première fois en France le e-Citaro de Mercedes, qui commence à collectionner les commandes en Allemagne, ainsi que, dans un registre plus disruptif, le Businova de Safra muni d’une pile à combustible fonctionnant à l’hydrogène. Heureusement, le véhicule est largement doté en batteries car avec 34 kW, la pile serait bien incapable d’assurer seule la traction de ce véhicule à gabarit réduit (9,5 m de long, 2,35 m de large) à l’architecture déconcertante.
Chez Mercedes, le e-Citaro fait sa première apparition en France, après des commandes multiples en Allemagne. Esthétique nouvelle et conception largement revue pour réduire la consommation d'énergie et prolonger la durée de vie des batteries. © transporturbain
Safra et son Businova muni d'une pile à hydrogène : une première, mais qui soulève bien des interrogations. Un midibus de 9,50 m à 3 essieux d'abord, une configuration surélevée en partie arrière, et un véhicule électrique d'abord tributaire de ses batteries : la pile n'est qu'un appoint ! © transporturbain
Van Hool était présent, par le biais de la métropole nîmoise qui exposait un Exquicity de 24 m destiné à la ligne T2, à la livrée bigarrée. C’est un nouveau succès pour Van Hool, après Metz et Pau.
Autre vedette à l'extérieur, l'Exquicity hybride de Van Hool pour la deuxième ligne de BHNS de Nîmes. La livrée est pour le moins curieuse et un peu sombre dans une ville réputée pour ses coups de chaud, ce qui risque de solliciter un peu plus la climatisation... © transporturbain
Alstom s’octroyait une place de choix avant même l’entrée des halls avec le premier autobus Aptis électrique de série, qui nous a semblé cependant de facture assez légère : la carrosserie au droit des roues est peu enveloppante, du fait des 4 roues directrices (dont l’utilité fait question, sauf peut-être dans les dépôts). Rappelons à ce jour les commandes de Strasbourg, La Rochelle, Grenoble et Toulon.
Hess exposait à l'extérieur l'un des premiers e-Busway nantais pour la ligne 4, qui, parallèlement, faisaient leurs débuts en exploitation commerciale en remplacement des Citaro G fonctionnant au GNV, en limite de capacité.
Nantes - Place Foch - 1er octobre 2019 - A gauche, un Urbanway 18 fonctionnant au GNV et à droite, le nouveau e-Busway avec les Light Tram bi-articulés de Hess. On remarque évidemment les bornes de rechargement des batteries au terminus. © transporturbain
La présence chinoise était visible mais plus discrète que les précédentes années : seul BYD exposait un midibus. Yutong était absent.
Au chapitre ferroviaire, Siemens était quasiment absent, hormis la présence d'une des nouvelles rames du métro de Rennes. Stadler avait fait l’impasse et les hasards de l’implantation des stands avaient mis CAF et Alstom face à face.
Petite affluence très surveillée : le Secrétaire d'Etat aux Transports visite l'une des premières rames de la deuxième ligne de métro de Rennes, construites par Siemens, dont c'était la seule présence au salon. © transporturbain
De son côté, Bombardier semble fortement miser sur l’évolution des AGC Diesel et bimodes pour leur implémenter des batteries, en remplacement partiel ou total de la motorisation thermique. Alstom met de l’eau (non pas dans son hydrogène) mais dans sa stratégie de verdissement en proposant des solutions plus variées dont l’hybridation des Régiolis : l’expérimentation devrait débuter l’année prochaine. Chez CAF, on la jouait plutôt sobre : tant que le contrat n’est pas signé, la prudence reste de mise mais le film de présentation des automotrices TET tournait en boucle…
Au chapitre des coïncidences, on aura aussi remarqué le côté « Dalton » des stands du groupe SNCF : très minimaliste et peu animé (hormis une intéressante conférence sur l’ouverture à la concurrence vue du gestionnaire d’infrastructure) pour SNCF Réseau, un peu plus d’activité et d’interactivité chez SNCF Mobilités et le grand show-room de Keolis à l’égal des stands de Transdev et de la RATP.
On aura aussi remarqué l’espace sensiblement accru accordé aux nouvelles mobilités… appellation bien étrange pour parler principalement du vélo, dont le rôle commence à être intégré par les collectivités. Le terrain est propice à Nantes, et globalement dans les grandes villes de l’ouest.
Sur le plan politique, les smartphones tournaient à plein régime car se tenait parallèlement le congrès de Régions de France à Bordeaux. Difficile de participer aux deux compte tenu de la piètre consistance d’une relation ferroviaire Nantes – Bordeaux aux performances révélatrices de l’incurie de l’Etat à assurer son rôle de propriétaire in fine du réseau ferroviaire.
Peu d’annonces à Bordeaux sur le financement des infrastructures, en particulier sur les lignes de desserte fine du territoire, sur les conclusions de la énième mission de l’incontournable préfet François Philizot (que certains considèrent comme le véritable Secrétaire d’Etat aux Transports), pas plus que d’ouverture sur le retour d’une TVA à 5,5% sur les transports de service public. Bref, beaucoup de déceptions qui ne font qu’amplifier les clivages entre l’Etat d’une part (lui-même traversé par un profond rift entre les Finances et les ministères techniques) et les collectivités locales d’autre part, placées dans la situation d’exécuteur des basses œuvres : concilier l’inconciliable des injonctions contradictoires de l’Etat, qui, comme dit à Bordeaux, considère les collectivités comme des « opérateurs de l’Etat ». Pourtant, la pression est de plus en plus forte afin que le verdissement des politiques publiques ne restent pas que des promesses de discours rapidement oubliées (si tant est que leurs auteurs y croient…). Les collectivités locales et les opérateurs sont engagées mais il faudra que l’Etat concrétise ce tournant, tant sur ses propres responsabilités (par exemple l’infrastructure ferroviaire et choix d’investissements) que sur sa relation aux collectivités locales, aux responsabilités accrues mais aux ressources toujours plus contraintes.
Bref, un statu quo électrique…
Clin d'oeil final avec l'exposition de deux autobus de l'association Omnibus Nantes, permettant de mesurer le chemin parcouru en matière de transports urbains, avec un Chausson APVU dont on notera l'étonnante distribution des portes, et plus moderne, un Setra S215UL plutôt conçu pour les lignes de banlieue à long parcours avec un grand nombre de places assises. © transporturbain