1995 : les premiers autobus à plancher bas français
Genèse de l’autobus à plancher bas français
La production française d’autobus en 1995 était d’abord celle de Renault Véhicules Industriels et ensuite d’Heuliez Bus, qui assemblait des carrosseries sur la base de différents châssis, mais principalement sur ceux de RVI. Le modèle phare de l’époque était le R312, dont la production avait débuté en 1987. Cependant, le carnet de commandes diminuait.
Lyon - Gorge de loup - 22 mai 2009 - Produit de 1988 à 1995, le R312 a pris la succession des SC10 et PR100 dans la gamme RVI. Cependant, il fut développé tardivement, alors que Van Hool commençait déjà à commercialiser ses premiers autobus à plancher surbaissé. © transporturbain
Amiens - Mail Albert 1er - 28 juin 2010 - Le PR118 était la dernière évolution du PR180 apparu en 1982 et qui reposait sur l'architecture du PR100 développée par Berliet en 1971 : de l'art d'amortir les chaînes de production... © transporturbain
En cause ? La montée en puissance de constructeurs européens sur les réseaux urbains, notamment hors d’Ile de France. Comme exemples, Marseille, devenu un bastion Mercedes après avoir été un réseau majeur pour Berliet (puis RVI) ; Dijon, où le belge Van Hool avait fait une percée sensible dès la fin des années 1980.
Conçu avec un plancher plat comme sur les autobus standards SC10, mais restant haut avec encore une marche d’accès, le R312 était concurrencé par les premiers autobus à plancher bas produits par MAN, Mercedes et Van Hool. La possibilité d’accéder à l’autobus de quasi plain-pied depuis le trottoir améliorait l’exploitation en rendant plus fluide l’échange de voyageurs et ouvrait le transport urbain aux personnes handicapées, notamment celles en fauteuil roulant.
Aussi, les commandes de R312 chutaient dès 1993 et surtout en 1994, poussant l’industrie française à remettre en cause sa stratégie. Le R312, présenté comme « l’autobus du futur », n’allait être qu’une transition.
Citybus, Access’Bus et Agora
RVI se mettait au travail pour concevoir une évolution du châssis du R312 pour aboutir à un autobus à plancher bas, mais il fallait aussi définir la caisse. Heuliez Bus se chargea de développer le Citybus qui permit à RVI de commercialiser ses premiers autobus à plancher bas en 1995, décrochant les premiers marchés à Paris et à Lyon, d’abord en 3 portes puis en 2 portes pour la RATP. Côté motorisation, le Citybus reprenait le bloc MIDR du R312, proposé en version 206 et 253 ch.
Meaux - Rue de Trinitaires - 20 avril 2011 - Les premiers Agora S sont reconnaissables au capot noir de leur girouette. Cet exemplaire du réseau Trans Val de France (TVF) porte la livrée Veolia, le cliché étant antérieur à la fusion Veolia - Transdev. © transporturbain
L’année suivante, RVI avait enfin terminé la conception de la caisse et présentait son nouveau modèle Agora en version standard et articulée, qui entrainait ipso facto la fin du R312. De son côté, Heuliez Bus proposait sa propre gamme avec le GX317 sur châssis RVI, le GX217 sur châssis et moteur Volvo et l’articulé GX 417 également sur châssis et moteur Volvo, le tout sous l’appellation Access’Bus, qui comprenait également un midibus GX117 pour les besoins de faible capacité.
Angers - Rue René Bazin - 1er octobre 2011 - Le GX317 a poursuivi chez Heuliez la production du Citybus amorcé le temps que RVI développe son propre autobus à plancher bas. Traditionnellement, Heuliez est bien implanté dans l'ouest du pays. © transporturbain
Toutefois, ces autobus à plancher bas comprenaient encore une marche à l’arrière, notamment sur la version standard à 3 portes. Le modèle articulé limitait l’accès de plain-pied aux deux premières portes. En outre, en rupture avec le PR180 auquel il succédait, l’Agora articulé n’avait qu’un seul essieu moteur, en position arrière, diminuant la tenue de route par rapport au PR180.
Rouen - Rue Alsace-Lorraine - 4 septembre 2010 - L'Agora L a été utilisé par Rouen pour développer son concept de BHNS à guidage optique. Signe de la première génération de bus améliorés, l'esthétique du véhicule est en tous points similaires à celle d'un véhicule. © transporturbain
L’expérience – malheureuse ? – de l’Agora Line
En 1999, l’Agora standard fut déclinée en une version initialement conçue pour les lignes de grande banlieue : l’Agora Line avec un moteur non plus en position verticale mais horizontale afin de dégager un espace plus généreux pour la capacité assise avec une baie vitrée arrière de plus grande dimension, intégrée à une face arrière conçue par Safra. La puissance du moteur MI7R atteignait 257 ch.
Paradoxalement, ce modèle n’a pas rencontré un grand succès pour ce type de desserte mais sa consommation plus faible, du fait d’une diminution des renvois d’angle entre le moteur et le pont moteur arrière, intéressa de nombreux réseaux urbains. Autre innovation, le frein de service à commande électrique ne se montrait ni fiable ni confortable du fait des à-coups engendrés.
Lyon - Quai Saint Vincent - 5 mai 2009 - Les Agora Line avec moteur Euro2 ne furent pas une réussite : bruyants, provoquant de nombreux à-coups, ils réussissaient à atteindre le niveau médiocrité en fiabilité des PR100 MI avec boîte semi-automatique à microprocesseurs sortis au début des années 1980 ! © transporturbain
L’Agora Line, qui n’a pas été décliné en version articulé, s’avérait en outre bruyant, manquait de souplesse et se montrait plus fragile avec fissurations et torsions de châssis du fait des vibrations provoquées par le moteur. Il fallut aussi déplorer aussi plusieurs cas d’incendie du bloc moteur mettant en avant certaines faiblesses conceptuelles du bloc moteur MI7R.
Enfin, sur certaines séries d’Agora S, notamment les productions postérieures à 1998, on constata des problèmes de correction d’assiette avec des autobus présentant un tangage systématique à l’arrêt ou une correction contraire (bus « penchant à gauche » aux arrêts). Même chose sur les boîtes de vitesses, avec une tendance au « cirage », faisant monter le régime moteur sans augmenter la vitesse, avec au freinage un déficit de frein moteur.
Des moteurs plus propres
Les motorisations au gaz étaient également développées par RVI et Heuliez avec des Agora au GNV, des GX317 au GPL (production éphémère) et des GX217/417 au GNV, et devaient également suivre l’évolution des normes européennes anti-pollution.
Bordeaux - Place Stalingrad - 28 novembre 2013 - Heuliez s'est intéressé aux motorisations alternatives avec ici une version GNV développée avec Volvo sous l'appellation GX217. © transporturbain
Les gammes RVI et Heuliez allaient connaître d’importantes évolutions liées à la restructuration de la branche, à l’entrée d’Iveco conduisant à la naissance d’Irisbus et à l’évolution des normes européennes sur les émissions de gaz polluants. Il était aussi mis fin à la production parallèle des PR112 et PR118, ultimes évolutions d’une gamme apparue en 1971 sous la bannière de Berliet.
Ainsi, les moteurs MIDR avaient migré de la norme Euro1 à la norme Euro2 mais ne pouvaient atteindre le seuil Euro3. Irisbus proposait donc en 2001 une nouvelle motorisation Euro3 de 290 ch à l’ensemble de la gamme Agora, également proposée sur la gamme Heuliez Access’Bus, issue de la gamme Iveco, avec le Cursor 8.
Chez Heuliez, l’évolution donnait naissance au GX127/327/427, avec en revanche l’abandon du partenariat avec Volvo : désormais, tous les Access’Bus reposaient sur châssis Irisbus.
Chartres - Boulevard Maurice Violette - 29 mars 2014 - Le GX327 a succédé au GX317 en même temps que le Citélis remplaçait l'Agora. On notera avant la porte centrale une baie en triangle, améliorant la luminosité intérieure. © transporturbain
Nice - Vieux Port - 29 octobre 2012 - Heuliez a développé une gamme d'autobus à gabarit réduit, ici un GX127 niçois, avec motorisation Iveco. Particulièrement nerveux et donc agiles sur les profils difficiles, ils sont cependant assez bruyants, surtout dans les rues étroites de Nice ou celles de Marseille. © transporturbain
De l’Agora au Citélis
La production de l’Agora fut remplacée en 2005 par le Citélis, marquant la fusion des deux gammes parallèles d’Irisbus, à savoir Agora et Cityclass. L’évolution esthétique concerne d’abord la face frontale et certains éléments intérieurs. La motorisation essayait de réduire les problèmes récurrents de surchauffe. Le Citélis fut proposé en version classique à moteur vertical et en version Line à moteur transversal, dont la production cessa en 2010 tant par souci de rationalisation de la production que pour éliminer un modèle qui posait toujours des problèmes de fiabilité.
Le Bouscat - Avenue d'Eysines - 29 novembre 2013 - Bordeaux est un réseau fidèle au GNV, quoique basculant désormais vers l'hybride. La diversification des motorisations est une évolution majeure intervenue dans la génération des autobus à plancher bas. © transporturbain
Le moteur Cursor 8 évoluait pour suivre les normes anti-pollution, le Citélis sortant immédiatement en version Euro4 puis évoluant en Euro5. Les versions GNV étaient poursuivies. Du côté de la fiabilité et du confort, le Citélis « classique » (ou Citélis 12) faisait de nets progrès.
Reims - Rue Condorcet - 6 juillet 2013 - Sur cette vue, les différences esthétiques entre le Citélis, à gauche, et le GX327, à droite, sont mises en évidence : la parenté est claire mais les caisses sont toutefois radicalement différentes et ne comprennent pas de pièces communes. © transporturbain
Autre évolution proposée par le Citélis et l’Acess’Bus, la création de baies vitrées en partie basse à hauteur des plateformes et des trappes d’aération translucides, pour augmenter la luminosité intérieure des autobus.
Orléans - Rue du Faubourg Bannier - 7 juillet 2012 - Abandonnant son partenariat avec Volvo, Heuliez Bus propose une gamme alternative quoique très proche de celle d'Irisbus et désormais d'Iveco Bus. Ici un GX427 dans la nouvelle livrée orléanaise. © transporturbain
Place à l’Urbanway, développement de la technique hybride
En 2013, Iveco présentait l’Urbanway, nouvelle évolution de son autobus urbain, dont la parenté avec le Citélis, donc l’Agora et donc le R312 reste manifeste même si les évolutions techniques de la motorisation sont ici beaucoup plus nombreuses. L’Urbanway doit s’inscrire dans le mouvement général de réduction des motorisations thermiques au profit de solutions hybrides, en attendant le développement d’un véhicule de transport urbain autonome et totalement électrique.
Ainsi, l’Urbanway est décliné en version thermique classique Euro6 avec deux types de moteurs issus de la gamme Iveco : Tector 7 et Cursor 9, cette dernière version impliquant un rehaussement du bloc moteur au-dessus de la toiture. L’Urbanway est aussi proposée en motorisation GNV avec un moteur Cursor8. Dans tous les cas, la recherche d’une réduction de la consommation de carburant est recherchée notamment avec un allègement de la structure et un nouveau pilotage intelligent de la motorisation.
Les faces avant et arrière sont redessinées avec une allure plus agressive. En revanche, les moteurs Cursor 8 et 9 entrainent la disparition de la vitre arrière, diminuant la luminosité de la partie arrière de l’habitacle. Parmi les autres évolutions, la possibilité d’intégrer des portes louvoyantes-coulissantes dégageant un espace plus généreux s’inscrit dans une démarche d’amélioration de l’accessibilité.
Annecy - 7 janvier 2015 - Deux vues de la nouvelle gamme Urbanway, illustrée ici avec le moteur Cursor 9. Ci-dessus, la nouvelle face avant marque bien la nouvelle identité mais l'arrondi du monogramme tranche avec les phares rectangulaires. Ci-dessous, le bloc moteur arrière Cursor 9 est tellement encombrant qu'il nécessite un rehaussement au-dessus de la toiture, tout en supprimant tout éclairage naturel à l'arrière de l'habitacle. On a beau dire qu'on ne discute pas des goûts et des couleurs, mais l'ensemble est assez disgrâcieux... (clichés M. Ibou)
Enfin, Iveco lance une gamme hybride avec le moteur Tector 7 et avec la fonction Stop and Go, qu'on retrouve également chez Heuliez Bus. Dans les deux cas, la filière gaz n'a pas été oubliée. En revanche, la déclinaison électrique de l'autobus à plancher bas français est uniquement commercialisée par Heuliez Bus. Pour aller plus loin, voir le dossier de transporturbain sur l'évolution de la motorisation des autobus.
Dijon - Place Darcy - 23 décembre 2013 - La motorisation hybride est apparue à la charnière entre le GX327 et le GX337 : c'est ici un GX327 dans la nouvelle livrée dijonnaise qui passe devant l'objectif. © transporturbain