En matière de tramways modernes, il est indéniable que Bombardier et Alstom occupent le devant de la scène avec les plateformes Flexity et Citadis. Dans ce domaine, Siemens, l’autre « grand » constructeur européen du secteur a joué de malchance avec son tramway à plancher bas intégral Combino, commercialisé de 1998 à 2009. Son successeur, l’Avenio, a connu un succès limité.
Combino : un excès de légèreté
Présenté par Düwag à Düsseldorf en 1996, le Combino devait prendre la succession des NGT8, dernières productions de cet industriel avant le grand brassage des constructeurs en Allemagne à la fin des années 1990.
C’est le premier tramway à plancher bas intégral de Siemens, avec des roues indépendantes, comprenant 3 types de modules :
- Modules d’extrémité à bogie ;
- Modules intermédiaire court à bogie ;
- Grands compartiments voyageurs, articulés avec les modules adjacents.
Bâle - Claraplatz - 30 mai 2009 - La première version du Combino, ici en version à écartement métrique et de grande longueur avec cette rame du BVB à 7 caisses. La face avant est standardisée, un sujet intéressant peu les réseaux hors de France... © ortferroviaire
Chaque bogie moteur dispose d’un moteur de 100 kW placé à l’extérieur et en quinconces, alimentant les roues d’un même côté. Un réducteur est placé en bout d’arbres, également pour chaque file de rails. Jusqu’alors, les roues étaient reliées transversalement (« un moteur par faux-essieu »).
Visant la légèreté, la caisse est en aluminium et les éléments sont boulonnés. L’architecture est adaptée aux configurations unidirectionnelles ou bidirectionnelles, avec composition alternant des modules avec bogies et d’autres suspendus, sans différence fondamentale avec le Cityrunner développé parallèlement et le Citadis alors en conception. Comme ses concurrents, le Combino peut être adapté en longueur, de 18 à 43 m, et en largeur, de 2,30 m à 2,65 m.
En revanche, Siemens n'a proposé qu’une seule esthétique, alors que ses concurrents, notamment Alstom, vantaient la flexibilité de la conception de leur produit pour le personnaliser. Au fil du temps, comme nous l'avons illustré dans ce dossier, la face avant des Combino a évolué au fur et à mesure des marchés.
Le premier contrat décroché à Potsdam prévoyait 48 rames. Considérées trop bruyantes en courbe, et du fait de difficultés budgétaires, la municipalité limita la commande à 16 rames.
D'emblée, les commandes ont fait le grand écart entre les tramways courts, comme à Erfurt (qui a aussi pris des rames de 32 m) et Freiburg im Breisgau (7 caisses, 43 m). Evidemment, Siemens a conçu des bogies pour voie normale ou voie métrique... et a même développé une version bimode pour une toute petite commande de 3 unités à Nordhausen.
Erfurt - Anger - 21 septembre 2018 - Longueur classique pour cette rame de première génération sur la place centrale de la ville. On note le remplacement de la girouette pour un écran à diodes, plus lisible que les pastilles éclairées par un néon. © E. Fouvreaux
Ilfeld - 1er novembre 2009 - Le Combino a aussi été décliné dans une version bimode, sur 3 rames à 3 caisses, dans le cadre de l'interconnexion entre le réseau urbain à voie métrique et le chemin de fer local du Harz. © A. Knoerr
Freiburg im Breisgau - Bertholdstrasse - 29 octobre 2016 - Encore une variante, avec une girouette proéminente qui donne une étrange allure à cette rame croisant le tracé alors en travaux du second itinéraire nord-sud de ce réseau. © ortferroviaire
Berne - Monbijoustrasse - 28 mai 2010 - Première évolution de la face avant du Combino pour le réseau de la capitale politique de la Suisse. En revanche, le pantographe reste toujours placé sur la première caisse sur les rames suisses. © ortferroviaire
Des problèmes de stabilité sont aussi apparus sur plusieurs rames des premiers réseaux livrés, comme Amsterdam ou Bâle. Les rames à voie métrique, subissant des contraintes plus élevées du fait des rayons de courbes plus serrés, ont été particulièrement concernés. La structure légère du Combino s’est révélé une faiblesse.
Amsterdam - Leidestraat - 21 avril 2016 - Un bon exemple des fortes sollicitations subies par les premiers Combino : les réseaux anciens présentent des caractéristiques d'infrastructures parfois difficiles, exportant d'importantes contraintes pour les matériels modernes à plancher surbaissé. (cliché X)
Siemens a imposé la mise à l’arrêt des rames après 120 000 km, après avoir détecté des fissures dans les articulations des caisses : la première rame détectée, à Freiburg im Breisgau, révéla que les calculs de structure étaient erronés. Le Combino s’avère un peu trop léger par rapport aux efforts qui lui sont demandés, notamment par la concentration des équipements en toiture, inhérente à l’architecture surbaissée. Plaçant les opérateurs dans un embarras quotidien, et suscitant une certaine hostilité des usagers, Siemens dut se résoudre à financer la reconstruction de 454 modules incriminés, en acier inoxydable soudé, en conservant que les châssis, soit une dépense d’environ 400 M€.
Berne - Bahnhofplatz - 28 mai 2010 - Retour à Berne avec cette autre esthétique frontale apparue sur les dernières productions de ce matériel en 2008-2009, préfigurant l'Avenio. © ortferroviaire
Erfurt - Domplatz - 21 septembre 2018 - Le Combino dans sa version courte à 3 caisses et apte à la circulation en unité multiple. Ce petit réseau de Thuringe semble avoir hésité entre des rames longues et des rames courtes en couplage.© E. Fouvreaux
Combino Plus : le nom pour seul point commun
Siemens plancha assez rapidement sur une évolution de son produit, en réalité, une « reconception » totale. Le Combino Plus garde le même nom de gamme, mais l’architecture de la rame est radicalement différente. Le nouveau tramway est composé de modules de 9 m de long reposant tous sur un bogie, moteur ou porteur. Contrairement à la première version, le bogie peut pivoter, avec un angle de rotation de 4 degrés, ce qui réduit les sollicitations sur la caisse en accompagnant – un peu – l’insertion dans les courbes.
Il peut être décliné en différentes longueurs, de 18 à 54 m. La construction en acier inoxydable a été reconduite.
Autre nouveauté dans cette seconde mouture du Combino : l’abandon des portes simples derrière les cabines de conduite : la nouvelle structure s’accommode mieux de l’allongement du porte-à-faux et la standardisation des plateformes à une largeur de 1,30 m facilite les échanges en station.
Au total, Siemens a produit 580 Combino et Combino Plus : c'est peu par rapport à la concurrence. Il est présent dans 9 pays :
- Allemagne : Augsburg, Düsseldorf, Erfurt, Freiburg, Nordhausen, Potsdam et Ulm
- Australie : Melbourne
- Hongrie : Budapest
- Japon : Hiroshima
- Pays Bas : Amsterdam, qui concentre 155 des 580 motrices vendues
- Pologne : Poznan
- Portugal : Almada
- Suisse : Bâle et Berne
- Taiwan : Kaoshiung
Avec les versions à 6 caisses de Budapest, Siemens avait décroché un temps le titre de tramway le plus long du monde avec 54 m, avant de se faire détroner à CAF et ses Urbos, sur le même réseau, d'une longueur de 56 m.
Budapest - Margit Hid - 5 juin 2019 - Le BKV expoite 40 Combino Plus à 6 caisses d'une longueur de 54 m, comprenant 3 blocs de 2 modules, reliés par des intercirculations plus consistantes pour assurer la stabilité d'un tel tramway. © A. Knoerr
En 2018, Siemens a expérimenté sur l’une des rames de Potsdam un dispositif de pilotage automatique du tramway : une première, compte tenu de la circulation en milieu ouvert avec de nombreux impondérables potentiels.
Almada - Via Alvarade - 27 mai 2014 - En face de Lisbonne, le réseau d'Almada est exploité avec des Combino Plus, à écartement normal. Les rames comprennent 4 caisses reposant chacune sur un bogie. La disposition des portest est asymétrique, les voitures centrales n'en comprenant qu'une seule. © ortferroviaire
Avenio : difficile de faire oublier les déboires du Combino ?
Sur la base du Combino Plus, Siemens a lancé l’Avenio pour essayer de se relancer dans la compétition européenne mais avec pour l'instant un succès limité. Le produit a été retenu principalement en Allemagne mais aussi avec quelques réussites à l'exportation :
- Munich : un marché de 122 rames dont 103 commandées ou livrées à fin 2020, dont 9 de 2 caisses, 9 de 3 caisses et le reste à 4 caisses ;
- La Haye : 60 rames de 4 caisses ;
- Ulm : 12 rames de 4 caisses ;
- Brême : 77 rames de 4 caisses ;
- Copenhague : 27 rames de 4 caisses ;
- Doha : 19 rames de 4 caisses ;
- Nuremberg, dernier réseau ayant retenu l'Avenio en fin d'année 2019 avec 12 rames de 4 caisses en tranche ferme et 75 en option.
Cela reste quand même peu par rapport à la concurrence, même en comparant avec CAF, Stadler ou Skoda.
L'Avenio cherche à se positionner à la fois sur le créneau des tramways très courts, avec une version élémentaire de 18 mètres, plus courte encore que le plus petit des Combino, et sur le tramway XXL avec des versions à 7 et 8 modules allant au-delà du Combino de Budapest.
Le principe de modules de 9 m de long reste assez théorique. Pour La Haye, les rames de 35 m comprennent 4 caisses dont 2 d’extrémité de 8,4 m, tandis que les modules centraux affichent respectivement 7,79 m et 7,43 m. Elles comprennent 4 portes dont 3 doubles et une simple. La cabine est décentrée pour assurer la vente à bord, d’où l’absence de porte sur le côté droit du dernier module, ce qui s’avère peu commode pour les échanges.
A Munich, les rames ne comprennent que 2 types de modules : les caisses d’extrémité de 9,05 m et les intermédiaires de 7,68 m. Toutes disposent de 2 portes doubles, d’un seul côté de la rame puisqu’elles n’ont qu’un seul poste de conduite.
La Haye - Rijswikseplein - 4 juin 2016 - Les Avenio de La Haye ont été affublés d'une étrange livrée à base de gris, rehaussée d'une face et d'entourages de portes rouges. On aperçoit sur ce cliché la dissymétrie des portes du fait de l'aménagement de la cabine pour la vente de titres de transport à bord. © A. Knoerr
Munich - Sint Veit strasse - 14 mai 2015 - A droite, un Avenio 4 caisses, qui devrait être présent à 85 exemplaires dans les prochaines années sur le réseau. A gauche, l'un des 14 Variobahn de Stadler, qui n'ont pas totalement donné satisfaction au MVG. © A. Knoerr
Rappelons enfin que Siemens a fourni aussi une bonne partie du matériel de Karlsruhe, avec des séries spécifiques à ce réseau, ou encore les ULF de Vienne.