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transporturbain - Le webmagazine des transports urbains

Lille : premier métro automatique du monde

Le VAL, entre enjeux urbains et recherche technologique

La conurbation nordiste composée des agglomérations de Lille, Roubaix et Tourcoing forme un ensemble urbain continu depuis les années 1960. La démarche consistant à la création d’un métro résulte de la convergence d’une approche en termes de besoins pour l’agglomération et du développement d’une technologie d’automatisation de l’exploitation.

L’Etablissement Public d’Aménagement de Lille-Est, créé en 1968, définissait le projet d’une ville nouvelle à Villeneuve d’Ascq. Le professeur Gabillard fut chargé d’une étude sur la détection des cavités calcaires par un dispositif de cartographie magnétique. En marge de ces travaux, il explorait les possibilités offertes par les systèmes électromagnétiques pour développer un système de transport rapide pour la ville nouvelle, en partenariat avec la Faculté des Sciences de Lille. En 1971, l’équipe du professeur Gabillard déposait le brevet du système « Villeneuve d’Ascq – Lille », ou VAL.

prototype-val

Le VAL quand il n'était encore qu'un objet de recherche universitaire au début des années 1970 : le premier train prototype circulait sur une voie d'essai à Villeneuve d'Ascq. Les chercheurs savaient-ils qu'ils allaient mettre au point une innovation de portée mondiale : le premier métro automatique sans conducteur ? (source inconnue)

Parallèlement, la Communauté Urbaine de Lille lança un appel d’offres pour un système de transport en commun à forte fréquence (jusqu’à une minute d’intervalle), fonctionnant 20 heures par jour à la vitesse moyenne de 34 km/h pour un investissement inférieur à 15% à celui d’un métro classique et un coût d’exploitation réduit de 30%.

La Communauté Urbaine de Lille retenait le projet développé par Matra, qui développa en 1973 une plateforme prototype à Lézennes, dans la banlieue de Lille, avec un train prototype de deux voitures validant l’expérience en laboratoire du système VAL : à l’issue des essais menés entre juin 1973 et septembre 1974, le principe du métro automatique sans conducteur était techniquement validé.

Du projet de recherche au projet de réseau

Le Président de la Communauté Urbaine, Arthur Notebart, soutenait le projet et fait adopter un projet de deux lignes, dont la liaison Villeneuve d’Ascq – Lille. Le projet fut déclaré d’utilité publique par l’Etat en 1976 mais le Secrétariat d’Etat aux Transports refusait d’approuver la concession relative à la construction de la ligne : la Communauté Urbaine décidait de passer outre et de financer son projet sans l’apport de l’Etat.

A l’automne 1977, Matra et la Compagnie Industrielle de Matériel et de Traction (CIMT) recevaient une commande de 38 rames composées de deux voitures à roulement pneumatique. Les pistes de roulement  des pneumatiques sont à écartement de 1435 mm. L’alimentation s’effectue par troisième rail alimenté en 750 V continu, et le guidage par un rail central à l’approche des appareil de voie.

La Société Française d’Etudes et de Réalisation de Transports Urbains coordonnait les travaux de la partie souterraine. Deux ans plus tard, la Compagnie du Métro de Lille (COMELI) fut créée par Matra et le groupe Transexel pour l’exploitation et la maintenance.

Entre septembre 1979 et le début de l’année 1981, les premières rames de pré-série furent testées, d’abord en pilotage manuel avec les chercheurs de l’Université des Sciences et Technologies, puis avec les automatismes.

Les oppositions au projet étaient nombreuses, évoquant les risques sur la sécurité d’un métro sans personnel à bord et la sensibilité du système aux conditions climatiques. Les riverains s’opposèrent à certaines sections en viaduc, y compris dans la ville nouvelle. Le tracé sur la commune de Lille fut alors défini avec un terminus au centre hospitalier régional.

En treize mois, entre janvier 1979 et février 1980, les sections en viaduc étaient réalisées, puis les portions en tranchées couvertes dans les faubourgs de Fives et Hellemmes. Le tracé sous le centre ancien de Lille fut réalisé en méthode classique par onze points d’accès. A partir du 21 mars 1982, la Communauté Urbaine proposa des voyages d’essai aux lillois, entre les stations Hôtel de ville et Quatre Cantons.

Le premier métro intégralement automatique du monde

Le 25 avril 1983, le Président de la République, François Mitterrand, venait inaugurer le premier métro automatique du monde entre République et Quatre Cantons. Le 2 mai 1984, la ligne atteignait son terminus au centre hospitalier. Techniquement, c’est un succès. Sur le plan économique, l’estimation de 230 millions de francs en 1974 futlargement dépassée : le coût final de la ligne 1 atteignait 2 milliards de francs.

1983-09-02 - LIlle - Quatre Cantons - Assa - 01

Lille - Quatre Cantons - 2 septembre 1983 - Le VAL est installé en viaduc chaque fois que possible (ou acceptable) pour diminuer les coûts. Sur la voie, on note l'absence de rail classique et le tapis du pilotage automatique entre les deux pistes pour pneumatiques. © Th. Assa

Cependant, le 3 février 1984, la Communauté Urbaine entérinait la construction de la première section de la deuxième ligne, dite « 1 bis » entre la gare et Lomme (Saint Philibert), comprenant deux sections en viaduc , une en tranchée couverte, tandis que la section sous le centre de Lille devait être réalisée à l’aide d’un tunnelier.

Les travaux furent achevés en fin d’année 1988. Le 1er janvier 1989, la COMELI fusionna avec la COTRALI (Compagnie des Transports Lillois) pour former les TCC (Transports en Commun de la Communauté urbaine), qui mettent en service la ligne 1 bis le 3 avril.

1984-02-17 - LIlle - Triolo - Assa - 01

Villeneuve d''Ascq - Station Triolo - 17 février 1984 - Les stations du métro de Lille sont très représentatives des tendances architecturales du début des années 1980 avec de nombreux aménagements privilégiant des tons bruns. La présence de parements de briques en est l'un des éléments les plus présents dans le métro. Ici, les riverains ont obtenu un tracé en tranchée alors que le projet initial envisageait un viaduc. © Th. Assa

 

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Lille - République - Beaux-Arts - 30 mai 2007 - La station République - Beaux Arts sur la ligne 1 fait partie de celles dont la décoration a été soignée dans l'esprit du lieu qu'elle dessert. Le cliché a été pris avant l'installation des portillons de contrôle des titres de transport avant l'accès aux quais au début de l'année 2018. Notez que le sol est jonché de journaux gratuit, un nouveau fléau... © M. Araya

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Villeneuve d'Ascq - 20 février 2020 - L'entrée de la station Pont de Bois, avec un bâtiment au style assez représentatif des années 1980, avec du béton habillé de briques, de larges surfaces vitrées et une structure métallique. © transporturbain

Développement de la deuxième ligne

L’alternance politique locale amena Pierre Mauroy à prendre la succession d’Arthur Notebart à la tête de la Communauté Urbaine en 1989. Les critiques à l’égard des choix de tracé de la deuxième ligne conduisirent le nouveau président à se tourner vers les crédits du Fonds Européen de Développement Régional afin de prolonger la ligne à Roubaix et Tourcoing, soit plus de 20 kilomètres pour un montant de 6,8 milliards de francs.

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Lille - Station Mairie de Lille - 24 avril 2010 - Style cathédrale pour l'une des stations les plus importantes du réseau sur le plan politique, celle de la mairie ! Les installations sont cependant assez fonctionnelles et correctement dimensionnées. © P. Mondain-Monval

La première phase reliait la gare historique de Lille au nouveau quartier Euralille et sa gare TGV Lille Europe, effectif le 5 mai 1994. Début 1995, la ligne 1bis devient la ligne 2 et atteignait la station Fort de Mons. Le 18 août 1999, la ligne touchait le centre de Tourcoing le 18 août 1999. Le 27 octobre 2000, le terminus du centre hospitalier Dron de Tourcoing était inauguré.

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Lille - Porte de Valenciennes - 20 février 2020 - Un élément VAL206 sur la ligne 2, qui comprend elle aussi plusieurs sections aériennes, mais tout de même prédisposées pour des trains composés de 2 éléments. © transporturbain

Depuis cette date, le réseau lillois atteint 42,5 km et 60 stations. C’est le deuxième métro de France par sa longueur après celui de Paris. L’interstation moyen est de 755 m sur la ligne 1 et de 795 m sur la ligne 2. La  vitesse moyenne de 34 km/h en fait un mode de transport rapide et donc efficace, utilisé par près de 115 millions de voyageurs par an, soit une moyenne d'environ 380 000 voyageurs par jour de semaine, 315 000 en lissant le trafic sur 365 jours.

La ligne 2 constitue encore aujourd'hui la plus longue ligne de métro de France avec 31,7 km et 44 stations. Elle sera dépassée par la ligne 15 du Grand Paris Express, dont la première phase entre les stations Pont de Sèvres et Noisy-Champs atteint 33 km.

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Lille - CHR Lambret - 20 février 2020 - Une rame VAL208 approche du terminus Calmette sur l'une des parties aériennes de la première ligne de métro de Lille. Le petit gabarit de ce matériel a permis une réduction de la taille des ouvrages, qu'il s'agisse des tunnels ou des viaducs. © transporturbain

Le service est assuré de 5h à 0h30 par 143 rames VAL (83 VAL206 et 60 VAL208), deuxième génération de ce matériel automatique dont la construction a été reprise par Siemens après la restructuration intervenue au sein du groupe Matra. L’intervalle entre les rames atteint 61 secondes à l’heure de pointe.

En 2005, la rénovation des rames VAL206 a été réalisée par Siemens. Deux ans plus tard, l’aménagement des VAL208 a été modifié pour augmenter la capacité, mais les marges sont de fait limitées par l'étroitesse du gabarit.

Un métro ouvert, fermé pour cause de fraude

A sa mise en service en 1983, le métro de Lille était d'accès totalement fluide : les valideurs ne faisaient pas obstacle à l'accès aux quais, exactement comme à Lyon, qui avait ouvert son métro 5 ans plus tôt. A Marseille en revanche, des tourniquets parisiens avaient été installés. Le métro de Lille, en dépit de son efficacité et de sa nouveauté technologique, subit durant une vingtaine d'années une réputation de lieu anxiogène du fait de plusieurs affaires d'agressions à l'égard des voyageurs. En outre, l'exploitant devait faire face à une faiblesse des recettes par une fraude élevé. Outre le développement de la vidéosurveillance, les valideurs ont été remplacés par des portillons de contrôle afin de faire rentrer des recettes. L'opération a été achevée au début de l'année 2018.

Un métro et c'est (presque) tout

Les 2 lignes de métro de Lille forment certes un réseau assez long, mais le maillage de la métropole reste tout de même limité. Dans l'hypercentre, le tracé des lignes 1 et 2 forme une maille avec les deux gares et la porte des Postes. La complémentarité avec le Mongy a réussi à s'imposer alors qu'il fut un temps envisagé de supprimer le réseau avec la réalisation de la ligne 2 desservant Roubaix et Tourcoing. Cependant, la métropole lilloise est plutôt en retard en matière d'équipement : la desserte relève encore largement des autobus. Malgré une politique d'amélioration du service et d'aménagements ponctuels avec les Lianes (Lignes à niveau élevé de service), la performance générale du réseau est assez moyenne. Différents projets de tramway ou de tram-train ont été envisagés depuis la fin des années 1990, en vain. L'extension du métro a été totalement stoppée après l'achèvement de la ligne 2. Dans les premières réflexions de 1974, étaient envisagées d'autres lignes, de Marquette à Wattignies d'une part et de Wattrelos à Lys-lès-Lannoy via Roubaix.

On remarque ainsi que les lignes réalisées sont plutôt d'orientation est-ouest, surtout pour la ligne 1 : la ligne 2 est en réalité orientée entre l'ouest (Lambersart) et le nord-est de la métropole (Tourcoing). Il manque de fait une desserte du sud de la métropole, mais qui présente une moindre densité : le nord-est, avec les pôles de Roubaix et Tourcoing, est évidemment plus peuplé, plus structuré.

De nouvelles extensions apparaissent parfois, plus ou moins consistantes, généralement à l'approche des élections municipales, mais aucune ne dépasse le stade des documents de campagne.

Un nouveau VAL plus capacitaire sur la ligne 1

Confronté à une hausse du trafic de 55% entre 2001 et 2010, Transpole, exploitant du réseau, a proposé l’augmentation de la capacité du réseau en exploitant en couplage les rames, seule solution pour contourner l'obstacle du petit gabarit sur un système offrant déjà une fréquence très élevée.

L’opération nécessite l’allongement de 26 à 52 m des stations, en commençant par la ligne 1. Les travaux étaient initialement prévus entre 2013 et 2015. La fourniture de 27 rames à intercirculation, longues de 52 m, d'une capacité de 420 places, et des équipements de signalisation a été attribuée le 11 mai 2012, non sans surprise, à Alstom, au détriment de la candidature de Siemens. En complément 26 rames VAL seront accouplées pour former 13 trains longs. Les 27 rames restantes seront mutées sur la ligne 2 dont l'effectif passera de 90 à 117 rames, mais circulant en unité simple en attendant une future décision d'extension à 52 mètres. Les premières rames de nouvelle génération devaient arriver en janvier 2016.

La principale difficulté pour Alstom a été d'atteindre le niveau élevé de fréquence de la technologie VAL développée par Matra : l'objectif était d'égaliser les 66 secondes, ajustées pour intégrer la circulation de trains plus longs et donc plus lourds, ce qui accroît inéluctablement les intervalles. Le projet lillois prévoit un nouvel intervalle commercial de 104 secondes, procurant un gain de capacité sera de 28%. L'exploitation se réserve la possibilité de resserrer ultérieurement l'intervalle jusqu'au minimum technique possible avec des trains de 52 m qui devrait être de l'ordre de 75 secondes.

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Villeneuve d'Ascq - Station Jean Jaurès - 20 février 2020 - Le cadre des stations avait été prévu pour une exploitation future avec 2 éléments de 52 m. L'opération d'augmentation de capacité de la ligne 1 avait donc à aménager ces demi-stations réservées. Ce n'était pas forcément l'opération la plus complexe. On note que le style de décoration d'origine a été préservé pour assurer la cohérence d'ensemble, plutôt que de mettre au goût du jour la totalité des quais. © transporturbain

Le coût de l'opération atteint 629 M€ dont 29M€ de l'Etat, 53,5 M€ de la Région, 53,5 M€ du Département du Nord et le solde pour la Communauté Urbaine, qui a contracté un prêt de 300 M€ auprès de la Banque Européenne d'Investissement dont une première tranche de 100 M€.

Cependant, la mise au point du pilotage automatique et du nouveau matériel roulant s'est révélée bien plus complexe que prévue et le dossier a envenimé les relations entre la Métropole et Alstom. Résultat, le nouveau pilotage automatique sera déployé en 2021 et l'équipement de la ligne 1 avec le nouveau matériel ne sera achevé qu'en 2023 soit avec 7 ans de retard et une inflation du coût de réalisation : la rupture, ça se paie...

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Le nouveau matériel de la ligne 1 du métro de Lille se fait attendre : la Métropole essuie les plâtres d'un nouveau produit. (cliché Metro Report)

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Nouvel intérieur, avec toujours ce souci de composer avec la très faible largeur des rames. Les surfaces vitrées sont plus généreuses, notamment sur les portes, ce qui n'est réellement utile que pour accroître la luminosité lors des passages en aérien. (source : Lille Métropole)

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