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transporturbain - Le webmagazine des transports urbains
1 septembre 2011

Strasbourg : le Translohr fait débat

Le 19 février dernier, nous vous faisions part des premières réactions sur le projet de tramway strasbougeois sur pneus porté par la Communauté Urbaine pour l'ouest de l'agglomération strasbourgeoise, entre Vendenheim et Eckbolsheim par la gare centrale. Nous nous étions alors étonné de cette orientation de la CUS, dont la politique avait été globalement exemplaire (mis à part la desserte de Neudorf sans passer par la place du Marché) et apporté notre contribution à l'association TC-Alsace.

Cela n'a pas manqué, les réactions ont été nombreuses. Du côté des promoteurs du projet, le propos pourrait être résumé par la formule "dormez braves gens" : tout va bien, le Translohr n'a pas de problème de fiabilité, il est moins cher qu'un tramway tant du point de vue de l'acquisition du matériel que celui de la construction de la ligne, et en plus, il peut être réalisé plus vite qu'un tramway classique, beaucoup plus vite : cinq ans de moins selon les promoteurs du projet...

Du côté des observateurs lucides, évidemment, le propos est nettement moins enthousiaste : les Translohr exploités (quatre réseaux, ce qui fait un panel plutôt maigre !) ne sont pas si exemplaires que cela et le seul cas clermontois suffit à égratigner sérieusement la confiance en cette technologie. On pourrait par exemple rappeler qu'un audit sur la sécurité est en cours suite à l'incendie d'une rame, et qu'après le déguidage du début de l'année, la vitesse des rames est limitée à 40 km/h au lieu de 60, sachant qu'un relèvement à 30 a été opérée sur le viaduc où s'est produit le dernier accident... après une période de ralentissement à 10 km/h.

Concernant les coûts d'investissement, il suffit d'une petite comparaison entre les différentes réalisations françaises (Paris mis à part pour les raisons qu'on sait...) pour comprendre que ce n'est pas l'épaisseur de la dalle de béton ni le nombre de rails qui fait le coût au kilomètre de la ligne de tram. Pour le matériel, on se limitera à six chiffres :

  • 3,4 millions d'euros pour 120 places sur le STE3 du T5 parisien soit 28 333 euros par place
  • 5,2 millions d'euros pour 250 places sur le STE6 du T6 parisien soit 21 800 euros par place
  • 2 millions d'euros pour 220 places pour les Citadis de Brest et Dijon soit 9090 euros par place

Sur les coûts d'exploitation, différentes études officielles ont été menées et elles aboutissent à identifier des surcoûts manifestes pour le Translohr par rapport au tramway : d'une part, le Translohr étant sur pneumatiques, la surface d'adhérence du pneu entraîne une consommation d'énergie à la tonne supérieure de 30% ; d'autre part, les coûts de maintenance évalués par la RATP pour les deux projets de Translohr qui lui ont été imposés prévoient un écart de plus de 40% par rapport à ceux des tramways classiques.

Ensuite, la dépendance technogique et l'incertitude sur sa pérennité. Qui dit tramways sur pneus dit Translohr, avec donc une mise en concurrence plus que limitée du fait du brevetage de la technologie de guidage. Qu'en sera-t-il dans 20 ans ? On exploite des tramways depuis 1854 sur des rails (le puriste dira qu'entre le tramway de Loubat et les rames actuelles, il y a quelques différences, mais les principes sont les mêmes). D'autre part, au vu des difficultés déjà rencontrées en cinq annes à Clermont-Ferrand, peut-on raisonnablement penser que les Translohr auront une durée de vie de 40 ans comme les tramways ? Pour les TVR, l'audit récent du CGEDD mise sur une durée de vie de 20 ans environ, c'est à dire celle d'un trolleybus.

Au passage, ce point viendrait renchérir le coût d'investissement comparé à celui d'un tramway. Si sur 40 ans il faut financer le renouvellement à 20 ans de la flotte de Translohr, l'addition devient franchement indigeste.

Alors il reste aussi la largeur : 2,20 m pour le Translohr et 2,40 m pour le tramway de Strasbourg. Argument employé pour emprunter certaines voiries. Cependant, les travaux d'un des pères du tramway de Strasbourg (Georges Muller) ont établi une largeur de plate forme de 5,24 m pour deux voies au gabarit 2,40 m. Autant dire qu'un tramway à double voie passe à peu près partout... et que l'argument de la largeur de la route des Romains n'en est pas vraiment un...

Enfin, et c'est gênant à Strasbourg qui a été exemplaire jusqu'à présent de ce point de vue, l'impossibilité de maillage avec les lignes et les sites de maintenance existants. Cet enclavement conduit donc à construire un atelier de maintenance plutôt que d'étendre un site actuel, et aussi à ne pas mutualiser les réserves (d'autant plus excluse que les technologies sont incompatibles) donc à augmenter le parc nécessaire.

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