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transporturbain - Le webmagazine des transports urbains

Les tramways de Nice : la renaissance

Les excès d’une urbanisation galopante

Nichée entre mer et montagne, la ville de Nice subit les excès d’une urbanisation incontrôlée fondée sur l’augmentation de la capacité de la voirie. En dépit de l’exiguïté de la ville, l’arrivée de l’autoroute A8 accéléra le processus, tout comme la réalisation d’une voie rapide surplombant la voie ferrée et la gare centrale de Nice. Conséquence de cette expansion galopante, largement facilitée par les politiques municipales, fut-ce au prix de quelques accommodements avec la législation, les déplacements dans la ville devinrent pour le moins complexes. Les trolleybus payaient les conséquences des évolutions du plan de circulation en disparaissant en 1970 et l’efficacité du service d’autobus se retrouvait passablement altérée par les embouteillages grandissants.

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Nice - Avenue François Mitterrand - 26 novembre 2009 - Cette vue illustre bien le conflit entre une urbanisation incontrôlée pendant près d'un demi-siècle et la géographie de la ville nichée entre mer et montagne. © transporturbain

Les efforts réalisés, notamment dans les années 1980, en faveur des autobus eurent certes un effet sur l’attractivité du service, par l’introduction d’autobus articulés et la création de couloirs réservés et physiquement séparés de la circulation générale.

Néanmoins, la ville restait profondément conçue autour de l’automobile. La couverture du Paillon, débutée sous le Second Empire et terminée dans les années 1970, accueillait plusieurs parkings, une gare routière et divers bâtiments commerciaux contribuant à enlaidir une traversée est-ouest aux marges des ruelles étroites du vieux Nice et créant une coupure urbaine forte, comparable à celle du centre d’échanges de Lyon Perrache.

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Nice - Avenue Saint Sébastien - 1998 - La couverture du Paillon a permis la construction de plusieurs bâtiments sur la rivière. Les transports en commun n'ont bénéficié que de couloirs d'autobus, ici emprunté par un PR100.2. © J.H. Manara

Les origines de la première ligne

Dès 1987, les premières études en vue de créer un TCSP était lancées. Parallèlement, la régie des transports urbains niçois renforçait son service, mais il fallut attendre 1998 pour que les études aboutissent à des prises de position en faveur de la création d’une première ligne de tramway, les solutions par bus ayant été jugées insuffisamment capacitaires et le métro trop onéreux. Cependant, il fallut attendre le tournant politique des élections municipales de 2001 pour que le projet puisse passer à l’étape décisive. Le nouveau maire, Jacques Peyrat, s’appropriait le projet en dépit d’un parcours politique pour le moins complexe. Le contexte institutionnelle évoluait lui aussi avec la constitution de la Communauté d’Agglomération, reprenant la compétence sur les transports et donc le projet de tramway.

La première ligne fut déclarée d’utilité publique le 11 mars 2003. Le tracé retenu, en forme de U, suit les deux principaux vallons structurant la ville, en passant par la gare centrale, les places Masséna et Garibaldi et le site universitaire Saint Jean d’Angély. Il dessert le tiers de la population niçoise et 60 000 emplois.

Particularité du projet, la ville de Nice souhaitait un tramway sans ligne aérienne sur les deux places principales de la ville afin de ne pas perturber le déroulement du traditionnel carnaval. Pour autant, le système d’alimentation par le sol n’avait pas convaincu et le projet s’orienta finalement vers l’installation de batteries à bord des rames.

Le coût du projet en 2003 s’élevait à 480 M€, pour une ligne de 8,7 km située entièrement sur le territoire de la ville de Nice, financés d’abord par la Communauté d’Agglomération et la Ville, puis l’Etat (28 M€), le Département (25 M€) et la Région PACA (13 M€). Le coût très élevé du projet s’explique par son caractère très urbain et l’ampleur des travaux à réaliser dans un environnement extrêmement contraint. Ainsi par exemple, au terminus Las Planas, où se trouve également l’atelier de maintenance et un parc-relais de 760 places, il fallut creuser la colline bordant l’avenue Malausséna pour dégager près de 3 hectares « au plus juste » avec un coût total de 70 M€, trois fois plus élevé que le coût d’un atelier classique « en plaine ». Pour accéder à l’atelier, le tramway effectue une boucle pour passer sur les voies d’accès au terminus. L’ensemble s’intègre dans un quartier d’immeubles de grande hauteur, jusqu’à 16 étages.

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Nice - Las Planas - 26 novembre 2009 - Le terminus de Las Planas est situé sous le complexe accueillant le parc-relais et l'accès à l'atelier de maintenance du tramway. © transporturbain

Une ligne très urbaine

Le projet de tramway fut également l’occasion de repenser la circulation automobile, avec notamment la piétonisation des avenues Jean Médecin et de la République ainsi que des places Masséna et Garibaldi. En revanche, l’accès à la gare, dont le bâtiment est excentré par rapport à l’avenue Jean Médecin, ne fut pas intégré au projet. Piloté par la SNCF, cet aménagement n’a débuté en réalité qu’en 2014 et est appelé encore à évoluer avec le projet Iconic comprenant un hôtel, une salle de spectacles et de nouveaux commerces.

La connexion avec la gare des Chemins de Fer de Provence est encore plus médiocre, mettant en lumière l’incongruité d’avoir reculé la gare et abandonné le bâtiment originel dont il ne reste plus qu’une façade située en face de la station du tramway. Il a fallu pendant près de 30 ans traverser un immonde parking de supermarché. Une halle destinée à la restauration et des logements ont été installés, en particulier la partie gastronomique avec la restauration d'une verrière comparable avec celle disparue de longue date des CP.

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Nice - Avenue Malausséna - 30 octobre 2012 - L'insertion du tramway au coeur de Nice a nécessité l'intégration des éléments de vie quotidienne et notamment du marché de la Place de la Libération, ou encore du traditionnel carnaval... La station Libération est la plus proche de la gare des CP, située à 300 m à gauche du cliché. © transporturbain

En revanche, la restructuration de la dalle du Paillon, entre les places Masséna et Garibaldi devenait inéluctable. Le projet fut lancé parallèlement au tramway et dans un premier temps, les passerelles piétonnes censées relier les deux rives du Paillon furent démolies.

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Nice - Place Garibaldi - 29 octobre 2012 - La place Garibaldi est traversée dans la diagonale. Une circulation minimale a été maintenue pour l'accès aux commerces entourant la place pour la rue la traversant d'est en ouest. Les rames la franchissent grâce à leurs batteries.  © transporturbain

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Nice - Avenue de la République - 29 octobre 2012 - Un effort important a été réalisé sur l'éclairage de la ville autour du tramway et les clichés nocturnes offrent une vision différente du réseau. La perspective est particulièrement agréable sur la place Garibaldi dont l'architecture est très bien mise en valeur. © transporturbain

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Nice - Place Masséna - 29 octobre 2012 - La place centrale a fait l'objet d'un réaménagement complet donnant la priorité aux tramways et aux piétons. La part culturelle n'a pas été omise dans l'opération tant par le dallage que la présence de statues sur leurs hauts poteaux. © transporturbain

La première ligne dut également composer avec des voiries étroites, ce qui imposa la création d’une section à itinéraire dissocié dans deux rues parallèles, ce qui constituait alors une première sur un réseau moderne en France. Cependant, les aménagements retenus ont généralement pris le parti de favoriser la circulation des tramways, parfois avec des choix tranchés : l'avenue Borroglione et l'avenue de la République sont de bons exemples.

Le projet fut cependant retardé par des opérations frauduleuses de la part de certains candidats à la construction, entraînant le changement du groupement de maîtrise d’œuvre en 2006. En outre, le résultat des fouilles archéologiques a entraîné la réapparition des vestiges du Pont Vieux sur le Paillon et de la Porte Pairolière, impliquant leur protection par une dalle sous l’emprise du tramway, donnant accès à une crypte. L’annulation de la DUP alors que les travaux étaient en voie d’achèvement, du fait de la non-levée totale d’une réserve de la commission d’enquête publique, fut en revanche sans réel effet sur le projet. Le 20 juillet 2007, les premiers essais du tramway débutaient.

Inaugurée le 24 novembre 2007, la première ligne de tramway de Nice fut mise en service commercial deux jours plus tard. Longue de 8,7 km, elle reliait alors le boulevard des Comtes de Falicon (station Las Planas) au Pont Michel. Du fait de son caractère très urbain, la fréquence de cette ligne est soutenue avec un intervalle de 4 minutes, même en heures creuses.

Outre l’intégration au réseau de bus restructuré, la première ligne de tramway dispose de 4 parcs-relais cumulant plus de 1500 places de stationnement.

Les prévisions de trafic tablaient sur 65 000 voyageurs par jour. En 2014, la ligne a franchi le cap des 100 000 voyageurs, justifiant amplement l’augmentation de capacité des rames. L’engagement des travaux de démolition des bâtiments sur la dalle du Paillon, véritable verrue urbaine, a été concrétisé et a renforcé l’image du centre de Nice avec un large espace verdoyant entre la place Masséna et le théâtre. Au-delà, Acropolis, le centre de congrès et le palais des expositions ont évidemment été maintenus.

Une courte extension de la ligne 1

Le 6 juillet 2013, la ligne 1 a été prolongée du Pont Michel à l’hôpital Pasteur. Déclaré d’utilité publique en avril 2011, ce court prolongement de 500 m constitue l’amorce de nouveaux prolongements afin de rejoindre le quartier de L’Ariane.  Il a été réalisé grâce à l'élargissement du Pont Michel franchissant le Paillon, le second tablier étant réservé aux tramways. Au total, la ligne 1 devrait être prolongée de 4,5 km jusqu’à La Trinité, en deux étapes : la première, longue de 3,9 km assurera la desserte de L’Ariane, et la seconde connectera La Trinité avec une station supplémentaire en correspondance avec la desserte ferroviaire Nice – Drap-Cantaron empruntant l’axe Nice – Breil sur Roya.

Avec 15 km/h, la première ligne s’avère parmi les plus lentes de France, tout en ayant finalement peu de marges d’évolution possibles compte tenu de la densité urbaine autour de son tracé. Et pourtant, les conducteurs ont une conduite plutôt rapide, mais le trafic de cabotage important sur cette ligne génère des échanges intenses aux stations. L'allongement des Citadis 302 a ainsi été engagé pour faire face à une fréquentation au-delà de toutes les prévisions, approchant les 140 000 voyageurs par jour, imposant une cadence de l'ordre de 4 à 5 minutes, même le dimanche matin !

Dans ces conditions, la réalisation d'une deuxième ligne allait naturellement s'imposer.

Vers Le développement du réseau

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