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transporturbain - Le webmagazine des transports urbains

Les tramways de Reims

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Reims - Place Myron Herrick - 6 juillet 2013 - Version bleue pour le Citadis 302 et naturellement, la face avant du tramway rappelle un pétillant breuvage local de réputation mondiale. © transporturbain

Après le succès des tramways d’Orléans, de Valenciennes et du Mans, plusieurs agglomérations décidèrent de lancer ou de relancer un projet de tramway pour dynamiser la fréquentation des transports en commun et redistribuer l’espace urbain souvent accaparé par l’automobile. Le 16 avril 2011, Reims mettait en service un réseau de 11,2 km exploité en deux lignes. Particularité, c’est le premier – et pour l’instant – le seul tramway financé par le principe du partenariat public-privé.

Le premier réseau

Les premiers omnibus hippomobiles étaient apparus en août 1872 sur deux axes diamétraux (Saint Thomas – Porte Dieu et Porte Cérès – Porte de Paris) confiés à un manufacturier local créant l’Entreprise des Omnibus de Reims. Rencontrant un certain succès, une troisième ligne circulait de la Porte Mars au pont Fléchambault dès 1873, tandis qu’en 1875, la première ligne était prolongée à la gare des chemins de fer de l’Est.

La concession s’achevait en 1878 avec la décision de construire un réseau de tramways  – toujours à traction animale – confié à la Compagnie des Tramways de Reims. Le projet comportait 4 lignes reprenant le tracé des omnibus :

  • Circulaire Gare – Place Royale – Gare
  • Faubourg de Laon – Pont Fléchambault
  • Faubourg de Cérès – Pont d’Epernay
  • Porte Dieu – Place Royale

Les premières sections étaient mis en service en juin 1881 sur une longueur de 3100 m et l’intégralité du réseau était opérationnelle en juillet 1887, mettant fin au service des omnibus peu appréciés. Suivant l’évolution technologique, la traction électrique était décidée en 1896 mais était accompagnée d’une reconstruction complète du réseau à écartement métrique avec une série d’extensions portant sa longueur à 22 km. Il fallait en effet autoriser la pénétration des lignes des Chemins de Fer de la Banlieue de Reims.

Les premiers tramways électriques étaient inaugurés le 5 juin 1900 sur l’axe Faubourg de Paris – Faubourg de Cérès. Trois autres lignes étaient mises en service entre le 10 octobre et le 1er novembre suivant sur les axes Faubourg de Laon – Pont d’Huon, Clairmarais – Rue de Cernay et entre la gare et la Rue de Neufchâtel. Enfin, le 22 août 1904, une ligne circulaire était établie sur les boulevards. Le réseau était alors desservi par 60 motrices et 42 remorques. Il faut noter que le réseau disposait alors aux principaux arrêts d’abris éclairés et chauffés. A la veille de la guerre, le trafic était solide, atteignant 10 millions de voyageurs, du fait de la forte croissance démographique : la population avait quintuplé en un siècle.

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Les débuts de la traction électrique à Reims, avec une motrice primitive franchissant la porte de Paris au début du 20ème siècle.

Lourdement touchée par la guerre, le réseau était totalement hors service du fait des bombardements mais aussi de l’incendie du dépôt qui avait ravagé le matériel roulant. Néanmoins, la compagnie parvenait à remettre en service deux lignes par la reconstruction des motrices les moins endommagées et la location de matériel à Blois et Brest notamment. Ainsi, en 1922, trois lignes étaient exploitées sur les axes Haubette – Cérès, Avenue de Laon – Sainte Anne et Neufchâtel – Pont d’Huon.

Dès lors, une modernisation fut engagée avec des moyens relativement conséquents pour une ville de taille encore modeste. Une commande de 22 motrices et 12 remorques neuves fut réceptionnée en 1923-1924 tandis que 7 motrices anciennes recevaient une caisse neuve. En 1926, 20 motrices supplémentaires étaient livrées. En outre, une partie de la ceinture était réactivée avec une nouvelle ligne entre Betheney et la Cité Jardins, tandis que deux extensions du réseau étaient mises en service en 1925 autorisant la reprise de la circulation sur la branche de Clairemarais prolongée à Saint Brice, tandis que la branche de Sainte Anne était prolongée à Maison Blanche.

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Dans les années 1920, il fallut reconstruire une ville ravagée par la Grande Guerre et moderniser le réseau de tramways pour améliorer la desserte d'une ville qui commençait à s'étendre vers les faubourgs.

Pour autant, en dépit d’un réseau relativement moderne, la ville décidait la fin de la concession en 1937 et le 1er octobre 1939, le tramway disparaissait, remplacé par un service municipal d’autobus. Evidemment, le rationnement en carburant après l’armistice de juin 1940 provoqua l’arrêt immédiat du service d’autobus et la ville ne retrouvait un service de transport en commun qu’en 1946.

Il convient de s’arrêter sur l’architecture de la ville : avec les deux tiers des constructions détruites pendant la guerre de 1914-1918, la ville avait été reconstruite sur des plans américains assez inattendus puisque composant entre le respect de la trame initiale de la voirie et la création de percées larges mais manquant toutefois de cohérence entre elles. La reconstruction du bâti avait donné lieu à la constitution d’un véritable catalogue des techniques constructives et des styles architecturaux. En outre, pas moins de 13 cités-jardins sont construites dans les faubourgs.

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L'apogée du réseau de tramways à Reims en 1928.

Echec du premier tramway moderne

Dans une ville qui n’avait pas échappé à la tentation de faire passer l’autoroute quasiment au cœur de la ville, les transports en commun étaient reléguées à un rôle subalterne alors que la population avait augmenté de plus de 50% depuis 1914, passant à 185 000 habitants, l’agglomération atteignant 220 000 habitants. Les premières études d’une ligne en site propre furent lancées en 1984 pour soulager la liaison Théâtre – Hôpital en limite de capacité. En outre, Reims avait su conserver l’héritage d’une réflexion sur l’urbanisme et l’architecture que lui avait procuré la reconstruction des années 1920. Le tramway devait en constituer une nouvelle étape.

Confiées à la SOFRETU, elles aboutissaient à la préconisation d’un tramway, en intégrant la desserte de la gare SNCF. Une motrice nantaise était présentée à Reims en 1986 et emportait l’adhésion du public : le TFS était retenu. Le projet était adopté le 13 novembre 1990 mais, à la surprise générale, le maire Jean Falala décidait d’y renoncer en février 1991, cédant à l’opposition des commerçants. Reims aurait pu être la 4ème ville de France équipée d’un tramway.

Le réseau actuel

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Reims - Avenue de Laon - 17 avril 2011 - La déclinaison de couleurs sur les tramways rémois constituent une singularité du réseau : étonnante a priori, la gamme de couleurs fait de ce choix une réussite esthétique... et un petit défi pour les amateurs en réussissant à mettre en boîte toutes les teintes ! © transporturbain

Le tramway devait être relancé au début des années 2000, notamment avec la victoire aux élections municipales de Jean-Louis Schneiter, qui avait été l’adjoint de Jean Falala et le porteur du projet. Le tracé évoluait pour constituer une diamétrale dans l’agglomération, mieux irriguer les quartiers périphériques en rénovation urbaine, et surtout intégrer la desserte de la gare TGV de Bézannes sur la LGV Est. L’estimation initiale était de 280 M€.

Le PDU adopté en 2007 mettait en évidence le déficit d’attractivité des transports en commun et la croissance des encombrements routiers. La relance de l’offre du réseau constituait une alternative à des investissements routiers.

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Reims - Avenue de Laon - 17 avril 2011 - Champagne rosé diront certains ! Au lendemain de l'inauguration, les tramways étaient déjà adoptés par les rémois et ne désemplissaient pas ! © transporturbain

Il en résultait un tracé en Y entre Neufchâtel au nord et les terminus de l’hôpital Robert Debré et de la gare TGV. La desserte de la gare TGV résultait d’une opportunité, du fait de la position du dépôt : un simple prolongement de cette voie de service permettait d'accéder à la nouvelle gare. Le réseau de 11,2 km devait desservir 23 stations. Ainsi, il desservait 70 000 habitants, 27% des emplois et 75% des étudiants. Le coût du projet était porté à 345 M€ dont 45 M€ de concours de l’Etat.

Les travaux préliminaires débutaient en mars 2008 dans un contexte délicat puisque le maire porteur du projet ne se représentait pas. Son successeur potentiel était lui opposé au projet, alors que la candidate socialiste, finalement élue, Adeline Hazan, y était favorable. Le projet pouvait donc continuer. Les ouvrages d’art étaient lancés en septembre 2008, notamment dans le secteur de la gare pour rectifier la trémie routière. Les premiers rails étaient posés en mai 2009, non sans que les travaux de plateforme aient fait réapparaître les anciens, qui avaient été simplement recouverts de bitume en 1939.

Dès le mois d’avril 2010, les rémois voyaient apparaître les nouveaux aménagements, notamment la rue de Vesle libérée de la circulation, et l’embellissement du centre-ville autour du tramway. La marche à blanc durait 8 semaines, précédant l’inauguration du réseau.

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Reims - Cours Jean-Baptiste Langlet - Voici le tramway vert anis dans les rues centrales de Reims. Le cours Langlet a été rendu aux piétons qui peuvent redécouvrir la diversité architecturale de la ville, héritage de la reconstruction des années 1920. © transporturbain

La ligne A, longue de 9 km, relie depuis le 18 avril 2011 Neufchâtel à l’hôpital, tandis que la ligne B avait à l’origine son terminus à la gare centrale mais a été prolongée dès le mois de septembre 2011 à Neuchâtel pour augmenter la capacité sur cette branche.  Elle comprend une section de 2 km en APS entre Boulingrin et Comédie, soit dans toute la traversée du centre ancien de Reims.

Le réseau dessert également 3 parcs-relais et a permis un redéploiement de l’offre bus organisé par le nouvel exploitant, Keolis cédant sa place à Transdev dans le cadre de la nouvelle concession.

Elles sont exploitées à l’aide de 18 rames Citadis 302 munies du système d’alimentation par le sol actif dans la traversée du centre de Reims. Leur face avant rappelle – comment pouvait-il en être autrement – une flûte à champagne tandis que pas moins de 8 couleurs ont été adoptées sur le parc, adoptant des teintes vives au demeurant réussies.

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Reims - Rue de Vesles - 17 avril 2011 - La principale artère commerçante est désormais piétonne et le tramway concourt à la revitalisation économique du centre-ville, alors que la périphérie est truffée de zones commerciales... Cette fois-ci, c'est la livrée turquoise qui est dans l'objectif du photographe ! © transporturbain

L’intégration à l’ensemble des réseaux de transport est assez réussie. Le tramway de Reims est le seul à desservir une gare TGV excentrée. Il dessert également la station TER du Flanchet d’Esperet située sur la ligne Reims – Epernay, facilitant l’accès à l’université. La station du tramway est en revanche assez éloignée de la gare centrale, du fait de la construction d’une la trémie routière qui contrait le positionnement de la station. Cependant, le réaménagement de la gare et de son parvis rend le cheminement assez facile et qui plus est dans un cadre plutôt agréable. De même, la construction du tramway a suscité un regain d’intérêt pour des quartiers et des bâtiments en déclin, comme la halle Freyssinet du Boulingrin, redevenu marché couvert, et la redécouverte du cours Langlet en complément de la place Drouet.

En revanche, la zone de 74 hectares située au nord de la gare TGV en lisière de la commune de Bézannes, peine à être organisée comme une véritable opportunité d’aménagement urbain en continuité avec le tissu urbain existant, articulée autour du tramway et de la gare TGV.

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Bézannes - 17 avril 2011 - La bretelle à voie unique d'accès au dépôt a finalement été prolongée jusqu'à la gare TGV. Sur la ligne qui s'appelait initialement 1B, une des motrices violette s'engage sur la section autorisée à 70 km/h pour atteindre son terminus. © transporturbain

Le service étonne par la vélocité des conducteurs rémois, concourant à une bonne vitesse commerciale de 20 km/h et donc au succès de fréquentation du réseau qui, dès la première année, dépassait les 42 000 voyageurs par jour.

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Le groupement Mobilité Agglomération Rémoise a remporté en 2006 le contrat de concession d’une durée de 33 ans pour la construction et l’exploitation du réseau. Il est composé d’Alstom, de Colas et de Bouygues pour la partie « système de transport », avec SNC-Lavalin pour la conception et la maîtrise d’œuvre. Le financement est porté par la Caisse des Dépôts et Consignations, la Caisse d’Epargne et Natixis. Des entreprises locales ont également été intégrées au financement. Transdev a été désigné exploitant du réseau en 2008 à la place de Keolis. Ce PPP s’est vu confier 4 missions :

  • conception, financement, construction, exploitation et maintenance de la première ligne de tramway, incluant les stations-voyageurs et des parcs-relais ;
  • conception, financement et réalisation des opérations d'accompagnement, dans des conditions et limites définies par le présent contrat ;
  • exploitation de l'ensemble du réseau de transports urbains (tramway, bus) et missions associées ;
  • maintenance et renouvellement des biens affectés au service public.

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Reims - Cours Jean-Baptiste Langlet - 17 avril 2011 - Et pour terminer ce panorama des tramways rémois, la livrée neutre pour accueillir les pelliculages publicitaires ! © transporturbain

Une troisième ligne avait été esquissée mais ne semble pas d’actualité dans la décennie à venir. L’amorce est visible devant le Palais de Justice et à la station Comédie puisque les aiguillages du débranchement ont été fort judicieusement installées dès l’origine du retour du tramway. D’orientation est-ouest, elle relierait Tinqueux à la faculté des sciences.

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Reims - Place Myron Herrick - 17 avril 2011 - Un bon réseau est un réseau prévoyant qui anticipe ! L'amorce d'une ligne est-ouest a été intégrée au projet avec deux paires d'aiguilles situées de part et d'autre de la section Palais de Justice - Comédie. © transporturbain

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Reims - Place Royale - 1992 - Retour en arrière pour conclure : la livrée des R312 rémois fait un peu mal aux yeux mais on ne peut pas ne pas remarquer que le plan de voies de l'ancien réseau est toujours présent dans le pavage de la place. © J.H. Manara

L'hypothèse d'un développement du réseau est d'autant moins probable que la Métropole a décidé de casser le contrat de concession qui devait courir jusqu'en 2041. Elle justifie cette décision d'abord par l'évolution du périmètre géographique de l'intercommunalité, comprenant désormais 143 communes (c'est dire s'il est vaste...), puis par un dialogue difficile avec les actionnaires du groupement (Alstom, Colas, Bouygues, CDC Infrastructures, Caisse d'Epargne de Champagne-Ardenne), par l'impossibilité d'engager des discussions avec Transdev, qui exploite le réseau pour le compte du groupement Mars... et évidemment le coût net pour la collectivité : il atteint 18 M€ par an, au-delà des recettes et de la fiscalité habituelle, ce qui avait rapidement amené la Communauté Urbaine à réduire l'offre, notamment sur le réseau de bus, pour soulager ses comptes.

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