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transporturbain - Le webmagazine des transports urbains

Les tramways de Toulouse : premier réseau

Naissance des transports en commun à Toulouse

L’histoire des transports en commun à Toulouse ne peut être dissociée, du moins dans sa première partie, de celui du nom d’Eugène Pons, minotier de Auterive. Le 25 novembre 1862, il reçut la concession pour 12 ans de 4 lignes d’omnibus hippomobiles. Ce n’était pas la première tentative d’instauration d’un service régulier de transports en commun puisque 4 lignes avaient été lancées dans le plus grand échec commercial. Cependant, l’arrivée du chemin de fer et la construction de la gare dans le quartier excentré de Matabiau allaient renforcer le besoin d’organiser le trajet entre la gare et le centre de Toulouse.

La Compagnie  des Omnibus de Toulouse Eugène Pons ne tarda pas puisque 6 mois après la concession, les 9 premiers omnibus de 25 places – dont 10 sur l’impériale – étaient engagées depuis la gare vers Saint Cyprien, Saint Michel et les Casernes, le 12 avril 1863. Le Capitole constituait le point de correspondance de ces omnibus. Devant le succès, les lignes furent rapidement étendues jusqu’aux barrières. Dès l’année suivante, le service était réorganisé et étendu puisque 11 lignes étaient proposées. L’intérêt pour les omnibus suscitait l’appétit des communes périphériques, en dépit d’un trafic faible. Aussi, 4 lignes de banlieue accordées durent être cédées à une compagnie concurrente, dirigée par MM. Monbrun et Lahille… qui furent rapidement dans l’incapacité d’en assumer la charge. Le réseau de banlieue, qui avait été étendu pour atteindre 13 lignes, revint rapidement dans les mains de la compagnie Pons.

Une conversion tardive au tramway électrique

La succession familiale, entre le père Eugène et le fils Firmin, fut aussi l’occasion d’amorcer la modernisation du service : il n’était pas question de tramway mais de cars Ripert, apparus en 1882 sur un réseau urbain encore étendu à 16 lignes. Néanmoins, l’absence de tramway commençait à faire question devant l’extension du réseau et l’augmentation du trafic : la traction mécanique ne fut même pas envisagée. Le 5 février 1887, le principe d’équipement de 8 lignes était acté. Les deux premières lignes furent mises en service le 30 juillet suivant et les autres sur la période 1888-1890.

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Toulouse - Place du Capitole - Vers 1897 - Tramways hippomobiles et cars Ripert sur la place : des véhicules lents et peu capacitaires ne donnant pas une grande image de la ville...

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Toulouse - Square Lafayette - Vers 1895 - Sur le Square Lafayette, l'actuelle place Wilson, le passage du tramway attire tout juste le regard des passants. Le cheval reste encore à cette époque le principal moyen de traction à Toulouse.

La compagnie était réticente à l’usage de la traction électrique alors que la ville y était favorable : question de prestige vis-à-vis des autres grandes villes. Ce n’est que le 30 décembre 1900 que Toulouse décida l’électrification de son réseau. Pourtant, un tramway électrique avait circulé dès 1891 au cours d’une exposition scientifique.

La nouvelle concession du 12 août 1902 prévoyait l’électrification des lignes de tramways hippomobiles et l’exploitation en cars Ripert des lignes en omnibus. Un jeu de domino prudent difficilement compréhensible alors que les intervalles de 4 à 7 minutes étaient nombreux sur le réseau compte tenu de l’affluence et de la faible capacité du matériel.

Le 7 mai 1906, les premiers tramways électriques des Tramways et Omnibus Firmin Pons circulaient sur la ligne AE Lafayette – Ponts Jumeaux et FE Barrière Matabiau – Alsace, mais sans aucune cérémonie inaugurale. Le réseau était construit au gabarit de 2,20 m et alimenté en 550 V. Les motrices Jeumont de 8,90 m disposaient de 2 moteurs de 20 chevaux leur permettant d’atteindre 30 km/h. Leur empattement court de 2 m leur procurait une fâcheuse tendance au tangage.

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Toulouse - Place du Capitole - Vers 1903 - Enfin le tramway électrique... mais le car Ripert et la traction animale n'ont pas encore dit leur dernier mot. Par rapport à la première carte postale, le plan de voies a déjà évolué.

 Malgré cette modernisation, le réseau conservait le principe de l’arrêt à la demande. Aussi, la vitesse commerciale demeurait toujours aussi faible.

Après une année d’exploitation, Toulouse comptait quand même 7 lignes de tramways électriques, 9 de tramways hippomobiles et encore 3 cars Ripert presque trentenaires !

L’essor assez rapide de la banlieue, avec l’essor industriel et commercial de Toulouse, suscitait la demande d’un véritable réseau suburbain, objet d’environ 2 années de tractations entre la Ville et le Département. L’accord était conclu le 30 septembre 1911 : 11 lignes départementales étaient concédées à la compagnie Pons, dont la première vers Castanet, ouvrait le 29 septembre 1912.

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Toulouse - Place Esquirol - Vers 1905 - Tramways électriques et baladeuses ouvertes : il semble faire chaud car l'employé au premier plan manoeuvrant sa perche semble accablé de chaleur avec son costume réglementaire et sa casquette.

Il fallut attendre 1913 pour voir disparaître les cars Ripert et 1914 pour que soit abandonnée toute traction hippomobile. Avec une croissance de 5% par an, le trafic ne pouvait être écoulé dans de bonnes conditions avec un service toujours aussi primitif, quoique comprenant 26 lignes dont 17 urbaines. Le réseau comptait 142,6 km de tramways et transportait 28 millions de voyageurs en 1914. La compagnie Pons avait adopté la traction électrique et engagé une politique de standardisation du matériel puisque le parc de motrices était constitué pour l’essentiel des 150 Jeumont acquises au fur et à mesure du développement du réseau.

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Toulouse - Rue Alsace-Lorraine - Vers 1902 - Manifestement neuves, les motrices Jeumont des tramways toulousains ont fière allure et cette fois-ci, on les regarde, lorsqu'elles empruntent cette rue très commerçante. La modernité est là !

Années 1920 : modernisation modeste, emprise du groupe Mariage

La première guerre mondiale stoppa net les travaux d’extension du réseau et le renouvellement du matériel, notamment avec la destruction de l’usine belge de Nivelles. En 1917, deux extensions vers Braqueville et Empalot purent néanmoins être mises en service. La guerre entraina l’ajout de raccordements militaires vers l’arsenal et la cartoucherie.

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Toulouse - Place Esquirol - Vers 1910 - Pas moins de 4 voies visibles sur ce cliché au premier plan et deux de plus au second plan : les conséquences d'une organisation du réseau prévoyant des lignes purement radiales au départ du centre de Toulouse.

Suite au conflit, la crise économique fragilisa la compagnie, qui n’avait augmenté ses tarifs depuis 1863 : la course restait à 10 centimes !

La Ville demanda également une réorganisation du réseau en diamétralisant les lignes pour éviter l’agglutination des tramways sur la place du Capitole. Dans la foulée, les lignes furent numérotées : les motrices portaient une plaque carrée avec l’indice de ligne… mais pas la destination.

Les années 1920 constituèrent un tournant dans l’histoire du réseau avec d’abord la création de la Société des Transports en Commun de la Région Toulousaine en 1921 ; l’engagement du programme de rénovation des tramways, avec le vestibulage des plateformes, à partir de 1923 ; l’abandon du rouge-chocolat au profit du très parisien vert et crème ; et surtout, l’entrée au capital, en tant qu’actionnaire majoritaire, du groupe Mariage, régnant déjà sur de nombreux réseaux dont Paris et Nice.

Conséquence directe : l’introduction des autobus sur le réseau, avec l’arrivée de Renault PN chargés d’assurer les nouvelles dessertes dans les quartiers périphériques de Salonique, des Sept Denis et de Juncasse.

Comme à Paris, dans un premier temps, la STCRT engagea les études de renouvellement des voies et de rénovation du matériel roulant. Néanmoins, il fallut se contenter de 19 motrices Franco-Belge SATRAMO : elles constituèrent parmi les plus modernes motrices françaises dans les années 1930 avec des moteurs Compound, le freinage rhéostatique et des portes pneumatiques.

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Toulouse - Rue Alsace-Lorraine - 1927 - Travaux de rénovation des voies sur le réseau : une nécessité pour faire face à l'augmentation du trafic. Et pas question d'interrompre le service pendant ces chantiers !

Au reste, le matériel primitif bénéficia de modifications assez consistantes, allongeant l’empattement du truck de 2 à 3 mètres, puis le rachat de nombreuses pièces détachées des tramways parisiens démantelés, permettant d’améliorer la chaîne de traction des Jeumont déjà largement trentenaires, notamment avec l’introduction du frein à air, l’installation de moteurs de 30 puis 46 chevaux.

Sur l’infrastructure, le réseau bénéficia tout de même de grands travaux, comme la rénovation complète des voies autour du Capitole : 300 m de voies neuves furent posés en 44 jours sans interrompre l’exploitation, mais en interdisant toute autre circulation sur la place. Au total, 35 km d voies furent rénovés entre 1927 et 1935.

Années 1930 : début de la substitution tramway - autobus

Ensuite, le réseau toulousain ne put échapper à la frénésie anti-tramways du moment. Le 10 juillet 1935, la ligne de Castanet amorçait le mouvement funeste de conversion à l’autobus, calquant la politique parisienne du groupe Mariage. Suite au Front Populaire, les nouvelles lois sociales furent accusées d’accentuer le déficit du réseau, amplifiant le mouvement de recul du tramway sur les lignes de banlieue. Néanmoins, la STCRT souhaitait conserver le service des tramways sur les 35 km de voie rénovées.

Durant la deuxième guerre mondiale, les tramways furent durement sollicités du fait des restrictions de carburant : la STCRT continua la modernisation des motrices, avec l’emplois de moteurs parisiens recyclés : 31 motrices furent ainsi traitées jusqu’en 1945. Les baladeuses estivales furent équipés de panneaux afin de circuler en hiver et d’augmenter la capacité de transport.

1934_toulouse_K1

Toulouse - 1934 - Modernisation du matériel roulant avec une motrice type K1, utilisant d'anciennes pièces de tramways parisiens dont le phare. A force de reconstruction, le matériel roulant fut amélioré à moindres frais... sans pour autant atteindre un niveau de performance équivalent aux matériels neufs.

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Clin d'oeil aux célèbres aubettes toulousaines qui faisaient office de bureau de vente et qui procuraient aux voyageurs un peu d'ombre en attendant leur tramway.

Agonie du tramway toulousain

A la libération, la STCRT fut brièvement municipalisée, poursuivant la modernisation du parc puis des voies, notamment autour de la gare Matabiau. La compagnie était prise entre deux feux : copier Paris, c’est-à-dire abandonner le tramway, ou s’inspirer des réseaux européens qui modernisaient leurs tramways. Bruxelles, Milan et Zurich furent visitées. Conclusion de cette démarche : le maintien des tramways sur 4 lignes, la conversion à l’autobus du reliquat du réseau, sauf 3 lignes prévues pour le trollebyus, qui ne circula jamais à Toulouse. Toulouse bénéficia de la livraison d’autobus Berliet PCK puis fit appel aux productions Chausson avec les APH « nez de cochon » puis les APU.

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Toulouse - Grand Rond - 13 mai 1956 - La ligne 1 fut la dernière du réseau et eut donc les faveurs des amateurs avant le démantèlement complet du réseau. Les K1 de forme cubique n'étaient pas trop désuètes en apparence, mais s'avéraient techniquement obsolètes en dépit des modifications effectuées à l'aide de pièces parisiennes. © J. Bazin

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Toulouse - Boulevard de Strasbourg - 13 mai 1956 - Intéreesons-nous à présent aux remorques des derniers tramways : derrière cette K2, une remorque mixte dont les panneaux latéraux étaient démontables pour transformer la voiture en baladeuse en été. © J. Bazin

Le 7 juillet 1957, les tramways disparaissaient des rues de Toulouse, « enfin » délivrées d’un gêneur - obsolète faute d'investissements suffisants - et désormais dévolues au trafic routier.

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Toulouse - Place Esquirol - Vers 1958 - Les rues libérées du tramway. Les autobus Chausson APU incarnent la modernité ce qui n'était pas très difficile face à des tramways transformés sur la base du matériel de 1900.

Vers le réseau contemporain

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