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transporturbain - Le webmagazine des transports urbains

Les tramways de Toulouse : le réseau contemporain

Les suites de la construction du métro

Toulouse participa au concours Cavaillé de 1975 d’autant plus logiquement que son instigateur était élu de la ville lorsqu’il suggéra aux grandes villes de plancher sur un nouveau métro léger (pour ne pas encore dire tramway moderne). Elle choisit finalement le VAL, qui concentra les investissements des années 1980 et 1990 dans la partie centrale et avec un effet relativement limité sur la circulation automobile. Pour la majorité des toulousains, l’autobus restait le moyen de transport principal, avec une efficacité des plus limitées. En outre, le rôle du train restait assez anecdotique dans la desserte de l’agglomération. En 2000, la part de marché des transports en commun n’était que de 7%.

La mise en service du métro et les efforts en matière de circulation des autobus ont porté leurs fruits puisque les transports en commun représentaient en 2008 environ 16% des déplacements. Mais l’automobile restait au-dessus des 70%... avec une congestion toujours importante du fait d'une croissance démographique des plus soutenues et d'une disjonction croissante entre les lieux d'habitation et de travail.

Métro - tramway : un débat à fort clivage

La réintroduction du tramway s’est faite en réaction au métro, considéré comme trop onéreux et ne permettant pas une couverture rapide de l’agglomération. Pour la desserte du nord-ouest, les prévisions de trafic étant sensiblement inférieures au niveau pouvant justifier le métro, les études amorcées en 1999 ont privilégié des solutions en surface.

Le 10 février 2003, la réflexion sur une ligne de métro était définitivement écarté et le tramway adopté le 27 juin 2005, dans un processus tout de même bien long. Déclarée d’utilité publique en novembre 2006, la première ligne devait s’inscrire dans une enveloppe de 200 M€, rapidement réévaluée à 250 M€. Ne pénétrant pas dans le centre de Toulouse, la première ligne avait initialement son origine à la gare de Saint Cyprien Arènes en correspondance avec les TER de l’axe Toulouse – Auch et la ligne A du métro

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Saint Cyprien Arènes - 4 avril 2011 - La première ligne effectuait initialement son terminus en correspondance non seulement avec la ligne A du métro mais aussi avec la ligne SNCF Toulouse - Colomiers - Auch bénéficiant d'une desserte fournie. © A. Knoerr

Les travaux ont débuté à l'été 2007. Les travaux furent relativement rapides car situés hors de la zone centrale. La mise en service était prévue le 29 novembre 2010, mais un mouvement de grève du personnel d'exploitation de Tisséo retarda la mise en service au 11 décembre suivant. Un fait unique dans l'histoire du retour du tramway en France : la naissance du nouveau réseau ne s'effectuait pas sous les meilleures auspices.

Cette première ligne était d'abord destinée à desservir la commune de Blagnac, son extension au nord avec de nouveaux quartiers, avec une correspondance sur la ligne A du métro au terminus Arènes.

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Blagnac - Boulevard de l'Europe - 25 janvier 2013 - Comme souvent sur les sections terminales des nouveaux tramways, les transports en commun précèdent l'urbanisation, ce qui devrait gonfler à terme les statistiques - un peu maigrichonnes - de fréquentation de la ligne T1. © transporturbain

Elle se caractérise essentiellement par la nécessité d’une longue section en mixité de trafic compte tenu de l’étroitesse de la route de Grenade qui n’excède pas 12,50 m. Le parcours est assez sinueux, comprenant de multiples courbes de rayon limité : certains choix de tracé sont assez discutables car le franchissement de places à Blagnac en contournant l'espace central aboutit à une longue séquence parcourue à 10 / 15 km/h.

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Blagnac - Route de Grenade - 25 janvier 2013 - Le tramway toulousain a ceci d'intéressant qu'il recourt à une section en totale mixité sur une longueur significative (un peu plus de 2 km), concentrant ainsi des solutions d'aménagement parfaitement reproductibles dans d'autres villes. © transporturbain

Après les élections municipales de 2008, la municipalité privilégia le tramway, pour améliorer le maillage et amorcer une réduction plus drastique de l’espace accordé à l’automobile.

Le prolongement de cette première ligne dans le centre de Toulouse jusqu’au Grand Rond, avec l'emprunt du pont Saint Michel, avait ainsi été annoncée. Une forte opposition se constitua, rejetant l'idée du tramway dans le centre de Toulouse. L’enquête publique fragilisa le projet, qui fut finalement limité à une extension Arènes - Palais de Justice et l'abandon du terminus au Grand Rond : ce choix est d'autant moins comprehensible qu'il n'y avait aucun obstacle à sa réalisation, l'extrémité du tiroir d'arrière-gare étant à environ 300 m de cette place-jardin. Le tramway parvenait néanmoins à franchir la Garonne le 20 décembre 2013. Un dernier prolongement de Beauzelle au parc des expositions a été mis en service le 31 août 2020.

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Toulouse - Allées Paul Feuga - 17 septembre 2015 - Tout a été fait pour aller plus loin, mais la justice administrative s'y est opposé, donnant satisfaction aux opposants au tramway à Toulouse... Le Grand Rond est visible en arrière-plan ! © A. Knoerr

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Aussonne - Parc des Expositions - 28 septembre 2021 - En apparence, on a l'impression d'être au bout de l'agglomération, d'autant que le trajet depuis le Palais de Justice a duré près de 50 minutes. Compte tenu de cet environnement, est-il nécessaire de le desservir y compris quand il n'y a pas de salon ? © transporturbain

La ligne T1 s’établit donc sur 14,8 km en desservant 25 stations. Elle propose un intervalle de 7 min 30 en heure de pointe, de 10 minutes en journée et le samedi et de 22 minutes (merci pour ce beau cadencement…) le dimanche. La fréquentation a peiné à décoller, avec seulement 20 000 voyageurs par jour en 2013 contre 30 000 prévus. Le prolongement au Palais de Justice lui a fait plus que doubler son trafic, et le développement des nouveaux quartiers en rive gauche, notamment sur le site de la Cartoucherie, à Blagnac et Beauzelle, captent une clientèle nouvelle, mais devant cependant composer avec un temps de parcours assez long : l'horaire prévoit 46 minutes entre le Palais de Justice et le Parc des Expositions, soit en apparence une vitesse moyenne de 19,3 km/h plutôt correcte malgré le tracé sinueux et les longues sections limitées à 30 km/h, mais en réalité, il faut compter sur un temps de trajet réel de 50 à 55 minutes, en raison des pics de fréquentation et d'un réglage moyen de la priorité aux carrefours.

Le tramway de l'aéroport

Sa principale vocation est la desserte de l’aéroport, évité par le tracé de la première ligne. Obtenant sa déclaration d’utilité publique le 13 novembre 2012, l’antenne de 2,4 km procure une liaison entre l’aéroport et le métro tous les quarts d’heure. Il était initialement prévu d’assurer une liaison directe avec la gare Matabiau, mais cette perspective a été torpillée par les oppositions et l'émergence du projet de nouvelle ligne de métro.

Mise en service le 11 avril 2015, elle emprunte les voies de T1 jusqu'au Palais de Justice.

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Aéroport de Toulouse-Blagnac - 17 septembre 2015 - Il n'est pas si fréquent qu'un aéroport à fort trafic comme celui de Toulouse soit directement accessible par le réseau urbain structurant. Cependant, l'usage du tramway entre Blagnac et le centre de Toulouse est handicapé par une fréquence au quart d'heure et un terminus mal connecté au Palais de Justice, en dépit des correspondances avec les 2 lignes de métro. © A. Knoerr

Le tramway vaincu par le métro

Avec au total 17,2 km et 28 stations, le réseau toulousain reste de taille modeste au regard de l’importance de la métropole, et alors même que les besoins restent considérables dans ce bassin encore très dépendant de l’automobile. En 2019, on ne dénombrait un peu plus de 50 000 voyageurs par jour sur le réseau. La livraison de nouveaux projets immobiliers augmente mécaniquement le trafic, mais la durée des trajets n'en fait pas un ensemble suffisamment performant par rapport au développement de la Métropole.

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Toulouse - Pont Saint Michel - 24 septembre 2021 - Une rame T1 vient de quitter le terminus du Palais de Justice pour rejoindre le parc des Expositions. Le tracé sinueux de cette ligne, plusieurs sections limitées à 30 km/h et une conduite peu dynamique rendent le tramway assez lent. © transporturbain

Il est intéressant de comparer un instant Toulouse, Marseille et Lyon, trois métropoles ayant d’abord développé leur métro avant de relancer le tramway. A Lyon, le tramway et le métro se complètent efficacement, procurant un premier maillage par des modes à grande capacité couvrant la majorité des grands axes centraux. A Marseille, le tramway a d’abord été réintroduit dans la partie la plus dense de la ville, alors que les besoins les plus criants sont en banlieue, encore majoritairement tributaires de l’autobus. A Toulouse, la première ligne de tramway a amorcé une complémentarité « à la lyonnaise » mais le coup d’arrêt porté à son développement a rapidement stoppé cette stratégie qui aurait pu porter ses fruits.

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Toulouse - Avenue des Arènes Romaines - 29 septembre 2021 - Dernière station du tronc commun T1 - T2, puisque la bifurcation est située dans une intersation. Avec le projet de nouvelle ligne de métro, la future station Jean Maga sera le terminus de T2, tandis que la desserte de T1 sera renforcée en compensation. © transporturbain

D’autres projets pour l’instant sans suite

De 2008 à 2014, plusieurs projets de développement du réseau ont été mis à l’étude, afin de couvrir plus rapidement l’agglomération et notamment compléter le maillage central. Il s’agissait aussi de concrétiser une politique de réduction de l’espace accordé à la voiture.

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Blagnac - Rue Montaigne - 25 janvier 2013 - Le parcours à travers Blagnac est peu sinueux mais compte plusieurs inflexions à angle droit dans l'urbanisme des quartiers développés depuis les années 1980. On notera qu'il ne fait que tangenter le centre commercial de Blagnac, évidemment facile d'accès en voiture... © transporturbain

Une ligne baptisée Canal devait assurer le bouclage du centre de Toulouse par le nord. Amorcée à hauteur de l'hôpital Purpan, elle aurait rejoint le canal du Midi à hauteur des Ponts Jumeaux, avant de le longer jusqu'à hauteur du Grand Rond où elle aurait rejoint T1. Cette dernière aurait été prolongée, en tronc commun, jusqu'à la gare Matabiau. D’un coût estimé à 200 M€, le projet a été recalé, et les résultats de la première ligne n’ont pas permis de démontrer l’intérêt du tramway à Toulouse. Elle aurait pourtant proposé une liaison intéressante entre les deux rives de la Garonne, mais on peut s'interroger sur l'attractivité d'une desserte le long du Canal du Midi, imposant une correspondance pour rejoindre les quartiers centraux.

L’hypothèse de deux radiales de Blagnac à Saint Orens et de L’Union à Tournefeuille, tout comme une ligne circulaire centrale, ont connu la même infortune.

Il est peu probable qu’émergent de nouveaux projets de tramway puisque la métropole s’est engagée dans la réalisation d’une troisième ligne de métro entre Colomiers et Labège, d’un coût évalué à plus de 3 MM€, consommant la majorité des crédits mobilisables pour les transports.

Seule l’adaptation des lignes T1 et T2 est prévue en accompagnement de la nouvelle ligne de métro. T2 sera transformée en navette entre une nouvelle station Jean Maga, connectée au métro, et l’aéroport, avec une fréquence portée à 5 minutes au lieu de 15.

En décembre 2020, Tisséo a décidé de créer un terminus partiel à la station Odyssud-Ritouret pour maintenir une offre fournie sur la section la plus fréquentée, car l'intervalle de 10 voire 15 minutes en journée à Blagnac devient notablement insuffisant. L'aménagement devrait être opérationnel au printemps 2022. Il permettra de compenser aussi la disparition de T2 entre le Palais de Justice et l'actuelle station Ancely.

Pourtant, en rive gauche, manque assurément une desserte structurante des pôles médicaux du sud de l'agglomération : Cancéropôle, Oncopôle, clinique Médipole et hôpital Gérard Marchant restent à l'écart des axes structurants à grande capacité.

Dans son dossier consacré au RER de Toulouse, transportrail esquisse une solution de nouvelle infrastructure ferroviaire entre la gare d'Arènes et les lignes du quart nord-est toulousain, libérant la virgule entre Empalot et Arènes, qui pourrait être réutilisée par une nouvelle ligne de tramway entre les gares de Saint Cyprien Arènes et Portet sur Garonne, via les sites médicaux du sud de l'agglomération : cancérôpole, oncopôle, clinique Médipôle et hôpital Gabriel Marchant.

Pour conclure, le tramway toulousain apparaît un cas particulier dans les villes françaises :

  • il ne dessert quasiment pas l'hypercentre de l'agglomération (ni la gare au demeurant) ;
  • il combine à l'excès un cabotage relativement fin de la commune de Blagnac avec un rôle - mal rempli - de desserte structurante du quart nord-ouest de la banlieue toulousaine ;
  • il ne fait clairement pas partie des projets de développement de la Métropole qui ne mise que sur la nouvelle ligne de métro ;
  • et pour autant, cellle-ci aura un effet relativement limité sur l'amélioration de la desserte de Blagnac et Beauzelle, puisque l'accès au centre de Toulouse nécessitera 2 correspondances. L'impact sera plus significatif sur l'accès aux quartiers périphériques et aux emplois situés en première couronne.

Le matériel roulant

Le service est assuré par 24 rames Alstom Citadis 302, techniquement similaires aux rames de Reims, Orléans et Angers. Officiellement, le design de la face avant résulte d’études poussées des équipes d’Airbus, mais on ne peut pas s’empêcher de constater la très forte ressemblance avec les rames du Mans.

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Cherchez la différence entre ces deux clichés et faites abstraction de la couleur. Les différences entre la face avant du Citadis toulousain (ci-dessus, route de Grenade à Blagnac, le 25 janvier 2013, © transporturbain) et celui du Mans (ci-dessous, place de la Cathédrale le 21 août 2015, © E. Fouvreaux)

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