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transporturbain - Le webmagazine des transports urbains

Les tramways d'Avignon

Les premiers tramways d'Avignon

Les premiers transports en commun dans la préfecture du Vaucluse apparaissaient sous la forme d'omnibus hippomobiles vers 1880. Cependant, la ville s'intéressait dès 1884 au tramway en envisageant 2 lignes au départ de la place de l'Horloge en direction des quartiers de Saint Ruf et de Monclar. A l'issue d'un imbroglio entre plusieurs industriels et financiers, c'est finalement M.Faye qui obtenait la concession de 75 ans des tramways d'Avignon, signée le 22 novembre 1895 mais avec prise d'effet au 1er janvier 1899, à la fin de la concession des omnibus Garcin.

L'enquête publique débuta le 16 août 1897 et se déroula dans des conditions parfois rocambolesques : les conditions d'acquisition du clos Saint Véran pour ériger le dépôt impliquaient des proches du maire et du directeur général de la compagnie, tandis que le maire retenait à sa table le préfet pour éviter qu'il ne s'aperçoive des travaux engagés sans autorisation pour démolir la porte Limbert sur les remparts médiévaux de la cité. La déclaration d'utilité publique fut prononcée le 8 octobre 1901.

Le réseau allait comprendre jusqu'à 21,7 km d'infrastructures à voie métrique, empruntées par 6 lignes comprenant plusieurs troncs communs. Le 1er novembre 1898, au lendemain de l'arrêt du service des omnibus hippomobiles, la première ligne de tramways était mise en service de la place Carnot au cimetière Saint Véran, ainsi que la ligne 6, qui constituait son prolongement au Pontet et à Sorgues.

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Avignon - Rue de la République - Vers 1910 - Perspective de la rue de la République depuis la gare centrale d'Avignon.

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Parmi les quelques extensions du réseau, la desserte de Sorgues conférait un côté suburbain au petit réseau avignonnais.

Un mois plus tard, les lignes de Saint Ruf et de Monclar, au départ de la place de l'Horloge, étaient ouvertes au public de même que la courte liaison entre la place Carnot et la porte Saint Lazare. Le 4 mars 1899, la ligne 4 reliait la place Carnot au dépôt du PLM (Rotondes).

Plusieurs nouvelles lignes étaient envisagées, notamment vers Villeneuve lès Avignon, Orange et Châteaurenard. Elles ne furent jamais réalisées en raison du déficit chronique de la compagnie.

Les Tramways Electriques d'Avignon étaient exploités à l'aide de 22 motrices à trucks dotées d'un moteur de 20 chevaux, offrant 40 places, et 8 remorques ouvertes Decauville type Buffalo

Le 31 mai 1932, l'exploitation cessait compte tenu de la situation financière de la compagnie, entre besoins d'investissement et fort déficit d'exploitation (inflation et politique de blocage des prix étant la cause). La ville rachetait la concession et confiait l'exploitation à Sud Automobiles qui engageait ses autobus.

Le tramway intéresse les villes moyennes

A l'été 2010, les premières réflexions sur un TCSP dans l'agglomération d'Avignon ont été présentées en privilégiant la solution d'un tramway. Ville réputée pour une circulation difficile, ses fortes chaleurs et donc sa pollution, Avignon souffre également d'un réseau de bus aux performances moyennes si ce n'est médiocres, et d'un plan de circulation au sein des remparts qui n'en facilite pas la lisibilité.

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Avignon - Porte Saint-Michel - 10 août 2011 - Trois autobus du réseau TCRA, avec intercalé entre l'Urbino 12 et l'Agora Line, un midibus Neoplan Centroliner, mis en oeuvre dans le cadre d'une restructuration du réseau cherchant à faciliter le passage des autobus au sein des remparts. La solution a finalement été abandonnée, en raison du manque de fiabilité et de capacité du matériel. Ce secteur des remparts sera desservi dans la deuxième phase du projet de tramway. © transporturbain

Le 11 mai 2012, l'agglomération a présenté son projet formé de deux lignes, résultant de discussions après une concertation préalable. De la sorte, Avignon confirme que le tramway peut également intéresser des agglomérations de taille modeste puisque la Communauté d'Agglomération regroupe 160 000 habitants, dont 88 000 dans la seule ville d'Avignon.

Du 29 avril au 14 juin 2013 s'est déroulée l'enquête d'utilité publique, avant-dernière étape avant la déclaration d'utilité publique, sésame pour le démarrage des travaux. Elle est évidemment l'occasion pour les adversaires du projet d'exposer leurs critiques, y compris les poncifs habituels sur l'atteinte à la santé du petit commerce, la gêne à la circulation automobile, la défiguration des espaces publics (il est vrai que les remparts sont particulièrement mis en valeur par le stationnement organisé à leurs pieds).

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Le Pontet - Le Lac - 10 août 2011 - Les midibus n'ont fait qu'un temps en raison de leur capacité insuffisante et d'une fiabilité aléatoire. Quant à la commune du Pontet, l'hypothèse d'une desserte par le tramway s'est pour l'instant éloignée. © transporturbain

Deux lignes en projet

La première ligne partira de l'île Piot et son parc-relais (dont une première mouture existe avec une navette d'autobus) et rejoindra Le Pontet, avec deux antennes, l'une vers la gare (qui serait rouverte à l'occasion après sa fermeture en 1982) et l'autre vers le quartier de Réalpanier, où sera installé le centre de maintenance du matériel. Le prolongement à Villeneuve les Avignon n'a pas été retenu en raison des difficultés d'insertion (site banalisé sur une longue section) et d'une certaine hostilité des riverains. En revanche, l'antenne de Réalpanier a été retenue suite aux différentes phases de concertation préalable.

Longue de 9,2 km, la ligne comprendra 16 stations. Elle desservira les remparts sud et notamment la gare centrale d'Avignon.

La deuxième ligne aura son départ en plein centre de la cité des Papes, en haut de la rue de la République, à deux pas de la place de l'Horloge. Elle desservira ensuite le quartier Saint Ruf et rejoindra celui de Saint Chamand en empruntant notamment la rocade Charles de Gaulle. Elle sera longue de 5,2 km avec 10 stations.

avignon plan tramway

Plan du projet : la première ligne en jaune devait initialement être mise en service fin 2016 et la seconde en 2019. Finalement, c'est la ligne rose qui a été retenue en premier, avec un moignon de la ligne jaune entre la gare et la porte Saint Roch. Dans un deuxième temps, la section ouest vers le parking de l'île Piot sera réalisée ainsi que l'amorce de la ligne du Pontet vers la porte Saint Lazare pour la desserte de l'IUT. (plan Communauté d'Agglomération)

Les stations disposeront de quais de 30 m et le réseau sera exploité à l'aide de 14 motrices Citadis 205 dans un premier temps : les rames pourront être allongés en cas de dépassement des prévisions de trafic. Alstom a remporté le projet face à CAF qui avait pris une longueur d'avance sur les matériels compacts avec Besançon, mais le constructeur français a ravisé son point de vue sur de telles configurations, en remportant aussi le petit marché d'Aubagne.

Le coût total du projet est estimé à 250 M€. La mise en service de la première ligne est espérée fin 2016. C'était sans compter sur la vie politique locale...

Un projet bousculé par des conflits politiques locaux

Le changement de municipalité en mars 2014 a malmené le projet : si le président de l'agglomération est favorable au tramway, la nouvelle maire souhaitait initialement réorienter le projet sur un BHNS. Or le tramway avait déjà été déclaré d'utilité publique, le marché du matériel roulant notifié ainsi que des marchés de travaux publics. Confronté aux réalités, la nouvelle municipalité n'avait qu'une très faible marge de manoeuvre pour renier ses engagements : le tramway d'Avignon a donc bien été mis en chantier, sur une première phase âprement négociée, d'une longueur de 5,2 km, entre la gare centrale et Saint Chamand, pour la desserte des quartiers sud sur la rocade Charles de Gaulle notamment. Le coût est évalué à 134 M€ et la mise en service, initialement prévue en juin 2019.

Cependant, le principe de réimplantation du tramway n'a pas capoté et il était probable qu'il suscite des appétits. D'habitude, c'est au moment de la mise en service, en constatant la réussite, que l'étude d'extensions est annoncée. A Avignon, c'est un peu différent : on « détricote » le phasage. Ainsi, en mars 2018, le Grand Avignon a validé le principe d'une deuxième ligne entre l'île Piot et la porte Saint Lazare, passant également par la gare centrale, comprenant un court tronc commun avec la première ligne. Conséquence, pour assurer le terminus de cette dernière, une bretelle pénètrera à l'intérieur des remparts sur le cours Jean Jaurès, amorçant le tracé initialement envisagé jusqu'à la place de l'Horloge par la rue de la République. Cette deuxième phase est estimée à 52,5 M€. En 2023, le tramway d'Avignon comportera donc une ligne faisant le demi-tour des remparts par le sud, amorce de la ligne du Pontet, et une ligne globalement nord - sud-est du centre-ville vers Saint Chamand.

Le marché initial de 24 rames a été pour sa part renégocié pour constituer une tranche conditionnelle liée à l'avancement du projet.

La première section a été inaugurée le 19 octobre 2019, entre Saint Roch et Saint Chamand. Elle se déroula sous des trombes d'eau : inauguration pluvieuse, inauguration heureuse... c'est ce qu'on peut souhaiter de mieux à ce tramway, dont le lancement aura été quelque peu malmené par des jeux politiques se souciant assez peu de l'intérêt de la collectivité.

Evidemment, la courte ligne entre le boulevard Saint Roch et le quartier de Saint Chamand, face au centre commercial Cap Sud, ne peut encore donner pleinement la mesure de ses effets. Qui plus est, cette première ligne ne dessert réellement aucun grand équipement hormis la gare centrale et cette zone commerciale : l'IUT, les grandes zones d'emplois et l'hôpital, des grands classiques pour le premier axe de TCSP dans toute agglomération française, sont à l'écart. Parfois de peu comme dans le cas de l'hôpital. C'est regrettable... mais le projet revient de loin...

En revanche, cette première section donne un petit aperçu de ce qui peut être fait dans l'agglomération. Sur le boulevard Saint Roch, la reconfiguration de la section sud des remparts, autrefois entièrement dévolus à la circulation et au stationnement automobiles, apaise l'ambiance et remet en valeur le patrimoine historique. Sur la rocade Charles de Gaulle, la restructuration de la contre-allée sud amorce également un important chantier urbain de transformation du quartier de La Source, composé d'immeubles d'habitat collectif parfois très dégradés. Le parcours terminal se glisse dans l'organisation pas très régulière d'un centre commercial. Mais on retiendra surtout la desserte de l'avenue de Saint Ruf, dont l'étroitesse n'a pas permis de créer un site propre. L'artère a été mise à sens unique et le tramway dispose donc d'un couloir à contresens dans le sens Saint Chamand - Saint Roch. Une réalisation intéressante pour qui considèrerait encore qu'un tramway ne peut pas passer dans une rue étroite.

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Avignon - Boulevard Saint Roch - 27 décembre 2019 - Enfin le tramway à Avignon ! Le boulevard a été remanié, pour réduire la place accordée à l'automobile et aménagée un vaste espace piétonnier au pied des remparts. © transporturbain

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Avignon - Boulevard Saint Roch - 6 novembre 2019 - Longeant les remparts, face à la gare, l'une des rames Citadis 205 s'engage en direction de Saint Chamand. La livrée est des plus dépouillées, similaire à celle des autobus à base de blanc et une petite bande verte en partie basse. © A. Knoerr

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Avignon - Avenue de Tarascon - 6 novembre 2019 - Desservant le quartier Saint Ruf, cette rame remonte en direction de Saint Roch. On notera d'une part la voie banalisée et l'absence d'ouverture simultanée des signaux dans les deux sens. © A. Knoerr

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Avignon - Avenue de Saint Ruf - 27 décembre 2019 - Cas intéressant sur cette artère. La rame en arrière-plan remonte vers Saint Roch sur une voie réservée à contresens tandis que la rame vers Saint Chamand circule sur une voie accessible aux voitures. Le flux a été largement dévié sur d'autres artères, rendant nettement plus paisibles cette voie. © transporturbain

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Avignon - Rocade Charles de Gaulle - 27 décembre 2019 - Sur cette section, les interstations un peu plus distendus permettent aux conducteurs de lancer leurs motrices à une allure soutenue grâce également à une formation appropriée. © transporturbain

La priorité aux carrefours semble assez correcte après 2 mois d'exploitation et les conducteurs ont manifestement été formés à une conduite agile et rapide, ce qui n'est pas surprenant puisqu'un échange a été organisé par Transdev avec le réseau de Montpellier. Ainsi, les petits Citadis 205, assez nerveux (certains diront 205 GTI...), circulent à 50 km/h sur le boulevard Saint Roch et font une pointe à 60 km/h sur la rocade Charles de Gaulle. L'avenue de Saint Ruf est parcourue à 30 km/h... quand les automobilistes ne prennent pas les trottoirs pour une file de stationnement. Il y a encore un peu d'éducation à faire dans cette ville, incarnation d'un urbanisme du demi-siècle écoulé uniquement organisé autour de la voiture.

Autre bonne surprise : le niveau de service, avec un intervalle de 7 à 8 minutes en journée, ce qui, pour une agglomération de cette taille, reste assez remarquable. L'objectif semble quand même d'ancrer le tramway dans le paysage urbain.

Une seconde ligne quand même

Avant même l'ouverture de la première ligne avait été validé, en mars 2018, le principe d'une seconde ligne entre l'île Piot et le pôle universitaire Saint Lazare, en prolongeant à l'ouest l'infrastructure le long des remparts jusqu'à la porte d'Oulle pour emprunter le pont Daladier afin de rejoindre un parc-relais existant. A l'est, une courte antenne est amorcée sur le tracé initialement défini pour la ligne du Pontet. Cette seconde ligne nécessite la reconstitution d'un terminus pour la première : un débranchement sera réalisé devant la gare et les tramways franchiront l'enceinte des remparts pour faire leur terminus à hauteur de la poste centrale, amorce du tracé défini jusque place de l'Horloge. Sa mise en service est attendue en 2025. Par anticipation, 4 rames supplémentaires ont été commandées dans le marché existant.

Un peu de prospective

Au-delà du tracé de référence, plusieurs points pourraient être examinés pour développer le réseau. D'abord, l'absence de desserte du centre hospitalier, pourtant situé à proximité du tracé retenu. C'est pourtant un équipement faisant partie des classiques des premières lignes de tram dans toutes les agglomérations françaises. Qui plus est, ce barreau desservirait un lycée et pourrait ouvrir la voie à une desserte complémentaire de la gare TGV, pas forcément évidente sur le plan technique, entre la tranchée couverte de la LGV et le viaduc de la ligne PLM franchissant la Durance.

Autre pôle qui fait souvent partie des classiques : les pôles universitaires. Si celui de Saint Lazare devrait être concerné par la phase 2 du réseau, la desserte d'Agroparc mériterait d'être examinée, avec au passage celle de la zone commerciale Mistral 7.

Il faudra aussi s'interroger sur la desserte de la rive gardoise, ce qui n'est pas le plus facile des sujets.

Enfin, la branche esquissée vers l'hôpital pourrait elle-même augurer d'une extension de l'autre côté de la Durance, afin de proposer un parc-relais à l'entrée de Rognonas et ainsi collecter les flux venant du nord des Bouches du Rhône et de la plaine de Châteaurenard... d'autant que l'emprise de l'ancienne ligne des Bouches du Rhône soit toujours disponible. Certes, il faudrait probablement un nouvel ouvrage sur la Durance, mais l'entrée sud d'Avignon est souvent complètement bloquée. Verra-t-on un jour circuler entre Avignon et Châteaurenard (15 000 habitants) des tramways interurbains ?

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Châteaurenard - 9 août 2013 - Cette voie inutilisée de longue date, après un passé marqué par le transport de fruits et légumes, pourrait-elle incarner une nouvelle dimension dans l'utilisation du tramway dans le bassin de vie d'Avignon, très dépendant de l'automobile ? © transporturbain

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