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transporturbain - Le webmagazine des transports urbains

Le tramway de Nantes : seconde époque (depuis 1985)

Une ville qui laissera une trace dans l’histoire contemporaine des transports

Quoique non sollicitée par le Secrétariat d’Etat aux Transports en 1975 (le fameux concours Cavaillé), le tramway réapparut dans la vie politique nantaise au cours de la campagne municipales de 1977. Alain Chenard élu, le projet constituait l’un de ses principaux engagements pour la période 1977-1983. Centre-ville engorgé, vastes parkings en surface sur les grandes places de la ville et qualité de vie étaient les grands axes de sa politique d'urbanisme et de transport. Le tracé de la première ligne était validé dès 1978 : du quartier de Bellevue à l’ouest à celui de Haluchère à l’est, il évitait de traverser l’hypercentre et cherchait donc à éviter de crisper les automobilistes et les comerçants. Le tramway allait réutiliser l’emprise d’un site propre pour autobus et les délaissés de l’emprise de la ligne de chemin de fer Nantes – Châteaubriant. La déclaration d’utilité publique était obtenue en 1981. Le budget alloué était de 400 MF. 

Voir ce premier reportage de FR3 Pays de la Loire le 6 octobre 1980 et ce second le 20 novembre 1980 sur les transports urbains à Nantes.

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Nantes - Place du Commerce - date - Débouchant du cours des Cinquante Otages, un Mercedes O305 carrossé par Heuliez, figure du réseau nantais du début des années 1970. Recarrossés dans les années 1980, leur carrière dura 35 ans. A sa droite et en arrière-plan, des Setra S215 articulés dans un environnement dévolu à l'automobile. © Th. Assa

Parallèlement, le projet de matériel roulant se concrétisait : le Tramway Français Standard sortait des planches à dessin d’Alsthom – Francorail – CIMT en 1979. Il était clairement inspiré d’une conception de métro léger. Longue de 28,5 m, la rame comprenait 4 portes doubles et 2 portes simples aux extrémités, toutes louvoyantes et coulissantes. L’accès nécessitait le franchissement de 3 marches. Elles offraient 168 places. Le marché de 20 rames était signé en 1982. Ces rames allaient être entretenus dans le nouveau dépôt Dalby, situé sur les terrains des anciens ateliers Brissonneau et Lotz transférés à Carquefou en 1973. 

Inventer la conduite d’un projet de tramway moderne

Le pilotage du projet était lui-même une innovation puisqu’aucun bureau d’études français ne connaissait le tramway sous sa forme moderne. Nantes s’inspirait des réalisations contemporaines outre-Rhin. Le Syndicat Intercommunal des Transports Publics de l’Agglomération Nantaise assurait la maîtrise d’ouvrage du projet, la SEMITAN, exploitant du réseau, était mandataire pour le maître d’ouvrage. La SOFRETU pilotait la maîtrise d’œuvre des travaux et la SEMALY celle du matériel roulant.

Surtout, le projet de tramway put voir le jour par la rencontre entre la sphère politique, avec Alain Chenard le maire de Nantes, et de la sphère technique, avec Michel Bigey le directeur général de la SEMITAN. Le premier était convaincu de l’intérêt du tramway pour sa ville et le second convaincu de la pertinence de ce mode de transport dans les grandes villes. Le premier a porté le projet et le second apportait son expérience et une certaine tenacité. Si l’histoire a retenu Marcel Cavaillé comme l’homme de la relance du transport public, il ne faudrait pas oublier le rôle décisif du duo Chenard-Bigey sur la renaissance du tramway en France.

Dans une conception de « métro au sol », Nantes lançait également une démarche d’intégration urbaine. Si la ligne devait largement recourir à la voie ballastée à l’est, la circulation en voirie faisait appel à une plateforme pavée. En outre, la première ligne nantaise faisait l’objet d’une démarche architecturale avec le dessin des stations et l’allure épurée de la ligne aérienne les zones pavées, le dessin des stations et des poteaux de la ligne aérienne.

Les travaux débutaient dès l’automne 1981 et les premiers rails étaient posés en 1982 dans un contexte de forte hostilité entretenue par l’opposition municipale. La mise en service était prévue en 1983 mais la défaite d’Alain Chenard aux élections municipales allait provoquer un arrêt du chantier. Le nouveau maire, Michel Chauty, était un adversaire radical du tramway mais dut se résoudre à poursuivre le projet qui était trop avancé. Son abandon aurait coûté cher à la ville et l’image du nouveau maire aurait été immédiatement entachée.

A l’été 1984, la première rame était présentée aux nantais : ce fut déjà un succès considérable et les amateurs de transports urbains y voyaient un premier signe. FR3 Pays de la Loire couvrait l'événement. Juste avant Noël, la SEMITAN propose trois journées de découverte, du 20 au 22 décembre 1984 : 55 000 voyageurs furent recensés.

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Nantes - Place du Commerce - 7 août 1984 - Une journée historique dans l'histoire des transports urbains modernes ! La première motrice du nouveau tramway nantais, exposée place du Commerce. En dépit des travaux, la population se déplaça en masse pour voir leur nouveau moyen de transport. Un premier succès, en dépit des oppositions politiques. © Th. Assa

La démonstration par l’exemple

La mise en service, sans inauguration, eut lieu le 7 janvier 1985 dans une ville de Nantes paralysée par la neige. Le tramway, lui, circulait entre Commerce et Haluchère, et devait être immédiatement adopté par la population. Le tramway moderne était alors passé du concept à la réalité. Le coût total du projet est maîtrisé, à 403 MF pour un budget initial de 400 MF. Les nantais s’approprièrent rapidement le tramway, notamment du fait de sa rapidité : la vitesse moyenne était de 25 km/h. Un mois plus tard, la section Commerce – Bellevue était mise en service, le 18 février 1985, offrant le tramway aux quartiers ouest de la ville.

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Nantes - Place du Commerce - 25 juin 1985 - Six mois après la mise en service de la première ligne de tramway moderne en France, celle-ci avait déjà trouvé son public et les vertus du nouveau mode de transport étaient déjà appréciées des nantais. La mécanique du succès était engagée.  © Th. Assa

Bien qu’ayant généré un retard d’environ 18 mois au projet, le maire de Nantes ne put que constater son erreur de jugement : les 40 000 voyageurs quotidiens étaient atteint en une année de service sur la moitié de la ligne. Il décidait le prolongement de la ligne 1 de Haluchère au Stade de La Beaujoire, ouvert le 22 avril 1989. 

A voir ce reportage de FR3 Pays de la Loire du 28 février 1989 sur la situation des transports à Nantes.

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Doulon - Boulevard de Doulon - 12 mars 2011 - Les Incentro sont arrivés à l'occasion de la création de la ligne 3 et pour renforcer l'offre de la ligne 1. Ces motrices à plancher bas procurent à grand niveau de confort. Notez la correspondance quai à quai avec le terminus de la ligne 58, assurée par un GX217 GNV. A gauche du cliché, l'emprise de la ligne ferroviaire Nantes - Châteaubriant, fermée aux voyageurs de 1980 à 2014 et rouverte sous la forme d'un tram-train... indépendant du réseau urbain. © transporturbain

La deuxième ligne : Nantes concrétise

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 Nantes - cours J.F. Kennedy - 1986 - La section centrale urbaine de la ligne 1 est installée sur de larges boulevards créés lors du comblement d'un bras de Loire : en évitant la traversée du centre-ville, le tramway gagnait en vitesse commerciale mais surtout limitait les polémiques avec les partisans de l'automobile. Notez la présence de l'attelage automatique, utilisé pour former des convois doubles aux heures d'affluence. © J.H. Manara

Devant le succès du tramway, qui transportait déjà 65 000 voyageurs par jour, le principe d’une deuxième ligne est acté. D’orientation nord-sud, elle allait s’inscrire dans un grand projet d’agglomération et de reconquête du centre-ville. Si la première ligne ne faisait que tangenter le centre-ville, la deuxième allait le traverser sur le cours des Cinquante Otages alors essentiellement dévolu à la circulation et au stationnement automobile. On y instaurait une vaste zone 30, les giratoires remplaçaient les carrefours à feux et de nombreux sens uniques disparaissaient pour réunifier les itinéraires des autobus. Au total, 30 000 m² d’espace public étaient reconfigurés.

La ligne 2 Trocardière – Orvault était mise par étapes, à compter du 26 septembre 1992 sur la section Trocardière – Cinquante Otages et le 26 août 1994 jusqu’à Orvault Grand Val. Un deuxième atelier de maintenance était créé au terminus Trocardière. 26 nouvelles rames TFS étaient réceptionnées, avec une troisième caisse surbaissée pour faciliter l’accès. Sur la ligne 1, les attelages automatiques installées pour créer des convois doubles pour faire face au succès disparaissaient après l’extension à 3 caisses de la première tranche.

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Nantes - Quai de Versailles - 29 février 2016 - L'aménagement des rives de l'Erdre, dans sa partie non détournée, a été embelli à l'occasion de la création de la ligne 2. Piétons, cyclistes et tramways circulent de façon harmonieuse. © transporturbain

Le succès du tramway était total et tournait au plébiscite : 95% des nantais se déclaraient satisfaits du nouveau mode de transport qui leur était proposé. Aussi, extensions et nouvelles lignes s’enchaînaient durant la décennie 1995-2005, avec en point d’orgue la création de ligne 3 dirigée vers le Sillon de Bretagne depuis le centre de Nantes (Hôtel Dieu) .

Troisième ligne et logique de réseau

Dans un premier temps, la ligne 1 était de son côté prolongée le 28 août 2000 à Saint Herblain (François Mitterrand) et abandonnait son tracé initial pour desservir l’intérieur du quartier de Bellevue. Le même jour, la ligne 3 était inaugurée entre Plaisance et Hôtel Dieu. La création de cette ligne 3 était accompagnée d’une commande de 33 rames attribuée à ADTranz avec son Incentro, venant également renforcer le parc de la ligne 1. Un troisième dépôt était créé à Saint Herblain pour gérer l’augmentation du parc.

Dans un second temps, les lignes 2 et 3 étaient achevées. La ligne 3 pénétrait dans Saint Herblain le 5 avril 2004 pour desservir le quartier du Sillon de Bretagne. Le 29 août 2006, la ligne 2 était prolongée de Trocardière à Neustrie, sur la commune de Bouguenais, accompagnant le développement de nouveaux quartiers. Un an plus tard, du fait de la grande longueur de la ligne 2 qui la rendait irrégulière, la ligne 3 reprenait le terminus de  Neustrie, et la ligne 2 utilisait la nouvelle station de la gare de Rezé Pont Rousseau, proposant une correspondance avec les TER de Pornic et Saint Gilles Croix de Vie.

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 Nantes - Rue du Poitou - 2005 - La ligne 3 fut aussi l'occasion de recourir à de nouveaux aménagements d'insertion. Ici les voitures circulent sur les voies du tramway, mais des sas régulent l'entrée des voitures, systématiquement derrière les tramways. Le terre-plein central évite les dépassements abusifs. © transporturbain

Enfin, le 5 janvier 2009, la ligne 3 était prolongée du Sillon de Bretagne au nouveau terminus Marcel Paul.

Le dernier prolongement réalisé à Nantes remonte au 1er octobre 2012 avec un embranchement de 800 m jusqu’à la station Ranzay, amorçant la jonction des lignes 1 et 2 au nord de l’agglomération. L’augmentation des fréquences sur les trois lignes fut accompagnée de la commande 12 rames attribuée à CAF livrant une déclinaison de son Urbos3.

A cette date, le réseau de Nantes comprend 44,3 km d'infrastructures et 83 stations. La fréquentation moyenne journalière s'établit à 275 000 voyageurs par jour (en 2012), ce qui représente 60% du trafic du réseau de la SEMITAN. En 2017, le cap des 300 000 voyageurs était franchi : en 2019, plus de 320 000 voyageurs étaient enregistrés en moyenne sur une journée.

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Nantes - Ranzay - 4 juin 2013 - Le nouveau terminus de la ligne 1, réalisé en lien avec le tram-train Nantes - Châteaubriant et préfigurant la jonction nord des lignes 1 et 2. © J. Sivatte

Elles représentent 60% du trafic journalier du réseau urbain. La part de marché du réseau est passée de 14 à 15% entre 2000 et 2008 alors que l’objectif était de 17%. En revanche, la voiture recule légèrement dans les déplacements vers le centre, passant de 50 à 49%. Le mouvement s’est amplifié dans les années 2008-2012 marquées par une forte croissance de la fréquentation avec la hausse du prix des carburants, mais le réseau est resté globalement constant. En 2015, les déplacements individuels motorisés ne représentaient plus que 44% de l'ensemble des flux.

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Le plan du réseau de tramways nantais en 2014 avec les lignes de bus Chronobus complétant le maillage.

Le matériel roulant

La première ligne moderne de France entraîna le lancement d’un nouveau matériel roulant, le Tramway Français Standard. Imaginé en 1975 dans le cadre du Concours Cavaillé, Nantes travailla la base ainsi conçue. La longueur retenue était de 28,5 m, soit 2,5 m de plus que le projet du concours. La caisse fut réalisée en aluminium. Les portes louvoyantes-coulissantes ont été munies d’un emmarchement intermédiaire pneumatique. Le bogie retenu était proche de celui adopté par le MF77 de la RATP. Les roues élastiques devaient apporter un excellent confort de roulement en silence . La chaîne de traction intégrait des hacheurs de courant, technique alors la plus en pointe pour optimiser la consommation d’énergie, et deux moteurs TAO 679 de 276 kW, autorisant une vitesse de pointe de 70 km/h.

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Nantes - Place du Commerce - 12 mars 2011 - Croisement entre les deux générations de matériel. Fiables, les TFS ont bénéficié à partir de 2006 d'une rénovation avec l'application d'une nouvelle livrée censée gommer le design anguleux de ces rames. © transporturbain

La première commande portait sur 20 rames livrées entre 1984 et 1985 par Alsthom-Francorail. Une seconde tranche de 26 rames fut déclenchée au titre de la ligne 2, et qui fut livrée en partie de façon anticipée, afin de former des couplages sur la ligne 1 devant le succès de fréquentation. Les rames étaient munies d’un attelage automatique Scharfenberg.

A la mise en service de la ligne 2, la SEMITAN décidait d’allonger les TFS par adjonction d’une troisième caisse à plancher bas pour améliorer les conditions d’accès, portant la longueur des rames à 37,5 m, qui devenait la valeur de référence du réseau.

L’essor du réseau et la construction de la ligne 3 déclenchait une nouvelle commande, attribuée à ADTranz – aujourd’hui Bombardier – qui livrait 33 rames Incentro à plancher bas intégral. Conçue pour l’optimisation des échanges, il s’agit des premières rames à double porte en extrémité.

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Bouguenais - Grande Ouche - 29 janvier 2016 - Les Incentro sont engagées sur les lignes 1 et 3. Premier matériel en France avec doubles portes en extrémité, elles surclassent toujours les Citadis d'Alstom. © transporturbain

Enfin, avec l’augmentation du trafic, le renforcement de la ligne 1 à 3 min d’intervalle et le prolongement à Ranzay, un troisième marché était nécessaire pour compléter le parc. Il fut attribué à CAF qui livra 12 rames Urbos, au diagramme calqué sur les Incentro.

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Nantes - Souillarderie - 29 janvier 2016 - Dernières arrivées, les rames Urbos se sont rapidement imposées comme la nouvelle référence nantaise : nerveuses et silencieuses, elles ont gardées le principe des doubles portes extrêmes qui s'avère des plus efficaces. © transporturbain

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Suite du dossier : Quelles extensions ?

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