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transporturbain - Le webmagazine des transports urbains

Pas de bons RER sans une véritable intermodalité

Dans le débat amorcé depuis 2 ans par l’Etat sur un renforcement du rôle du train dans la desserte des grandes métropoles, auquel transportrail a largement contribué par ses dossiers consacrés à plusieurs cas pratiques, l’attention est surtout focalisée sur la capacité du réseau ferroviaire, la consistance de la desserte, l’évolution des infrastructures et du matériel roulant.

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Pessac Alouette - 5 février 2017 - Des gares souvent aménagées de façon minimaliste... mais disposant de correspondances avec les réseaux urbains : premier exemple ici dans la métropole bordelaise avec la seconde gare de Pessac, qui dispose elle aussi d'une correspondance avec le tramway. La ligne est sur le pont en arrière-plan du cliché. Le cheminement d'accès reste à améliorer. © transporturbain

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Cenon - 4 octobre 2018 - Gare nouvelle, station de tram au pied : succès assuré. La gare de Cenon pourrait encore un peu plus constituer la porte d'entrée nord de l'agglomération bordelaise si elle disposait d'une ligne de tram en rocade. © transporturbain

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Lyon Jean Macé - 15 juin 2018 - Il en a fallu du temps pour qu'elle soit enfin créée : excellement implantée sur un carrefour important du réseau de transports en commun (métro et tramway), la gare Jean Macé est assurément une réussite, utilisée par les trains venant de Villefranche, Vienne et Saint André le Gaz. © transporturbain

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Marseille - Blancarde - 14 février 2014 - Gare historique du noeud ferroviaire marseillais, longtemps dans l'ombre, jusqu'à ce que le métro et le renouveau du tramway n'en fasse une seconde porte d'entrée au coeur de la ville, Marseille Blancarde pourrait jouer un rôle encore plus important dans le RER marseillais. © transporturbain

D’autres facteurs ne doivent pas être sous-estimés. transporturbain en choisit deux, concernant la tarification et l’intermodalité, en particulier avec les réseaux urbains. Ils nous semblent d’ailleurs être les clés de réussite des RER dans les grandes métropoles françaises. La technique ferroviaire ne fera pas tout. Or les situations sont extrêmement contrastées.

Tarification : des progrès… pour les abonnés seulement (et encore !)

Mieux vaut tard que jamais. Néanmoins, le retard de la France par rapport à nos voisins européens reste colossal. La France, pays de la carte à puce, n’est pas vraiment le pays où passer du train à un réseau urbain est chose aisée. On peut distinguer 2 situations :

  • L’autorisation d’emprunter les trains avec n’importe quel titre de transport du réseau urbain : Lille, Grenoble, Nantes, Orléans appliquent ce principe de façon générale ; Strasbourg à partir d’un ticket journalier ; Mulhouse applique une tarification particulière avec le tram-train vers Thann ; Toulouse, uniquement sur la ligne de Colomiers et Le Havre uniquement sur la ligne de Rolleville ;
  • La formule d’abonnements combinés, uniquement au mois ou à l’année, généralement sur un seul parcours ferroviaire (et non pas sur l’aire métropolitaine), en utilisant le plus souvent le support des abonnements régionaux ferroviaires et les différentes cartes à puce. On retrouve Lyon, Dijon, Marseille, Bordeaux, Rennes, Rouen, Caen, Nice et Saint Etienne par exemple dans cette configuration.

On est donc très loin des communautés tarifaires institutionnalisées dans toutes les agglomérations en Allemagne, en Suisse, en Autriche, même en Italie. Cela dit, la France n’est pas la seule à la traine sur ce plan. En cause, principalement la question financière de compensations entre la Région et l’Agglomération. Ainsi, dans l’agglomération lyonnaise, le ticket urbain en carnet coûte 1,73 € en 2019 pour n’importe quel trajet sur le réseau TCL, par exemple du centre de Lyon à Albigny sur Saône, alors que l’usage du train implique d’acheter un ticket à 3,30 €, le prix étant en fonction du parcours. Un écart du simple au double.

Dans des bassins urbains denses, comme justement l’aire lyonnaise, seuls les abonnés peuvent bénéficier de quelques facilités en juxtaposant sur une seule carte à puce des abonnements multiples. Mais qui veut occasionnellement utiliser les transports en commun et le train devra se munir d’autant de tickets que de sections du parcours. Exemple, entre Annecy et Grenoble, il faudra donc un ticket SIBRA (Annecy), un ticket TER puis un ticket TAG (Grenoble). Or ces déplacements ponctuels sont plus nombreux que les flux réguliers : les analyses menées en Normandie, à Bordeaux et dans d’autres bassins, notamment par Keolis (dont on rappellera la belle intervention en 2018 au colloque Le Ferroviaire autrement à Bordeaux, notamment sur ce sujet), montrent l’enjeu à faciliter la multimodalité pour tous et non pas seulement pour des abonnés qui sont proportionnellement ceux qui coûtent le plus cher (abonnements à taux ultra-réduits, flux massifiés en pointe nécessitant d’importants moyens de production).

La coordination des réseaux 

C’est un peu la question de l’œuf et de la poule : faut-il coordonner les réseaux avant la mise en place d’une tarification multimodale ou faut-il créer d’abord cette dernière et réorganiser les dessertes urbaines ?

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Saint Etienne - Gare de la Terrasse - 31 décembre 2012 - Correspondance historique entre le tram et le train en gare de La Terrasse. La complémentarité des modes de transports n'est pas un sujet nouveau mais il a parfois du mal à être intégré... © transporturbain

Le sujet ne se résume d’ailleurs pas qu’à cette seule question liée in fine aux modalités de financement des services, mais emporte aussi des choix d’aménagement urbain pour créer ces pôles d’échanges, de taille plus ou moins conséquente selon les cas.

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Hoenheim - 14 mars 2019 - Salué lors de sa réalisation, le pôle d'échanges au terminus de la ligne B est au pied de la gare située sur la ligne Strasbourg - Lauterbourg. Comme bien souvent, la connexion n'a pas pour but de proposer une offre de plus entre Hoenheim et Strasbourg, mais de faciliter la diffusion dans l'agglomération des voyageurs périurbains. © transporturbain

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Rezé - 12 mars 2011 - Avec la réalisation de la troisième ligne de tramway, la correspondance avec la gare située sur les lignes de Pornic et Saint Gilles Croix de Vie a été encore améliorée par la création de ce terminus intermédiaire dans la réorganisation du réseaui qui l'a acompagnée. © transporturbain

Le cas lyonnais est assez édifiant : les gares ferroviaires bien desservies ne le sont pas grâce à la présence du train… mais à celle du métro, voire du tramway. Hors des gares centrales (Perrache, Part-Dieu, Jean Macé et Saint Paul), les gares de Gorge de Loup, Vaise, Vénissieux et Oullins sont avant tout des points de correspondance entre les bus et le métro (auquel s’ajoute le tramway dans le cas de Vénissieux). Pour les autres gares de banlieue, la situation peut être assimilée à une ignorance réciproque.

Un exemple très significatif : Saint Priest. La gare est située à 11 minutes de Perrache, proposant un temps de parcours incomparable avec le réseau urbain, quelle que soit la combinaison choisie. Le tramway ne dessert pas la gare et le réseau de bus est organisé autour de lui. La ligne structurante C25 Part Dieu – Saint Priest zone industrielle fait quasiment tout le tour de la ville mais ignore la gare. Une seule ligne régulière passe à proximité : la ligne 62 Gare de Vénissieux – Mions, mais l’arrêt se situe à 210 m de la gare, avec une fréquence de 12 minutes en pointe et de 20 minutes en journée… alors que la gare est desservie toutes les 30 minutes en pointe et à l’heure en journée.

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Saint Priest - Place Anatole France - 15 juin 2018 - La ligne 62 dessert la gare située au sud de la commune, dont le rôle pourrait être bien plus important si la connexion était mieux assurée et s'il existait une coordination tarifaire complète. Dommage pour ceux qui veulent aller dans le centre de Lyon : ils perdent près d'une demi-heure ! © transporturbain

Saint Priest pourrait devenir un pôle d’échanges assez important, d’autant que des terrains sont disponibles ou aisément libérables pour aménager une station d’autobus qui pourrait rayonner vers les différents quartiers de la ville, situés au nord des voies ferrées, et vers la zone industrielle située au sud et à l’est de la gare, avec la possibilité d’assurer une double connexion train – tramway.

A Lille, si métro et train sont officiellement en correspondance au centre hospitalier, la station de métro, en viaduc, se situe tout de même à 200 m des accès à la halte ferroviaire. S’il y a bien une station de métro et une halte baptisées Porte de Douai, elles sont tout de même séparées de 765 m… Enfin, si la gare de Roubaix est correctement desservie par le métro, celle de Tourcoing est ignorée.

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Lille - Place Pierre Sémard - 27 octobre 2015 - Bien desservie par les autobus, la gare de Tourcoing est cependant à l'écart du tracé de la ligne 2 du métro. Dommage, car les complémentarités sont assez évidentes, surtout grâce au temps de parcours très attractif du train entre Lille et Tourcoing. © transporturbain

A Toulouse, seule la section ferroviaire Arènes – Colomiers sur la ligne d’Auch est accessible aux porteurs d’un titre de transport urbain. L’intermodalité est de nature inégale : elle est plutôt bonne à la station Arènes, justement, avec cette desserte ferroviaire qui est même labellisée ligne C, en correspondance avec le métro et le tramway. La ligne B dessert aussi la gare Saint Agne, mais avec une connexion de qualité moyenne, amplifiée par la forte affluence. Tisseo envisage de nouvelles correspondances avec le prolongement de la ligne B à Labège, puis la création de la ligne C qui desservira la gare de Colomiers et Labège, mais aussi un nouveau pôle d’échanges à La Vache, avec cependant environ 300 m entre train et métro dans ce qui est envisagé comme une nouvelle porte d’entrée Nord de Toulouse.

Il y a aussi de bons exemples : Grenoble a ainsi de longue date connecté le tramway avec le train, en amenant le premier vers le second (cas de Gières) et en créant une halte ferroviaire pour créer la correspondance (à Echirolles). Reste cependant à travailler la consistance des offres, mais il faut tout de même remarquer que Grenoble fut l’une des premières agglomérations à autoriser l’usage du train dans son périmètre avec un titre de transport urbain.

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Gières - Rue de la gare - 9 novembre 2019 - Proximité immédiate entre tramway et train à Gières : cette correspondance bénéficie par exemple aux étudiants, qui peuvent utiliser la ligne B du tramway à contrepointe depuis les trains venant de Chambéry, et même de Saint Marcellin et Rives, en gagnant un peu de temps (et surtout du confort) par rapport à une correspondance à la gare centrale. © transporturbain

Bordeaux a également organisé des pôles tramway – train en première couronne, en amenant le tram aux deux gares de Pessac, à Bègles (quoique la configuration du site sépare les 2 modes de 440 m), Bruges et Blanquefort, mais aussi en créant les stations ferroviaires d’Arlac et de Cenon, sans compter celle à venir au Bouscat. Evidemment, certains ne manqueront pas de noter que la future ligne de tram de Gradignan croisera les voies ferrées à hauteur de l’ancienne gare de Talence-Médoquine…

D’ailleurs, Bordeaux Métropole et la Région Nouvelle Aquitaine devraient en 2020 aboutir à l’intégration tarifaire des trains régionaux dans le périmètre TBM, dans un premier temps sur le seul axe Bordeaux – Le Verdon, pour essayer de dynamiser l’usage des trains, notamment entre Parempuyre, Pessac et Bordeaux.

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Pessac - 25 février 2009 - La branche Pessac centre de la ligne B passe sous les voies de la ligne Bordeaux - Hendaye avant d'arriver en gare. Ici aussi, l'objectif est de faciliter les déplacements des étudiants pour éviter de saturer encore un peu plus les sections centrales du tramway. © transporturbain

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Reims - Avenue du Général de Gaulle - 17 avril 2011 - Les bons cas d'intermodalité se retrouvent aussi dans des agglomérations de taille plus modeste comme ici à Reims, où train et tram se retrouvent connectés avec cette nouvelle station Flanchet d'Esperey. © transporturbain

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Cannes - Rue Jean Jaurès - 1er octobre 2017 - Correspondance on ne peut plus courte devant la gare de Cannes : espace exigu dans lequel il a quand même été possible d'aménager un espace quasiment réservé aux transports en commn. Le BHNS Palm Express et un autobus interurbain sont en position. Il est tout de même à noter qu'il y a encore seulement 15 ans, il fallait d'abord penser l'accès aux gares en voiture. L'inflexion est assez nette, même si des progrès restent à accomplir. © transporturbain

Un fort enjeu de maturité politique

Indiscutablement, il y a eu un net progrès dans la connexion physique des réseaux urbains et ferroviaires avec la création de nouveaux points de correspondance, même dans des agglomérations de taille intermédiaire. Citons l'ouverture en début d'année 2019 de la gare de Trélazé, près d'Angers, ou encore le projet de nouvelle gare près de l'hôpital du Mans, qui sera aménagée au droit du tramway, tant pour desservir directement un équipement d'intérêt régional que diffuser plus efficacement les voyageurs du train, et - encore une fois - les étudiants qui pourront gagner plus aisément encore l'université sans passer par le centre-ville.

Tarification et coordination des offres imposent donc une convergence de vues entre les deux autorités organisatrices de transport que sont les Régions et les intercommunalités urbaines (Métropoles, Communautés Urbaines, Communautés d’Agglomérations selon les cas). C’est probablement sur ce point que la tâche sera la plus difficile et la plus longue : elle sera peut-être aussi complexe à obtenir que ne le seront certains travaux d’aménagements des infrastructures ferroviaires pour augmenter la capacité du réseau afin de développer ces nouvelles offres !

Et pourtant, le développement de ces dessertes constitue certes un puissant levier de repositionnement du chemin de fer dans l’offre de transports dans les principaux bassins de vie, mais il est surtout un instrument de maîtrise du trafic automobile, des nuisances qu’il engendre et de la consommation d’énergie par voyage.kilomètre effectué.

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