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transporturbain - Le webmagazine des transports urbains

Les tramways de Bruxelles (1) : développement du réseau et des compagnies

Des omnibus aux premières compagnies de tramways

La démolition des fortifications entre 1810 et 1849 a desserré la ville jusqu’alors contenue à l’intérieur de ce qu’on appelle aujourd’hui le pentagone. La création du royaume de Belgique, après les défaites napoléoniennes, la désignation de Bruxelles comme capitale puis la mise en service de la première ligne de chemin de fer entre Bruxelles et Malines allaient amorcer la transformation de la ville.

Un boulevard circulaire de 8 km a été aménagé sur les emprises libérées, qu’on appelle encore aujourd’hui la Petite Ceinture. La suppression de cette enceinte ouvrait la ville sur ses faubourgs, qui allaient connaître une intense période d’expansion industrielle, en particulier à Molenbeek et à Anderlecht.

Le schéma d’urbanisation retenu privilégiait la création d’avenues larges, dotées de contre-allées ou de terre-pleins centraux arborés, contrastant avec l’exiguïté d’un centre historique aux rues étroites et sinueuses.

Dans ce contexte, les premiers transports en commun apparaissaient en 1842 sous la forme classique d’omnibus hippomobiles. Dès 1854, les édiles bruxellois reçurent la première proposition de chemin de fer américain de plusieurs ingénieurs et affairistes. Sans surprise, le français Alphonse Loubat étaient de ceux-ci, après son essai à New York et la première application à Paris. Néanmoins, l’ensemble de ces projets ne connurent aucune suite car leur base financière était notoirement insuffisante. En attendant, les omnibus hippomobiles de la Belgian Street Railways and Omnibus Company Limited (BSROC ou société Vaucamps) occupaient le pavé, avec 7 lignes utilisant 25 véhicules fabriqués en Angleterre.

Après une expérimentation en 1854 des Halles centrales à Laeken sans suite, la première ligne de tramway n’apparut qu’à la fin des années 1860, en traction animale toujours, sur le parcours entre la porte de Namur et le bois de la Cambre. Sa mise en service intervenait le 1er mai 1869. L’exploitation avait été concédée Société des Voies Ferrées Belges (ou compagnie Morris) créée en 1868, qui utilisait 26 voitures à impériale.

CP-tram-hippo-bois-cambre

Le Bois de la Cambre, promenade très prisée des bruxellois, constitua l'un des premiers points desservis par le réseau de tramways afin d'assurer une bonne fréquentation et la renommée de ce nouveau mode de transport, encore en traction animale.

Le succès de la première ligne incita la Ville de Bruxelles à concéder à la BSROC un réseau de tramways hippomobiles de 13,2 km comprenant 3 lignes de profil facile, exploitée avec des voitures dépourvues d’impériale et tractées par un seul cheval :

  • Gare du Nord – Laeken
  • Place Liedts – Rue Mérode
  • Laeken - Anderlecht

Le développement des tramways se traduisit par un foisonnement de compagnies. Ainsi, le 15 mars 1872 était accordées deux lignes aux frères Becquet, totalisant 10,8 km. La première était une ceinture sur les nouveaux boulevards extérieurs et la seconde reliait l’impasse du Parc au quartier Léopold. Ils fondèrent le 17 février 1874 la Société Brésilienne des Tramways pour les réaliser.

Le développement du réseau et la fusion des compagnies

Le premier janvier 1875, la BSROC et les VFB fusionnaient sous l’égide du banquier Simon Philippart pour constituer la Société des Tramways Bruxellois. L’opération impliquait l’homogénéisation des clauses contractuelles avec les sociétés préexistantes, dont la tarification, n’aboutissant que le 2 octobre 1882. Entre temps, dès le 9 mars 1880, la concession Becquet de la Société Brésilienne des Tramways était reprise par les TB, afin de ne pas laisser une compagnie concurrente s’emparer du trafic sur la Petite Ceinture.

Le mouvement de concentration allait se poursuivre pendant plus de 50 ans car dans ce contexte centralisateur apparaissaient tout de même de nouvelles compagnies pour aller desservir des territoires à l’écart des réseaux principaux. Néanmoins, le développement du réseau demeurait assez limité puisqu’en 1879, on ne comptait que 28 km de tramways, auxquels s’ajoutaient 15 km d’omnibus.

tram-hippo-VFbelges

Rapidement créés, rapidement absorbés : les VFB avaient fait le choix d'un matériel à impériale. On mesure à quel point l'accès aux places supérieures était précaire : un escalier de maigre tôle et une simple rambarde de protection. (cliché X)

Pour réduire les coûts d’exploitation, largement dominés par ceux de la cavalerie, des essais d’exploitation en traction mécanique à vapeur furent engagés par les TB dès 1876 sur la Petite Ceinture avec une locomotive suisse et avec une machine belge construite dans les usines de Tubize sur la ligne du Bois de la Cambre. Ils n’eurent pas de suite.

En dépit de ces premières fusions, le succès du tramway suscitait toujours l’appétit des investisseurs, alors que même que les premières fusions avaient déjà eu lieu, donnant lieu à un foisonnement de compagnies et de solutions techniques, incluant du matériel à l’écartement insolite de 1147 mm. La création de la Société Générale des Chemins de fer Economiques en 1880, succédait à la Société Générale de Tramways (les fameuses voitures en livrée chocolat), développant un réseau de 9 lignes au départ de la Bourse ouvertes entre le 20 juin 1889 et 1907, vers la place Saint Josse, la place Stéphanie, Molenbeek (Duchesse et Etangs Noirs), Koekelberg, Basilique, Jette, Rogier, la place Bockstael et la porte de Hal.

Le 26 avril 1883, la fondation des Tramways de Bruxelles à Evere et extensions devait mener à bien la réalisation d’un tramway à vapeur entre la place Surlet de Chokier au cimetière d’Evere… qui était déjà bien engagée puisque le service débutait dès le 14 juillet suivant ! La ligne à voie unique était desservie à l’aide de petites locomotives Krauss tractant deux voitures. L’existence de cette compagnie fut des plus brèves puisque la cession aux TB fut approuvée le 2 août 1884.

La création le 29 avril 1884 de la Société anonyme du chemin de fer à voie étroite de Bruxelles à Ixelles-Bondael (BIB) faisait entrer un nouvel acteur, incontournable dans l’histoire du transport public en Europe : la famille Empain et sa filiale, la Compagnie Générale des railways à voie étroite, laquelle rachetant la concession Vellut pour 5 lignes à voie métrique au départ de la Porte de Namur vers la Petite Suisse, l’avenue de Tervueren et la Chaussée de la Hulpe, ainsi que de la rue Royale à Tervueren et de la place Saint Josse à Tervueren. Le service allait être notamment confié à 17 locomotives à vapeur Tubize. Cependant, 15 ans plus tard, le BIB était à son tour absorbé par les TB.

L’électrification renforce la prédominance des TB

La concurrence entre les compagnies appelait ensuite une course à l’innovation technique, focalisée naturellement autour de l’électrification des lignes. Les frères Julien essayèrent dès 1882 des voitures à accumulateurs entre Laeken et Anderlecht puis entre la place Leopold et la place Royale à compter du 17 avril 1887. L’autonomie et les émanations nocives d’acide motivèrent l’arrêt de cette expérimentation le 1er mai 1890. Les premiers tramways belges avec flèche et fil aérien circulaient en 1893 à Liège, donnant l’exemple à la capitale.

La concession des TB fut prolongée de 55 ans en contrepartie de l’électrification du réseau, par fil aérien de contact et par caniveau axial dans l’enceinte du pentagone. Une nouvelle ligne était mise en service dès 1896 entre Uccle et la gare du Midi.

Cette décision suscita un conflit entre les TB et les CFE autour de la réalisation de nouvelles avenues pour installer des tramways, notamment sur l’axe Bourse – Palais de Justice – Parc – Rue du Lombard. Les TB furent confortés dans leur position dominante.

Les deux premières lignes entre la place Stéphanie et Uccle (avec un intervalle de 15 minutes) ainsi qu’entre les gares du Nord et du Midi (avec une cadence de 4 minutes 30) furent lancées en 1893 avec 23 motrices. Il fallut 15 ans pour éliminer les tramways hippomobiles à Bruxelles, disparaissant des pavés en 1909. L’Exposition de 1897 motiva évidemment l’accélération des travaux pour présenter aux visiteurs la qualité des équipements de la capitale de la Belgique : les lignes vers le Cinquantenaire, Schaerbeek et le Bois de la Cambre furent ainsi traitées en priorité.

De leur côté, les CFE électrifièrent leurs lignes du nord-ouest de l’agglomération en même temps que les TB, et se dotèrent de 105 motrices : une partie de celles-ci avaient été configurées en baladeuse semi-ouvertes pour la seconde classe, une configuration qui ne donna guère satisfaction à Bruxelles qui n’a pas précisément le climat le plus propice à ce type de voitures. Elles furent ultérieurement fermées.

Dans cette période de modernisation, la création en 1893 de la Compagnie des Tram-Cars Nord-Midi faisait apparaître un nouveau mode de transport à Bruxelles, en bien des points comparables aux Cars Ripert français : ces petits omnibus avec roues plates d’un côté et roues à boudin de l’autre étaient débrayables afin de se doubler. Installés sur le boulevard entre les deux principales gares ferroviaires bruxelloises, ils devaient rapidement faire face à un succès de fréquentation.

CP-ripert-ixelles

Service d'omnibus hippomobiles légers, et découverts, entre Ixelles et Bruxelles. Si les voitures sont d'un même modèle, proche des cars Ripert français, les chevaux sont de races différentes.

CP-bruxelles-boulevards

Ambiance du début du 20ème siècle sur les boulevards; Ici, on note une accumulation d'omnibus, coupant les voies des tramways.

CP-tram-bruxelles-royale-1904

La place Royale vers 1903 (la carte étant datée de janvier 1904) avec les premiers tramways électriques et cet omnibus hippomobiles dont on mesure l'aspect précaire avec cette voiture de faible longueur et haute sur ses roues. Le plan de voie a évidemment changé depuis. 

Autre nouveau venu dans le paysage urbain, les autobus. Dès 1905, ces premiers « omnibus à moteurs » ont permis l’élimination de la traction animale et d’apporter un surcroît de capacité sur certaines lignes de tramways. Ainsi, les TB intercalaient quelques autobus entre les convois de la ligne Ixelles – Bourse. 

La dynamique des principales compagnies fut aussi aiguisée par les tentatives au début du siècle de reprise complète du réseau, par le truchement de travaux d’urbanisme, et en particulier la création d’un boulevard entre la place de la Bourse et le Palais de Justice. Les TB et les CFE organisèrent leur contre-offensive, par le développement du réseau et la création d’une nouvelle voirie entre le parc er la rue du Lombard.

tram-CFE-1910

Convoi des CFE emmené par la motrice n°476 entre la Bourse et Jette. Remarquez cette femme sur la plateforme de la remorque, manifestement employée du dépôt de la compagnie.

L’extension du réseau des TB fut rapide, passant de 28 à 38 km dans la décennie 1880, et à 90 km de 1899 et 1906. Le parc de 226 motrices fut complété par 91 nouvelles voitures deux ans plus tard. La mise à voie normale des lignes du BIB était réalisée pour l’essentiel en 1902, tandis que l’alourdissement des motrices allait imposer un renforcement des voies avec l’adoption de rails plus lourds à 42 kg / m au lieu de 32 kg jusqu’à présent.

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Affluence et tenues soignées à l'Exposition de Tervueren, qui fut l'occasion d'accélérer la modernisation et l'électrification du réeau. On notera que les voyageurs des remorques ouvertes étaient peu protégés des intempéries ou en cas de choc.

Le réseau des CFE était pour sa part prolongé, avec 6 extensions entre 1907 et 1913 pour desservir Scheut, Berchem, Anderlecht et la place Van Menem, amplifiant le maillage de cet ensemble de lignes.

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La motrice n°308 fraichement livrée, accueille manifestement plusieurs employés des CFE fiers de poser devant ces nouvelles motrices semi-fermées, incarnant la modernisation de l'exploitation avec l'adoption de la traction électrique.

En outre, l’Exposition Universelle de 1910 mettait en pression l’exploitation des tramways. Les TB avaient pris les devants avec la commande de motrices série 1300 dotées de châssis renforcés par rapport aux premières séries électriques. La série 1700, livrée en 1914, dotée de banquettes transversales, fut engagée sur les lignes de Tervueren : ce fut aussi la première application de la livrée primerose succédant au vert bouteille des TB.

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Woluwe - 23 mai 2012 - Grâce au MTUB, l'histoire du réseau est parfaitement retracée par la collection de matériel. La motrice n°830 représente le matériel électrique primitif du Bruxelles-Ixelles-Bondael, parfaitement préservée. © transporturbain

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Tervueren - 1er juin 2008 - Les nombreuses sorties de matériel organisées par le MTUB reconstituent des compositions d'époque. Ici la motrice n°1305, préservée en état 1910, avec la livrée verte d'origine des TB, tractant la remorque n°244 à caisse fermée en bois verni. © transporturbain

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