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transporturbain - Le webmagazine des transports urbains

Bordeaux : pas besoin de métro

Le réseau de tramways de Bordeaux est un succès... et même plus, au point qu'il est victime de saturation et, conséquence logique, sa vitesse commerciale s'en ressent du fait de l'allongement des temps d'échanges en station. Malgré le renforcement de la desserte avec la création de terminus partiels, procurant une capacité importante avec un intervalle de 2 min 30 dans l'hypercentre, le tramway est considéré aux limites de ses possibilités. Est-ce si vrai que cela ?

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Bordeaux - Esplanade des Quinconces - 25 septembre 2015 - Tête nord du triangle dans lequel les trois lignes se connectent, les Quinconces constituent un point névralgique du réseau avec de très nombreuses correspondances et une exploitation tendue du fait des fréquences très élevées. © E. Fouvreaux

Il faut donc décongestionner le tramway. Disons-le tout de suite, le métro n'est certainement pas la bonne solution ! Lors d'un colloque organisé par la FNAUT en novembre 2019, le directeur général France de Keolis rappelait un élément déterminant dans la compréhension des problèmes de capacité du tramway bordelais : 20% des usagers de ces 3 lignes (la ligne D n'était pas encore ouverte lors du colloque) utilisent le tramway pour un trajet de 3 stations tout au plus, soit au maximum 1200 m. Une incitation à la marche aurait donc un effet particulièrement sensible sur la situation du tramway dans l'hypercentre en le décongestionnant des petits trajets de facilité.

Les limites du métro

D'abord parce qu'il s'agit d'un investissement onéreux, avec un coût de réalisation au kilomètre 4 à 5 fois supérieur à celui du tramway. Dit autrement, à investissement équivalent, on pourrait constituer un maillage bien plus intense de la métropole en tramway.

Deuxième argument : la densité. Bordeaux, même avec les évolutions de ces deux dernières décennies, reste un territoire de densité moyenne. Le métro étant un mode de transport de grande capacité, le risque serait donc de ne capter qu'une chalandise de maigre consistance. Et donc de surinvestir. Le risque est d'autant plus fort que les grands axes structurants sont déjà couverts par le tramway et que le bénéfice du métro ne pourrait en être qu'amoindri. La situation de référence, avec le tramway, est par nature désavantageuse pour le métro dont le coût élevé implique un important différentiel avec la situation de projet. Dit autrement, le bénéfice supplémentaire du métro risque d'être faible, parce que le tramway a déjà fait le gros du travail. Cela risque de se voir au moment du bilan socio-économique, avec une valeur ajoutée très faible et qui ne vaut certainement pas le coût du métro. Et faire un petit métro n'y changera pas grand-chose : le coût de l'infrastructure n'est pas strictement proportionnel à la longueur des rames...

Troisième argument : la géologie. Le projet de VAL, métro pourtant à faible gabarit, porté en son temps par Jacques Chaban-Delmas, n'a jamais réussi à surmonter cette difficulté. La plaine alluviale de la Garonne est constituée d'un sol meuble, spongieux, dans lequel il est difficile de creuser. On peut certes considérer que la technique des tunneliers a progressé depuis le milieu des années 1980, mais peut-être pas suffisamment pour arriver à sécuriser un tel projet, sur le coût, le calendrier et l'impact sur le bâti. Rennes a souffert de ces problèmes à la construction des deux lignes de VAL.

Pour composer avec la nature du sous-sol bordelais, il faudrait creuser les ouvrages d'un métro à une profondeur d'au moins 30 mètres. En conséquence, l'accès aux stations à grande profondeur réduirait le bénéfice de la vitesse accrue du fait du temps passé dans les stations. De constructions plus onéreuses, elles auraient été logiquement moins nombreuses, allongeant les parcours d'approche à pied. Une situation radicalement différente de celle de Lyon par exemple où une majorité de stations se situe juste sous la voirie. Bref, la géologie contribuerait aussi à rendre le métro moins facile d'accès et à minorer le gain de temps réel.

Quatrième argument : la conjoncture. L'industrie du tunnelier bat son plein et cela se ressent sur les coûts. Les appels d'offres tendent à aller au-delà des coûts habituels car le marché frise la saturation avec le Grand Paris Express.

Un dossier réapparu en amont des élections municipales 2020

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Ce projet ne manque pas de surprendre, à commencer évidemment par ce tracé qui comprend un tronc commun entre les deux lignes... lui-même superposé à la ceinture ferroviaire, et complètement redondant avec la branche de la ligne C du tramway en direction de Blanquefort. Même redondance avec le projet de BHNS entre la gare Saint Jean et Saint Médard en Jalles, quoique celui-ci soit toujours au point mort, bloqué par les traditionnelles oppositions préhistoriques à la réduction de la place de la voiture qui ont la vie dure à Bordeaux.

En réalité, le projet présenté n'est pas un métro... mais un RER puisqu'il prévoit d'interconnecter des dessertes ferroviaires périurbaines (Arcachon, Libourne, Macau) dans un système de nouvelles infrastructures souterraines urbaines, avec une densité très - trop ! - importante de gares. Si on prend le seul cas de la branche d'Arcachon, sur la partie ferroviaire, seuls 2 sillons par heure et par sens sont possibles, imposant des rames de très grande capacité (type Régio2N) de près de 170 m de long. Les interstations très courts, comme sur un métro, ne sont pas compatibles et le matériel roulant régional n'est pas apte à accomplir un service dense. Sans compter que le coût des ouvrages ferroviaires à grand gabarit n'est pas tout à fait comparable avec celui d'un métro aux dimensions plus restreintes. Si on étalonne une première approche de coûts sur les réalisations en cours comme EOLE en Ile de France, il faut compter sur 150 M€ le kilomètre de tunnel, hors gares, qui peuvent être évaluées très schématiquement autour de 1,5 M€ le mètre linéaire. De même qu'il sera difficile d'étalonner une comparaison entre les coûts d'exploitation du tramway et du RER en prenant comme référence un métro automatique sans conducteur...

En 2021, une autre démarche a été engagée, portant sur une première ligne de 19,3 km comprenant 18 stations, affichant une vitesse commerciale de 40 km/h, un intervalle de 60 secondes pour transporter jusqu'à 200 000 voyageurs par jour pour un coût d'investissement de 2 MM€. Le coût de 103 M€ du kilomètre peut considéré fiable puisque le tracé esquissé comprend des sections aériennes. L'intervalle de 60 secondes suppose des petits modules type VAL, avec donc un taux d'occupation élevé vu les faibles dimensions de ces rames. Rien que le passage en aérien au-dessus des voies ferrées à l'entrée de la gare Saint Jean côté Garonne semble avoir été largement sous-estimé puisque c'est à cet endroit que le métro suggéré passerait de l'ombre à la lumière. Le croisement de 2 lignes aériennes en rive droite serait assurément un modèle d'intégration !

carte-reflexion-métro-bordeaux-2021

En attendant, la Métropole a confirmé qu'il n'était pas d'actualité de faire un métro... mais pour autant, il n'est plus question de développer le tramway...

Pour en savoir plus, consultez le dossier de transporturbain avec nos propositions de développement du réseau de tramways, et le dossier de transportrail sur une approche un peu plus pragmatique d'une desserte périurbaine bordelaise.

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