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transporturbain - Le webmagazine des transports urbains
6 janvier 2017

Urbanisme, déplacements et choix modaux

Cela pourrait ressembler à une application du théorème de l'oeuf et de la poule : est-ce la ville qui façonne l'organisation des déplacements et les choix modaux ou est-ce que les évolutions des modes de transport ont un ascendant sur l'évolution du fait urbain ?

Il est indéniable qu'à chaque étape dans l'évolution des moyens de se déplacer peut être associée une évolution de la ville : la traction animale est naturellement la plus ancienne et la traction mécanique est évidemment la plus remarquable, non seulement par les progrès dans les techniques successives (de la vapeur à l'électricité) que par l'impact sur la fabrication de la ville. Le chemin de fer et le tramway sont indissociables de la ville industrielle. L'apparition de la voiture, et surtout son essor après la deuxième guerre mondiale, ont fortement transformé la ville.

La ville automobile découle directement de la ville imaginée par les fondateurs de la Charte d'Athènes, au premier rang desquels Le Corbusier : une ville méthodiquement organisée en séparant ses fonctions primaires (se loger, travailler, consommer, se divertir) et en les reliant par des infrastructures de transport dissociant les modes de déplacement.

Mais la ville moderne est en crise : la dépendance à l'automobile génère de la pollution, des nuisances et des problèmes de santé. Elle est aussi très consommatrice d'espace, notamment par une fort mitage des couronnes semi-rurales et un modèle d'habitat individuel hyper-expansif. Elle réduit les surfaces naturelles : l'imperméabilisation accentue les conséquences des fluctuations de la météorologie et, évidemment, réduit les surfaces dévolues à l'agriculture.

Elle est aussi en crise par un phénomène de déclin des centres traditionnels qui touche de nombreuses agglomérations, épargnant en général les grandes métropoles, mais qui gangrène le florilège de petites villes quadrillant le territoire. A force de lotissements construits "au kilomètre" et de zones commerciales en nombre surabondant sous couvert de créations d'emplois, les espaces centraux ont plutôt tendance à se paupériser et à voir leurs commerces disparaitre.  D'où la tentation de considérer que ce mouvement est lié aux conditions d'accès en voiture à ces espaces centraux, et que les avancées en matière de transports publics ces 30 dernières années ont été plutôt nocives. Ainsi, certains maires ont cédé aux sirènes démagogiques du stationnement gratuit, de la suppression de pistes cyclables et des voies réservées aux bus.

Si la ville ne peut être statique, un musée ou un pot de fleurs, faute de quoi elle meurt, la ville ne doit pas non plus être un gigantesque carrefour à automobiles. La mise en oeuvre de politiques de rupture - mais allant au-delà des effets d'annonce - n'est pas chose aisée. Pour assumer des choix allant parfois à rebours des cercles d'influence, de l'orientation supposée des populations (à vrai dire surtout des électeurs), il faut être tenace. Mais il faut surtout savoir s'inscrire dans la durée et oser affronter des lobbies qui se battent pour maintenir le fait urbain dans la logique actuelle dont tout un chacun peut rapidement mesurer sa nocivité à long terme. Les outils de planification urbaine (SCOT, PLU, PDU) existent mais l'organisation politique de l'urbanisme à l'échelle non pas d'une commune mais d'un bassin de vie doit encore progresser pour dépasser des clivages locaux, force d'inertie non négligeable.

Ce nouveau dossier de transporturbain s'interroge sur les politiques d'urbanisme et l'analyse de l'efficacité de la composante "transport public". Il a été inspiré par le livre d'Olivier Razemon, Comment la France a tué ses centres-villes ? dont nous vous recommandons la lecture.

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Commentaires
T
Question à l'auteur : quand aura-t-on votre analyse des projets "transports" des candidats à la Présidentielle ?<br /> <br /> <br /> <br /> Certes la quasi-totalité des candidats restent vagues ou ne proposent que quelques mesures, mais un a publié récemment son volet transports qui s'avère assez complet : évidemment on retrouve la marque d'une critique de "l'Europe libérale", mais on retrouve tout de même la notion intéressante de "coordination" entre modes de transports (abrogation de la loi Macron, plan de transport coordonné TER/IC/TGV, autocars fréquents pour les espaces non desservis par le rail, etc.), ainsi qu'un accent mis sur le vélo comme mode d'accès aux transports collectifs.<br /> <br /> Le souhait de réduire les distances à parcourir par un urbanisme plus favorable aux TC et piétons/vélos est indiqué mais les mesures en rapport avec ce point semblent bien maigres ; par ailleurs le volet aménagement du territoire du programme souhaite "rapprocher bassins de vie et bassins d'emploi".
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M
De ce que je vois, le phénomène a de beaux jours devant lui. Morceaux choisis :<br /> <br /> * Pour de nombreux citoyens, la propriété d'une maison individuelle "dans la Nature" reste l'image de la réussite sociale. Et les points négatifs des déplacements quotidiens en voiture (durée / congestion / stationnement, coût...) sont généralement sous-évalués. Dès lors, quand il y a un choix entre un appartement "en ville" de 80m² et une maison de 100 m² avec un "terrain" de 400 m², c'est souvent la maison qui est retenue... indépendamment des avantages respectifs en matière d'accessibilité hors voiture<br /> <br /> * Pour les maires des petites communes, l'ouverture à l'urbanisation est une nécessité pour ne pas voir fermer les classes de leurs écoles et espérer maintenir (voire développer) leurs petits commerces.<br /> <br /> * Vendre des terrains ouverts à l'urbanisation, c'est très intéressant pour le propriétaire. Pour un maire de petite commune, ça peut être difficile de s'opposer à la pression de x ou y.<br /> <br /> <br /> <br /> Rien qu'avec ces phénomènes, la périurbanisation n'est pas prêt de s'arrêter... Et viennent ensuite :<br /> <br /> * Les zones commerciales en périphérie et autres commerces installés le long des axes de transit automobile parce qu'il y a une forte pression vantant la "création" d'emplois.<br /> <br /> * les zones d'emploi en périphérie parce que le foncier y est forcément moins cher... même pour les secteurs d'activité qui n'ont aucune plus-value à être près des grandes infrastructures routières (ex. tertiaire), voire apporterait beaucoup plus en étant situé en secteur urbain (en faisant vivre les commerces locaux notamment à la pause déjeuner).<br /> <br /> <br /> <br /> Dans cet écosystème, la voiture reste le mode de déplacement le plus concurrentiel pour beaucoup (forcément : pavillon en périphérie + zone d'emploi dans la cambrousse, ça aide pas aux déplacements à pieds, à vélo ou en TC...).<br /> <br /> <br /> <br /> Mais qui ira à l’encontre de ça ? Comment imaginer faire adopter (et tenir dans le temps) des politiques qui vont à l’encontre de ce que les gens veulent ? La "dépiétonnisation" ou "désiteproprisation" de certaines municipalités depuis 2014 montrent que ce qu'on croyait acquis ne l'était pas.<br /> <br /> <br /> <br /> A mon avis, le changement ne passera que par la prise de conscience qui, elle, dépend forcément de la pédagogie. Vivement qu'une ville française tienne suffisamment longtemps une politique volontariste pour montrer qu'il n'y a pas que dans les villes germaniques et scandinaves qu'on sait faire des politiques permettant de garder un commerce de proximité et des centres(-petites-)villes vivants :<br /> <br /> * en RÉDUISANT la place dédiée à la voiture<br /> <br /> * en limitant la vitesse de déplacement<br /> <br /> * en facilitant les déplacements à pieds et à vélo<br /> <br /> * en offrant un service de TC qui, en cumulant les autres facteurs, est attractif et présente un bilan global bien plus intéressant<br /> <br /> * en créant des services publics de proximité dans des pôles accessibles<br /> <br /> (je décris ici la politique de Graz en Autriche dans les années 90/2000 telle que je l'ai comprise - rien d'idéologique : que ceux qui ont connaissance de résultats similaires en facilitant les accès automobiles me communiquent leurs références, je suis preneur)
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T
Dossier lourd mais très intéressant. Et en effet on peut se désoler de l'absence persistante de planification urbaine...<br /> <br /> Le diagnostic de la mort des centre-villes (américanisation ?) est partagé par tous mais très peu de gens semblent voir que la cause est bien l'excès de zones commerciales qui poussent comme des champignons...<br /> <br /> L'un des pire cas que j'ai observé est la ville de Guéret : même au fond de la "France profonde", en pleine "diagonale du vide", de nouveaux pavillons sont construits toujours plus loin du centre qui survit tant bien que mal...et quelques immeubles sont abandonnés.<br /> <br /> <br /> <br /> La destruction organisée et complète des zones commerciales est à réaliser d'urgence, étant et une injure à l'esthétique française (cf. "La France moche" de Télérama) et une catastrophe urbanistique et environnementale.<br /> <br /> Ensuite au-delà de la nécessaire réorganisation du mille-feuille administratif français (4 à 5 couches !!), il est évident qu'il faut confisquer aux maires le pouvoir de donner les permis de construire, étant totalement incompétent (cf. La Faute-s/Mer...).<br /> <br /> Enfin l'organisation de l'espace public doit absolument être revue : aujourd'hui 60 à 70% est accaparé par l'automobile (circulation + stationnement) en centre-ville et jusqu'à 80~90% dès que l'on quitte un peu cet hypercentre.<br /> <br /> <br /> <br /> Note pour les aménagements cyclables : un bon aménagement est "hollandais" ou n'est pas...un bout de peinture sur la chaussée ("bande cyclable") ne sert à rien puisqu'il devient un espace de stationnement supplémentaire, et la circulation des vélos dans les couloirs de bus n'est confortable ni pour les cyclistes ni pour les bus, puisque chacun a une vitesse de déplacement différente (20 vs 50 km/h).<br /> <br /> De même un bout de peinture sur un trottoir (surtout en zone dense) ne sera qu'un bout de trottoir supplémentaire.<br /> <br /> Il convient de donc de créer systématiquement de larges couloirs unidirectionnels (2 m, pour pouvoir circuler à deux ou pour permettre le dépassement) à une hauteur intermédiaire entre la chaussée et le trottoir, avec tout de même une petite bordure pour empêcher un envahissement automobile.<br /> <br /> Et si ce type d'aménagement n'est pas possible (pas assez de place), il convient d'abord de convertir la rue en "espace partagé" (zone 30) à priorité cycliste, ou en dernier recours d'élargir la rue en question.<br /> <br /> Ce n'est qu'avec un tel niveau d'aménagement (et de sécurité) que tout le monde pourra se mettre au vélo, sinon l'argument "c'est trop dangereux" reviendra, et à vrai dire de manière justifiée...<br /> <br /> <br /> <br /> Petit hors-sujet sur un projet intéressant, rejoignant le constat d'une nécessaire création de réseau "RER" en province : http://www.bsp-limoges.fr/doc/dossier-de-presse-bsp-limoges-2015.pdf<br /> <br /> Si un tram-train "pas à la française" finit par émerger (le cas de Mulhouse est quand même bon), ou tout du moins un train léger, il pourrait être fort utile pour la desserte périurbaine et intra-urbaine d'agglomérations de taille moyenne.
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W
merci pour ce dossier très intéressant<br /> <br /> <br /> <br /> j'ajouterai que le fameux mille-feuille administratif n'est en soi pas forcément mauvais, puisqu'on ne gère pas l'urbanisme à la même échelle que les TER<br /> <br /> c'est plutôt le découpage géographique arbitraire et illogique qui est à remettre en cause
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B
Et flûte !! Moi qui vient d'acheter, ce 6 janvier vers 16h30, le livre de O. Razemon, je le trouve résumé ici : 18 € dépensé pour rien :lol:
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