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transporturbain - Le webmagazine des transports urbains

Peter Witt : un tournant dans la conception des tramways

Un objectif : réduire les coûts d'exploitation

Les réseaux américains s’intéressaient tout particulièrement à la réduction des coûts d’exploitation en tirant profit de la traction électrique pour accélérer le service et donc diminuer les moyens nécessaires à la réalisation du service, mais aussi le personnel. Les Pay as you enter cars et Nearside cars avaient ouvert une voie qui allait être reprise par Peter Witt, directeur du réseau de Cleaveland en 1915, en y ajoutant plusieurs éléments :

  • une amélioration du gabarit au gré de la modernisation des infrastructures afin de gagner en capacité,
  • l’adhérence totale pour augmenter la puissance,
  • un accès plus commode à 760 mm grâce à des roues de plus fiable diamètre autorisées par l’adoption du moteur autoventilé moins encombrant,
  • la suppression de tout cloisonnement intérieur,
  • une simplification tarifaire pour réduire le temps de stationnement,
  • des motrices unidirectionnelles avec des boucles de retournement au terminus pour éliminer les manœuvres.

La motrice de Peter Witt proposait d’installer le receveur à poste fixe face à la porte centrale, devant la sortie. Elle ne chassait pas forcément le moindre kilo, contrairement à la motrice L, ce qui lui valut assurément une grande résistance. Elle conservait le bogie type Pennsylvania avec suspension par lames à ressorts.

peter-witt-toronto2

Vue d'une motrice Peter Witt de Toronto en 1963, disposant de deux portes à quatre vantaux. On notera aussi que la porte médiane est plus basse, tandis que celle à l'avant dispose d'un emmarchement escamotable à la manoeuvre des portes. (cliché X)

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Intérieur d'une motrice de Toronto dans les années 1930, permettant de voir la position centrale du receveur et l'aménagement intérieur largement dégagé des motrices. (cliché X)

L'américain traverse l'Atlantique

La motrice Peter Witt allait rencontrer un vif succès aux Etats Unis et au Canada. En Europe, des motrices de cette conception allaient circuler à la fin des années 1920 dans 5 villes : Milan, Turin, Naples, Londres et Madrid. On en vit aussi à Saint Petersbourg, alors Leningrad !

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Madrid - Moncloa - Fin des années 1930 - La première Peter Witt madrilène au terminus de la ligne 2. La porte avant ne comprend que 2 vantaux. La réclame est en revanche très présente sur les côtés. (cliché X)

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On l'appelait alors Leningrad - Neuvostoliitto - 18 juin 1976 - La version russe, aux formes un epu moins travaillées, pouvait tracter une remorque de conception similaire. (cliché X)

A Milan, 2 prototypes furent amenés en 1927. Le réseau italien se modernisait, élargissait l’entraxe de ses voies afin d’autoriser un gabarit maximal de 2,35 m alors peu courant en Europe. Adoptant la Peter Witt, les motrices milanaises longues de 13,5 m recevaient 4 moteurs de 20 kW pour 15 tonnes à vide et proposaient 110 places. Pas moins de 500 motrices furent ainsi construites en 1929-1930 par 6 constructeurs et un consortium pour la partie électrique, se distinguant des prototypes par l’adoption d’une troisième porte à l’arrière, près de laquelle s’installait le receveur.

Les Peter Witt milanaises sont encore en service en 2015 et il est plus que probable qu’une soixantaine de motrices parviendront à franchir le cap des 100 ans de service. Au cours de leur carrière, certaines améliorations furent tentées : ainsi dans les années 1950, 94 motrices furent munies de roues élastiques et d’un nouvel équipement de démarrage, qui ne donna pas satisfaction, conduisant à la réforme ces motrices en 1977. A partir de 1970, la suppression des receveurs entraîna une modification de l’aménagement, tout en conservant la vaste plateforme arrière. La perche fut remplacée par un pantographe pour être compatible avec le matériel moderne en cours de réception.

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Milan - Place Adélaïde de Savoie - 20 juin 2015 - Une Peter Witt milanaise, matériel aujourd'hui quasiment assuré de passer le cap des 100 ans d'exploitation, un record pour un tramway. © ortferroviaire

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Intérieur d'une Peter Witt milanaise en 2015 : un voyage dans le passé mais la transcription directe de l'objectif de maximisation de la capacité par véhicule et donc par agent. A Milan, le receveur était en position arrière et a disparu dans les années 1970. En revanche, la montée s'effectue toujours par l'arrière et les conducteurs milanais savent vous le rappeler ! © ortferroviaire

La conception de ces motrices se retrouve dans d'autres productions européennes. Les motrices type 5000 de Bruxelles, livrées en 1935, reprenaient les concepts développés : caisse longue à bogies de faible encombrement, 2 portes avec sens de circulation des voyageurs. En France, les principes de Peter Witt eurent du mal à faire école puisque les réseaux étaient en cours de démantèlement : le 200 et 500 de l’ELRT lillois sont probablement leurs seules applications, très partielles, outre les évolutions techniques déjà évoquées.

La motrice Peter Witt s’avérait très en avance par rapport à nombre de réseaux. En Europe, outre la motrice L parisienne (qui faisait suite aux 400 et 500 sur bogies), les motrices à bogies européennes étaient souvent lourdes et peu performantes, comme les Eléphants de Zurich ou les 400/500 de Rotterdam (ces dernières étant cependant réputées pour leur grand confort). On notera aussi que l’Allemagne est restée à l’écart de ces réflexions, le régime nazi se montrant très hostile aux tramways, du moins jusqu’en 1938, année marquée par le lancement de réflexions sur la standardisation des voitures qui aurait dû aboutir à la construction de 2000 motrices sur 15 ans.

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