15 mars 2023

Lyon : des régressions inédites pour les transports en commun

Voici donc l'autre facette. Pas franchement réjouissante.

A Lyon, il n'y a pas que de bonnes nouvelles... Cette fois, c'est un coup de massue pour les transports en commun lyonnais. La Ville de Lyon et la Métropole ont décidé de chasser purement et simplement les transports en commun de surface sur la section Cordeliers - Hôtel de Ville - Terreaux ! C'est surréaliste !

  • C3 passera dans les deux sens par la rue Grenette pour rejoindre la Saône, avec emprunt du pont Maréchal Juin vers la gare Saint-Paul et du pont La Feuillée direction Vaulx-en-Velin : elle perd donc sa correspondance avec la ligne C du métro ;
  • C13 devra elle aussi faire le détour en franchissant 2 fois la Saône pour rejoindre son itinéraire à partir de la place Tobie Robatel : même punition, même si on rappelle que la ligne C13 monte aussi à la Croix Rousse ;
  • C18 et 19 seraient limitées à Saint-Paul ou éventuellement aux Cordeliers pour la première : pour la ligne 19, c'est la perte de toute correspondance avec la ligne A ou la ligne C !
  • S6 serait probablement limitée place Tobie Robatel.

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Conséquence, la station Hôtel de Ville du métro serait privée de toute correspondance (le SYTRAL en dénombre 5700 par jour). La connexion entre la ligne C et les lignes de bus impliquerait soit de rejoindre les quais de Saône, soit les arrêts situés place des Cordeliers. En outre, le tracé pour le moins tourmenté de C13 par les quais de Saône risque de faire perdre du temps : les trolleybus devront franchir 6 carrefours à feu sur le nouveau parcours alors qu'il n'y en qu'un seul sur l'actuel !

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Lyon - Rue de la République - 4 septembre 2019 - L'arrêt Hôtel de Ville à l'extrémité nord de cette rue où toute circulation de transit d'automobile a été éliminée en 1974. La correspondance métro - bus est utilisée par au moins 5700 voyageurs par jour soit un peu plus de 10 % de la fréquentation totale de la station de correspondance entre les lignes A et C. Avec le projet de la Ville, plus aucun transport en commun en surface ! © transporturbain

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Lyon - Rue de la République - 16 décembre 2018 - Sans aller jusqu'à éliminer totalement la circulation des autobus, il aurait probablement été possible d'agrandir encore un peu les trottoirs sans nuire à l'exploitation de lignes pas vraiment secondaires qui l'empruntent... sans compter qu'il faut aussi prendre en compte les livraisons des commerces sur la rue et dans les perpendiculaires. © transporturbain

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Lyon - Rue de l'Arbre Sec - 7 mai 2017 - Cette petite rue accueille le terminus des trolleybus C18 et S6, ainsi que la ligne C13 quand elle était scindée, ou lors de travaux et manifestations. S'il est vrai que cela occupe de l'espace, c'est une contingence liée à l'organisation d'un service public de transport qui essaie de desservir au mieux les principaux points de convergence des citadins. © transporturbain

Pour ce secteur, les modifications annoncées constituent une régression considérable de la commodité du service, concernant directement les lignes parmi les plus utilisées du réseau. Comme dans les années 1930 à 1970, les transports en commun sont perçus comme un intrus. Que ce soit pour favoriser la voiture, comme ce fut le cas par le passé, ou aujourd'hui pour des motifs qui restent à notre sens confus sur la forme et hypocrites sur le fond, les mécanismes demeurent les mêmes.

Plus au sud, place Bellecour, l'objectif est d'éliminer toute circulation sur le flanc nord de la place. Les correspondances seront elles aussi dégradées puisque les lignes arrivant côté Saône feront terminus sur son flanc ouest, imposant la traversée de la place pour rejoindre les lignes situées côté Charité / Antonin Poncet. Evidemment, la correspondance avec le métro sera dégradée puisque l'accès le plus proche se situe au milieu de la place, près de la rue Victor Hugo.

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Lyon - Place Bellecour - 21 décembre 2020 - La chaussée Est de la place Bellecour accueille d'un côté les lignes C20 vers Francheville et 40 vers Neuville et de l'autre les lignes C9 arrivant du pôle hospitalier Lyon Est et C12 arrivant de Vénissieux. Les deux premières seront reportées de l'autre côté de la place, revenant à un principe d'éparpillement des terminus qui avait été supprimé en 1991 : C20 et 40 seraient positionnés à l'endroit où jadis le 5 effectuait son terminus (pour les plus anciens), qui accueilla ensuite le passage du 44 en direction des Sources et le terminus du 11 (pour nos lecteurs au moins quadragénaires). © transporturbain

On voit ainsi se mettre en oeuvre la démonstration que les transports en commun peuvent aussi être victimes de politiques dogmatiques, englobant les bus dans l'objectif de réduire la circulation individuelle motorisée.

Toujours à Lyon, le projet de réaménagement des cours Gambetta et Albert Thomas (au-dessus de la ligne D entre le Rhône et Grange Blanche) posera problème car plusieurs lignes, et non des moindres, risquent d'en pâtir. Avec une seule voie de circulation en direction du Rhône, les lignes C7 (Part-Dieu - Hôpitaux Sud), C11 (Saxe-Gambetta - Laurent Bonnevay), C12 (Bellecour - Hôpital Feyzin-Vénissieux), C16 (Charpennes - Surville) et C25 (Part-Dieu - Saint Priest) seront pénalisées lorsqu'elles empruntent cette artère puisque le couloir récemment matérialisé en direction du Rhône sera supprimé. Une piste cyclable sera installée à l'emplacement actuel du couloir à contresens.

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Lyon - Place Gabriel Péri - 7 avril 2012 - La ligne 23 Cordeliers - Parilly a disparu. Le nouvel aménagement prévoit d'installer la piste cyclable sur le couloir de bus. A l'époque de ce cliché, le couloir dans le sens de la circulation n'avait pas encore été réalisé. Dommage pour l'importante ligne C12 qui devra être à nouveau mélangée à la circulation générale pour arriver place Bellecour ! Moralité : en voulant faire de la place pour les vélos, les solutions retenues pénalisent aussi les transports en commun de surface, qui précisément viennent épauler le métro sur l'une des sections les plus chargées (Bellecour - Saxe-Gambetta sur la ligne D). © transporturbain

Sous couvert de ne pas être motorisé, le transport individuel s'accapare donc des espaces qui avaient été accordés au service public de transport en commun. C'est inacceptable... et la réaction des élus de la Métropole comme de la Ville, balayant d'un revers de main des arguments plutôt fondés, émanant selon eux d'opinions rétrogrades, l'est tout autant !

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09 janvier 2021

2021 : un accélérateur de transition ?

Les transports en commun, plus que jamais une solution… mais des problèmes à court terme

Alors que les records de température de la planète tombent d’année en année, rendant déjà obsolètes les vœux de l’accord de Paris signé en 2015, les transports urbains se retrouvent dans la posture inconfortable d'un solide rugbyman devant transformer un essai face aux poteaux mais avec un fort et brûlant vent de face.

L’année 2020 a malmené l’économie des transports publics par :

  • les séquences de confinement sanitaire, vidant presque intégralement les réseaux de leur trafic pendant près d’un tiers de l’année,
  • un essor du télétravail pour une partie des salariés,
  • un « quoi qu’il en coûte » sélectif pour compenser le manque à gagner des réseaux, entre recettes tarifaires et Versement Mobilités,
  •  un « urbanisme tactique » aux effets plus ou moins hasardeux pour les transports publics, devant la percée du vélo.

Il y a pourtant une conjonction de facteurs favorables aux transports publics : l’urgence environnementale impose de profondes remises en question dans l’organisation des déplacements, mais aussi dans l’aménagement des villes. La densité durable, pour limiter l’usage de la voiture et maîtriser la longueur des trajets, et une plus forte articulation entre les projets urbains et les réseaux de transport en commun, demeurent plus que jamais les clés dans la maîtrise des gaz à effet de serre et de l’imperméabilisation des sols.

Pour aller plus loin sur ce sujet, retrouvez le dossier de transporturbain Urbanisme, déplacements, choix modaux.

Les transports en commun, de la navette de quartier au RER parisien transportant 2500 personnes à 120 km/h, constituent le pilier de cette transition urbaine, parce que leur pouvoir structurant est sans égal.

Ils occupent donc une place majeure dans la « réponse » mais sont aujourd’hui en partie un « problème ». L’année 2020 les a fragilisés sur le plan économique et certaines villes, surtout de taille modeste, auront du mal à maintenir le niveau d’offre face aux pertes essuyées l’année dernière, d’autant que la voiture a été le principal mode de repli face à la « peur » – en partie infondée – provoquée par l’usage d’un tramway, d’un autobus ou d’un métro. Le « quoi qu’il en coûte » gouvernemental a été pour le moins sélectif et les transports en commun en ont souffert car si une solution a été trouvée en Ile de France (quoique discutable car reposant sur des prêts qui devront être remboursés), les autres autorités organisatrices restent dans une situation floue.

Priorité aux transports publics, plus que jamais

Dans ce contexte, il est donc essentiel de renforcer encore l’attractivité des transports en commun. Il faut espérer que le trafic revienne le plus rapidement possible, et que la part « perdue » par le développement du télétravail, perceptible surtout sur les heures de pointe, soit compensée à la fois par les effets de ces nouveaux rythmes urbains sur l’usage des transports publics hors pointes (télétravail ne signifie pas nécessairement moins de déplacements, mais plutôt un écrêtement des pointes du matin et du soir et une hausse progressive du trafic en journée) et dans la conquête de nouveaux voyageurs. Pour cela, au-delà de la traditionnelle approche quantitative de l’offre, il faudra plus que jamais accroître la qualité du service.

Elle passe évidemment par une amélioration de la vitesse commerciale, pour rendre le service plus attractif et accroître de façon rationnelle sa capacité Pour cela, des actions parfois de coût modeste peuvent avoir de grands effets : des couloirs vraiment réservés aux autobus et trolleybus (sur ce point, la position de l’UTP est très claire), une amélioration de la gestion des carrefours, des adaptations ponctuelles de tracé, un réexamen du nombre et de la position des arrêts, l’introduction de bus articulés sur les lignes à fort trafic, le retour du libre-accès par toutes les portes, la systématisation du cadencement sur toutes les lignes quelle que soit leur niveau de service.

Ces actions contribueront à un deuxième pilier : la fiabilité du service. Savoir que les intervalles et les temps de parcours sont respectés forgent l’image des transports publics, probablement plus qu’une livrée inventée par un designer de renom ou un nom de réseau imaginé par des consultants en communication dont le moins qu’on puisse dire est que la présence du transport urbain finit par être noyé dans une imagerie d’autocar de tourisme.

La dimension qualitative passe aussi par le confort. Il est indéniable que des progrès assez significatifs ont été accomplis depuis le début de ce siècle. Il va falloir continuer et aller plus loin. Le confort commence à l’arrêt (abri, banc, temps d’attente, situation générale du trafic, plan, horaires, fiabilité des temps d’attente, …). Il se prolonge à bord du véhicule, avec l’aménagement du véhicule, le confort des sièges, la facilité des mouvements intérieurs, la qualité de l’éclairage et la propreté. Sur ce point, le covid-19 a déjà eu généralement un effet assez positif.

L’ambiance générale lors du trajet est un facteur de poids dans l’attractivité des transports en commun : entre propreté et éclairage, on évoquera rapidement le contre-exemple du Métro parisien, dans lequel nombre de stations, mal entretenues, les rampes d’éclairage accumulent une couche de crasse inacceptable, notamment dans celles disposant d’un éclairage indirect (« Renouveau du Métro ») intrinsèquement problématique. Les voyageurs se retrouvent dans un environnement lugubre, donnant une piètre image au réseau. A court terme, c’est probablement l’un des domaines où les progrès peuvent être les plus rapides sans être trop onéreux : il suffit … de passer l’éponge régulièrement. Ajoutons aussi les effluves douteuses des couloirs et stations provoquées par la présence d’une population indélicate.

Enfin, il ne faudra pas négliger le développement des réseaux, car c’est aussi un enjeu économique mobilisant de nombreux secteurs d’activité : l’extension et la création de nouvelles lignes de tramway, de BHNS, certaines extensions de métro, viendront à la fois soutenir la relance économique, dans une dimension plus écologique pour réduire encore un peu plus l’usage de la voiture et ses nuisances en zone urbaine. Aux côtés de ces grands projets, l’intermodalité, par le développement des pôles d’échanges et des communautés tarifaires intégrées incluant la SNCF avec des possibilités de recouvrement inter-communautés tels que nous le connaissons en Suisse ou en Allemagne, demeure encore et toujours un vaste chantier, qui connaît il est vrai quelques progrès, réduisant à un rythme encore trop modeste le retard français par rapport aux pays de référence en la matière.

Espérons donc que 2021 accélère ces transitions : il y a urgence !

06 janvier 2021

Vélos et bus : l'UTP prend une position claire... et consensuellle ?

L'année 2020 sera peut-être celle qui, par l'effet de la crise sanitaire, celle d'un puissant coup d'accélérateur à l'usage du vélo, mais cet essor a été souvent pensé de façon unidimensionnelle, ce qui a donné lieu, par exemple dans les différents articles (dont celui-ci) de transportparis, à des débats parfois houleux, ces aménagements négligeant un peu trop les autres usages de la voirie et plus largement de l'espace public. En résumé, on peut reprocher aux aménagements réalisés de privilégier la course aux kilomètres de pistes cyclables affichés dans la communication politique, quitte à les réaliser à la place de couloirs pour autobus et plus largement à impacter le fonctionnement des transports en commun... ou à les rendre inutilisables par les cyclistes eux-mêmes.

Il est d'ailleurs à noter que la région parisienne constitue un cas extrême - sinon extrémiste - avec en prime un foisonnement de blocs de béton et plots en plastique, incarnant une extraordinaire rigidité du cloisonnement des modes de transport, et pas toujours bien pensés, mais aussi une confusion souvent entretenu dans certains esprits : la chaussée n'est pas que l'espace de la voiture individuelle, et, s'il ne fallait retenir qu'un seul exemple, l'organisation des livraisons reste le parent pauvre de ces aménagements, initialement considérés temporaires, mais dont beaucoup pourraient devenir définitifs (on espère que les blocs de béton et autres plots de plastique ne le seront pas...). Heureusement, dans d'autres villes, on a su rapidement adapter les aménagements en tenant mieux compte de l'ensemble des usages de l'espace public.

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Chaville - Rue Roger Salengro - 23 octobre 2020 - Ce n'est pas forcément mieux en banlieue. Le cycliste circule sur l'ancien couloir utilisé auparavant dans le sens Versailles - Pont de Sèvres par l'importante ligne 171. Le couloir en direction de Versailles, matérialisé par une bordurette, est ici préservé dans sa fonction... © transporturbain

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Lyon - Boulevard des Etats-Unis - 19 décembre 2020 - Outre le développement du réseau de tramways avec ici le croisement entre T4 et la récente ligne T6, ce cliché montre la création ces derniers mois d'une voie de bus sur le boulevard, matérialisée par des bandes peintes et panneaux, prenant l'une des deux files de circulation. La piste cyclable existait déjà depius le réaménagement de l'axe à l'arrivée de T4. Il en résulte un espace large pour les bus et les cyclistes, ce qui est une situation acceptable dès lors que le flux d'autobus n'est pas trop important. © transporturbain

En fin d'année, on avait déjà eu un premier signal d'alarme adressé en septembre dernier par la présidente de la RATP, qui appelait à un peu plus de raison et un peu plus d'efficacité afin de ne pas se tromper de cible : on ne sait pas s'il y aura un « monde d’après », mais pour l'instant, la première chose revenue à peu près à son niveau d'avant la crise, c'est quand même le trafic automobile.

L'Union des Transports Publics a donc pris la plume et publié en fin d'année une position officielle, qu'on peut qualifier de courageuse dans un contexte parfois exacerbé où tout ce qui n'est pas aveuglément pour est considéré radicalement contre. L'UTP rappelle que l'objectif porte à la fois sur la lutte contre l'étalement urbain, facteur de développement de l'usage de la voiture, la lutte contre la congestion et les pollutions générées par le transport individuel motorisé... et qu'à ce jour, les courts trajets sont encore trop souvent effectués en voiture.L'organisme appelle à décloisonner les stratégies d'aménagement urbain, non seulement par une plus forte intégration des transports, et singulièrement des transports en commun dans les politiques d'urbanisme, mais aussi par une dimension multimodale afin de ne pas se tromper de cible : pour l'instant, la croissance de l'usage du vélo provient d'un report provenant de la marche ou des transports en commun, et marginalement de la voiture. C'est contreproductif et, in fine, profite à la voiture.

Il s'agit donc, pour une ville durablement apaisée, de mieux faire cohabiter les modes de transport, et singulièrement le couple autobus - vélo (elle se pose moins avec les tramways français modernes, en site propre, puisque les plateformes sont généralement interdites aux vélos). L'UTP rappelle dans cette position que l'usage des couloirs d'autobus par les cyclistes est rarement autorisé dans les villes où l'usage du vélo a le plus progressé. L'explication fournie est assez simple : si la vitesse moyenne de circulation est relativement comparable en milieu urbain, la vitesse de pointe n'est pas la même (un bus peut rouler jusqu'à 50 km/h entre 2 arrêts) et la masse des véhicules est très différente, créant une logique sensation du vulnérabilité du cycliste dans un couloir pour autobus, surtout si le trafic y est dense.

Au passage, l'UTP rappelle que les transports en commun présentent de loin le meilleur ratio capacité / espace occupé : pour 200 personnes en déplacement, 3 autobus ou un tramway occupent 150 m², contre 300 m² pour 200 vélos et... 2400 m² pour 175 voitures. C'est donc par les transports en commun que l'espace public peut être réaménagé, pour qu'ils soient intrinsèquement plus performants, y compris dans la dimension économique de maîtrise des coûts d'exploitation, ce qui n'est pas un petit sujet en ce moment, par les effets de la crise sanitaire et d'un « quoi qu'il en coûte » gouvernemental à géométrie très variable. Les transports en commun seront aussi plus efficaces dans l'objectif de réduction de la part de déplacements assurés en voiture... et pour dégager de l'espace pour d'autres usages : les piétons, les cyclistes et on sera tenté d'ajouter aussi une dose de végétalisation.

Aussi, l'UTP préconise de dissocier les espaces de circulation de ces deux modes quand le trafic des transports en commun est élevé : en clair, pas de vélos dans les couloirs de bus sur les grands axes à fort trafic, cette mixité ne pouvant être que ponctuelle, sur des sections à moindre trafic de bus. Elle met en avant également le besoin de penser au stationnement des vélos car aligner les kilomètres de pistes cyclables ne saurait être suffisant et il faut aussi veiller à ne pas créer une forme de pagaille sur ce sujet. Au chapitre des points de vigilance, l'UTP appelle aussi à respecter le juge de paix qu'est le Code de la Route...

On pourra faire 2 remarques à cette prise de position :

  • si la chaussée représente bien entre 50 et 60% de la largeur d'une rue, il est erroné de dire que c'est l'espace de la voiture car il y a d'autres usages à cet espace : véhicules d'urgence, d'intervention, livraisons, travaux publics et privés... et souvent transports en commun, puisque l'autobus reste encore le mode de référence dans de nombreuses villes et ne dispose pas systématiquement - parce que le besoin n'est pas justifié - de voie réservée ;
  • la question des livraisons, qui ne cessent d'augmenter avec l'essor accéléré du commerce en ligne, pose des difficultés de plus en plus aiguës, mal appréhendées, y compris dans les récents aménagements, ce qui se traduit par une gêne à la fois pour les transports en commun et pour les cyclistes quand leurs voies sont occupées par des livreurs qui n'ont parfois guère d'autres choix.

03 juillet 2020

Municipales : allez les verts ?

Depuis dimanche dernier, on parle de vague verte après la victoire de listes écologistes à Bordeaux, Poitiers, Tours, Lyon, Annecy, Strasbourg, Nancy, Besançon et Colombes. La situation est encore incertaine à Marseille où il faut attendre le 3ème tour. Il faut cependant souligner que l'abstention a largement dominé ce scrutin atypique, dont les deux tours ont été séparés de 3 mois et demi. La portée des résultats en est quand même un peu altérée.

On notera aussi que ces victoires ont lieu dans des zones urbaines denses. C'est un enseignement important : le vote Vert a bien du mal à percer dans les villes de taille moyenne et en zone rurale, ne serait-ce que parce que les listes sans étiquettes y sont bien plus nombreuses et que les clivages d'appareils politiques sont l'apanage des grandes villes. Mais quand on pointe le clivage entre les habitants des grandes villes et des territoires plus ruraux, le résultat d'hier vient alimenter cette analyse. Pourtant, un habitant de Privas n'est pas moins sensible aux questions environnementales qu'un lyonnais... mais elle s'exprime de façon très différente dans un processus électoral.

La grande question est la suivante : avoir élu  une liste écologiste se traduit-il par une politique favorable aux transports en commun ? Poser la question, c'est déjà émettre une doute... ou au moins considérer que cela ne va pas nécessairement de soi.

L'appétence pour le développement de l'usage du vélo a pris un certain ascendant dans les discours et les programmes et il y a quand même un risque : on y évoque moins de projets pour les transports en commun et les considérations sur ce que certains appellent un « urbanisme tactique » constituent parfois une zone grise. La période récente a montré que la création de pistes cyclables pouvait se faire au détriment des transports en commun en transformant un couloir de bus et en les reléguant dans la circulation générale. Dans d'autres cas, heureusement, on a commencé par réaliser de nouveaux couloirs pour autobus admettant les vélos. C'est mieux... du moins tant qu'il n'y a pas trop de vélos, au risque d'affecter le service.

Si on prend le cas de Lyon, il semblerait que le programme soit plutôt construit sur un mixage raisonné avec la poursuite du développement du tramway (mais que va devenir le projet de nouveau métro ?) pour desservir la presqu'île (maillon Bellecour-  Préfecture), achever T6 (section Hôpitaux Est - La Doua) et former une rocade en première couronne (Vaulx - Bron - Vénissieux - St Fons - Gerland) en tête d'affiche et un plan d'augmentation de l'offre (mais il y a un petit sujet de financement, accentué par le confinement sanitaire du printemps).

Parmi les premières déclarations, on remarque déjà un léger dérapage en considérant qu'il fallait abandonner Lyon - Turin, projet du passé (sous-entendu du passif ?) : rajouter du sel sur la plaie de ce dossier où le point de non-retour semble avoir été dépassé n'apporte pas grand-chose. A vrai dire, on préfèrerait une prise de position sur le devenir du projet du métro E... qu'il est encore temps de réexaminer. Il semblerait qu'on commence aussi à évoquer l'hypothèse de télécabines entre le quartier du Confluent et le plateau ouest : une façon d'attaquer de biais le dossier ?

A Annecy, le projet de tunnel routier sous le massif du Semnoz a du plomb dans l'aile et il pourrait être question d'un tramway. Mais la situation parisienne pose quand même question car plusieurs aménagements cyclables se font au détriment de l'attractivité des transports en commun.Et on connaît l'effet-vitrine de la capitale...

A Bordeaux, le nouveau maire semble focalisé sur le vélo. Il lui faudra quand même se pencher sur le fonctionnement des transports en commun et l'évolution du réseau de tramways. Outre le sort des dessertes au sud-ouest de l'agglomération, le dossier-phare pourrait bien être celui des Boulevards. La création d'une rocade à grande capacité apparaît de plus en plus indispensable, pour délester le coeur du réseau (moins de correspondances à Pey-Berland et aux Quinconces) et capter de nouveaux utilisateurs. Manifestement, sa priorité serait une grande piste cyclable : pourquoi ne pas concilier les deux dans un même projet ? Autre dossier sensible, le BHNS de Saint Médard en Jalles, avec en particulier la question de la section Gambetta - Gare Saint Jean, dont on aurait préféré à transporturbain qu'elle soit empruntée par la ligne D, toujours dans l'objectif de mailler le réseau afin d'en desserrer les contraintes.

A Lille, où l'équipe sortante a eu chaud, que deviendront les projets de tramways esquissés ? Et à Marseille, où le retard en matière de transports urbains reste colossal, les projets de tramway seront-ils poursuivis ? Et à Toulouse, où la reconduction de l'équipe sortante remet en scène un clivage artificiel entre le métro et le train ?

La véritable tactique d'une évolution de l'urbanisme reste donc bien d'abord dans un coup d'accélérateur donné aux transports publics, par l'amélioration de l'offre et de la capacité et par une coordination étroite avec le développement urbain. C'est par le transport collectif qu'on pourra réorienter les choix modaux et intégrer dans les nouveaux aménagements des itinéraires cyclables attractifs. Le vélo ne peut pas tout mais ça ne veut pas dire qu'il ne peut rien du tout... mais dans ce monde de plus en plus manichéen, le sens de la nuance se perd... Elle se perd même parmi les partisans de la petite reine, qui oublient un peu parfois qu'en voulant artificiellement pénaliser l'automobile en ville en réduisant la capacité des voiries, on pénalise d'abord et surtout les transports en commun ! Gare au néo-individualisme !

Les nouvelles municipalités auront donc fort à faire et devront faire preuve à la fois de détermination - et de doigté dans certains cas - dans un contexte économiquement difficile mais d'urgence à l'action... et on peut quand même mesurer l'évolution de la maturation de la population à ces enjeux. Mais il faudra prendre garde aux contrastes entre les villes-centres, les couronnes périurbaines et les localités rurales en recherchant un esprit de consensus. Rendez-vous en 2026...

30 mai 2020

Les transports en commun et le néo-individualisme urbain

Sujet potentiellement sensible... mais il faut savoir prendre quelques risques parfois.

Des années 1930 jusqu'au milieu des années 1970, les transports en commun ont subi les effets de la démocratisation progressive de l'automobile, surtout après la deuxième guerre mondiale où celle-ci est devenue une priorité industrielle nationale. Résultat : un démantèlement en règle des tramways, un accaparement de l'espace public, la pollution, les nuisances, l'insécurité routière... mais aussi des considération d'urbanisme centrés autour de déplacements en voiture, avec de forts effets de ségrégation et de dépendance à ce mode de transport. Ne développons pas plus, transporturbain a déjà consacré un dossier à ce sujet.

Cette fois-ci, c'est à cette forme de néo-individualisme urbain que transporturbain s'intéresse. Il ne s'agit pas du tout de le mettre au banc des accusés, mais d'attirer l'attention sur certaines analogies de situation et de raisonnement avec l'automobile... vis-à-vis des transports en commun. Le développement en France de l'usage du vélo est évidemment une bonne chose, compte tenu du fait que la majorité des trajets en voiture en milieu urbain ont une longueur inférieure à 5 km. Ce peut être aussi un moyen d'écrêter des pics de trafic sur les réseaux de transports publics et donc d'agir sur leur fonctionnement et sur leur coût, en essayant de lisser les investissements.

En revanche, sous couvert d'être un mode de transport dit doux car non polluant, il ne faudrait pas que son retour en grâce, après des années d'ostracisme (presque autant que le tramways dans nos villes !) n'ait pour conséquence de reléguer les transports en commun - et singulièrement les autobus... puisque nombre de villes françaises paient les conséquences de la non-modernisation des tramways au profit de l'automobile - au même niveau que le trafic routier général.

Depuis plusieurs années, l'usage du vélo en ville progresse (il est vrai qu'il partait de loin, à quelques rares exceptions) et la pandémie de coronavirus de 2020 semble pour l'instant jouer un rôle d'accélérateur (dont l'intensité reste à mesurer) alors que les transports en commun sont plutôt stigmatisés pour des motifs sanitaires qui semblent exagérés.

Ce nouveau dossier a donc pour objectif d'ouvrir le débat, au-delà des raisonnements de court terme liés à la crise sanitaire, d'identifier ce penchant pour une nouvelle forme d'individualisme dans les déplacements urbains et de remettre en perspective les enjeux d'aménagement urbain, de report modal et de décarbonation des déplacements urbains en suggérant une hiérarchisation des besoins : d'abord le piéton, puis les transports en commun, le vélo et enfin le trafic motorisé général.

25 février 2020

Nice : reconversion de couloirs pour autobus

La mise en service de la section souterraine de la deuxième ligne de tramways niçois a entrainé une nette réduction de la présence des autobus au coeur de la ville, et notamment sur les rues de l'axe Est-Ouest, c'est à dire principalement les rues Pastorelli et Joffre (sens Ouest-Est), de l'hôtel des Postes et de la Liberté (sens Est-Ouest). Cependant, une desserte est maintenue, compte tenu de la distance relativement élevée entre les stations souterraines du tramway, pouvant atteindre 750 m.

Sur ces rues, des couloirs réservés aux autobus avaient été aménagés de longue date, et même très nettement réservés, car le boudin de béton le séparant de la voie de circulation générale était particulièrement dissuasif.

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Nice - Rue de l'hôtel des Postes - 31 octobre 2012 - L'axe Est-Ouest avant le tramway, avec un tronc commun à plusieurs lignes d'autobus, et des couloirs sérieusement protégés par des bordures en béton peintes en jaune et assez dissuasives pour les automobilistes. © transporturbain

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Nice - Boulevard François Grosso - 20 janvier 2020 - Certains essayent de franchir les bordures protégeant les couloirs réservés aux autobus... souvent à leurs dépens. La pédagogie par la douleur (et le bonheur des garagistes) ? © transporturbain

Avec la ligne 2, les couloirs de bus ont été supprimés : un choix qui pourrait nous irriter. Par principe, il n'est jamais souhaitable de régresser en matière d'aménagements pour les transports en commun. Dans le cas présent, il semble possible de nuancer l'analyse : le plan de circulation mis en oeuvre allège assez efficacement le trafic sur ces rues, en utilisant la capacité importante de la Promenade des Anglais.

La Ville de Nice en profite pour réaménager ces rues au profit des piétons et des vélos. Une voie de circulation est maintenue et les arrêts d'autobus sont bien insérés dans cette nouvelle configuration. Certaines sections sont encore en situation transitoire avec de grands pots de fleurs et la matérialisation. Les autobus n'ont pas l'air d'en être trop affectés

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Nice - Rue Bottero - 20 janvier 2020 - Exemple de couloir en cours de transformation, utilisé en piste cyclable et pour réintroduire de la végétation dans les rues niçoises. La bordure est réutilisée pour protéger les cyclistes. © transporturbain

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Nice - Rue Pastorelli - 19 janvier 2020 - Exemple de rue réaménagée avec intégration de l'arrêt d'autobus sur la voie de circulation restante, et la création de platebandes végétalisées. Un résultat asseé réussi, quoique la prudence reste de mise pour les utilisateurs de l'arrêt d'autobus devant couper la piste cyclable. Le stationnement a été maintenu : peut-être la prochaine conquête d'espace public ? © transporturbain

Posté par ortferroviaire à 17:52 - - Commentaires [0] - Permalien [#]
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