Lyon : des régressions inédites pour les transports en commun
Voici donc l'autre facette. Pas franchement réjouissante.
A Lyon, il n'y a pas que de bonnes nouvelles... Cette fois, c'est un coup de massue pour les transports en commun lyonnais. La Ville de Lyon et la Métropole ont décidé de chasser purement et simplement les transports en commun de surface sur la section Cordeliers - Hôtel de Ville - Terreaux ! C'est surréaliste !
- C3 passera dans les deux sens par la rue Grenette pour rejoindre la Saône, avec emprunt du pont Maréchal Juin vers la gare Saint-Paul et du pont La Feuillée direction Vaulx-en-Velin : elle perd donc sa correspondance avec la ligne C du métro ;
- C13 devra elle aussi faire le détour en franchissant 2 fois la Saône pour rejoindre son itinéraire à partir de la place Tobie Robatel : même punition, même si on rappelle que la ligne C13 monte aussi à la Croix Rousse ;
- C18 et 19 seraient limitées à Saint-Paul ou éventuellement aux Cordeliers pour la première : pour la ligne 19, c'est la perte de toute correspondance avec la ligne A ou la ligne C !
- S6 serait probablement limitée place Tobie Robatel.
Conséquence, la station Hôtel de Ville du métro serait privée de toute correspondance (le SYTRAL en dénombre 5700 par jour). La connexion entre la ligne C et les lignes de bus impliquerait soit de rejoindre les quais de Saône, soit les arrêts situés place des Cordeliers. En outre, le tracé pour le moins tourmenté de C13 par les quais de Saône risque de faire perdre du temps : les trolleybus devront franchir 6 carrefours à feu sur le nouveau parcours alors qu'il n'y en qu'un seul sur l'actuel !
Lyon - Rue de la République - 4 septembre 2019 - L'arrêt Hôtel de Ville à l'extrémité nord de cette rue où toute circulation de transit d'automobile a été éliminée en 1974. La correspondance métro - bus est utilisée par au moins 5700 voyageurs par jour soit un peu plus de 10 % de la fréquentation totale de la station de correspondance entre les lignes A et C. Avec le projet de la Ville, plus aucun transport en commun en surface ! © transporturbain
Lyon - Rue de la République - 16 décembre 2018 - Sans aller jusqu'à éliminer totalement la circulation des autobus, il aurait probablement été possible d'agrandir encore un peu les trottoirs sans nuire à l'exploitation de lignes pas vraiment secondaires qui l'empruntent... sans compter qu'il faut aussi prendre en compte les livraisons des commerces sur la rue et dans les perpendiculaires. © transporturbain
Lyon - Rue de l'Arbre Sec - 7 mai 2017 - Cette petite rue accueille le terminus des trolleybus C18 et S6, ainsi que la ligne C13 quand elle était scindée, ou lors de travaux et manifestations. S'il est vrai que cela occupe de l'espace, c'est une contingence liée à l'organisation d'un service public de transport qui essaie de desservir au mieux les principaux points de convergence des citadins. © transporturbain
Pour ce secteur, les modifications annoncées constituent une régression considérable de la commodité du service, concernant directement les lignes parmi les plus utilisées du réseau. Comme dans les années 1930 à 1970, les transports en commun sont perçus comme un intrus. Que ce soit pour favoriser la voiture, comme ce fut le cas par le passé, ou aujourd'hui pour des motifs qui restent à notre sens confus sur la forme et hypocrites sur le fond, les mécanismes demeurent les mêmes.
Plus au sud, place Bellecour, l'objectif est d'éliminer toute circulation sur le flanc nord de la place. Les correspondances seront elles aussi dégradées puisque les lignes arrivant côté Saône feront terminus sur son flanc ouest, imposant la traversée de la place pour rejoindre les lignes situées côté Charité / Antonin Poncet. Evidemment, la correspondance avec le métro sera dégradée puisque l'accès le plus proche se situe au milieu de la place, près de la rue Victor Hugo.
Lyon - Place Bellecour - 21 décembre 2020 - La chaussée Est de la place Bellecour accueille d'un côté les lignes C20 vers Francheville et 40 vers Neuville et de l'autre les lignes C9 arrivant du pôle hospitalier Lyon Est et C12 arrivant de Vénissieux. Les deux premières seront reportées de l'autre côté de la place, revenant à un principe d'éparpillement des terminus qui avait été supprimé en 1991 : C20 et 40 seraient positionnés à l'endroit où jadis le 5 effectuait son terminus (pour les plus anciens), qui accueilla ensuite le passage du 44 en direction des Sources et le terminus du 11 (pour nos lecteurs au moins quadragénaires). © transporturbain
On voit ainsi se mettre en oeuvre la démonstration que les transports en commun peuvent aussi être victimes de politiques dogmatiques, englobant les bus dans l'objectif de réduire la circulation individuelle motorisée.
Toujours à Lyon, le projet de réaménagement des cours Gambetta et Albert Thomas (au-dessus de la ligne D entre le Rhône et Grange Blanche) posera problème car plusieurs lignes, et non des moindres, risquent d'en pâtir. Avec une seule voie de circulation en direction du Rhône, les lignes C7 (Part-Dieu - Hôpitaux Sud), C11 (Saxe-Gambetta - Laurent Bonnevay), C12 (Bellecour - Hôpital Feyzin-Vénissieux), C16 (Charpennes - Surville) et C25 (Part-Dieu - Saint Priest) seront pénalisées lorsqu'elles empruntent cette artère puisque le couloir récemment matérialisé en direction du Rhône sera supprimé. Une piste cyclable sera installée à l'emplacement actuel du couloir à contresens.
Lyon - Place Gabriel Péri - 7 avril 2012 - La ligne 23 Cordeliers - Parilly a disparu. Le nouvel aménagement prévoit d'installer la piste cyclable sur le couloir de bus. A l'époque de ce cliché, le couloir dans le sens de la circulation n'avait pas encore été réalisé. Dommage pour l'importante ligne C12 qui devra être à nouveau mélangée à la circulation générale pour arriver place Bellecour ! Moralité : en voulant faire de la place pour les vélos, les solutions retenues pénalisent aussi les transports en commun de surface, qui précisément viennent épauler le métro sur l'une des sections les plus chargées (Bellecour - Saxe-Gambetta sur la ligne D). © transporturbain
Sous couvert de ne pas être motorisé, le transport individuel s'accapare donc des espaces qui avaient été accordés au service public de transport en commun. C'est inacceptable... et la réaction des élus de la Métropole comme de la Ville, balayant d'un revers de main des arguments plutôt fondés, émanant selon eux d'opinions rétrogrades, l'est tout autant !
Lyon : et si on faisait EOLE ?
Rassurez-vous, il ne s'agit pas de faire une ligne de RER à la parisienne à l'échelle de la Métropole lyonnaise, mais plutôt d'une interconnexion Est Ouest Lyonnais Express. Bien trouvé non ?
Puisque les débats de la campagne électorale des élections municipales (et métropolitaines) mettent les transports en première ligne, essayons de poser sereinement quelques jalons. La focalisation sur le métro, avec une course à qui le prolongera le plus loin, passe à côté de plusieurs sujets bien réels et surtout de plusieurs opportunités. Parmi elles, la réelle problématique capacitaire sur T3 entre la gare de la Part-Dieu et Meyzieu, et le déficit d'offres performantes dans l'ouest de l'agglomération. Il est assez cocasse de remarquer que le projet de cinquième ligne de métro manque singulièrement de dimension métropolitaine en la cantonnant à une desserte interne à la ville de Lyon.
Dans ce contexte, nous avons présenté dans les colonnes de transporturbain un projet alternatif pour la desserte du Plateau Ouest comprenant 3 lignes de tramway, avec une section souterraine et trois branches vers la gare de La Demi-Lune, la gare d'Alaï et Sainte Foy, dans une logique de desserte relativement fine mais rapide depuis Perrache d'abord et ensuite la rive gauche, peut-être jusqu'à la Part-Dieu.
Nous le complétons par une proposition développée dans les colonnes de transportrail s'appuyant sur le réseau ferroviaire de l'Ouest Lyonnais, sous-utilisé malgré les investissements réalisés sur 2 des 3 branches qui le constituent. Ces infrastructures offrent un maillage relativement satisfaisant du territoire et - surtout - ne se cantonnent pas à la seule commune de Lyon en allant capter les trafics le plus en amont possible.
Or l'Ouest Lyonnais aboutit en cul-de-sac à la gare de Saint Paul, très proche du centre de Lyon mais assez mal connectée et imposant au moins une - sinon deux - correspondances pour atteindre la Part-Dieu.
L'hypothèse d'un tram-train en surface nous paraît aujourd'hui hors jeu. L'insertion urbaine dans la traversée de la presqu'île n'est pas évidente si on veut proposer un système de transport de grande capacité et à haut niveau de performance, et nous suggérons dès lors de réaliser un tunnel reliant l'Ouest Lyonnais à T3, avec la mise en cohérence d'infrastructures différentes : signalisation ferroviaire, 1500 V et gabarit 2,65 m d'un côté, marche à vue, 750 V et gabarit 2,40 m de l'autre.
Il s'agit donc de mixer une desserte urbaine rapide et à haut débit donc souterraine avec une irrigation fine en surface du plateau Ouest, et une desserte express de l'ouest et de l'Est de la Métropole. Dans l'esprit, un chemin de fer urbain léger comme on en connait en Allemagne dans une version lourde (à Cologne par exemple) ou au Portugal dans une version plus proche de l'école française du tramway, à Porto. On pourra aussi évoquer Rouen (avec des justifications discutables) et Nice (où la composante métropolitaine sinon suburbaine est en train d'émerger)
Ce tunnel pourrait être amorcé à l'extrémité de la gare Saint Paul, en conservant le tunnel de Loyasse, avec une pente de 7,5 à 8% (comme sur le tramway de Nice) jusqu'à la Saône. Il émergerait sur l'actuel T3 en aval de l'avenue Félix Faure pour s'isoler de T4 après avoir desservi la presqu'île et la rive gauche.
Lyon Saint Paul - 17 décembre 2018 - Sujet de premier plan dans notre réflexion : peut-on faire plonger le tunnel à la sortie de celui de Loyasse, sans avoir à le reprendre en sous-oeuvre ? Cela semble possible... mais cela mérite confirmation par une étude solide. © transporturbain
Le projet implique la sortie du réseau ferré national de l'Ouest Lyonnais et la mise en compatibilité des deux réseaux (alimentation, régime d'exploitation, signalisation). Quant au gabarit, soit les stations de l'actuel T3 sont adaptées poiur des trains larges de 2,65 m, soit le matériel est conçu pour un double gabarit, comme à Dresde par exemple.
Notre proposition de principe de tracé souterrain (en rouge), à affiner selon les contraintes du sous-sol, pour l'interconnexion Est - Ouest lyonnais. On rappelle aussi le scénario de base en surface (tracé vert) et l'étude SEMALY de 1990 sans suite (en marron).
Dans ce schéma, l'actuel T3 irait jusqu'à Gorge de loup tandis que les missions de l'Ouest Lyonnais rejoindraient la Part-Dieu, avec une gare souterraine à 4 voies et 2 tiroirs d'arrière-gare. Les 3 branches Ouest seraient cadencées au quart d'heure, tout comme la branche Est (Meyzieu), avec un appoint organisé entre La Soie et le Stade des Lumières. Ainsi, la Part-Dieu et Gorge de loup bénéficierait de 24 circulations / heure / sens et, sur l'actuel T3, l'exploitation avec des convois de 130 m toutes les 5 minutes procurerait une capacité de l'ordre de 10 000 places / heure / sens, soit 3 fois plus qu'aujourd'hui. La liaison aéroportuaire Rhônexpress pourrait aussi emprunter ce tunnel.
Lyon - Rue Maurice Flandin - 5 octobre 2013 - L'exploitation de T3 par des rames de 43 m ne suffit pas face au développement de l'urbanisation dans l'Est Lyonnais. Dans notre réflexion, le tunnel émergerait à l'arrière-plan du cliché, après le carrefour de l'avenue Félix Faure. © transporturbain
Si on prend en référence une estimation actualisée à 1,5 MM€ pour le projet de métro E entre Bellecour et Alaï et un tunnel à réaliser plus court de 2 km, il n'y a guère de risque de dépasser ce montant à réaliser EOLE et les 3 lignes de tramway du plateau Ouest pour la desserte du 5ème arrondissement... d'autant qu'il faudrait réviser la comparaison en intégrant le coût du scénario métro amorcé à la Part-Dieu dont il commence à être question.
Tassin - 6 septembre 2019 - L'Ouest Lyonnais sortira-t-il de l'ombre pour entrer dans la lumière... grâce à un tunnel sous le centre de Lyon ? © transportrail
Mais ce scénario a un premier point faible : il suppose soit un accord avec la Région, soit une extension de la Métropole puisque l'Ouest Lyonnais sort de ses actuelles limites. Et il est peut-être un peu trop pragmatique par rapport à un métro qui surfe sur l'apparente simplicité d'une recette miraculeuse... pas vraiment à la hauteur des enjeux métropolitains.
Lyon : les transports dans la tempête des élections municipales
La Métropole cherche à casser le contrat de Rhônexpress
L'approche des élections municipales n'est probablement pas étrangère à la tension grandissante entre la Métropole et le groupement Vinci-Transdev qui exploite Rhônexpress, le tramway reliant la gare de la Part-Dieu à l'aéroport Saint Exupéry. En tête des critiques : le prix jugé excessif du service pour les voyageurs, les résultats positifs engrangés par le concessionnaire (bénéfice de 2,8 M€ en 2018) sans contrepartie sur les contributions de la Métropole et du SYTRAL. La Métropole souhaite obtenir une baisse de 25% au moins du tarif de Rhônexpress, alors que les propositions du concessionnaires étaient de l'ordre de 15%.
Décines - 15 mai 2014 - Rhônexpress, un sujet de polémiques politiciennes, mais un succès commercial et de surcroît le seul tramway de France circulant à 100 km/h sans être un tram-train. © J. Sivatte
Sauf que, dans un microcosme lyonnais déjà passablement agité dans la perspective de ces élections, les avis sont quelque peu divergeants. Le SYTRAL semble très mollement suivre ce point de vue, estimant qu'il y avait un risque non nul de devoir verser une indemnité substantielle en cas de résiliation, au moins équivalente aux économies qu'espère retirer la Métropole de cette résiliation.
Bref, il semblerait que le calendrier électoral et les appétits aiguisés - au sein même de l'actuelle majorité - donnent lieu à beaucoup d'affichage et d'incantations. Rhônexpress est à la fois un succès commercial et l'objet de critiques depuis 10 ans sur son prix élevé, d'autant moins accepté que le concessionnaire est désormais nettement bénéficiaire.
Le retour du métro ?
Quoi de mieux pour de distinguer dans la campagne électorale que d'annoncer un grand plan d'investissements sur le transports en commun ? Lors de la précédente élection, le débat avait notamment porté sur une cinquième ligne de métro. L'opposition avait dégainé un tracé entre la Part-Dieu et la presqu'île : pour sa candidature à son troisième mandat, Gérard Collomb avait repris l'idée mais sur un tracé entre la presqu'île et le plateau Ouest, reprochant à son rival de ne s'occuper que de l'hypercentre. C'est ainsi que s'est installé le dossier du métro E, qui aujourd'hui ressemble à un sparadrap : 1,5 MM€ pour un tracé de 5 km avec une prévision de trafic de 60 000 voyageurs par jour, on a connu meilleur projet... et c'est la raison pour laquelle transporturbain avait déjà examiné quelques alternatives (que nous allons probablement mettre à jour dans les prochaines semaines)
La conjoncture est il est vrai favorable : la bonne gestion du SYTRAL lui procure d'importantes capacités de financement et la décision de l'Etat d'abandonner le projet d'Anneau des Sciences (périphérique ouest, parfois surnommé Anneau d'Essence) accentue les marges de manoeuvres. C'est ainsi qune projection à 2050 est apparue dans Le Progrès avec un florilège de nouveautés, en particulier sur le métro :
- la ligne A serait prolongée de La Soie vers le Stade des Lumières et Meyzieu, sur un tracé parallèle au T3 ;
- la ligne B serait confirmée au sud jusqu'à l'autoroute A450 et étendu au nord vers Caluire, Sathonay et Rillieux ;
- la ligne C desservirait Caluire pour rejoindre la ligne B étendue ;
- la ligne D irait au-delà de Vaise jusqu'à Saint Rambert et au sud jusqu'au Boulevard Urbain Sud à Feyzin tandis qu'une branche pourrait desservir la Porte des Alpes ;
- la nouvelle ligne E relierait Craponne à Saint Priest par Bellecour, Part-Dieu, le pôle hospitalier Est, Bron, jusqu'à la zone industrielle Mi-Plaine ;
- du côté du tramway, après la jonction Hôpitaux Est - La Doua (T6 phase 2), une nouvelle rocade serait amorcée d'une part entre La Doua et La Soie par le centre de Vaulx en Velin, ainsi qu'entre Gerland et la gare de Vénissieux par Saint Fons, avec entre les deux une curieuse hypothèse de BHNS, mode qui pourrait aussi être retenu pour une ligne Part-Dieu - Aéroport Saint Exupéry par Montchat et l'axe de la route de Genas, entre Vaulx en Velin, Bron, Chassieu et Genas ;
- TCSP également en vue pour la liaison Part-Dieu - Vaise - Campus Lyon Ouest, tandis qu'on voit apparaître en filigrane les lignes express sur les sections déclasées des autoroutes A6 et A7 vers Porte de Lyon et Yvours.
- plusieurs études de téléphérique pourraient être mises à l'étude, entre Francheville, Sainte Foy et Gerland à l'ouest, entre Rillieux et La Soie au nord, et entre Irigny et Feyzin au sud.
Au chapitre des opérations les plus probables, on peut citer, outre la seconde phase du T6, la nouvelle ligne de tramway entre La Doua et La Soie, ainsi que le prolongement au sud de la ligne B vers l'autoroute A450.
Dans les challengers de l'équipe sortante, le projet de David Kimmelfeld, va encore plus loin. La ligne B serait prolongée non plus seulement vers l'A450 mais retraverserait le Rhône pour aller à Feyzin afin de rejoindre le T4 prolongée. La ligne D pousserait carrément jusqu'à la Porte de Lyon et aurait une antenne entre Laënnec et Porte des Alpes. En revanche, point de ligne E vers l'est mais une amorce dès Craponne. Autre différence, un T5 prolongé d'Eurexpo à l'aéroport Saint Exupéry.
Bref, c'est un peu la course à l'échalote et il faut s'attendre à tout : à ce rythme, le métro atteindra Villefranche, Vienne et Montluel. Les élus de la Métropole vont peut-être découvrir... le RER !
Il semble encore très largement prématuré pour se prononcer sur la crédibilité de ces opérations évaluées au total à une dizaine de milliards d'euros et esquissées à gros traits. En l'état actuel, peu sont justifiées par la fréquentation actuelle sur les axes concernés et il faudrait une pression considérable sur l'usage de la voiture pour arriver à un niveau de trafic compatible avec un métro qui débiterait, à cette échéance, entre 15 000 et 20 000 places par heure (sur la base d'une rame de 4 voitures toutes les 2 à 3 minutes).
Surtout, par expérience, de tels schémas lancés sous les regards de la population ont pour principal risque de focaliser l'attention sur ces seules réflexions et d'empêcher l'émergence de réalisations alternatives, au moins aussi efficaces et peut-être plus rapides à réaliser. En attendant un hypothétique métro dans 10, 15 ou 25 ans, que fait-on pour mieux gérer la situation actuelle ?
En outre, il faudra aussi se pencher un peu plus finement sur les conditions de réalisation de telles opérations. Deux exemples :
- pour la ligne B, ce n'est pas la première fois qu'une extension au nord est étudiée, mais elle avait toujours été recalée jusqu'à présent compte tenu de la configuration de la station Charpennes à voie et quai unique et au même niveau que la ligne A : la reprise de l'ouvrage depuis la station Brotteaux a toujours été jugée trop complexe et trop impactante pour la ligne A ;
- pour la ligne C, même analyse : il faudrait soit franchir à niveau le carrefour de la place Jules Ferry à Cuire, soit reprendre le tracé pour réaliser un viaduc ou créer un nouveau tunnel depuis la station Hénon, ce qui emporterait aussi la question de l'actuel atelier de maintenance.
A ce titre, un tel scénario impliquerait non seulement d'importants besoins en matériel roulant mais aussi et fort logiquement de nouveaux ateliers de maintenance.
Enfin, ce projet semble un peu trop centré sur les besoins de la seule zone dense de l'agglomération alors que les enjeux de déplacement doivent être pensés à l'échelle du bassin de vie. Nulle amorce de discussion avec la Région sur la question du RER lyonnais et les complémentarités entre le train et le réseau urbain, sur l'offre mais aussi et surtout sur la tarification, ce qui rejoint notre récent dossier à ce sujet.
Retrouvez les dossiers de transporturbain sur le métro et les tramways de Lyon.
Lyon - Trévoux : vers un simple BHNS ?
Le dossier de la réouverture de la ligne Sathonay - Trévoux a connu pendant les fêtes un nouvel épisode. Rappelons d'abord brièvement le sujet.
Depuis plus de 15 ans, l'ancienne "Galoche" implantée en rive gauche de la Saône, fait l'objet d'études en vue de sa réactivation, et s'est rapidement orienté vers une solution ferroviaire légère de type tram-train, sur laquelle la Région Rhône-Alpes fondait alors beaucoup d'espoirs, inspirée par le succès de Karlsruhe. Le dossier a rapidement bloqué sur les modalités d'accès au centre de Lyon :
- par l'ancienne ligne qui aboutissait à la Croix Rousse, l'horizon est bloqué par l'hostilité de la ville de Caluire à voir "sa" coulée verte transformée pour accueillir une ligne de tramway. Arrivé à Cuire, la question de la correspondance avec le métro C n'est pas évidente à résoudre ;
- par un autre tracé, le champ des "techniquement possibles" est vaste mais celui des "politiquement audibles" est étroit et celui des "politiquement acceptables" est quasiment fermé.
Il a aussi été ralenti par la question de la gouvernance du projet et il semblerait que la constitution de la Métropole du Grand Lyon n'ait pas réussi à simplifier le sujet. Jusqu'à présent, les études ont été portées par la Région, au titre de sa compétence ferroviaire, et par le fait que la ligne est à cheval sur deux collectivités : initialement le Département du Rhône et celui de l'Ain, et désormais la Métropole et le Département de l'Ain.
Une solution autre que ferroviaire sous-entend que le dossier pourrait tomber dans le périmètre du SYTRAL, compétent sur les transports urbains dans la Métropole mais dans dans le Département de l'Ain.
La Région Auvergne Rhône-Alpes a confirmé le 29 décembre dernier au Département de l'Ain qu'elle participerait au financement d'études sur une solution plus rapide à mettre en oeuvre en abandonnant l'option ferroviaire au profit d'un BHNS utilisant - dans des proportions qui restent à déterminer - l'emprise de la ligne de chemin de fer. En revanche, la Métropole est en train de se désengager du dossier, alors qu'il la concerne pour environ 85% du linéaire, jusqu'à Genay. Avec le SYTRAL, elle préconise plutôt un rabattement de bus sur les gares de la rive droite du Rhône : Saint Germain au Mont d'Or, Villevert-Neuville et Collonges-Fontaines.
Lyon - Esplanade Vivier-Merle - 1er octobre 2015 - La ligne 70 Part Dieu - Neuville est exploitée en bus articulés Citélis : l'accès direct au coeur de Lyon semble avoir pesé lourd dans le choix du BHNS pour l'ancienne ligne de Trévoux. La ligne 70 devrait en être l'épine dorsale. © transporturbain
Fontaines sur Saône - Quai Jean-Baptiste Simon - 17 juin 2012 - Si la ligne 70 longe la Saône entre Fontaines et Neuville, le BHNS circulera à flanc de coteau, au travers de zones résidentielles : le musée de l'automobile sera plus facile d'accès ainsi que plusieurs établissements scolaires.© transporturbain
Au chapitre des avantages de la solution BHNS, la Région met en avant le moindre coût de réalisation et la possibilité d'accéder directement dans le centre de Lyon sans s'engager dans des travaux lourds donc des procédures longues, aléatoires et avec des solutions hors du champ "politiquement audible" précédemment évoqué.
En revanche, elle impliquerait un temps de parcours allongé, car elle consisterait probablement par l'emprunt d'une partie de la ligne C2 entre Part Dieu et la zone industrielle de Rillieux, et des travaux non négligeables sur de nombreux ouvrages d'art, dont deux viaducs à Fontaines et Rochetaillée actuellement munis d'un tablier métallique, incompatible avec le passage de véhicules routiers. Bref, faire rouler un BHNS sur l'ancienne ligne de Trévoux ne se limitera pas à déposer la voie et goudronner l'emprise...
Reste à savoir de quel type de véhicules pourrait équiper cette liaison sur laquelle 6500 voyageurs par jour sont attendus :
- trolleybus articulés : scénario de continuité vis à vis de la ligne C2, mais qui suppose l'électrification du parcours, avec le risque d'une opposition à une double ligne bifilaire dans les zones résidentielles du val de Saône, et l'acquisition de trolleybus à l'étranger puisque le Cristalis n'est plus commercialisé ;
- bus articulés électriques : ce BHNS pourrait être l'occasion d'expérimenter la traction électrique sans fil, afin de diminuer le coût des infrastructures ; mais le "made in France" est encore balbutiant puisque le Bluebus de Bolloré confine à l'Arlésienne (9 véhicules sur 34 en service à Paris sur la ligne 341 qui devait être totalement équipée en décembre 2016)
- et avec quel confort : compte tenu de la durée du trajet, notamment pour les voyageurs effectuant les plus longs trajets, le standard des véhicules urbains est-il suffisant alors que la desserte actuelle de Trévoux est assurée par des autocars interurbains ?
transporturbain avait consacré un dossier aux potentialités de cette ligne.
Lyon : révision du PDU et nouveau plan de mandat
Deux documents stratégiques font l'actualité de cette fin d'année 2014 dans l'agglomération lyonnaise : la révision du Plan de Déplacements Urbains et l'adoption du plan de mandat 2014-2020. Mais la métropolisation se prépare avec un changement d'échelle porteur d'importantes évolutions du système de transport.
SYTRAL - SMTR : la fusion engagée
Le Syndicat Mixte des Transports du Rhône a ainsi adhéré au SYTRAL. Regroupant les lignes départementales, les transports scolaires et le réseau de Villefranche sur Saône. A terme, une seule autorité organisatrice devrait subsister sur le territoire de la future métropole lyonnaise.
En outre, la Communauté de Communes de l'Est de Lyon a adhéré au SYTRAL. Les 9 communes situées sur la frange est du Grand Lyon, de Jons à Toussieu entreront donc dans le Périmètre des Transports Urbains. Une entrée de taille puisque l'aéroport Saint Exupéry sera désormais dans le périmètre du SYTRAL. Il est cependant probable que Rhônexpress reste hors de la tarification urbaine.
PDU : 9 nouveaux axes de travail
Adopté en 1997, le PDU a déjà été révisé une première fois en 2004 et va connaître donc une nouvelle mise à jour. C'est l'occasion de faire un bilan des actions réalisées. Depuis 2005, 47 km d'axes structurants ont été mis en service (métro, tram, trolleybus), même si ce chiffre additionne des solutions techniques très différentes allant du simple couloir de bus matérialisé par une bande peinte sur la chaussée au prolongement à Oullins du métro. On compte désormais 134 km de couloirs de bus contre 81 en 2007. 2,2 MM€ ont été investiés depuis 2001 sur le réseau, notamment avec la renaissance du tramway. La fréquentation du réseau a augmenté de 6% entre 2009 et 2012 et on comptait en moyenne 1,5 millions de voyages quotidien en 2013.
De son côté, la route perd un peu de terrain puisque le trafic a diminué de 22% dans l'hypercentre depuis 2004 et de 13% aux portes de l'ensemble Lyon - Villeurbanne.
Les 9 nouveaux axes de révision du PDU sont les suivants :
- les relations avec les territoires limitrophes
- la diversification des pratiques modales
- une meilleure anticipation de l'évolution de la demande de transports en commun
- l'amélioration du cadre de vie, des nuisances sonores et de la pollution liée à la circulation
- la mobilité dans une approche de services
- la question délicate de la desserte des zones de moindre densité, avec l'extension de l'agglomération et la métropolisation
- la logistique urbaine avec les méthodes de livraison dans l'agglomération
Plan de mandat : priorité au métro
Sans surprise, le métro bénéficiera d'importants investissements sur la période 2015 - 2020 pour entamer le renouvellement du matériel MPL75 qui franchira le cap des 40 ans de service au cours de cette mandature. Ainsi, la ligne B actuelle sera équipée de 19 nouvelles rames à pilotage automatique intégral et prolongée de la gare d'Oullins au pôle hospitalier Lyon Sud avec 10 rames supplémentaires. Au total, 394 M€ sur l'infrastructure et 365 M€ sur le matériel roulant, coût incluant une option de 12 éléments prévus pour la ligne D dans le mandat 2020-2025.
La ligne A récupèrera une partie du parc MPL75 de la ligne B pour renforcer son offre. Le SYTRAL annonce un gain de capacité sur la ligne B de 30%, alors qu'il est prévu de commander 19 rames MPL14 à 2 voitures pour remplacer 18 MPL75 à 3 voitures. Le SYTRAL miserait donc sur la fréquence et la vitesse commerciale du parc. La mise en service est escomptée en 2022 - 2023.
Sur le réseau tramway, deux extensions seront réalisées. La première sera le débranchement de T3 pour la desserte du Stade des Lumières et la seconde sera la section Debourg - Hôpitaux Est. Le SYTRAL est en mesure d'assurer le financement de la partie Debourg - Mermoz Pinel, soit 4,7 km et 9 stations. Des études complémentaires devraient probablement confirmer l'intégration des 2,2 km permettant de rejoindre les hôpitaux (avec 5 stations supplémentaires). Le coût de cet investissement est évalué à 114 M€ pour une mise en service en 2019. Affichée aujourd'hui comme le prolongement de T1, il est probable qu'il s'agira en fait d'une ligne T6.
La ligne T4 recevra 17 nouvelles rames longues de 43 m, ce qui devrait donner lieu à un nouveau marché de matériel roulant, les rames de 32 m actuellement employées étant probablement destinées à l'augmentation de capacité de T1 et T2 ainsi qu'à la nouvelle section Gerland - Hôpitaux Est.
Au chapitre du réseau routier, la priorité devrait être donné à la mise en site propre de la ligne C3 entre le pont Lafayette et Laurent Bonnevay avec une étude pour une conversion ultérieure au tramway, promise par le maire de Lyon dans son accord électoral avec les Verts. Le site propre est évalué à 71,6 M€. Il devrait faire gagner jusqu'à 10 minutes de temps de parcours d'un terminus à l'autre. Toujours au chapitre routier, outre les récurrents investissements de renouvellement du parc d'autobus, le SYTRAL prévoit le financement du renouvellement des 7 NMT222 de la ligne 6, pourtant âgés de seulement 15 ans, et la rénovation des Cristalis, selon les conclusions d'une étude en cours sur leur devenir, le SYTRAL souhaitant comparer l'écart de coût complet entre rénovation et réforme.
Enfin, deux études seront lancées pour la section Hôpitaux Est - La Doua en tramway et pour une cinquième ligne de métro entre le 5ème arrondissement et Alaï
On notera que l'ouest reste quelque peu délaissé : aussi l'évolution de la ligne C6 (Part Dieu - Ecully Le Perrolier) et de la ligne 89 (Gare de Vaise - Porte de Lyon) nous semblent justifiables à plusieurs titres :
- la ligne C6 assure une liaison directe Part Dieu - Vaise évitant une correspondance à Saxe-Gambetta avec un temps de parcours net équivalent si quelques aménagements étaient réalisés (rue de Bourgogne, rue Duquesne) et pourrait ainsi être un outil de délestage de la ligne D
- la ligne 89 dessert une zone d'emplois importante à Dardilly (Techlid) et l'amélioration de sa capacité pourrait améliorer l'attractivité des transports en commun sur ce secteur
En filigrane, la question de la poursuite de la relance du trolleybus, avec l'hypothèse d'acquisition des anciens véhicules de Bologne déjà évoqué par transporturbain (notre dossier à ce sujet).