Clermont-Ferrand, entourée des anciens volcans d'Auvergne, s'est développée autour de l'industrie du caoutchouc et doit sa réputation à l'une des plus importantes firmes de construction de pneumatiques. Cet essor industriel entraîna l'essor de deux villes qui finirent par s'unirent - Clermont et Montferrand - et la nécessité de disposer d'un système de transport dans la ville. 

Le premier réseau (1890 - 1956)

C'est ainsi à Clermont-Ferrand que circula le premier tramway électrique à prise de courant par ligne aérienne. Concédée par le Département à l'ingénieur Claret le 27 janvier 1888, la ligne fut mise en service de Montferrand à la place de Jaune le 7 janvier 1890, et prolongée à Royat le 6 juin. Le 9 septembre suivant, la gare disposait de sa propre ligne. Le service était assuré par 22 motrices à écartement métrique de bien faible puissance, 25 CV. La Compagnie des Tramways Electriques de Clermont-Ferrand reprenait la concession à Claret en 1893.

Parallèlement, une nouvelle ligne était construite entre Clermont-Ferrand et le Puy de Dôme, faisant appel à un étrange système de guidage à rail central. La ligne fut mise en service en 1907 : en 14,9 km, elle rattrapait un dénivelé de 1029 m. Quatre ans plus tard, son exploitait devait être reprise par la CTEC.

Le développement du réseau dut attendre une vingtaine d'années avec l'ouverture en avril 1913 de trois lignes supplémentaires : Place Gaillard - Fontgièvre, Jaude - Salins - Gare, suivie de la ligne Salins - Beaumont l'année suivante. La compagnie recevait 15 motrices supplémentaires. Si la guerre interrompait la construction de nouvelles lignes, les années 1920 furent marquées par de nouvelles extensions à Ceyrat, Durtol (par la voie du tramway du Puy de Dôme). 

Une timide modernisation fut engagée avec la récupération de 3 motrices de Rodez et l'acquisition de 15 nouvelles motrices, dont 5 à plateformes extrêmes et 10 à accès central autorisant le retrait des motrices primitives de 1890. A son apogée, le parc clermontois s'élevait, en 1932, à 33 motrices et 24 remorques. La ligne du Puy de Dôme avait cessé son service en 1926 pour être remplacée par une route : le tramway ne subsistait, pour un temps, que jusqu'à Durtol, avant d'être remplacé par un autobus en 1933.

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Clermont-Ferrand - Années 1930 - Le réseau de tramways connut son apogée dans les années 1930, avec des motrices vestibulées et des remorques à plateforme centrale, d'origine hétéroclite. - Cliché X

Le réseau traversa la guerre sans trop d'encombres, Clermont-Ferrand étant en dehors des grands axes stratégiques. Cependant, à la libération, il devait faire face à d'importants besoins de modernisation. La ville décidait alors de supprimer les tramways et de les remplacer par des autobus, opération réalisée en six ans : le 17 mars 1956 circulaient les derniers tramways sur les lignes de Ceinture et de Ceyrat.

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Montferrand - 2 juillet 1953 - Une motrice à plateforme centrale sur la ligne de Royat. Ces voitures constituaient le type le plus récent du réseau clermontois établi à voie métrique. © J. Bazin

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Montferrand - 2 juillet 1953 - La place de Jaude avec ses tramways sur une avenue pavée où la circulation automobile est encore rare. Cette motrice de la ligne de Beaumont est à plateformes extrêmes vestibulées.  © J. Bazin

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Entre Beaumont et Ceyrat - 2 juillet 1953 - Ambiance champêtre pour ce tramway circulant en accotement donc sans aucune gêne pour le trafic routier dont on peut mesurer sur le cliché l'intensité problématique...  © J. Bazin

Echec de la première tentative

On recommença à parler de tramway à Clermont-Ferrand pendant la campagne des électrions municipales de 1983, en vain. Au début des années 1990, après les premiers succès à Nantes et à Grenoble, l'agglomération réexaminait l'opportunité de ce mode de transport, avec l'appui de la SOFRETU (filiale de la RATP), sur un axe reliant Monteferrand au quartier de la Pardieu au sud-est de la ville. En 1996, l'appel d'offres désignait Alsthom qui y présentait pour la première fois le Citadis, successeur du TFS, et qui avait affronté le TVR, sur pneus, de Bombardier. Attribué le 14 octobre, le marché dut être annulé un mois plus tard en raison des pressions industrielles locales.

Clermont-Ferrand adopte le pneu

Le projet dut être interrompu en raison des recours intentés par Alsthom. Ce n'est qu'en 1999 que le Syndicat Mixte des Transports en Commun put relancer une nouvelle procédure : cette fois-ci, l'appel d'offres ne portait que sur des matériels sur pneumatiques. L'idée du tramway avait alors vécu. Néanmoins, les besoins ne faisaient que croître avec les effets sensibles de la périurbanisation, dans un bassin urbain où la circulation ne posait pas de difficultés particulières.

Trois constructeurs répondaient à l'appel d'offres : Irisbus avec le trolleybus Civis à guidage optique, Bombardier avec le TVR et Lohr Industries avec le Translohr, qui l'emportait, en partie grâce aux déboires des TVR de Caen et de Nancy.

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Clermont-Ferrand - Boulevard François Mitterrand - 12 octobre 2013 - La ligne A est exploitée avec les STE4, longs de 32 m adoptant une élégante teinte rouge sombre. On note que les caisses, surbaissées avec des accès à 28 cm du sol, ne comprennent qu'une porte par face, ce qui ne facilite pas les mouvements de voyageurs. © C. Brot

Entre 2003 et 2006, la construction de la plateforme amorçait l'opération de rénovation urbaine du centre de la capitale auvergnate. Toutefois, du fait du choix du pneumatique, l'emprise adoptait un revêtement en béton, sans possibilité d'engazonnement ou de pavage.

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Clermont-Ferrand - Place de Jaude - 11 octobre 2013 - La ligne A traverse la place centrale de la cité auvergnate. Le roulement sur pneumatique conduit à proscrire l'engazonnement de la plate forme. © C. Brot

A l'été 2006, les premiers essais du matériel STE4 purent commencer. Un déguidage retarda l'autorisation de mise en exploitation et c'est le 13 novembre que la première ligne fut mise en service entre Champratel et le centre hospitalier. Le 27 août 2007, la ligne atteignait le terminus de la Pardieu, en correspondance avec la ligne TER Clermont-Ferrand - Issoire. Le coût de cette réalisation atteignait 290 M€.

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Clermont-Ferrand - Avenue des Etats-Unis - 11 octobre 2013 - En dépit des faiblesses inhérentes au choix du système de transport, la ligne A parvient à un niveau de qualité d'exploitation satisfaisant. Cependant, les coûts d'exploitation sont élevés et le service a été émaillé de plusieurs incidents majeurs. © C. Brot

L'exploitation fut émaillée de quelques incidents, toutefois de moindre nature que ceux du TVR. En revanche, le 26 décembre 2009, une rame fut détruite par un violent incendie, dû à l'échauffement d'un étrier de frein qui ne s'était pas desserré. Se propageant à la caisse par l'intercirculation, l'incident révélait des failles dans la conception de l'anneau d'intercirculation et des essieux et surtout la non-conformité de certains matériaux aux normes feu-fumée ferroviaires. L'incendie ne faisait heureusement aucun blessé.

Le 10 janvier 2011, une rame fut victime d'un déguidage sur le viaduc des Saint Jacques, faisant un blessé. C'est au franchissement d'un joint de dilatation que les galets s'arrachaient du rail. La rame heurtait un muret à la première courbe. Fort heureusement, la rame était sortie vers l'extérieur : vers l'intérieur, elle aurait heurté de plein fouet un poteau de la ligne aérienne et le bilan eut été plus lourd.

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Clermont-Ferrand - Viaduc Saint Jacques - 12 octobre 2013 - Le dernier incident est survenu sur ce viaduc, où la vitesse a dû être limité à 40 km/h au lieu de 60 km/h. On note le fort orniérage de la plateforme. © C. Brot

Après son premier rapport sur l'incendie, le Bureau Enquêtes Accidents livrait un second rapport sur cet accident, mettant en avant les failles dans le système de guidage et la maintenance du matériel. Un audit indépendant était mandaté par l'Etat, confirmant des problèmes de qualité de la maintenance, en partie liée à une conception insuffisamment étudiée du dispositif de guidage.

Les limites du Translohr

Ces incidents révélaient les limites du système sur pneumatiques. En exploitation, les STE4, longs de 32 m, mais d'une largeur réduite à 2,20, n'offrent que 170 places : avec une fréquentation journalière de l'ordre de 40 000 voyageurs, l'exploitation, malgré un intervalle de 4 à 5 minutes en heure de pointe, souffre de l'exiguïté du matériel. Aux 20 rames initialement commandées, 6 unités supplémentaires ont été livrées au début de la décennie 2010, afin d'anticiper le prolongement au quartier des Vergnes.

En outre, le Translohr interdit toute réflexion sur l'interconnexion entre le réseau ferroviaire et le transport urbain en site propre. La réflexion autour du tram-train est de facto écartée, alors même qu'elle pouvait présenter certains avantages, notamment sur l'axe nord-sud, moyennant l'électrification de la section Clermont - Issoire, supportant un trafic périurbain relativement conséquent.

Enfin, les difficultés rencontrées ont éloigné l'hypothèse d'une seconde ligne : la ligne B a retenu le BHNS avec le Créalis développé par Irisbus. Mise en service le 8 décembre 2012, elle relie le stade Michelin à Royat et passe par la gare de Clermont-Ferrand, oubliée par la ligne A.

La fin du Translohr ?

En octobre 2016, elle a été clairement évoquée par le conseil communautaire de l'agglomération. Trop cher à exploiter, trop cher à maintenir, incapacité du constructeur à assurer l'approvisionnement des pièces détachées, incompatibilité avec le développement du réseau puisque le produit Translohr est en état de mort clinique... Ah si le lobby pneumatique n'avait pas torpillé le projet de vrai tramway en 1996...

Mais depuis, aucune décision sur le sort de cette technologie sans avenir.