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transporturbain - Le webmagazine des transports urbains

Tramways de Lyon : le renouveau (1996-2008)

La genèse d’un retour

Le retour du tramway dans l’agglomération lyonnaise fut concrétisé par la mise en service des deux premières lignes le 2 janvier 2001. Ce retour marquait l’aboutissement de près de vingt années de l’histoire des transports en commun lyonnais durant lesquelles le tramway fut épisodiquement évoqué avant d’effectuer son retour.

Après la mise en service des trois lignes de métro entre 1978 et 1984, le principe d’un axe est-ouest fut l’occasion de comparer métro et tramway. Ainsi, en 1983-1984, le STCRL étudia les possibilités et limites d’une solution en tramway moderne, qui fut rapidement abandonnée au profit de la réalisation d’une quatrième ligne de métro.

Au cours de la campagne municipale de 1989, certains élus proposèrent le principe d’un réseau de surface en site propre, complétant le métro : à l’époque, les surcoûts du projet Maggaly alimentaient la chronique politique, enterrant de fait toute extension du métro. Ainsi fut lancé le projet baptisé Hippocampe, d’une ligne reliant Gerland à la station Foch de la ligne A, par un itinéraire pour le moins rocambolesque puisqu’elle desservait Saint Fons, le plateau des Minguettes et la gare de Vénissieux, le boulevard des Etats Unis, la gare de la Part-Dieu, le domaine universitaire de La Doua et le parc de la Tête d’Or. Les promoteurs du projet n’ayant pas remporté l’élection, le projet retourna dans l’oubli.

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Le projet Hippocampe, première apparition du tramway moderne dans les débats lyonnais. On notera que 25 ans plus tard, le réseau de tramway reprend une bonne partie du projet, notamment T4.

Six ans plus tard, le départ de Michel Noir de la mairie, et l’arrivée de Raymond Barre, constitua un tournant dans l’histoire des transports en commun. Le lancement d’un Plan de Déplacements Urbains, l’un des premiers après l’adoption de la loi sur l’air, proposa trois scénarios de développement des transports en commun, exposés place Bellecour et donnant lieu à un vote des visiteurs : sur les 11000 avis exprimés, 65% votèrent en faveur du scénario le plus favorable aux transports en commun, qui prévoyait 4 lignes de tramway. Le PDU était adopté le 31 janvier 1997 par le SYTRAL.

Le projet de tramway était adopté le 6 mars 1997. Il proposait la réalisation simultanée de deux lignes parmi celles ayant le plus fort potentiel de croissance, pour démontrer l’intérêt du tramway, en écartant l’axe « A3 » entre Vaise et Vaulx en Velin, présentant un niveau de trafic plus élevé, mais bénéficiant d’un moindre coefficient multiplicateur, le fameux « effet tramway ». Par exemple, la ligne de bus 26 Perrache – La Doua transportait alors 14 500 voyageurs par jour, et le tramway en prévoyait 55 000 à sa mise en service, alors que la ligne 1 Bonnevay – Saint Paul, concernée par l’axe A3, transportait déjà 35 000 voyageurs quotidiennement pour un potentiel de 60 000.

Ainsi, le projet de deux lignes totalisant 20 km, au départ de Perrache, vers La Doua et Porte des Alpes fut adopté. Le processus d’étude fut accéléré. L’enquête publique, du 15 janvier au 15 février 1998, suscita de véhémentes oppositions dans une ville de tradition automobile : seuls un quart des avis recueillis étaient pour le tramway. Le Grand Lyon et le SYTRAL ne faiblirent pas, y compris sur le détail du tracé, en maintenant le passage par la rue de Marseille où la fronde des commerçants ne fit pas plier la municipalité.

S’intéressant un temps au TVR de Bombardier, le SYTRAL finit par l’écarter – heureusement ! – au profit du tramway, et attribuait le marché de 39 rames à Alstom avec le Citadis, pour la première fois dans sa version à plancher bas intégral.

Une réalisation au pas de charge

Tout juste déclaré d’utilité publique à l’été 1998, le projet obtenait aussi des financements de l’Etat et de l’Union Européenne, permettant un démarrage des travaux préliminaires dès le mois de juillet. Pourtant, deux associations intentaient un recours en annulation du projet, rejeté pour « procédure abusive ». Les travaux de voie débutèrent le 4 janvier 1999 et furent engagés simultanément sur l’ensemble des 20 km, provoquant d’importantes perturbations dans la vie quotidienne et sur le réseau de bus et de trolleybus.

Dans un délai record inégalé, les 20 km de lignes furent inaugurés le 18 décembre 2000 : la cérémonie donna lieu à quelques sueurs froides puisqu’un défaut avait été détecté sur les ancrages du fil aérien à Perrache.

Les lyonnais découvraient pour Noël leur tramway et les avenues reconfigurés : l’avenue Berthelot, jadis à 4 voies de circulation, servant de jonction entre l’autoroute Paris – Marseille et celle de Grenoble, devenait une artère bordée d’arbres avec une circulation pacifiée. Même chose sur la rue Servient. Le changement était aussi considérable devant le centre commercial de la Part Dieu où certaines trémies routières avaient disparu.

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Lyon - Avenue Berthelot - avril 2005 - Autoroute urbaine depuis les années 1960, l'avenue Berthelot avait accueilli dans les années 1970 un couloir d'autobus à contresens et une première section de site propre au début des années 1980. Le tramway les a repris et pacifié la circulation réduite de 4 à 2 voies. © transporturbain

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Lyon - Rue Servient - 11 novembre 2010 - Un des axes très routiers de la rive gauche, discipliné par l'arrivée du T1. On note l'insertion du tramway en site latéral, avec l'aménagement minimaliste du quai sur le trottoir. © transporturbain

Le 2 janvier 2001, la ligne T1 était mise en service entre Perrache et IUT Feyssine, tandis que T2 rejoignait la Porte des Alpes. Desservant les deux principaux sites universitaires, plusieurs hôpitaux et la gare de la Part Dieu, les deux lignes ne tardaient pas à faire taire les opposants et à démontrer la pertinence du tramway.

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Lyon - Quai Claude Bernard - 19 avril 2008 - Exemple de partage équilibré de la voirie entre le tramway et le trafic automobile sur le quai de rive gauche du Rhône pour la desserte des hôpitaux Saint Luc et Saint Joseph et de l'université Lyon 2. © transporturbain

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Lyon - Rue de Marseille - 24 décembre 2008 - Objet de bien des débats et surtout des oppositions, le passage sur la rue de Marseille a été maintenu, démontrant d'une part que le tramway ne tue pas le commerce et d'autre part qu'il peut s'insérer dans une rue de 13 m de large. © transporturbain

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Lyon - Esplanade Vivier-Merle - 19 avril 2008 - La ligne T1 dessert le centre commercial et la gare de la Part-Dieu, ce qui lui assure un fort trafic, sans mordre sur celui de la ligne B du métro, contrairement à ce qu'affirmaient ses opposants. L'arrivée du tramway a permis de réurbaniser le boulevard qui avait jadis un aspect extrêmement routier : des arbres ont même fait leur apparition ! © transporturbain

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Villeurbanne - IUT Feyssine - 18 avril 2008 - L'arrivée du T1 est venu remplacer quasiment de façon identique la desserte fine du campus assurée par l'ancienne ligne de bus 26. © transporturbain

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Lyon - Place du Bachut - 18 avril 2008 - La ligne T2 remonte toute l'avenue Berthelot. La place du Bachut a été entièrement rénovée et la tour en arrière-plan à droite en partie détruite, accueillant désormais la médiathèque du 8ème arrondissement. © transporturbain

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Lyon - Boulevard Jean XXIII - 17 novembre 2008 - Au premier plan, la voie de terminus intermédiaire de Grange Blanche, destinée aux renforts de la ligne à l'heure de pointe. Le site a été depuis remanié pour installer un second tiroir pour la ligne T5. © transporturbain

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Bron - Avenue Franklin Roosevelt - 24 mai 2009 - Le long du parc du Vinatier, le tracé de T2 reprend une ancienne voie de bus et prolonge l'environnement verdoyant de l'hôpital du Vinatier. On aperçoit en arrière-plan la basilique de Fourvière. © transporturbain

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Bron - Avenue Franklin Roosevelt - 13 avril 2013 - La traversée de Bron était autrefois difficile pour les autobus 24 et 62. Désormais, le tramway le met à 10 minutes de la station Grange Blanche. © transporturbain

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Bron - Boulevard de l'Université - 18 novembre 2006 - La ligne T2 dessert le campus universitaire de Bron situé face au parc de Parilly, ici dans ses couleurs automnales. L'arrivée du tramway a singulièrement amélioré les conditions de transport des étudiants... mais la saturation guette. © transporturbain

Dans la foulée, la deuxième phase du projet était confirmée avec le lancement des travaux de l’extension de T2 de Porte des Alpes à Saint Priest, mise en service le 27 octobre 2003. Ensuite, la ligne T1 fut prolongée sur le cours Charlemagne, amorçant la transformation du quartier du confluent : le 15 septembre 2005, le réseau déclaré d’utilité publique était intégralement achevé. Le parc de matériel roulant était porté à 47 éléments.

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Lyon - Cours Charlemagne - 16 juillet 2011 - La desserte du cours Charlemagne et du nouveau quartier de la Confluence fut d'abord envisagée en métro mais la reprise des ouvrages du complexe de Perrache ne permit pas de trouver de solution à un coût supportable. L'arrivée du tramway a été vivement contestée. Le succès est cependant au rendez-vous. © transporturbain

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Saint Priest - Rue Edmond Rostand - 24 juillet 2017 - La section Porte des Alpes - Saint Priest fut mise en chantier presque dans la foulée de l'inauguration. Outil de rénovation urbaine, le tramway constitue l'axe structurant de la ville. La liaison vers Lyon est jugée lente du fait du passage par Bron, signe de la nécessaire complémentarité avec l'offre de bus qui emmène vers la ligne D du métro. © transporturbain

Alternance politique et évolution du réseau : la résurrection du CFEL

Malgré ce succès, le tramway fut victime de l’alternance politique : le projet de transformation de l’axe Gare Saint Paul – Vaulx en Velin fut abandonné, accusé par la nouvelle municipalité élue en 2001 d’être un instrument tuant le commerce local voulu par des « ayatollahs » des transports en commun. Le tramway était de fait exclu de l’hypercentre.

En revanche, juste avant les élections de 2001, le Grand Lyon, le SYTRAL et le Département du Rhône validaient le principe de transformation en tramway du Chemin de Fer de l’Est de Lyon, utilisé par quelques trains de marchandises depuis sa fermeture aux voyageurs en 1947. Deux services seraient mis en œuvre : le premier de type urbain entre la gare de la Part-Dieu et Meyzieu constituerait la ligne T3, exploitée par les Transports en Commun Lyonnais ; le second, concédé par le Département serait dédié à la desserte de l’aéroport Saint Exupéry.

Le choix du terminus à la Part Dieu provoqua de vifs échanges : alors que les études avaient défini un terminus sur le boulevard Vivier Merle, au cœur du quartier et en connexion directe avec T1, la nouvelle municipalité écartait ce choix et plaçait le nouveau tramway de l’autre côté de la gare. Malgré les réticences de l’enquête publique, et une prévision de trafic inférieure de 25% impactant l’économie générale du projet, le tramway desservirait la porte Villette de la gare. Mise en service le 4 décembre 2006, la ligne T3 reliait Meyzieu à la gare de la Part-Dieu en 25 minutes, contre plus d’une heure auparavant, avec des vitesses de pointe de 70 km/h. L’infrastructure était similaire à celle mise en œuvre par la RATP 10 ans plus tôt pour sa ligne T2.

En revanche, les usagers de cette nouvelle ligne se retrouvaient à l’opposé du quartier de la Part-Dieu, devant traverser le hall de la gare, complètement saturé aux heures de pointe, faisant perdre jusqu’à 10 minutes aux utilisateurs du T3. En résumé, le SYTRAL amenait le tramway là où les voyageurs ne voulaient pas aller

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Lyon - Place de Francfort - 18 avril 2008 - Renaissance exemplaire d'une ancienne ligne industrielle, qui faillit se retrouver transformée en voie routière rapide, la réalisation de la ligne T3 constitue un bon exemple de tramway express. Dommage que l'intermodalité à la Part-Dieu soit si médiocre... © transporturbain

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Lyon - Boulevard Honoré de Balzac - 7 avril 2012 - Le T3 a redonné vie au Chemin de Fer de l'Est de Lyon avec un succès indéniable appelé à être amplifié vu le rythme de constructions immobilières autour de la ligne. Le bâtiment de la gare de Villeurbanne a été heureusement préservé. © transporturbain

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Gare de Meyzieu - 3 juillet 2010 - Le bâtiment de l'ancienne gare de Meyzieu a été lui aussi conservé. La station est à 4 voies pour le dépassement du T3 par Rhônexpress. La voie est posée sur ballast mais rapidement, des dalles de gazon ont été posées. Notez la rame de 32 m en livrée blanche, sans aucune décoration. © transporturbain

Rhônexpress : la desserte de l'aéroport

Si la ligne T3 se concentre sur la desserte de l'est de l'agglomération sous l'égide du SYTRAL, le Département a pris en charge la réalisation d'une ligne de tramway rapide entre la gare de la Part-Dieu et l'aéroport Saint Exupéry, au moyen d'un contrat de concession. Le titulaire a ainsi été chargé de la construction des 8 km de double voie entre Meyzieu et la gare de l'aéroport, où une réserve avait été aménagée. Le Département avait préalablement racheté à la Région des réserves foncières acquises lors des études Satorail, qui envisageaient déjà une utilisation du CFEL pour relier le centre de Lyon et son aéroport, mais dans une option ferroviaire classique, connectée ensuite à l'axe Lyon - Grenoble. La partie urbaine du CFEL constitua rapidement un obstacle.

Le contrat d'une durée de 30 ans prévoit une subvention d'investissement du Département de 31,5 M€ et une subvention d'exploitation de 3,5 M€ par an, pour un projet dont le coût total atteint 120 M€, incluant 5 rames type Tango acquises auprès de Stadler et la construction d'un atelier de maintenance dédié à Meyzieu.

Le 9 août 2010, Rhônexpress et ses tramways rouges s'élançaient, avec un temps de parcours de 25 minutes entre Lyon et Meyzieu. Il fallut cependant, du fait de la hausse du trafic sur T3, engager une rame de plus, le temps de parcours passant à 28 minutes, ne permettant plus un aller-retour dans l'heure avec une rame. Rhônexpress propose un départ toutes les 15 minutes en journée, 30 minutes tôt le matin et le soir, avec une vitesse de pointe de 70 km/h en milieu urbain et de 100 km/h sur la section nouvelle entre Meyzieu et l'aéroport, ce qui est unique pour un tramway urbain en France.

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Aéroport Saint Exupéry - 14 février 2011 - Installations provisoires en gare Saint Exupéry en attendant l'achèvement des travaux de la station définitive du tramway. La fiabilité fu service a beaucoup joué sur le succès de ce service malgré tout un peu onéreux. © transporturbain

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Meyzieu - 1er octobre 2015 - Presque un petit chemin de fer. Train léger diront certains et une caténaire régularisée. Les Tango de Rhônexpress circulent ici à vive allure pour tenir l'objectif d'un temps de parcours inférieur à 30 minutes. © transporturbain

Premier grief porté au projet, sa tarification spéciale et un billet à l'origine à 13 €, porté depuis à 15,90 € avec des formules de tarif réduit pour les titres acquis par le site Internet. S'ajoute ensuite le succès de la relation et les bons résultats d'exploitation, avec jusqu'à 7000 voyageurs par jour, procurant un bénéfice net en augmentation régulière, atteignant 2,8 M€ en 2018. En outre, Rhônexpress avait obtenu un monopole, et avait fait interdire la desserte complémentaire par bus de l'aéroport.

En 2015, dans le cadre de la réforme territoriale, le SYTRAL s'est substitué au Département dans le rôle d'autorité organisatrice, et a obtenu gain de cause sur la desserte de l'aéroport par bus, compte tenu des bons résultats d'exploitation et des bénéfices dégagés. En dépit des critiques portées au coût de Rhônexpress, le service est fiable et la fréquentation deux fois supérieure à celle de l'ancienne desserte par autocars.

Vers le chapitre 4 : Le maillage du réseau (depuis 2009)

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