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transporturbain - Le webmagazine des transports urbains

Nice : le bus électrique 50 ans après le trolleybus

Coincée entre la mer et la montagne, la topographie escarpée de l’agglomération niçoise met bien évidemment en question le développement de la traction électrique… au-delà du réseau de tramways.

Comme Le Havre et Rouen, Nice a abandonné ses trolleybus en 1970. L’occasion pour transporturbain de rappeler la courte carrière de ce mode de transport dans la ville, qui a comme souvent été le moyen de moderniser le service de transports en commun par le remplacement des tramways… avant d’être emporté par les progrès – relatifs – de l’autobus, l’essence bon marché et le primat de l’automobile.

La desserte de Cimiez d’abord

Le trolleybus a été d’abord expérimenté sur la desserte de la colline de Cimiez, après de graves accidents survenus avec les tramways par la défaillance du freinage dans des rues en forte pente. Les installations furent ainsi sommairement modifiées au premier trimestre 1942 et 4 Vétra CS60 purent être livrés aux TNL : le 30 avril 1942, la ligne 35 reliait Cimiez à l’hôtel des Postes avant d’atteindre la place Gambetta le 7 décembre suivant, via l’avenue de la Victoire.

1942_nice_001

Présentation à Cimiez devant l'hôte Régina des premiers CS60 arborant alors la livrée crème des TNL. On note à l'arrière-plan la souris repliée, permettant le retour du courant sur les parcours vers le dépôt, où la ligne aérienne n'avait pas encore été modifiée. (document Vétra - collection AMTUIR)

Sans attendre, les TNL décidèrent de prolonger les lignes aériennes jusqu’à Saint Maurice, amorçant la conversion de la ligne 2 malgré les restrictions de la guerre à s’approvisionner en matériaux, le réseau gagna 2 nouvelles dessertes avec d’abord le prolongement de Cimiez à Rimiez le 29 mars 1944 et l’intégration de la desserte de Saint Sylvestre le 8 avril 1945. Le réseau de trolleybus comprenait alors 3 lignes :

  • 1 Place Defly – Saint Sylvestre
  • 2 Hôtel des Postes – Saint Maurice
  • 35 Place Gambetta – Cimiez – Rimiez (la desserte de Rimiez prenant l’indice 35A)

La liaison avec le dépôt de Sainte Agathe nécessitait l’usage de la souris : une perche au fil du tramway et le retour du courant par une tige souple en métal dans la gorge du rail, impliquant une certaine dextérité du machiniste.

Le service était assez soutenu, surtout en temps de guerre (Nice était encore en zone libre à cette époque), avec un intervalle de 9 à 12 minutes.

L’effectif des CS60 passait à 9 voitures, auxquelles s’ajoutaient 4 remorques Scemia pour augmenter la capacité. Sur 4 des 9 CS60, un moteur de Peugeot 202 avait été installé, comme à Paris, dans un coffre à l’arrière, pour franchir la place Masséna sans fils. C’était le premier trolleybus bimode en service commercial (à Paris, le moteur n’était utilisé que pour l’accès au dépôt).

Le remplacement des tramways

Bloqués en métropole, 5 TEA-1, préfiguration du VBB, destinés à Casablanca, circulèrent dans les rues de Nice pendant au moins 3 ans. La commande niçoise de VBB, portant sur 15 exemplaires, fut livrée entre 1947 et 1949, avec la conversion d’une nouvelle ligne. Les tramways abandonnaient la ligne 4 Saint Sylvestre – Hôpital Pasteur au trolleybus le 10 septembre 1948. Un VBBh complétait l’effectif en 1949, année au cours de laquelle les lignes 1 et 35 fusionnèrent une ligne 1/35 Rimiez – Saint Sylvestre.

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Nice - 1961 - Difficile de localiser ce cliché avec ce VBB circulant sur la ligne 7 mais en direction de la place Gambetta, alors que cette ligne effectuait habituellement son terminus au passage à niveau. Rue de l'hôtel des Postes ou rue de la Buffa ? © J.H. Manara

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Nice - Port - Septembre 1958 - Cliché intéressant de l'unique VBBh niçois, reconnaissable à ses baies de plus grande hauteur grâce au rehaussement du pavillon. A noter aussi la porte médiane. © J. Capolini

Au cours de la décennie 1950, le trolleybus emporta les dernières lignes de tramway :

  • 9 Port – Carras le 20 février 1952, prolongée à l’aéroport le 30 mai 1959
  • 7 PN – Riquier le 4 juin 1954
  • 10 Carras – Saint Laurent du Var le 30 mai 1959

Ces nouvelles lignes motivaient une nouvelle commande avec l’arrivée de 29 ELR entre 1954 et 1961, avec pour conséquence le retrait de l'exploitation des CS60, de capacité insuffisante. Ils ont été vendus au réseau du Havre.

Avec l’essor du trafic automobile, la ville de Nice instaura le 30 mai 1959 un nouveau plan de circulation : ce genre d’opération était en général fatal aux trolleybus mais ici, les TNL purent modifier le réseau et poser des bifilaires sur la rue Gioffredo pour assurer l’exploitation en parallèle au tracé initial par la rue de France.

1962-VBB-7A

Nice - Saint Sylvestre - 1962 - Héritage du groupe Mariage, les potelets d'arrêt étaient très... parisiens dans le choix des couleurs avec une forme légèrement différente. Notez la forme particulière de l'abribus de ce terminus important du nord de la ville. © J.H. Manara

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Nice - Aéroport - 1961 - La desserte de l'aéroport par la ligne 9 a constitué l'un des derniers développements du réseau de trolleybus niçois. Un ELR stationne en direction du port sur les aménagements très récents. Ces bifilaires ne serviront finalement que 10 ans. © J.H. Manara

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Nice - Rimiez - 1963 - Manoeuvre de l'ELR au terminus en triangle de Rimiez, un an avant la suppression de cette desserte. Sur cette vue, on peut apercevoir la hauteur du plancher au niveau de la base de la bande verte, héritage de l'autobus PLR à moteur central situé sous le plancher.  © J.H. Manara

Victimes des autobus standards… et du carnaval ?

La chute des trolleybus fut malheureusement rapide. Le carnaval semble en avoir eu raison puisque la manœuvre des lignes aériennes, adaptées en 1952 pour le défilé, fut jugée fastidieuse… malgré la création de boucles de retournement de services provisoires. Drôle d’argument, qui permettait dans un premier temps aux usines Berliet d’engranger de nouvelles commandes d’autobus PLR dont les qualités étaient loin d’égaler celles des trolleybus. Ensuite, les TNL commandaient des autobus Standards (Berliet PCMU et Saviem SC10U), pourtant peu performants sur des itinéraires à forts dénivelés.

Le mouvement fut cependant progressif :

  • la ligne 4 fut convertie à l’autobus dès le 22 juillet 1963 ;
  • la ligne 1/15 Saint Sylvestre – Cimiez – Rimiez était en partie convertie à l’autobus le 4 mai 1964, le service électrique étant conservé entre la place Masséna et Cimiez jusqu’au 19 juillet 1970, dernier jour de service des Vétra aux TNL ;
  • les lignes 9 Port – Aéroport et 10 Port – Saint Laurent du Var le 8 juillet 1969 ;
  • la ligne 7 Riquier – Saint Sylvestre le 7 mai 1970.

Il faut aussi noter qu’avec l’électrification de la liaison ferroviaire Marseille – Vintimille, la SNCF et les TNL adoptèrent une solution demeurée unique… et éphémère : les poteaux de la caténaire ferroviaire installés en 1968 supportaient aussi la ligne aérienne de trolleybus pour simplifier l’équipement à la traversée du Var.

1968-ELR-9garibaldi

Nice - Place Garibaldi - 1968 - Les derniers mois de l'exploitation du 9 en ELR. Ces véhicules avaient encore fière allure et étaient bien entretenus. Aujourd'hui, le tramway passe exactement au même emplacement. © J.H. Manara

La suppression des trolleybus est donc intervenue alors que les TNL disposaient de véhicules très bien entretenus et d’âge encore limité, grâce aux 29 ELR, mais il fallait préparer le renouvellement des VBB. La disparition de Vétra en 1966 mit les réseaux en difficulté, et Nice n’y échappa pas : le réseau aurait peut-être été sauvé par l’unification du parc en ELR, en remplaçant aussi les VBB. Mais au-delà de ces arguments techniques, les considérations politiques ont évidemment pris le dessus…

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Nice - Place Masséna - 1964 - La place Masséna était aussi en partie un parking. Cet autobus PH80 était à l'époque parmi les plus puissants en France, mais peinait à égaler les performances des trolleybus... avec un niveau sonore à bord en nette hausse ! © J.H. Manara

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Nice - Place Masséna - 1964 - Au même endroit, un autobus PLR, duquel a dérivé l'ELR électrique. Eux aussi ont eu bien du mal à faire oublier les qualités des trolleybus... © J.H. Manara

Aujourd’hui : des autobus électriques ?

La ligne 12, qui emprunte la Promenade des Anglais, est la première – et pour l’instant la seule – à tester des autobus électriques avec recharge au terminus : il s’agit de GX337 produits par Heuliez avec une technologie ABB. Moins de batteries embarquées à bord pour une autonomie correspondant à un parcours normal. Si cette solution semble avoir l’avantage d’alléger le véhicule et de ne pas lui imposer un retour au dépôt en fin de charge, le dispositif de recharge crée une dépendance systémique à un industriel. En outre, ce système nécessite une bonne régularité des circulations puisqu’il ne permet de recharger qu’un véhicule à la fois.

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Nice - Promenade des Anglais - 1982 - La ligne 12 a été une fidèle de la Promenade. Un SC10U la quitte pour rejoindre la place Masséna. Cet autobus de bonne facture, mais de puissance limitée, a contribué à l'élimination des trolleybus. © J.H. Manara

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Nice - Avenue de Verdun - 19 janvier 2020 - Au même endroit, mais dans l'autre sens et 38 ans plus tard, c'est un GX327 qui assure le service de la ligne 12 en direction de Saint Laurent du Var. © transporturbain

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Nice - Avenue Saint Sébastien - 20 janvier 2020 - Ce GX337 électrique semble attendre que le pantographe descende pour entrer en contact par induction avec le dispositif de recharge des batteries. Un rouge très élégant est appliqué à ces véhicules pour les distinguer du reste du parc niçois. © transporturbain

Un demi-siècle après la disparition du trolleybus à Nice, la traction électrique sur un mode routier fait son retour, avec un dispositif ponctuel. Après le choix d’une recharge au sol en station sur les sections aériennes des lignes 2 et 3, il semble maintenant difficile d’envisager une solution avec une ligne aérienne pour les lignes complémentaires, mais il faudra aussi que le dispositif expérimenté sur la ligne 12 fasse ses preuves techniquement et économiquement.  

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