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transporturbain - Le webmagazine des transports urbains

Maîtriser l'étalement urbain pour reconquérir la ville

Une question de temps, de moyens et de conviction

Il y a donc urgence à engager une rupture pour espérer atteindre l’objectif, mais elle sera d’autant plus forte que son mécanisme est connu de longue date. Il est cependant complexe car nécessite non seulement des moyens budgétaires importants et une certaine constance dans l’action car les effets ne se feront réellement sentir qu’à l’échelle d’une décennie au moins. Et il faudra compter sur des critiques, des oppositions voire des blocages, comme on le voit déjà régulièrement sur divers projets d’urbanisme et même sur des projets de transports en commun.

L’épine dorsale de cette transformation réside dans un nouveau modèle spatial dans les Schémas de Cohérence Territorial (SCoT) fondé sur une densité soutenable afin d’arrêter la fuite en avant de l’étalement urbain et ses conséquences : artificialisation des sols, augmentation des distances parcourues, congestion des axes de circulation... Il s’appliquerait aussi bien les grandes métropoles que les petites villes avec des principes communs mais adaptés à la configuration des villes :

  • l’arrêt des autorisations de construction de logements et de locaux commerciaux au-delà du bâti existant, avec en parallèle l’incitation à adapter le bâti existant et ses interstices et en tolérant aussi pour les nouvelles constructions un à deux étages supplémentaires ;
  • une coordination entre les projets d’aménagement et les service de transport en commun, tant pour la création de nouveaux quartiers que pour la transformation de quartiers existants, selon le nombre de logements et d’emplois prévus ;
  • l’implantation des équipements publics à proximité d’une desserte régulière par transports en commun (alors qu’on voit par exemple apparaître des agences Pôle Emploi dans des zones commerciales inaccessibles en transports en commun) ;
  • la réduction du trafic automobile au profit de la marche, des transports en commun et de l’usage du vélo dans un schéma multimodal qui ne peut exclure la voiture, en particulier dans le périurbain existant et dans les petites villes, ne serait-ce que pour le rabattement et par le simple fait que les transports en commun ne pourront pas couvrir l’ensemble des besoins de déplacement ;
  • une incitation, par exemple par un levier fiscal, à la réduction des distances parcourues pour les déplacements domicile-travail et à l’usage de modes de transports à faibles émissions.

Pour autant, à court terme, il reste difficile de s’affranchir de mesures autour de l’automobile, avec des aides au renouvellement des voitures par des modèles moins polluants, ne serait-ce que du fait de son rôle global assez durablement important, ou encore l’adaptation du barème des indemnités kilométriques, mais ces mesures ont en principe un effet décroissant dans le temps.

Cependant, lorsque l’Etat incite la population à élargir le périmètre de recherche d’emplois, il provoque de fait un accroissement de la dépendance à l’automobile, ce qui amène évidemment à questionner les logiques d’implantation des activités économiques sur le territoire.

C’est aussi la traduction d’une France perçue d’abord autour d’une dizaine de grandes villes… en ayant tendance à négliger un peu les autres et notamment celles de moins de 100 000 habitants, souvent touchées par le déclin industriel et un moindre maillage des services publics. Ce que certains chercheurs appellent « la France périphérique ». Un aménagement durable du territoire suppose certes une certaine densité urbaine mais aussi un semis d’agglomérations intermédiaires bien équipées en services et disposant d’un tissu d’activités évitant l’hyerdepéndance aux métropoles.

Quelques exemples de pratiques coordonnées

  • En Suisse, l'Office Fédéral du Développement Territorial, par son Programme en faveur du trafic d'agglomération initiée en 2006, apporte une subvention confédérale de 30 à 50 % du coûts de projets de transports publics afin d'encourager principalement l'urbanisation au sein du milieu déjà bâti. Il s'agit tout à la fois de grands projets type tramway dans les principales villes que de l'amélioration du service de bus dans les petites villes (imaginez des localités de moins de 10 000 habitants avec 2 lignes d'autobus proposant un service tous les quarts d'heure...) ou de l'aménagement des pôles d'échanges autour des gares.
  • En Allemagne, cette « planification intégrée » a été votée dès 1965 et renforcée en 1991 en limitant les possibilités d’extension de la ville aux corridors desservis par le réseau ferroviaire et des moyens lourds de transports urbains (tramway en général, métro pour les plus importantes). D'où un modèle urbain plus compact, dans lequel l'habitat collectif de petite taille (moins de 10 logements) représente 60 % du bâti hors centre ancien. A Stuttgart, les documents d’urbanisme interdisent strictement toute construction qui serait située à plus de 500 m d’une station de transports en commun lourd. A Münster, 75 % des constructions récentes (depuis les années 1990) sont situées à moins de 1500 m d'une gare et à moins de 800 m d'un noyau de commerces et de services de proximité.
  • Dans ces deux pays souvent cités en exemple, la coordination tarifaire entre les réseaux de transports urbains et interurbains (ferroviaires comme routiers) est une pratique déjà très ancienne, qui reste encore l’exception en France.

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Thoune - Bahnhofplatz - 14 avril 2016 - Comptant 44 000 habitants, la ville de Thoune disposa jadis d'un réseau de trolleybus. Elle dispose aujourd'hui d'un réseau d'autobus maillant la ville, connecté à la fois au réseau ferroviaire mais aussi aux autres modes de transport comme les bateaux sur le lac de Spiez ! © transporturbain

Incontournables transports en commun

En être encore à le rappeler montre que les progrès ne sont jamais définitivement acquis, comme on le verra dans les chapitres suivants. On peut cependant d'abord mesurer les progrès réalisés, à la faveur de quelques clichés.

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Bourges - Place Planchat - 1979 - Au creux de la vague, les réseaux urbains des villes moyennes étaient considérés comme un pis-aller pour des clients captifs. Aussi, les investissements étaient faibles. A gauche, les voyageurs embarquent avec difficulté, sans trottoir, dans un PH12/100 dont la conception a déjà près de 30 ans. A droite, un PR100MI plus moderne, témoignant d'un début de modernisation. © J.H. Manara

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Besançon - Place du 8 septembre - 1985 - Réseau pionnier par la volonté politique de limiter la circulation automobile dans le coeur de ville, Besançon engagea une modernisation rapide du réseau, notamment avec l'acquisition de Berliet PR100PA. © J.H. Manara

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Besançon - Place de la Révolution - 20 août 2015 - Besançon fut ensuite la première à se lancer dans l'aventure du tramway court conçu sans fioritures pour le rendre accessible aux finances des villes moyennes. Opération réussie... mais le tramway ne peut prétendre à l'exclusivité de la politique d'urbanisme. Il faut aller au-delà du symbole. © transporturbain

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Dijon - Palais des Ducs de Bourgogne - 1985 - Autre réseau ayant fait partie des références pour les agglomérations de taille moyenne, Dijon avait accordé une priorité aux transports en commun en fermant la rue de la Liberté aux voitures dès 1978. Résultat, une ville assez compacte. © J.H. Manara

La poursuite de l’amélioration des transports en commun, par l’amélioration de leur maillage, de leur capacité et de leur performance est un pilier essentiel de cette nouvelle planification urbaine. Les progrès accomplis en France dans les grandes agglomérations sont significatifs, incarnés notamment par les métros de Marseille, de Lyon, de Lille puis le retour du tramway à la française, généralement vecteur d’une transformation des itinéraires. Il ne s’agit pas seulement de créer un système de transport, mais aussi de repenser l’espace public et notamment la voirie, souvent en y intégrant une dimension végétale : replanter des arbres et engazonner la plateforme (atout du tram par rapport à tous les modes routiers !) participent à l’agrément de l’espace public mais aussi à réduire la température ambiante de l’axe par rapport à une configuration routière.

Un changement de dimension est toutefois indispensable pour accélérer le report modal et revenir à un modèle spatial urbain plus économe en espace, ce qui nécessitera à la fois des moyens, de la conviction et de la permanence dans l’action.

Dans les grandes villes, outre les projets de TCSP, il faut évidemment mettre en exergue le développement des dessertes ferroviaires type RER en prenant garde à ce qu’elles concourent d’abord à maîtriser les flux automobiles existants plutôt qu’à inciter la population à aller toujours plus loin et donc perpétuer le modèle extensif : la maîtrise du foncier et les politiques de transport public sont bien étroitement liées. Il faut aussi élargir la focale et ne pas uniquement s’intéresser aux liaisons radiales : les rocades au sein de la banlieue constituent encore le point faible de nombre de métropoles où des solutions en BHNS voire en tramway dans certains cas seraient appropriées.

Pour les agglomérations de plus petite taille, l’effort portera principalement sur les réseaux de bus avec pour objectif de standardiser une desserte au moins à la demi-heure sur le maillage primitif et l’organisation de l’intermodalité, y compris avec la voiture.

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Rodez - Place d'Armes - 24 juillet 2014 - Circulation fluide dans une agglomération de taille modeste : l'autobus résumé à une fonction subalterne ? Même l'éloignement de la gare, située en contrebas de la ville, ne semble pas suffire à valoriser le service urbain... d'autant que l'offre ferroviaire reste faible. © transporturbain

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Chinon - Quai Jeanne d'Arc - 30 mars 2019 - La petite cité royale dispose d'un service de minibus, témoignant de la prise en considération - fut-elle minimale - de la nécessité de proposer un service de transports en commun. Mais il y a encore fort à faire pour rendre ce service visible et l'adapter à l'ensemble des publics ! © transporturbain

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Brive la Gaillarde - Place du Marché - 26 septembre 2015 - Célèbre grâce à Georges Brassens, le marché de Brive la Gaillarde est aussi le point central du petit réseau urbain. Les efforts d'aménagement sont réels mais l'utilité du service reste encore peu évidente pour une population vivant et consommant de plus en plus en périphérie de la ville... © transporturbain

Il s’agira aussi de développer la desserte des réseaux de villes à l’échelle d’une Région, via le couple train – autocar, tout en essayant d’éviter d’accentuer la dépendance des petites villes aux grandes. Exemple : une fréquence minimale aux 2 heures sur toutes les lignes et des schémas coordonnés train – autocar tant sur le plan géographique (compenser les lacunes du réseau ferroviaire, par exemple de Troyes vers Chalons-en-Champagne et vers Nancy via Saint-Dizier) que hiérarchique (alimenter le train par des dessertes routières en correspondance optimisée).

Et le vélo ?

Le rôle du vélo est à appréhender de façon particulière pour ne pas reproduire avec lui les excès passés avec la voiture (que nous abordons dans la suite de ce dossier). Si on se focalise souvent sur les grandes villes, c’est aussi et surtout dans les plus petites qu’il peut naturellement occuper une place de choix compte tenu des distances structurellement plus faibles, mais où l’effort pour disposer d’itinéraires adaptés et sécurisés sur les entrées de ville posera probablement le plus de questions quant à leur acceptabilité. C’est en revanche dans ces villes qu’il serait le plus facile de restreindre la circulation (livraisons, riverains, transports en commun) et proposer des espaces d’abord conçus pour les piétons.

Dans les grandes villes, le vélo, est, entre autres, un complément aux transports en commun, notamment pour écrêter les heures de pointe sur les axes centraux et constituer un mode d’accès aux réseaux structurants, notamment aux gares, évidemment à condition d’organiser les cheminements et le stationnement.

Suite du dossier

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