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transporturbain - Le webmagazine des transports urbains

Les tramways de Lille : le réseau urbain

Au 19ème siècle, Parallèlement à l’activité minière, le développement de l’industrie textile entraîna un important afflux de population à Lille et dans les villes de Roubaix et Tourcoing, en lien avec l’arrivée du chemin de fer. Le besoin d’un service de transport en commun se fit aussi ressentir au sein de ce qui ne constituait pas encore une conurbation. Lille disposa de son propre réseau de tramways, tandis que se développait celui de Roubaix – Tourcoing. Au début du 20ème siècle, la réalisation de larges boulevards entre les trois villes intégra la réalisation de tramways interurbains, qui ont traversé les époques, et résisté à la vague de démantèlement. L’agglomération lilloise fait donc partie des trois villes qui ont toujours maintenu au moins une ligne de tramways.

Les premières lignes

Le tramway à Lille apparut très tôt, puisque dès 1872 MM. Marsillon et Philippart, fondant la Compagnie des Tramways du Département du Nord, obtenaient la concession de 4 lignes, dont les deux premières étaient mises en service le 7 juin 1874 entre la gare et la porte de Béthune, l’une par la rue Nationale et l’autre par la rue Gambetta. Six mois plus tard, la troisième, toujours au départ de la Gare, rejoignait la porte d’Arras, suivie en juin 1875 par la ligne de la porte des Postes. Toutes étaient établies à voie normale et à traction hippomobile.

Le succès du premier réseau incita la Ville à concéder de nouvelles réalisations mises en service en 1876 avec les lignes Gare – Porte de Douai, Grand Place – Lion d’Or et Gare – Fives. Trois ans plus tard, trois nouvelles lignes atteignaient Haubourdin, Canteleu et Pont de Marcq.

Les prolongements au-delà des fortifications, vers des faubourgs déjà étendus, remettaient en cause le choix de la traction animale. Ainsi, l’extension de la ligne F (Grand Place – Lion d’Or) jusqu’à Roubaix, mise en service en juillet 1880, fut l’occasion d’engager les premières motrices à vapeur de type Hugues puis Carrels, avant d’adopter les machines sans foyer Francq, également retenu en 1889 pour le prolongement de la ligne J (Lille - Pont de Marcq) à Tourcoing.

En dépit des avantages procurés, la ville demeurait réticente et maintenait la traction animale sur les nouvelles lignes : Lambersart fut atteint en 1891, la douane de Fives en 1894, Wambrechies en 1895 et la ligne circulaire mise en service en 1896.

De la mécanisation à l'électrification

Quelque peu désuet, le réseau devait rapidement subir la comparaison avec les tramways voisins de Roubaix et de Tourcoing, plus rapidement convertis à la traction électrique. L’extension du réseau, l’augmentation du trafic et la demande croissante d’une population sans cesse plus nombreuse n’était plus compatible avec cette opposition de la Ville à des moyens de transports modernes. La Ville chercha d’abord à imposer la traction mécanique, comme l’automotrice Serpollet, puis s’orienta vers la traction électrique, mais avec accumulateurs : autant d’échecs qui finirent par la convaincre de la seule solution possible, le fil aérien. La Ville s’y résolut, mais exigea le caniveau souterrain sur certaines places, ainsi que les rues Nationale et Faidherbe.

En 1901, la compagnie changea de raison sociale pour devenir les Tramways Electriques de Lille et sa Banlieue, alors que les premières motrices électriques apparurent sur la ligne E Porte de Douai – Esplanade. En moins de trois ans, la traction animale disparut. L’électrification rendait possible de nouvelles extensions vers Wattignies, Le Quesnoy sur Deûle, Saint André, Hellemmes et Le Buisson. On pouvait aller à Roubaix et à Tourcoing mais par des itinéraires peu rapides. En 1908, la ligne X achevait la constitution du réseau en atteignant Lambersart par un second itinéraire.

195 motrices électriques furent construites pour exploiter cet important réseau, auxquels s’ajoutaient 103 remorques issues de l’époque hippomobile.

Les TELB durent affronter avec difficulté la première guerre mondiale Lille étant occupée, privant le service d’une part importante de sa main d’œuvre et du fait de la réquisition de nombreuses motrices. En 1918, le réseau était en mauvais état, l’usine électrique ravagée, les voies hors d’usage sur de nombreuses sections, tandis que les trois quarts du parc étaient détruit ou fortement endommagé.

Dès 1919 commença la reconstruction des infrastructures : le caniveau fut à cette occasion abandonné. Sur les châssis récupérés, les TELB construisirent 96 motrices de type 500 et 59 de type 900, variante allongée pour augmenter la capacité. En six mois, le service put être partiellement rétabli. Il fallut toutefois attendre 1922 pour que le réseau soit à nouveau entièrement opérationnel.

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Lille - Place de la gare - Vers 1923 - Une motrice 500 la ligne B, issue du programme de rénovation du réseau engagé après la première guerre mondiale. Le fil aérien a pris ses quartiers en centre-ville. (carte postale)

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Source : Histoire des transports dans les villes de France, Jean Robert

Une modernisation partielle

La reconstruction du parc, avec des moyens de fortune, ne pouvait être qu’une solution provisoire : l’augmentation du trafic nécessita rapidement la mise à l’étude de motrices neuves. En 1928, était présentée la motrice 700 à essieux radiants, puis la motrice 701, dont les deux essieux extrêmes étaient guidés par un essieu central muni de roues de faible diamètre. Sur cette base 16 autres motrices, furent construites en 1932. La série des 800, au truck classique à deux essieux, fut construite à 81 exemplaires entre 1934 et 1935. Nerveuses avec deux moteurs de 50 CV, elles assuraient la totalité du service, à l’exception de la ligne I, du domaine des 700. Les 6 motrices série 600 provenaient elles aussi d’une reconstruction des voitures d’avant 1914.

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Lille - Place des Reignaux - vers 1937 - Dans le centre de Lille, les sections en voie unique permettaient aux tramways de circuler dans d'étroites rues. Cette motrice 800 de la ligne F approche d'un évitement. (carte postale)

La croissance du trafic automobile, conjuguée à l’étroitesse des rues du centre de Lille, mais aussi à la concurrence de l’ELRT, mettaient en difficulté les TELB, faisant face à un mouvement d’hostilité grandissant à l’égard du tramway. Dès 1929, la compagnie abandonna la section Marcq – Tourcoing de la ligne J et réduisit le service vers Roubaix sur la ligne D. L’autobus fit son apparition en 1933 : il ne tarda pas à se montrer un redoutable concurrent, mais les TELB parvenaient à maintenir la plupart des lignes jusqu’en 1939, misant sur un parc de mois de 10 ans d’âge moyen.

La deuxième guerre mondiale entraîna rapidement des difficultés importantes et des dommages du fait des bombardements. Malgré les difficultés d’approvisionnement, les TELB transformèrent 8 motrices série 900 en motrices série 600 par la construction de caisses neuves.

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Lille - place de la gare - vers 1960 - Issues de la reconstruction de motrices 900, les 600 et leur allure de fer à repasser marquaient la volonté de maintenir, avec des moyens réduits, le fonctionnement des TELB. (carte postale)

Les tramways lillois résistent

A la libération, en dépit d’études sommaires sur une motrice PCC pour le service urbain, l’essor de l’automobile menaçait fortement les tramways. La circulation de tramways en voie unique à contresens des automobiles provoqua une levée de boucliers à laquelle les TELB, favorables aux tramways, résistaient. En outre, la suppression de certains passages à niveau permettait enfin la continuité des services par la suppression des transbordements sur des lignes L et E. En avril 1951, une antenne dessert la cité de la Délivrance par la ligne I, constituant l’ultime réalisation de tramways en France avant le renouveau des années 1980.

En 1950, les TELB exploitent encore 12 lignes de tramways avec 115 motrices :

  • B : Hellemmes – Porte de Béthune
  • C : Gare – Passage à Niveau d’Arras
  • D : Gare – Passage à Niveau des Postes
  • E : Gare – Ronchin
  • F : Grand Place – Roubaix
  • H : Gare – Haubourdin
  • I : Gare – Lomme
  • J : Gare – Marcq
  • L : Grand Place – Wattignies
  • O : Grand Place – Wambrechies
  • V : Cattinat – Buisson
  • X : Grand Place – Lambersart

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Lille - Pont Royal - 22 décembre 1956 - La motrice 874 assure un service sur la ligne I barré. La réclame s'installe sur le toit, sur les vitres mais aussi sur les pare-chocs, au nom d'une célèbre entreprise de conserves. © J. Bazin

La Ville obtient la suppression des tramways

En 1955, la concession des TELB expirant, la ville confie le réseau à la Compagnie Générale Industrielle de Transport, qui engage un plan de suppression des tramways. Cependant, la population demeurait partagée quant à l’intérêt de l’opération. Entamé en 1956, le programme fut essentiellement mis en œuvre entre 1960 et 1965, c'est-à-dire très tardivement par rapport aux autres villes françaises.

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Plan du réseau lillois en 1963. Les derniers tramways figurent en vert.

Si l’Europe n’échappait pas à un mouvement de contraction partielle ou totale des réseaux de tramways, l’arrivée de matériels modernes montrait que ce mode de transport bénéficiait d’un potentiel important. La ligne B disparut la dernière, le 29 janvier 1966.

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Lille - Porte de Gand - 1963 - La motrice 862 effectuant un service J barré s'apprête à passer sous le célèbre bâtiment de la porte de Gand. Les motrices présentaient un état très correct malgré le démantèlement programmé du réseau. © J.H. Manara

La fin des tramways de Lille à la télévision

transporturbain vous propose en outre de visionner deux archives de l'ORTF particulièrement instructives. Le 29 janvier 1966, ce reportage des actualités régionales suivait le dernier jour d'exploitation du B. Quatre jours plus tard, le 2 février 1966, la disparation du B passa au journal télévisé. Il est intéressant d'écouter les propos d'usagers de différentes générations : le tramway restait apprécié et l'autobus n'avait guère les faveurs que des automobilistes. Quant au directeur du réseau interviewé le 2 février, il ne cache guère ses réserves sur la pertinence de la suppression des tramways, tandis que la conclusion du reportage insiste - déjà - sur les effets de la pollution...

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