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transporturbain - Le webmagazine des transports urbains

Les tramways de Bruxelles (3) : entre modernisations et contractions

Une décennie de fermetures au profit de l'autobus

Un mouvement de remplacement des tramways par des autobus allait débuter en 1955 : à cette date, 243,7 km d’infrastructures quadrillaient l’agglomération. Il n’en restait que 217,4 km en 1960 dont un tiers disposant de voies séparées du trafic automobile. Dans le même temps, le réseau de bus voyait son linéaire multiplier par 7, passant de 20 à 135 km.

La décennie 1960 fut encore moins favorable aux tramways en dépit des apparences : matériel en cours de renouvellement, rénovations et amélioration de l’exploitation par d’importants investissements ne doivent pas cacher le mouvement important de contraction du réseau. Si on comptait 217,4 km de lignes en 1960, il n’en restait plus que 175,6 dix ans plus tard. Bref, la STIB modernisait une partie du réseau à peu de frais avec des autobus.

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Sur les boulevards à la fin des années 1950 - L'axe Nord-Midi vit au rythme incessant des cafés, des cinémas et des tramways. Cepdendant, une une décennie, cette image va être sérieusement remise en cause par le développement de l'automobile. (collection M. Reps)

Outre le réseau de la STIB, Bruxelles subit aussi le démantèlement du réseau à voie métrique de la Société Nationale des Chemins de fer Vicinaux (SNCV) desservant le nord, ouest et le sud de la capitale, qui s’opéra méthodiquement de 1964 à 1978 pour éliminer les 18 lignes qui le composaient.

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Place Rogier dans les années 1960 - Deux Standards de la ligne 59 à voie normale croisent un convoi de motrices S de la SNCV : la cohabitation entre les deux réseaux va être réglée par un élagage en règle du réseau vicinal, qui montrera que supprimer les tramways, c'est possible... (collection M. Reps)

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Bruxelles - Chaussée de Louvain - 23 septembre 1960 - Beaucoup de différences entre les deux tramways : voie normale à gauche, voie métrique à droite ; flèche pour le matériel urbain, archet pour le vicinal ; et un matériel plus moderne sur la ligne interurbaine. Et pourtant... © R. Temmerman

La période 1961-1964 impacta principalement la périphérie, y compris des sections ouvertes après la deuxième guerre mondiale ! En revanche, à partir de 1967, après 3 années de répit, le mouvement reprit et concerna assez nettement le cœur du réseau.

Une modernisation du matériel à l'économie

Néanmoins, le matériel bénéficia d’investissements, d’abord assez limités puisque les livraisons de PCC furent interrompues après la réception de 156 motrices. Ainsi, 101 motrices Standards furent modernisées et recarrossées entre 1959 et 1961, leur donnant une allure de « mini-PCC », avec exploitation à agent unique. Cependant, l’augmentation des porte-à-faux procurait aux 9000 un comportement assez médiocre.

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Au croisement de la chaussée d'Etterbeek et de la rue Belliard - Vers 1962 - Comment donner un coup de jeune à une Standard ? Construisez-lui une caisse lui donnant l'air d'une PCC qui n'aurait pas fini sa croissance ! Une idée plutôt maline, mais l'augmentation du porte-à-faux saute aux yeux, procurant un comportement particulier : c'est le seul tramway qui peut provoquer le mal de mer ! (collection M. Reps)

Dans la même veine, avec 2 motrices Standards réunies par une caisse-nacelle, la STIB constitua 43 rames articulées dans le style « deux pièces cuisine » : les 4000, adoptant elles aussi l’allure d’une PCC, étaient alors les premières motrices articulées de série du réseau bruxellois, mises en service en 1963. Ne pouvant guère cacher la rusticité de leurs organes de roulement et de leur motorisation, les 4000, participaient également à la réduction des coûts d’exploitation avec 2 agents au lieu de 3 pour un convoi Standard de capacité de surcroît légèrement inférieure.

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Schaerbeek - Place Eugène Verboekhoven - 1er mai 1969 - Autre solution pour moderniser à peu de frais le matériel : prenez cette fois deux motrices Standards, recarrossées et réunies par une nacelle. L'illusion est presque parfaite, si ce n'est le roulement et la motorisation... La modernisation des 4000 a précédé l'arrivée des vraies PCC articulées. (collection M. Reps)

La chute de la fréquentation du réseau, de 4 à 6 % par an, avait fortement altéré les recettes, qui ne couvraient plus que 25% des coûts d’exploitation. L’Etat décidait de réduire l’offre, amplifiant la baisse de trafic, mais dut consentir à de nouvelles commandes de matériel roulant. En 1962, est mise en service une motrice prototype, le premier tramway articulé de cette série dans le monde : elle fut alors numérotée 7501, unidirectionnelle, n’est cependant motorisée qu’aux deux tiers, avec 2 bogies moteurs et un bogie central porteur. Conçue pour le service à 2 agents, elle est équipée d'une triple porte arrière.

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Schaerbeek - Place Liedts - Juillet 1981 - Caroline, surnom donné au prototype PCC articulé numéroté 7500 après l'arrivée des rames de série. Cette rame dispose de 2 bogies moteurs, alors que les rames de série seront à adhérence totale. (collection M. Reps)

Emergence du projet de métro et rationalisation du réseau de tramways

Avec des pics de trafic à 15 000 passagers par heure, certaines sections centrales du réseau, comme la rue de la Loi, l’axe Nord – Midi et la Petite Ceinture étaient en limite de saturation, malgré l'érosion du trafic. La création de tunnels pour fluidifier le trafic des tramways – et par ce biais libérer la chaussée au profit du trafic automobile – était aussi le moyen de réaliser progressivement un métro dans la capitale belge.

Le premier plan en 1964 proposait une première liaison entre la gare du Nord, la gare du Midi et la chaussée d’Alsemberg, une deuxième sur la Petite Ceinture avec une antenne de la porte de Namur vers la place Flagey et sur l’avenue Louise pour s’affranchir du goulet, et enfin un troisième axe de Schuman vers la porte de Ninove avec antenne vers la place de l’Yser.

Trois ans plus tard, un second plan était exposé, plus ambitieux, qui aurait eu pour conséquence de limiter le réseau de tramways à 3 lignes de rocade : Heysel – Midi – Petite Ile / Fort Jaco, Wielemans – Flagey – Mérode – Liedts et Vilvoorde – Schaerbeek – Grande Ceinture – Jupiter.

Dans ce contexte, le remplacement des tramways par des autobus dans le centre de Bruxelles allait être accéléré, misant sur l’image plus moderne des autobus par rapport à celle des tramways, moins compatibles avec le développement du trafic routier. Qui plus est, le trafic du réseau avait chuté de plus de 40% par rapport à 1945. Outre le développement de l’automobile, la télévision a aussi contribué à cette érosion du trafic, avec l’effondrement de la fréquentation des cinémas des boulevards, entrainant rapidement l’élagage des offres en soirée mais aussi le week-end.

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Bruxelles - Boulevard Anspach - 24 septembre 1969. Avec plus de 30 ans de carrière, les 5000 sont encore indispensables à l'exploitation du réseau malgré les vagues de contraction, qui ont d'abord permis la réforme des convois Standards nécessitant 3 agents. (collection M. Reps)

C’est ainsi que débuta le 31 octobre 1967 un vaste mouvement de réorganisation du réseau, décomposé en 6 phases jusqu’au 16 avril 1968, impactant les deux tiers des lignes. De nombreux troncs communs ont été supprimés, outre la suppression de nombreuses sections et lignes entières. Il fallut en parallèle revoir la tarification du réseau puisque celle-ci n’admettait pas les correspondances : la STIB créa d’une part des points de transit gratuit localisé et d’autre part 3 lignes baptisées 101, 102 et 103 dites de transit généralisé sur la Petite Ceinture, dont l’accès était possible sans supplément depuis les lignes adjacentes aux correspondances.

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Bruxelles - Square Auguste Smets - 1er janvier 1982 - La ligne 101 fut l'une des trois lignes dites à transit généralisée autorisant la correspondance, solution trouvée par la STIB pour rationaliser le réseau sans - trop - pénaliser les voyageurs. La PCC n°7118 est équipée d'un pantographe : la flèche a disparu, avec l'usage des tunnels du prémétro. (collection M. Reps)

L’année 1968 voyait pour la première fois le trafic du réseau urbain passer sous la barre des 200 millions de visiteurs.

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Bruxelles - Rue du Trône - 24 septembre 1960 - Des images en voie de disparition : les convois Standards vont être chassés d'un réseau qui subit au cours de la décennies un sérieux élagage, et par la poursuite des commandes de PCC. En priorité, les tramways vont disparaître des rues étroites. Notez à droite la section imbriquée qui s'amorce sous le convoi de la ligne 33. © R. Temmerman

Cette restructuration précédait la mise en service des premières sections de prémétro. Bruxelles commençait donc par enterrer ses tramways dans des ouvrages conçus pour accueillir ensuite un métro à grand gabarit. A ce sujet, consultez le dossier spécifique de transporturbain.

Le 20 décembre 1969, la circulation des tramways était reportée dans le nouveau tunnel relia Schuman à la place Sainte Catherine. Le matériel roulant autorisé dans ce nouvel ouvrage devait être équipé d’un pantographe et d’un contrôle automatique de vitesse.

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Vers 1972 - Pour circuler dans les tunnels du prémétro, le matériel a été modifié, avec notamment l'installation d'un pantographe, en plus de la flèche. Notez aussi la transition sur l'exploitation : le macaron rouge sous le pare-brise indique une rame exploitée par un seul agent. Le service de la ligne 81 semble perturbé comme en atteste la litanie de messages complémentaires sur des plaques posées sur le tableau de bord. (collection M. Reps)

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Bruxelles - Station Luxembourg - 1974 - Triple opportunité pour ce cliché qui nous permet d'illustrer la naissance du prémétro, l'arrivée des PCC doubles, avec la motrice n°7501, première rame de série, et les lignes de transit généralisé 101-102-103. (collection M. Reps)

L’année suivante, une première section souterraine était mise en service sur la Petite Ceinture, entre Madou et la porte de Namur, complétée en 1974 d’une section Rogier – Botanique.

A l’issue de cette restructuration et de la mise en service des premières sections de prémétro, les tramways avaient complètement disparu de l’hypercentre de Bruxelles, à l’exception de l’axe Royale – Poelaert – Louise.

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Molenbeek - 24 mai 1968 - Certaines motrices Standard ont été reconstruites en 1967-1968 : on les reconnait à la suppression de la plaque de ligne, remplacée par une girouette à film. La motrice n°1514 a bénéficié d'une telle rénovation. Elle cicule sur la ligne 102, ceinture Midi - Midi via Rogier, Ribeaucourt et la chaussée de Ninove. © J. Van der Gucht

Au cours de la décennie 1970, la STIB prit possession de 188 PCC articulées dont 127 à 2 caisses et 61 à 3 caisses, rejoignant le prototype de 1962, qu fut renuméroté 7500. Cependant, les nouvelles rames étaient à adhérence totale, contrairement au prototype qui n’avait été réalisé qu’avec 2 bogies moteurs. Parmi les PCC doubles, les 98 premières furent livrées avec un seul poste de conduite puis transformées au début des années 1980 pour devenir bidirectionnelles, en prenant la série 7700. En outre, une dernière tranche de 16 motrices simples est livrée en 1970-1971, récupérant des bogies provenant de leurs cousines américaines de Johnstown.

Avec ces livraisons, la STIB put se séparer entre 1976 et 1979 des Standards et des 5000 d’abord, puis des reconstructions des années 1960 (4000 et 9000). En outre, l'exploitation à agent unique était progressivement introduite, avec pour conséquence la suppression des receveurs.

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Bruxelles - Barrière Saint Gilles - 23 mai 1993 - Les PCC triples livrées en 1977-1978 ont fourni à Bruxelles un matériel de grande capacité. Elles sont composées de 2 motrices techniquement distinctes, réunies par une caisse centrale qui ne comprend pas de portes. Les 4 bogies sont moteurs. (collection M. Reps)

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Schaerbeek - Place Eugène Verboekhoven - 1978 - Les 4000, 5000 et 9000 vont faire les frais de l'arrivée des PCC articulées sur la période 1976-1980. Certes recarrossées, les châssis et moteurs des 9000 ont dépassé le cap des 40 ans de service. (collection M. Reps)

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Ixelles - Avenue du Pesage - 28 août 1979 - Toute pimpante, la motrice 4013 circule dans ce paisible quartier résidentiel du sud de la capitale belge, mais ses jours sont comptés : les 4000 ont été retirés du service en 1980. (collection M. Reps)

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Suite de notre dossier

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