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transporturbain - Le webmagazine des transports urbains

Les tramways de Marseille (depuis 2007)

Dans une ville à la circulation de plus en plus difficile, les transports en commun souffraient de performances de moins en moins attractives, en dépit des améliorations apportées par la construction de deux lignes de métro. L’unique ligne de tramway et son accès souterrain au centre-ville constituait un atout. La modernisation de la ligne 68 constituait donc l’armature du projet de réintroduction du tramway à Marseille.

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Marseille - Boulevard Chave - Août 2002 - Les motrices PCC de 1969 modernisées en 1984 ont permis la subsistance, si minimale soit-elle, du tramway à Marseille. Avec Saint Etienne, il s'agit du seul réseau français à avoir exploiter ce remarquable matériel de conception américaine, introduit en Europe par la Belgique et les Pays-Bas notamment. © transporturbain

Un tramway d’abord essentiellement urbain

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Marseille - Canebière - 14 février 2014 - Ambiance nocturne sur la ligne T2 : le tramway circule de part et d'autre de la Canebière, artère qui petit à petit bénéficie des effets du tramway sur sa chalandise et son activité commerciale. © transporturbain

Alors que les besoins sont majoritairement en banlieue, où les temps de transport peuvent allègrement dépasser une heure, le projet de tramway lancé dans le Plan de Déplacements Urbains en 2000 se voulait essentiellement urbain. Dans les premières orientations, deux lignes étaient esquissées : de la place du Quatre Septembre à la gare de La Blancarde et de Saint Antoine, au nord de la ville, aux Caillols. Il était alors question de prolonger le tunnel de Noailles pour déboucher du côté du cours Belsunce.

Le projet évolua pour proposer 3 lignes totalisant 15,9 km d’infrastructures, déclarées d’utilité publique le 29 juin 2004.

  • T1 : Noailles – Les Caillols, prolongeant la ligne 68 de Saint Pierre aux Caillols
  • T2 : Bougainville – Castellane
  • T3 Quatre Septembre – Blancarde

Le périmètre du réseau initial est nettement se limitait essentiellement aux quartiers centraux, avec une certaine redondance avec le métro, tandis que les quartiers périphériques demeuraient à l'écart, se contentant d'autobus au fonctionnement souvent aléatoire du fait de la circulation.

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Marseille - Tranchée Blancarde - 15 février 2014 - Quittant la tranchée pour le boulevard Chave, la ligne T1 marque la continuité du tramway du tracé historique du tramway à Marseille.© transporturbain

Cependant, pour des raisons budgétaires, Marseille Provence Métropole décida de phaser le projet avec d’abord la création des sections Saint Pierre – Les Caillols de la ligne T1, Euroméditerranée – Belsunce de la ligne T2 et Canebière – Blancarde de la ligne T3 ainsi que la modernisation de la tranchée Blancarde du 68 pour assurer la continuité des infrastructures créées.

Le 30 juin 2007, une liaison Les Caillols – Blancarde – Canebière – Euroméditerranée était inaugurée, totalisant 8,8 km et 18 stations. Le dépôt de Saint Pierre était complètement rénové pour accueillir le nouveau matériel. En octobre, le réseau évoluait en deux lignes : T1 Les Caillols - Eugène Pierre, à la sortie du tunnel de Noailles en attendant l’achèvement de sa rénovation et T2 Blancarde – Euroméditerranée.

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Marseille - Avenue Pierre Chevallier - 9 décembre 2007 - La ligne T1 reprend l'ancienne ligne 68 prolongé au quartier des Caillols en empruntant une voirie nouvellement tracée. Le tracé assez sinueux met en avant les aptitudes des Flexity Outlook plus à l'aise sur de telles configurations que des Citadis. © transporturbain

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Marseille - Boulevard de Dunkerque - 14 février 2014 - Le quartier Euroméditerranée marque la renaissance des docks et une évolution de l'urbanisation majeure, marquée par une place accrue donnée aux piétons et aux transports en commun. © transporturbain

A l’été 2008, les tramways atteignaient à nouveau Noailles, achevant la ligne T1. Cependant, du fait du gabarit plus généreux du matériel (2,40 m au lieu de 2 m), l’ouvrage a été remis, comme à l'origine, à voie unique. Le 27 mars 2010, la ligne T2 était prolongée de la place Gantès à Arenc, suivant la rénovation du quartier des docks et la recomposition des voiries autoroutières au profit du boulevards urbains apaisés.

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Marseille - Boulevard Chave - 14 février 2014 - Perspective du boulevard réaménagé. Les voitures passent sur les voies du tramway au droit des stations afin que celles-ci offrent les meilleures conditions d'accès aux rames. © transporturbain

Le tramway effectuait donc son retour sur des axes majeurs de la cité phocéenne, à commencer par la Canebière, mais aussi le cours Belsunce, la rue de la République et le boulevard de Longchamp, celui-ci étant désormais exclusivement réservé aux tramways.

La question de l’exploitation

Initialement, Marseille Provence Métropole avait choisi de mettre en délégation de service public son tramway plutôt que de confier son exploitation à la RTM. Néanmoins, celle-ci s’associa à Veolia pour constituer un groupement qui remporta ce marché, vivement contesté car considéré comme une privatisation des transports en commun. Il en résulta un mois de grève. En juillet 2008, la délégation de service public fut cassée et le tramway entre dans le giron exclusif de la RTM.

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Marseille - Boulevard Sainte Thérèse - 15 février 2014 - Entre la tranchée Blancarde et Saint Pierre, le tramway emprunte des voiries étroites. Globalement, la cohabitation se passe sans impact majeur sur l'exploitation. © transporturbain

Les développements du réseau

Une extension de 1200 m devait être mise en service à l’automne 2014 avec la création de la section Canebière – Castellane donnant naissance à une 3ème ligne Arenc – Castellane, en tronc commun avec la ligne T2 d’Arenc au cours Belsunce. Cette nouvelle ligne, notoirement redondante avec le métro, éliminant tout au plus la correspondance à la gare Saint Charles pour aller d’Arenc ou de la Joliette à la place Castellane, fut cependant difficile à réaliser compte tenu d'évolutions sur l'insertion de la ligne rue de Rome. En revanche, cette redondance assurait la continuité du réseau alors même qu'étaient lancées les études pour de nouvelles extensions, cette fois-ci vraiment complémentaires avec le métro.

Ainsi, ce n'est que le 30 mai 2015 que la ligne T3 Arenc - Castellane fut ouverte aux voyageurs, mais en empruntant une rue de Rome à deux voies (il était question d'une voie unique) et sur un espace réservé aux tramways (au lieu d'un site partagé).

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La ligne T3 devrait connaître deux extensions vers les quartiers périphériques pour constituer à horizon 2025 une longue transversale nord-sud entre la cité de La Castellane au nord et La Rouvière au sud. Dans un premier temps, elle sera prolongée au nord d'Arenc, pour rejoindre la ligne 2 du métro à au terminus Capitaine Gèze (ouvert en décembre 2019 après bien des péripéties) avec 3 stations supplémentaires. Au sud, le tramway traversera la place Castellane pour rejoindre La Rouvière, en passant par l'actuel terminus de la ligne 2 à Sainte Marguerite. Le budget de cette opération a été réévalué, et pas qu'un peu, de 240 à 320 M€. La mise en service est prévue en 2023.

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Une deuxième phase prolongera la ligne T3 au nord vers le lycée Saint Exupéry et le quartier de la Castellane, et au sud de La Gaye vers le quartier de La Rouvière. Le coût de ces deux extensions est évalué à 260 M€. Le programme prévoit la création d'un nouveau site de remisage pour accueillir une trentaine de tramways sur le site de Dromel Montfuron couplé à un parc-relais de 600 places. Il faudra également prévoir l'acquisition de matériel supplémentaire, l'effectif actuel des Flexity marseillais étant naturellement insuffisant pour couvrir de telles extensions.

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Le projet initial du tramway prévoyait une section entre la Préfecture et le quartier des Catalans, qui a été mise en sommeil. En 2017, cette section est réapparue dans les projets marseillais, avec l'esquisse d'une ligne entre la place du Quatre Septembre et la Belle de Mai, en passant par le boulevard National et la gare Saint Charles. En février 2019, la section entre la rue de Rome et la place du Quatre Septembre a été confirmée. Ce tronçon de 2,1 km est évalué à 75 M€ dans une première étude de faisabilité, avec l'hypothèse d'une réalisation en 2025. Dans le schéma présenté, la ligne T2, qui va actuellement de la gare de la Blancarde à Arenc, serait déviée vers la place du Quatre Septembre, rappelant la majorité du tracé de l'ancienne ligne de trolleybus 80 (Eglise d'Endoume - Gare de La Blancarde).

Le nouveau Plan de Déplacements Urbains élaboré par Aix-Marseille-Provence Métropole semble non seulement confirmer ces principes mais également remettre en lumière de nouvelles liaisons : T1 rejoindrait la gare de La Barasse depuis l'actuel terminus des Caillols, tandis qu'un Y centré sur la gare Saint Charles assurerait une nouvelle desserte d'Arenc, avec une branche vers la Belle de Mai, rejoignant la Canebière pour mailler le réseau.

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Le matériel roulant

Parallèlement au lancement du projet, la Métropole lança un appel d’offres pour la fourniture des rames. Bombardier remporta le marché de fourniture de 26 rames de 32 m avec le Flexity Outlook C, sur la base du Cityrunner. Bombardier dut composer avec la volonté de la ville d’un tramway à l’allure atypique. MBD Design a dessiné une rame très largement inspiré des bateaux, les faces frontales rappelant la coque d’un navire. Dans une ville largement ensoleillée, les rames bénéficie de baies vitrées exceptionnellement vastes, surmontées de persiennes.

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Marseille - Boulevard Longchamp - 14 février 2014 - Le boulevard Longchamp a été réservé aux tramways et offre une belle perspective sur le palais du même nom, récemment restauré, et qui offre un bel arrière-plan à cette rame récemment allongée à 43 m. © transporturbain

A l’intérieur, les sièges font appel au bois et au plastique. Leur ergonomie dut être modifier pour améliorer le confort des voyageurs qui avaient tendance à glisser.

Face au succès du tramway, les 26 rames ont été allongées à 43 m en 2013 tandis que 6 rames ont été livrées pour l’exploitation de la ligne T3. Le développement du réseau nécessitera évidemment de nouvelles acquisitions au travers d'appels d'offres lorsque les projets seront engagés. A court terme, l'extension de la ligne T3 nécessitera déjà des besoins assez conséquents, y compris avec la création d'un site de remisage.

Le tramway au quotidien

Alors que le tramway double assez largement le métro, il est tout de même intéressant de souligner qu'il fallut rapidement se résoudre à allonger les rames de tramway et à assurer un niveau d'offre très soutenu. Le tronc commun à T2 et T3 entre le cours Belsunce et Arenc aboutit à des intervalles de l'ordre de 60 à 90 secondes. Le succès du tramway est réel, alors que ses performances sont relativement modestes, notamment du fait de l'importante densité de stations : on compte quand même 3 stations sur la rue de Rome entre la Canebière et la place Castellane. Le service est donc soutenu, ce qui tranche un peu avec le métro, dont l'intervalle reste détendu, même à l'heure de pointe.

La conduite marseillaise est plutôt vive, mais comme les automobilistes maintiennent leur réputation, une certaine prudence est observée tout de même. En outre, la densité piétonne est parfois importante, comme cours Belsunce et rue de Rome, ce qui impose une vigilance toute particulière. Au-delà, les possibilités de lancer le matériel à bonne allure sont plutôt limitées, encore une fois aussi en raison de la distance assez réduite entre stations : la moyenne du réseau est de 393 m (13 km, 33 stations). En revanche, la priorité aux carrefours donne globalement satisfaction avec plus de 90% de fonctionnement conforme.

Le carrefour Belsunce - St Louis - Canebière est intéressant avec sa configuration en triangle, dont l'exploitation a été grandement facilitée par la piétonnisation en décembre 2019 de la partie basse de la Canebière, entre le Vieux Port et le tramway. Seul un trafic plutôt local, pour la desserte des commerces, subsiste en partie médiane et haute. Marseille serait-elle donc en train de s'affranchir petit à petit de la voiture en s'attaquant au symbole de la fiereté pagnolesque de sa population ?

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