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transporturbain - Le webmagazine des transports urbains

Les funiculaires de la Croix-Rousse

Rue Terme : le pionnier

Si on considère que le métro est un chemin de fer à vocation urbaine indépendant du chemin de fer et circulant en site propre indépendant de toute autre circulation, alors Lyon peut s’enorgueillir de damer le pion à Londres au titre de premier métro du monde puisque le premier funiculaire de la colline de la Croix-Rousse a ouvert le 3 juin 1862.

A son origine, le besoin d’améliorer les conditions de transport des soieries produites dans les ateliers croix-roussiens vers les négociants et les clients majoritairement établis dans la presqu’île. Particulièrement fragiles, il fallait non seulement éviter tout risque de chute dans les escaliers, et les intempéries, quoique les canuts connaissaient bien les différentes traboules permettant de circuler à travers les immeubles.

Les premières études établies en 1841 prévoyaient la réalisation d’un plan incliné ferroviaire, mais se posait la question de la traction. MM. Molinos et Pronier envisagèrent par la suite un perfectionnement de ce principe, avec 2 voitures reliées par un câble, agissant chacune en contrepoids de l’autre.

D’une longueur de 485 m avec une pente modeste de 16%, le premier funiculaire lyonnais a été concédé le 26 mars 1859. Il prévoyait 20 départs par heure avec une large amplitude de 5h30 à 23h, avec un temps de parcours de 3 minutes. Les voitures à écartement de 1440 mm étaient prévues à impériale avec une capacité totale de 320 places.

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La gare basse du funiculaire dans son état d'origine avec la charpente en bois. La correspondance avec les tramways était instantanée. Notez les accès distincts pour les voyageurs et les marchandises.

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Le quai central de la gare basse : les deux terminus disposaient de 4 voies, une disposition peu courante pour les funiculaires. La rampe de cette première réalisation était relativement modeste et le parcours partiellement souterrain.

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La gare haute et un convoi mixte avec une voiture voyageurs et un truck transportant diverses marchandises, probablement pour ravitailler des commerçants de la Croix-Rousse.

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Le boulevard de la Croix-Rousse accueillait non seulement le terminus du tramway de Caluire, puis des lignes de l'OTL quand furent achevés les travaux d'extension des lignes 6 et 13, mais aussi 2 gares de funiculaires et celle du chemin de fer des Dombes. Sur cette carte postale, la gare haute de la ficelle de la rue Terme.

Une machinerie à vapeur de 150 chevaux était installée 20 mètres après la gare haute, ce qui nécessitait un dispositif de repérage particulier du câble pour l’arrêter au bon moment, puisque l’agent de service ne voyait pas le mouvement des voitures. Il y avait initialement 2 types de treuils pour des compositions de 3 caisses pour les voyageurs ou des trucks pour les marchandises, qui allaient rapidement accueillir des passagers dans des conditions de sécurité rudimentaires.

Avant l’inauguration, les Ponts et Chaussées exigèrent un test de rupture de câble… qui se solda par la destruction d’une des voitures qui se fracassa – heureusement sans victime – dans la gare basse. Il fallut améliorer le freinage des voitures et les alléger en supprimant l’impériale. En revanche, elles pouvaient être associées à un truck destiné au transport de marchandises, y compris des chevaux tractant une charrette, leur évitant l’ascension du cours de Chartreux, plus facile que la Grand’Côte, mais plus longue.

Comme « chemin de fer funiculaire » était une appellation trop longue, on parla rapidement de « chemin de fer à la corde » et finalement de « ficelle », expression encore ancrée dans le vocabulaire lyonnais. Grâce à cette première réalisation, les canuts ne risquaient plus de débarouler la Grand’Côte et de s’abouser en convoyant leurs productions… en s’acquittant de 2 sous (10 centimes) en 2ème classe.

Une seconde ligne depuis la place Croix-Paquet

Devant le succès immédiat de cette première ligne, qui était en correspondance au terminus de la rue Terme avec les tramways venant de la gare de Perrache, une concurrence apparut avec le projet de M. Poy, proposant en 1885 un funiculaire depuis la place de la Croix-Paquet, plus commode d’accès, et rejoignant la place de la Croix-Rousse dans une gare parallèle à l’existante. La ligne fut déclarée d’utilité publique le 24 décembre 1887 mise en service le 12 avril 1891 et attirait ses clients avec un tarif d’un sou (5 centimes) et la correspondance donnée sur le tramway de Caluire (et sur le chemin de fer des Dombes). C'est au cours des travaux de réalisation du tunnel qu'on découvrit un énorme bloc rocheux, qui fut finalement extrait et transporté à l'extrémité du boulevard de la Croix-Rousse, devenu l'un des symboles de la ville : le Gros Caillou !

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La gare basse sur la place Croix-Paquet : les installations étaient plus sobres que sur la ligne concurrente de la rue Terme. L'accès un peu plus facile lui conférait un certain avantage pour le transport de marchandises, encore largement assuré par traction animale.

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Une réalité commune aux deux lignes croix-roussiennes, mais aussi celle de Saint Just : l'usage des trucks pour le transport de voyageurs debout dans des conditions passablement précaires vues avec un regard du 21ème siècle.

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Installations là encore sobres pour la gare haute de la ficelle de la Croix-Paquet, située un peu plus à l'est que la gare de la ligne de la rue Terme. La cheminée est celle de la machinerie à vapeur faisant fonctionner le funiculaire.

D’une longueur de 512 m, toujours à l’écartement de 1440 mm et d’une pente de 17,2 %, ce funiculaire disposait de 4 rames de 2 voitures auxquels étaient ajoutés des trucks pour le transport des marchandises.

Elle était actionnée par une machinerie à vapeur, remplacée en 1904 par un appareillage électrique. Celle de la rue Terme dut attendre 1911 pour bénéficier des mêmes évolutions avec une puissance de 475 ch.

Destins contrastés

Le mouvement d’absorption des nombreuses compagnies de transport en commun lyonnais par l’OTL n’épargna évidemment pas les ficelles puisque celle de la rue Terme fut rachetée par étapes entre 1898 et 1905, tandis que celle de la Croix-Paquet passa sous son aile en 1914.

D’importants travaux furent réalisés rue Terme, pour transformer la gare basse, notamment avec l’édification du central téléphonique Burdeau en 1928. La gare haute avait été rénovée en 1922.

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La gare basse de la ficelle de la rue Terme après sa reconstruction mais avant l'édification du central téléphonique qui la surplombera à la fin des années 1920. Les riverains profitent temporairement d'un peu plus de luminosité dans les appartements...

La ficelle de la rue Terme subit la concurrence du développement du réseau de tramways, avec l’électrification et l’amélioration du matériel roulant, pouvant rejoindre directement la place de la Croix-Rousse. L’OTL modernisait encore la ligne avec de nouvelles voitures à caisse métalliques en 1938, mais la concurrence entre modes fut amplifiée par la conversion au trolleybus des 2 lignes venant des Terreaux : la ligne 13 dès 1943-1944 et la ligne 6 en 1948. Outre l’essor de l’automobile, le vieillissement des installations entraina l’abandon du funiculaire de la rue Terme le 31 décembre 1967. Depuis, c’est une voie routière permettant un accès direct au plateau. Il est régulièrement – surtout au moment des élections municipales – question de réhabiliter un funiculaire sur ce parcours, notamment pour les cyclistes, mais l’idée n’a pas encore été concrétisée.

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Lyon - Funiculaire de la rue Terme - 1967 - Derniers mois d'exploitation pour la première ligne lyonnaise, ce qui donne l'occasion d'illustrer les voitures arrivées dans les années 1930, revêtues de la livrée OTL. L'emprise fut rapidement transformée en voie rapide pour les automobiles. © J.H. Manara

Voir ce reportage de la station régionale de l'ORTF, le 18 juin 1962, célébrant les 100 ans de la ficelle de la rue Terme, et cet autre archive sur son dernier voyage.

La ficelle de la Croix-Paquet survécut 5 années de plus, jusqu’au 2 juillet 1972, mais c’était pour renaître : transformée en chemin de fer à crémaillère avec 2 motrices suisses SLM-Winterthur, elle allait rouvrir le 6 décembre 1974, devenant en quelque sorte la première ligne du métro. Prolongée le 2 juin 1978 à la station Hôtel de Ville, en même temps que la naissance du « vrai » métro, elle achevait sa mutation le 8 décembre 1984 avec son prolongement à Cuire par la reconversion de l’ancienne voie des Dombes et l’introduction de rame type métro MCL80, toujours en service.

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Lyon - Funiculaire de la Croix-Paquet - 1962 - Sur des installations déjà simplifiées, la ficelle de la Croix-Paquet survécut 5 ans de plus avant de renaître dans le cadre de la création du métro, mais avec cette fois-ci une crémaillère. © J.H. Manara

Suite du dossier : les funiculaires de la colline de Fourvière

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