Les raisons du déperchage
Le 24 juin 1999, les derniers ER100 étaient retirés du service de la ligne 31 Eybens – Meylan Maupertuis, suivant leur abandon le 1er juin sur la ligne 32 Grand’Place – Meylan lycée. Cette conversion à l’autobus devait être provisoire, mais elle est devenue définitive. Pourtant, le Syndicat Mixte des Transports de l’Agglomération Grenobloise avait bien lancé un appel d’offres et s’apprêtait à commander 15 Cristalis ETB12, avec 2 tranches optionnelles de 18 et 22 trolleybus standards ou articulés. Le marché fut dénoncé pour un vice de forme.
La SEMITAG souhaitait initialement des trolleybus bimodes avec un moteur thermique de 221 kW, mais accepta la proposition du constructeur de le limiter à 65 kW et donc de se contenter d’un moteur d’appoint. Modification jugée substantielle par la Préfecture qui considéra l’avenant modificatif comme illégal. Le marché fut résilié aux torts du titulaire, c’est-à-dire Irisbus. C’est ainsi que se referma une page de 52 ans dans l’histoire des transports en commun grenoblois.
Lyon - Avenue Foch - 24 septembre 2005 - Un Cristalis ETB12 comme il aurait pu en circuler à Grenoble. Certes, ce trolleybus n'est pas la panacée au point que sa commercialisation fut un échec. Mais au moins, Grenoble aurait toujours conservé des véhicules électriques à son parc... © transporturbain
Le trolleybus, successeur de tramways à bout de souffle
Face à l’état du réseau de tramways, la SGTE avait décidé au lendemain de la seconde guerre mondiale de recourir au trolleybus, comme nombre de réseaux de province. La traction électrique était maintenue en raison de la possibilité de réutiliser certaines installations fixes, et pour un impératif national d’indépendance énergétique, avec ici l’usage de la « houille blanche » des Alpes.
Le 29 juillet 1947, elle mit en service 9 Vétra VBB sur le parcours de la ligne 1 entre la gare et La Tronche… alors que la commande portait sur des CB60. Le 29 décembre suivant, la traction électrique était mise en service jusqu’au Rondeau.
Une deuxième ligne fut équipée le 3 juin 1950 : la conversion de la ligne 3 Gare – Hôpitaux prit du temps du fait des délais de production des véhicules. Puis le 5 octobre 1952, la ligne 2 Fontaine – Victor Hugo était à son tour convertie. Deux autres sections passaient au trolleybus en 1953 entre la place Victor Hugo et Sassenage le 23 mai 1953 et entre La Tronche et Montfleury le 1er juillet 1953. Ainsi était constitué un réseau de 20 km.
A cette époque, les Voies Ferrées du Dauphiné étudiaient la possibilité de convertir au trolleybus certains tramways interurbains, en particulier la ligne de Vizille, voire jusqu’à Bourg d’Oisans. Il n’en fut rien.
La SGTE avait commandé 20 Vétra VBB en 1950 puis 8 VBRh en 1952. Elle compléta le parc à l’aide de voitures d’occasion : 3 VBR bordelais, 5 strasbourgeois et 3 VBR de l’ancienne ligne interurbaine Aix – Marseille. Puis, en 1963, la SGTE augmenta la capacité de son parc en récupérant les 38 VBF abandonnés par la RATP.
Grenoble - Place Victor Hugo - 1965 - Récemment arrivés à Grenoble, les VBF parisiens avaient apporté un surcroît de capacité et de confort bienvenus : les banquettes n'avaient même pas été changés et portaient encore le monogramme RATP ! © J.H. Manara
Des extensions dans les années 1970
Aucune autre extension n’eut lieu durant 21 ans : le 3 septembre 1974, le terminus des hôpitaux était reporté au nouvel ensemble des Sablons. Le réseau comprenait alors 3 lignes :
- 1 Centre Ville – Le Rondeau
- 2/4 Hôpitaux – Fontaine – Sassenage
- 12 Le Rondeau – Montfleury
Dans le sillage de la relance du trolleybus au Congrès de Tours de l’UTP, la SEMITAG, qui avait pris la succession de la SGTE en 1975, étudia plusieurs développements au réseau de trolleybus, réalisées entre 1978 et 1981, aboutissant à un réseau de 5 lignes :
- 1 Centre Ville – Echirolles La Luire
- 4 Hôpitaux – Sassenage
- 7/17 Place Victor Hugo – Eybens / Grand’Place
- 12 Gare – Montfleury
- 25 Place Victor Hugo – Meylan
La SEMITAG fut le premier exploitant à commander les nouveaux Berliet ER100, dotés de résistances de démarrage, mis en service à partir de 1977. En 1983, alors que le tramway n’avait pas encore été décidé, une première commande de 6 Renault PER180H articulés avait été passée pour équiper la ligne Sassenage – Hôpitaux.
La Tronche - Hôpital - 1984 - Un ER100 dans sa livrée d'origine mais sans monogramme frontal. Il circule sur la ligne 17, empruntant le site propre réservé aux transports en commun alors récemment mis en service. © J.H. Manara
Grenoble - Rue Félix Poulat - 1984 - Ils auront tout juste assuré l'intérim, sur le principe, avant le retour du tramway : les PER180H sont restés tout au long de leur brève carrière une curiosité. Certains ont fini reconvertis en autobus. © J.H. Manara
Le trolleybus – en partie – remplacé par le tramway moderne
Le lancement à partir de 1984 des premiers travaux du tramway entraina la modification du réseau, avec une nouvelle organisation à 3 lignes à compter de 1986 :
- 1 Place Victor Hugo – Echirolles La Luire
- 31 Meylan – Hôpitaux – Centre Ville – Eybens / Grand’Place
- 32 Grand’Place – Montfleury prolongée à Meylan, au lycée du Grésivaudan deux ans plus tard.
Un dernier prolongement à Meylan Maupertuis sera mis en service le 14 octobre 1991. Le réseau fut évidemment impacté par la construction des deux premières lignes de tramway, amenant à des remplacements par autobus. Le vieillissement du parc qui ne bénéficia d’aucune rénovation mise à part la livrée « fraise écrasée » des années 1980, fragilisa l’exploitation amenant à de fréquents habillages là encore par autobus.
Echirolles - La Luire - Juin 1991 - Changement de livrée : toujours du rouge mais en version dégradée, juste avant l'adoption du gris métallisé (qui inspira le TGV Atlantique) et le bleu. L'ER100 n°732 au terminus d'Echirolles présente encore un état très correct pour un véhicule de près de 15 ans. © A. Knoerr
Meylan Lycée - Juin 1991 - Variante de livrée avec le capot autour de la girouette peint en gris et non en rouge. Grenoble adopta aussi dans les années 1980 les perches sombres. Un inconvénient pour repérer au loin l'arrivée du bus avant la géolocalisation. Peintes en blanc, on les voit bien mieux ! © A. Knoerr
Du GNV au bus électrique… mais des lignes aériennes encore présentes par morceaux
En dépit des problèmes de pollution atmosphérique, Grenoble abandonna donc le trolleybus au profit d’autobus au GNV. Les véhicules hybrides Diesel-électriques firent leur apparition au milieu des années 2010, et 7 autobus électriques à batteries Alstom Aptis furent mis en service en début d’année 2020.
Les nouveaux Aptis grenoblois arborent la livrée Chronobus identifiant les principales lignes d'autobus du réseau TAG, en complément du tramway. La configuration à 3 portes procure de bonnes conditions d'accès et un aménagement comprenant 20 places assises pour maximiser l'espace intérieur. (clichés TAG)
Pour autant, le réseau de bifilaires n’a pas été totalement démantelé : la suspension des trolleybus a été pendant quelques années considérée comme provisoire, mais sans réel engagement à relancer un nouveau marché. Les investissements avaient été logiquement fléchés d’abord vers le développement du tramway avec la réalisation des extensions des lignes A et B et la construction des lignes C et D.
On dit que l’espoir fait vivre… mais il faut, dans le cas grenoblois, avoir une bonne dose d’optimisme pour penser revoir des perches dans les rues de la ville. Certes, on a tendance à cantonner le trolleybus aux lignes à profil difficile ce qui n’est pas particulièrement le cas du réseau grenoblois, entouré de montagne, mais avec un profil de plaine. Mais si on veut être exemplaire en matière énergétique, peut-on s’en passer ?
Le retour du trolleybus à Grenoble passerait avant tout par une bonne coordination avec le développement du tramway, en équipant les lignes complémentaires dont le trafic ne justifie pas un mode lourd. Assurément, les lignes C3 et C4, destinataires des premiers bus électriques à batteries, en font partie. Au-delà, les lignes C5, C6 et C7, jouant le rôle de rocades, pourraient être examinées, en fonction du futur développement de la ligne D du tramway. Enfin, les lignes 13 et 16 pourraient également faire partie des potentielles lignes éligibles, quel que soit le devenir de la ligne C1 (qui, si elle demeurait routière, mériterait d'être en trolleybus, mais pourrait aussi être convertie au tramway).
Le trolleybus n'a pas totalement disparu de Grenoble puisque l'association Standard 216 préserve un VBRh (ex-Limoges et ex-Paris), un VBF (ex-Paris) et un ER100, sachant qu'à Lyon, le Trolleybus Club Lyonnais a aussi récupéré un ER100 grenoblois, qui circule de temps en temps entre Rhône et Saône...
Un grenoblois en terre lyonnais par l'entremise de l'association Trolleybus Club Lyonnais : en voilà un qui peut lever les perches et rejoindre les bifilaires nourricières. L'allure n'est pas tout à fait orthodoxe car les ER100 lyonnais avaient 3 portes, des capots longs en toiture et il n'y avait pas d'arête entre le pavillon et les faces latérales, trahissant les origines iséroises sur la première version de la caisse du PR100. Mais l'essentiel est la préservation active du véhicule ! (cliché TCL)
Croisement cossase à Grenoble entre l'ER100 de Standard 216, en cours de rénovation, se payant le luxe de lever les perches (pour la photo car il roule en autonomie) sur une zone encore équipée de bifilaires à côté d'un Scania Citywide fonctionnant au gaz naturel. © N. Perrault
Grenoble - Boulevard Agutte-Sembat - 28 décembre 2016 - Les récents travaux de réaménagement de cette artère ont fortement réduit la circulation automobile avec une piste cyclable centrale. Les derniers morceaux de bifilaires y ont disparu. Sur ce cliché, on remarque le soin avec lequel l'aiguillage vers le cours Lesdiguières a été préservé quoique parfaitement inutile depuis 1999 ! © transporturbain
Post-scriptum : une étude débute en 2023 pour envisager l'intérêt d'exploiter les lignes C1, C3 et C4 par trolleybus.