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transporturbain - Le webmagazine des transports urbains

Et si Marseille renouait avec le trolleybus ?

La RTM annonce engager au début de 2020 la transition énergétique de son parc comptant 611 autobus. Elle réceptionne 79 Citaro hybrides et devrait se doter aussi de 15 autobus électriques.

Evidemment, cette information allume une petite lumière sur le tableau de bord de transporturbain : Limoges, Saint Etienne et Lyon, pour s’en tenir aux villes françaises, commandent de nouveaux trolleybus. Pourquoi pas Marseille ?

Marseille : un grand réseau de trolleybus démantelé par négligence

C’était le 27 juin 2004 : l’exploitation des derniers trolleybus ER100, datant de 1981, cessait sur les deux dernières lignes recourant encore à la traction électrique, le 54 Catalans – Saint Pierre et le 81 Pharo – Saint Just. La ligne 80 Blancarde – Endoume avait déjà été convertie à l’autobus.

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Marseille - Canebière - Août 2002 - Les trolleybus ont disparu de la Canebière... et la circulation automobile aussi, du moins sur la partie basse, rendue aux piétons en décembre 2019. L'ER100 n°245 arrive au Vieux Port, assurant un service du 81 Saint Just - Pharo. © transporturbain

Mais le réseau marseillais fut bien plus vaste encore, car à la fin des années 1980, ils avaient été retirés des lignes desservant le flanc nord de Notre Dame de la Garde : le 55 Joliette – Roucas Blanc, le 57 Joliette – Vauban et le 61 Vieux Port – Bompard. Une partie d’ailleurs de ces suppressions avait permis le rééquipement des lignes 54 et 80… En réalité, depuis l’arrivée des ER100, le réseau marseillais composait avec 48 voitures circulant sous une vingtaine de kilomètres de bifilaires : l’ombre de ce que fut le réseau…

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Marseille - Place de La Blancarde - Octobre 1995 - Le retour des trolleybus sur le 80 avait été la conséquence de l'abandon de l'exploitation de plusieurs lignes. Le démantèlement était déjà engagé... © A. Knoerr

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Marseille - Boulevard Paul Paytral - 3 juin 2002 - L'ER100 n°204 marque l'arrêt près de la Préfecture sur la ligne 54 Catalans - Saint Pierre. On notera les baies particulières des trolleybus marseillais pour maximiser la ventilation intérieure en période estivale. (cliché X)

Les trolleybus étaient apparus en 1902 entre Allauch et La Croix-Rouge, puis en 1927 sur Aubagne – Gémenos – Guges. Comme dans bien d’autres villes, les trolleybus avaient pris le relais du tramway sur des lignes d’abord secondaires : il était arrivé à Marseille en 1943 dans le contexte de pénurie, face au vieillissement de certaines lignes ferrées. Après la guerre, il apparut comme le moyen de moderniser le service à moindres frais, en éliminant des tramways fatigués, en dépit de qualités intrinsèques et de nombreuses voies implantées en accotement séparé de la chaussée. En 1955, les trolleybus roulaient sur un réseau de 140 km troncs communs inclus, desservis à l’aide de 181 trolleybus Vétra.

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Marseille - Square Stalingrad - septembre 1954 - La RATVM avait été l'un des rares réseaux recourant aux trolleybus Somua, d'allure assez similaire aux Vétra. L'un d'eux assure ce service de la ligne 53 Saint Just - Joliette. © J. Capolini

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Marseille - Quai des Belges - Août 1956 - A cette époque, la ligne 54 reliait la Joliette au boulevard Baille. Ce VBRh fait le tour du terre-plein central du Vieux Port, qui, depuis, a été reconfiguré pour réduire l'espace accordé à la voiture. © J. Capolini

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Marseille - Place Cazemajou - Septembre 1956 - Dans un site désormais méconnaissable par les transformations de la ville, ce VA3 passablement rempli et circulant porte avant ouverte probablement pour rafraîchir des voyageurs en sueur assure un service partiel de la ligne 26 Saint Antoine - Place Jules Guesde. Les trolleybus à 3 essieux de grande capacité ont été cantonnés aux lignes 25 et 26 à fort trafic, avant même la construction des quartiers nord de la ville. © J. Capolini

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Marseille - Quai des Belges - 1969 - L'élégante livrée bleu et crème des ELR marseillais était une réussite. Cet exemplaire circule sur la ligne 59 Joliette - Vauban, où le terminus était établi en triangle avec une manoeuvre délicate à opérer. © J.H. Manara

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Marseille - Rue Paradis - 1973 - La ligne 41 Chartreux - Saint Geniez comptait parmi les grands axes à fort trafic du réseau de trolleybus, dont il fut plusieurs fois question d'un rééquipement dans les années 1980... sans aucune concrétisation. © transporturbain

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Marseille - Cours Joseph Thierry - 1973 - La ligne 53 fit partie des sacrifiées sur l'autel des plans de circulation favorable à la voiture. L'autobus guette. Derrière cet ELR, on aperçoit un PH100, dont les derniers exemplaires produits par Berliet pour Marseille adoptaient une face avant en partie reprise au PCMU (ou comment faire du presque neuf avec du déjà vieux). C'était à ce qu'il paraît le progrès... © J.H. Manara

Cependant, dès les années 1960, l’explosion du trafic automobile motiva de nouveaux plans de circulation, et la Ville fit l’économie de créer les nouvelles lignes aériennes nécessaires en remplaçant des véhicules encore récents et performants par des autobus aussi poussifs que bruyants. Mais cela faisait tourner les usines Berliet…

La fin des trolleybus marseillais en 2004 a été justifiée à l’époque par le maire de Marseille : il voulait rendre le ciel bleu à la population, obstrué par des fils aériens disgracieux. La belle affaire : malgré le Mistral, le ciel marseillais est souvent grisé par la pollution, celle du trafic automobile et celle des industries pétro-chimiques autour de l’étang de Berre.

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Marseille - Rue d'Endoume - 15 février 2014 - Elles étaient encore là... inutilisées depuis 10 ans... L'appareil Delachaux visible sur ce cliché ne peut pas cacher son âge. Il servait à la bifurcation des lignes 80 (déviation pour Endoume) et 61 (dans l'axe pour Bompard). © transporturbain

Certes, les installations n’étaient pas de la première jeunesse et il aurait fallu procéder à leur rénovation. On comptait encore de nombreux aiguillages Delachaux, pas des plus modernes ni des plus efficaces pour éviter les sauts de perche.

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Marseille - Carrefour de Saint Victor - 15 février 2014 - L'ensemble des équipements était encore présent, mais on les accusa de gâcher le ciel bleu... ben voyons ! © transporturbain

Certes, les ER100, véhicules de grand gabarit, étaient assez mal à l’aise dans les rues étroites de Notre Dame de la Garde, mais c’était aussi de la responsabilité de la Ville qui se souciait peu (et à peine plus aujourd’hui) de l’invasion automobile, y compris sur les trottoirs et les couloirs réservés aux autobus.

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Marseille - Rue d'Endoume - octobre 1995 - Manoeuvre en triangle au terminus du 80. C'était un des handicaps de ces trolleybus de gabarit classique, pas forcément très à l'aise dans ces rues étroites. © A. Knoerr

Il faut quand même rappeler que lorsque Lyon commanda ses nouveaux NMT222 destinés à la ligne 6 sur la colline de la Croix Rousse, Marseille reçut une proposition d’essai de l’un d’eux… mais Marseille ne saisit pas la perche tendue !

Résultat, les autobus Diesel s’époumone toujours autant sur des lignes au profil difficile et quand on parle de trolleybus à Marseille, certains pensent d’abord à une boîte de nuit sur le quai de Rive Neuve…

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Marseille - Cours Jean Ballard - 20 janvier 2020 - Le 55 et le 61, anciens itinéraires de trolleybus, sont exploités en GX137 à gabarit réduit. Nouvelle livrée, certes mais toujours des moteurs Diesel, fussent-ils aux dernières normes de réduction de la pollution. © transporturbain

Marseille : un terrain propice à la traction électrique, donc au trolleybus !

Le contexte a pourtant un peu changé en 2020. Le trolleybus esquisse un retour avec les nouvelles commandes de Limoges, Saint Etienne et Lyon. L’autobus électrique sur batterie est un véhicule au moins aussi onéreux que le trolleybus, mais celui-ci ne dépend pas uniquement de batteries (qui lui servent en appoint). Qui plus est, sur des profils aussi vallonnés qu’à Marseille, la récupération de l’énergie au freinage et dans le sens descendant écrêtant le dimensionnement des installations fixes.

La RTM s’intéresse aux autobus électriques sur batteries mais s’interroge sur leur autonomie journalière et la compatibilité des interfaces pour la recharge entre des constructeurs différents. C’est déjà un signal positif. Alors rappelons que le trolleybus est actuellement le seul véhicule urbain routier électrique entièrement interopérable… et qu’il évacue la question de l’autonomie. Ajoutons encore que l’alimentation par ligne aérienne a certes un coût (surtout que Marseille a déposé un réseau hors d’âge en 2014) mais aussi des avantages en termes de performance, de disponibilité et aussi de coût : pour être « très autonome », il faut augmenter le nombre de batteries, ce qui renchérit le coût du véhicule, augmente sa masse (et le cycle s’auto-entretient) et diminue sa capacité (puisque le PTAC des bus est capé par la réglementation).

Le trolleybus nouvelle génération, « In Motion Charging » (à recharge dynamique), dispose d’une autonomie d’une quinzaine de kilomètres pour moduler le besoin en lignes aériennes et donc d’un meilleur rendement que la solution 100% batteries.

Assurément, le domaine de pertinence de la traction électrique à Marseille est très vaste. Le secteur de Notre Dame de la Garde pourrait être naturellement un terrain naturel de réintroduction, supposant cependant des véhicules à gabarit réduit (gérés par le dépôt Saint Pierre), alors que pour l’instant, le marché ne porte que sur des véhicules d’au moins 12 m de long. Qui plus est, le projet de tramway sur l’axe Préfecture / Corderie / 4 septembre ayant repris vigueur, il serait intéressant de mutualiser au moins en partie les sous-stations.

Avec des véhicules standards et articulés, le dépôt de La Rose pourrait être un territoire d’expérimentation potentielle avec des lignes dans le secteur compris à l’intérieur du U formé par la ligne 1 du métro et jusqu’au tram T1 : une dizaine de lignes pourraient faire partie de ce programme, pour constituer une masse critique suffisante de véhicules afin de pouvoir évaluer le coût de la renaissance des trolleybus à Marseille.

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