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transporturbain - Le webmagazine des transports urbains

Création et apogée des premiers tramways barcelonais

Les tramways et l’annexion des municipalités

La création d’un réseau urbain ferré à Barcelone fut assez tardive et rustique puisqu’il fallut attendre le 27 juin 1872 pour que soit mise en service la première ligne entre les Ramblas et le quartier de Gracià (plaça Josepets), avec des voitures hippomobiles à impériale, puis en septembre en direction du quartier de Barceloneta. En dépit du succès auprès de la population, les développements furent assez lents avec la création d’un itinéraire depuis le port vers Poble Nou en 1873 et vers Sants en 1874.

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Exceptionnel cliché en couleurs pris en 1900 illustrant un tramway hipppomobile dont on voit à peine la voiture (type ouverte), prise d'assaut par une population exclusivement masculine (serait-ce pour aller aux courses hippiques ou à un match de football ?) : les deux chevaux qui en assurent la traction doivent déjà réclamer un supplément d'avoine ! (archives TMB)

Le développement de ce mode de transport accompagna le processus de réorganisation administrative et l’intégration à Barcelone des municipalités périphériques, mais aussi – conséquence logique – la chute des remparts de la ville ancienne. D’ailleurs, le 28 février 1877, une nouvelle ligne de tramways hippomobiles put relier, sans passer par le centre, les différents quartiers sur un axe sud-ouest – nord-est. Au mois de décembre suivant, ouvrit une première ligne de tramway mécanique, avec traction à vapeur, en direction de Sant Andreu de Palomar. Elle était établie à voie métrique alors que les lignes hippomobiles avaient adopté l’écartement de 1435 mm.

Désormais, l’intérêt du tramway était bien affirmé, se traduisant par la formation de deux compagnies : Tramways de Barcelona d’une part et la Companya General de Tranvias. L’extension du réseau progressa, mais avec une certaine lenteur en raison des limites techniques : la traction animale, comme la traction vapeur, n’offraient que de piètres performances sur des parcours vers les faubourgs, pouvant être assez vallonnés. Les autres lignes à traction mécanique, en direction de Sarrià, Sant Gervasi, Horta et Badalona furent aussi établies à voie métrique. Les lignes à voie normale desservaient principalement les quartiers de Sants, Gracià, Barceloneta et Poble Nou.

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En franchissant les Pyrénées, Ripert a non seulement remporté quelques contrat, mais l'entreprise a aussi gagné un second p. Ce service d'omnibus de petite capacité concurrença les tramways, en particulier sur les itinéraires les plus fréquentés, comme ici pour la desserte de Gracià. (archives TMB)

Tramways électriques et premiers autobus

Barcelone rattrapa son retard initial et la conversion à la traction électrique fut réalisée en 8 années, de 1899 à 1907, incluant le développement de nouvelles lignes. Le nouveau matériel roulant, de conception très américaine, adoptait le truck Brill de 7,8 m et des moteurs General Electric, avec une puissance de 32 kW. Ces châssis accueillaient des caisses fermées (124), ouvertes (90) ou à impériale (50), dont l’étage supérieur au grand air fut rapidement fermé (dès 1911 pour les premières modifications).

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Barcelone - Plaça de Catalunya - Vers 1908 - Les nouveaux tramways électriques ont cohabité pendant quelques années avec le service d'omnibus : derrière la motrice n°58, on aperçoit un car Ripert à traction animale. Leur capacité était modeste, même si les nouveaux venus étaient constitués d'une caisse courte sur un truck à faible empattement. (cliché X)

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Barcelone - Plaça de Universitat - Vers 1914 - Avec la plaza de Catalunya, c'était l'un des points névralgique du réseau puisqu'on compta à l'extension maximale pas moins de 8 voies sur cette place, avec plusieurs sections à double écartement. Une motrice série 200 s'engage sur la place avec un service de la ligne 14. (cliché X)

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Barcelone - Rambla de San Josef - Vers 1920 - Les tramways circulaient de part et d'autre du terre-plein central piétonnier. On aperçoit sur cette carte postale une motrice à impériale ouverte : leur fermeture s'effectua par étapes.

Les tramways de Barcelone à voie normale de singularisaient aussi par le choix d’un gabarit assez large pour l’époque, 2,30 m, pour les lignes à voie normale, mais classiquement de 2 m pour les lignes à voie métrique. Ce second réseau fut doté de 65 motrices assez similaires, mais dont la moitié était de conception allemande, produites par Herbrand.

Une fois réalisée, cette modernisation fut suivie d’une autre réforme : l’unification du réseau, géré par une seule compagnie, Les Tramways de Barcelona, avec à la clé la rationalisation des itinéraires mais aussi une nouvelle nomenclature des lignes de sorte à simplifier la lisibilité du réseau pour la population. L’entreprise changea de nom en 1926 pour devenir Tranvías de Barcelona, retirant toute allusion à l’origine anglaise – et belge – des capitaux initiaux.

Cette opération avait aussi une finalité économique car les tramways avaient désormais des concurrents avec la création des premières lignes de métro. La rivalité s'opérait aussi avec la ligne de Sarrià, dont la modernisation intervenue en même temps que celle des tramways renforçait la concurrence entre les différents services. Les autobus faisaient aussi leur apparition en 1922.

Les tramways en temps de crises

En dépit des difficultés économiques, de l’inflation, du blocage des prix et des mouvements politiques, le réseau poursuivit ses extensions et sa modernisation, notamment après la municipalisation des TB intervenue en 1925.

L’arrivée de nouvelles motrices à caisses longues sur bogies montrait la volonté de suivre l’évolution de la technique, avec l’adoption d’un gabarit encore plus généreux à 2,40 m : la série 900 à voie métrique était inspiré du type Pittsburgh, avec accès central facilité (une seule marche). Ces 50 ensembles motrice + remorque furent pour partie assemblés dans les ateliers du chemin de fer de Sarrià, le reste provenant des usines Manage en Belgique. Elles furent d’abord engagées sur l’importante ligne de Badalona.

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Barcelone - Avinguda Meridiana - 12 juin 1964 - Les convois type Pittsburgh ont connu une existence particulière : matériel le plus capacitaire du réseau à sa sortie, il passa de la voie métrique à la voie large avec une transformation faisant gagner 40 centimètres de large à ces ensembles. (cliché X)

Pour les lignes à voie normale, 50 motrices furent construites sur un truck Brill provenant des usines de Philadelphie, à caisse entièrement fermées et dotées de portes à commande pneumatique. Les motrices à impériale adoptaient aussi une caisse fermée pour celles qui n’avaient pas été modifiées en 1911.

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Barcelone - Plaça Portal de la Pau - 2 septembre 1963 - La série 850 à 869 est arrivée en 1924 : elles reposaient toujours sur un truck Brill de conception début du siècle. Notez que les accès s'effectuaient uniquement par le côté droit et leur caisse assez haute pour les voyageurs debout. (cliché X)

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Barcelone  Pla de Palau - 1960 - Les motrices à impériale fermées ont résisté jusqu'au milieu des années 1960, conservant leur livrée rouge et crème originelle. (cliché X)

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Barcelone - Carrer Anglesola - 1933 - Une motrice série 300 dont les tampons sont bien encombrés : il s'agit d'un service spécial pour aller voir un match du FC Barcelona. (cliché X)

A son apogée en 1936, le réseau de tramways de Barcelone comprenait 220 km de lignes avec plusieurs imbrications entre les écartements. Il faut ajouter les lignes suburbaines. Celle de la Rabassada n’eut qu’une existence éphémère (1910-1936) puisque desservant principalement un casino. En revanche, les antennes établies au départ des gares de chemin de fer de Montgat (vers Tiana, en 1916) et de Mataró (vers Argentona, en 1926), allaient réellement contribuer à la desserte de ce qui n’était pas encore la deuxième couronne de la banlieue de Barcelone.

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Plan des tramways barcelonais en 1936 correspondant à son extension maximale. L'interpénétration des lignes à voie normale et métrique est assez poussée, même si ces dernières ont plutôt une vocation suburbaine. (Tranvies de Barcelona, F. Zurita)

A la chute de la République, il ne restait plus que 50 motrices en état de circuler et le réseau avait été coupé en de multiples points, les installations particulièrement touchées.

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Barcelone - Barceloneta - Vers 1940 - Les transports en commun barcelonais ont aussi payé un lourd tribut des années de guerre civile. Les quelques tramways en état de circuler étaient pris d'assaut et la population prenait des risques considérables pour pouvoir se déplacer, s'accrochant partout où cela était possible. La fatigue du matériel se repère au cintrage de la caisse. (cliché X)

Une reconstruction partielle

Durant la deuxième guerre mondiale, Barcelone se dota de trolleybus du fait de la pénurie de carburants, et de l’ancienneté du matériel de certaines lignes de tramway. Le 7 octobre 1941, la première ligne fut mise en service, avec des véhicules à l’allure particulière, constitués d’un châssis anglais sur lequel était assemblée une caisse à impériale et des équipements de traction électrique locaux.

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Barcelone - Carrer d'Ausia Marc - 10 juin 1964 - Les premiers trolleybus barcelonais avaient une allure très particulière avec un poste de conduite central assez étriqué et une caisse à impériale rappelant les origines britanniques de ces véhicules. (cliché X)

Néanmoins, le réseau de tramway poursuivait sa modernisation, d’autant plus nécessaire avec les restrictions de carburants : les TB s’intéressaient à la technique des motrices PCC, mais l’importation n’était pas possible. Aussi, en 1943, une première série de motrices essaya la roue élastique tout en restant sur un truck à essieux et déclina les principes de la chaîne de traction. L’année suivante, les premiers exemplaires d’une grande série de 110 motrices (numérotées 1200-1300) à caisses longues, à l’esthétique simplifiée par rapport aux PCC, symbolisait la volonté de moderniser le réseau, avec des voitures comprenant 3 grandes portes.

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Barcelone - Plaça Catalunya - 2 septembre 1963 - Les rénovations de tramways ont continué malgré les moyens limités, avec de nouvelles caisses conservant les trucks Brill. Certaines remorques ont été traitées de façon à constituer des ensembles homogènes. (cliché X)

A la fin de la guerre, sur un réseau certes contracté, cohabitaient ainsi des matériels plutôt modernes et des motrices déjà cinquantenaires : l’arrivée des 1200 avait déjà provoqué la réduction du parc ancien. La conversion au trolleybus de certaines lignes à voie métrique libérait les 900, qui furent converties à la voie normale, avec reconstruction des caisses, gagnant au passage 40 cm de largeur.

Cependant, les années 1950 furent surtout celles du développement de l’automobile et le tramway fut de plus en plus accusé de gêner la circulation. Le boycott de 1951 et la grève générale, suite à l’annonce d’une hausse de 40% des tarifs, affectèrent fortement l’économie des TB. La compagnie renonça mais le mouvement provoqua un recul net de l’usage du réseau.

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Barcelone - Vers 1955 - La motrice n°1202 présente son état pratiquement d'origine avec la porte centrale sur le côté gauche pour la desserte des arrêts sur le terre-plein central. Mais les remorques n'étaient accessibles que par la droite. Après révision générale, cette configuration disparut. La réclame est très présente pour augmenter les recettes de la compagnie. (cliché X)

Suite du dossier : la fin du premier réseau

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