Canalblog
Editer la page Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
transporturbain - Le webmagazine des transports urbains

Bus électriques : un foisonnement de solutions

Ils sont présentés comme l’avenir de l’autobus, cet indispensable maillon de la chaîne du transport public. Après l’accessibilité et l’application de normes anti-pollution de plus en plus contraignantes pour les moteurs thermique, l’autobus passe à la traction électrique. Cela a commencé avec l’hybridation, mais cette technique s’est logiquement révélée une transition plutôt qu’un aboutissement, incarné par l’autobus électrique.

De prime abord, le bus électrique combine les avantages de la traction électrique fournis par le trolleybus sans en avoir les inconvénients incarnés par les perches et les lignes aériennes. Sauf que le bus électrique a lui aussi besoin d'installations fixes... 

241118_341porte-de-clignancourt1

Paris - Porte de Clignancourt - 24 novembre 2018 - 100% électrique, c'est écrit sur les vitres de ce Bluebus fabriqué par Bolloré : l'autobus électrique fait aussi apparaître de nouveaux acteurs du transport public. S'il s'affranchit d'installations fixes continues, le bus électrique a d'autres fils à la patte... © transporturbain

Les origines de l’autobus électrique remontent à celles de l’autobus puisque les premières expérimentations ont été menées dès le début du 20ème siècle, peu après l’avènement de l’autobus. Les batteries étaient alors peu efficaces et généraient des vapeurs incommodantes voire dangereuses pour la santé. On le savait déjà puisque, parmi les premiers tramways électriques, certains fonctionnaient - non sans mal - sur batteries dans les années 1890 avec évidemment les mêmes effets.

Atteindre une autonomie suffisante en toutes circonstances

L'autobus électrique à batteries constitue aujourd'hui un objectif industriel de premier plan qui amène à un foisonnement technologique des industriels, autour de la question centrale de l'autonomie du véhicule.

Qui dit autobus électrique dit batteries pour le stockage de l’énergie, qui ne peut être infini pour d’évidentes raisons de coût, de volume requis et d’impact sur la masse du véhicule. Il ne faut pas oublier que le poids total autorisé en chargé d'un autobus standard de 12 mètres de long reste plafonnée à 20 tonnes et que toute augmentation de la masse de la motorisation se traduit mécaniquement par une baisse de la capacité autorisée.

Il faut aussi ajouter la demande de nouveaux services (comme les prises de courant et USB aux places assises) et le confort de voyage (avec notamment le chauffage et la climatisation). Autant d’éléments consommateurs d’énergie. Rien de nouveau : il suffit de constater que l’autonomie d’un téléphone portable diminue nettement non seulement quand il est utilisé intensément mais aussi quand il fait froid… ou chaud.

Bref, la batterie aime les usages modérés sous climat très tempéré. La modération de l’usage se traduit ici par les conditions de circulation : plus c’est fluide, plus l’usage de la batterie est optimisé.

Face à cela, le besoin de l’exploitant : en moyenne, un autobus urbain parcourt entre 250 et 300 km par jour, été comme hiver. Il en résulte un premier choix technique fondateur, entre les véhicules à charge lente et les véhicules à charge rapide.

Les premiers devront pouvoir se contenter d’une seule recharge pour assurer leurs prestations, et doivent donc atteindre l’autonomie recherchée. S’il faut relayer les bus comme il fallait jadis relayer les chevaux, les coûts d’exploitation s’envolent.

L'alternative consiste donc à réduire le nombre de batteries, donc l'autonomie et de recourir à une recharge en ligne : c'est la technique du biberonnage, qui comprend elle-même deux variantes :

  • aux terminus uniquement avec une durée de 3 à 5 minutes, compatible avec les conditions nominales d'exploitation, mais contraignant la gestion courante du service : pour permettre des crochets courts, s'il faut en passer par des réserves positionnées aux terminus pour éviter l'amplification du retard, la conséquence serait d'augmenter le nombre de véhicules nécessaires, avec un effet sur le coût d'investissement et d'exploitation ;
  • en ligne et aux terminus avec des recharges rapides d'une vingtaine de secondes aux arrêts intermédiaires, avec une autonomie de l'ordre de 1500 m, soit une installation tous les 3 à 4 arrêts en moyenne.

050918_23tour-de-controle_knoerr

Genève - Aéroport - 5 septembre 2018 - L'autobus électrique TOSA produit par Hess sur la base du Swisstrolley a été le premier véhicule électrique urbain à biberonnage en station en service régulier. On voit ici son système de captage en train de quitter la borne de rechargement. D'une certaine façon, l'autobus électrique et le trolleybus sont en train de converger, l'un devenant d'installations fixes dont l'autre cherche à s'affranchir. © A. Knoerr

Enjeux industriels autour de la recharge des batteries

Commençons par le type de batteries : celles procédant d’un alliage nickel – manganèse – cobalt sont les plus couramment utilisées pour les charges lentes, tandis que pour charges rapides en ligne, la composition lithium – oxyde – titanate est fréquemment adoptée. On notera que Bolloré se distingue, puisqu’il produit lui-même ses batteries lithium – ion – polymère. Mercedes adopte aussi ce type de stockage avec électrolyse solide et non plus liquide.

Les modalités de recharge des batteries peuvent faire appel à une large palette de solutions. Pour les exploitants de réseau, l’objectif est d’éviter un foisonnement source de contraintes pour l’exploitation. La standardisation des prises pour la charge lente reste à accomplir. Pour les modalités de biberonnage, c’est encore plus varié même si toutes les solutions reposent sur le principe de l’induction :

  • soit le véhicule est équipé d’un dispositif de captage de type pantographe pour aller au contact de la borne de recharge (qui fonctionne par induction) ;
  • soit la borne de recharge comprend ce pantographe qui vient entrer en contact avec une platine en toiture ;
  • Bombardier avait de son côté envisagé une solution par le sol avec Primove, d’abord testée sur des tramways puis sur des autobus Solaris Urbino à Berlin.

Volvo-ABB-namur

Le réseau belge de Namur s'est doté d'autobus électriques à biberonnage : le véhicule est fourni par Volvo, ils s'agit d'un 7900 standard. En toiture, le système de batteries et de captage de l'énergie et une borne de recharge développée par ABB. Un pantographe en station descend sur le toit du véhicule quand celui-ci est détecté et vient le recharger pendant l'arrêt. (document SWRT)

PVI-bus-électrique-biberonnage

Watt system, le biberonnage mis au point par PVI (Power Vehicule Innovation) développé sur un châssis et une caisse d'autobus Heuliez. (document PVI)

bombardier-primove

Primove a d'abord été testé en circuit clos avec un tramway avant d'être développé sur une ligne expérimentale à Berlin : Bombardier a fourni l'équipement à des autobus Solaris Urbino. (document Bombardier)

090515_2Aschwarzenbergstrasse2

Vienne - Schwarzenbergstrasse - 9 mai 2015 - Nous l'appellerons le pantobus : ce midibus circule dans les rues de l'hypercentre de la capitale autrichienne et se recharge au moyen d'un pantographe en liaison avec une bifilaire. © transporturbain

i12e-aixpress1

Sur la gamme Irizar, les véhicules peuvent être soit à charge lente nocturne au dépôt soit à charge rapide en ligne. Ici le BHNS d'Aix en Provence pendant ses essais : chez Irizar, le pantographe est intégré au véhicule. (cliché Métropole Aix-Marseille-Provence)

Pour l’instant, la solution par biberonnage semble s’imposer pour les autobus articulés, afin de limiter le volume de batteries et donc la masse du véhicule. Elle nécessite aussi la mise au point d’un accostage précis pour activer le dispositif de recharge.

Le risque pour les exploitants – et les autorités organisatrices – est la dépendance aux industriels et les rigidités qui en découleraient sur l’exploitation avec à la clé des coûts d’investissement et d’exploitation accrus. On imagine aisément les complications s’il fallait équiper les arrêts de différents types de bornes de rechargement.

Performance et cycle de vie des batteries… et de l’autobus

D’autres questions émergent autour de l’usage massif de batteries. L’empreinte environnementale de leur production (et de leur livraison) n’est pas des plus vertueuses, ce qui amène logiquement à promouvoir une grande sobriété d’usage global (ce qui in fine invite à amplifier le report modal par une transformation urbaine fondée autour du maillage des transports en commun).

La durée de vie initiale est aujourd’hui évaluée entre 8 et 10 ans et il faut compter sur les progrès technologiques pour la prolonger, en prenant en considération l’altération progressive du niveau de performance. Le recyclage des batteries est donc une activité primordiale, afin de réutiliser des équipements qui ne disposent plus de leur pleine capacité mais dont le niveau résiduel peut être compatible avec d’autres usages de stockage électrique.

La durée de vie dépend aussi de la sollicitation des équipements et donc de la conception générale du véhicule dans un souci de sobriété énergétique. Les industriels développement des équipements destinés à piloter la consommation des batteries pour faire en sorte que l’autonomie demeure la plus élevée et qu’en cas de choix, la motorisation l’emporte sur les fonctionnalités annexes. Mais il faut aller plus loin.

Electrifier un autobus existant n’est pas tout à fait la même chose que concevoir un autobus électrique. La chasse aux kilos est donc lancée, de sorte à ce que la caisse et l’aménagement intérieur perdent du poids. Cela se traduit par exemple par l’allègement des sièges, sans cesse moins confortables. Pour autant, il faut aussi prendre en compte des besoins structurels : les batteries, ça pèse son poids et celles-ci se retrouvent majoritairement en toiture pour d’évidentes questions d’accessibilité. De ce fait, le centre de gravité des autobus remonte, ce qui n’est pas forcément une bonne nouvelle et appelle en principe à améliorer la structure des caisses pour assurer leur tenue dans le temps.

Autre conséquence de l’alourdissement des véhicules, la sollicitation accrue sur les pneumatiques, amenant les équipementiers à travailler sur de nouvelles gommes plus efficaces encore. Mais tout ceci a un coût.

Un premier bilan

Dans son étude de 2018, l'ADEME a tenté un premier bilan des autobus électriques. Elle a confirmé la question centrale de l’autonomie réelle des batteries en fonction des conditions d’exploitation et des effets de la météo. A l’époque, l’autonomie moyenne constatée n’était que de 150 km, soit 50 à 70 km de moins que les annonces des constructeurs. L’ADEME confirmait la perte d’environ 20 % de performance au bout de 7 ans.

L’ADEME table sur un rapprochement progressif entre le coût de l’autobus thermique et de l’autobus électrique à horizon 2025, en fonction des progrès techniques, mais on serait aussi tenté d’évoquer l’effet de la hausse du coût des carburants d’origine fossile, encore que la tension sur les matériaux constituant les batteries ne puisse être négligée.

Néanmoins, l’autobus électrique peut en principe miser sur une durée de vie accrue, du fait d’une moindre sollicitation de la caisse, grâce à l'absence de vibrations par la motorisation thermique et la boîte de vitesses.

L'ADEME souligne aussi que les bus électriques à rechargement uniquement au dépôt génèrent un surcoût dans le dimensionnement des batteries, mais que les véhicules à biberonnage en ligne exportent la contrainte sur la multiplication des installations permettant leur réalimentation, mais sans que ne se distingue pour l'instant de réel écart entre les deux techniques. Il faudra cependant évaluer les impacts sur la sollicitation du réseau de distribution d’énergie dans le cas d’un large déploiement de cette solution.

L'agence pointe aussi une interrogation sur le dimensionnement des réseaux électriques pour recharger un grand nombre de véhicules et on peut aussi souligner la tension sur le coût des batteries par l'explosion de la demande mondiale et le contexte géopolitique.

Au chapitre des avantages, un écart de coût de l'énergie dans un ratio à l’époque de 1 pour 5 par rapport au gasoil, et une maintenance moins onéreuse des autobus électriques, finalement plus simples.

Enfin, il faut tout de même souligner que, depuis la commercialisation des premiers autobus électriques modernes, plusieurs incendies de véhicules ont eu lieu, avec parfois des dégâts importants (25 véhicules perdus dans un dépôt de Stuttgart). Les origines restent à clarifier, mais la dimension sécuritaire de ces véhicules pourrait constituer dans les années à venir un sujet d'enquête.

De nouveaux constructeurs notamment en France

L’autobus électrique donne aussi lieu à des mouvements industriels qu’il est intéressant d’observer. Les constructeurs déjà bien établis dans le domaine des autobus sont évidemment présents… sauf Iveco Bus qui, en 2020, ne propose pas d’autobus électrique autonome, laissant - pour l'instant - ce créneau à Heuliez. En revanche, il a remis à son catalogue une version trolleybus du Crealis afin de succéder au Cristalistransporturbain, on ne va pas s’en plaindre…).

e-Citaro-BVG

Mercedes a mis du temps à se lancer dans les nouvelles motorisations. Son e-Citaro présente des évolutions techniques, notamment sur la consommation des auxiliaires, et esthétiques assez nettes par rapport au modèle thermique, du fait de l'intégration de l'enjeu de l'autonomie des batteries. (cliché BVG)

P1280201

MAN n'est pas en reste et avait présenté à l'automne 2019 aux RNTP nantaises la version électrique et restylée de son Lion's City. Les constructeurs allemands ont lancé avec un certain décalage l'électrification de leur gamme d'autobus. © transporturbain

A l’échelle européenne, Irizar a également connu une percée très significative, y compris sur le marché français (Aix en Provence, Amiens et Bayonne). Solaris (désormais intégré au groupe CAF) a évidemment mis à profit son expérience sur la traction électrique avec ses Trollino pour décliner une version à batteries de l’Urbino. MAN a récemment présenté un Lion’s City électrique et Mercedes un e-Citaro.

210619_N1sergent1

Amiens - Rue du Sergent - 21 juin 2019 - Irizar a réussi une jolie percée avec son ie-tram se plaçant sur le créneau du BHNS : à l'intérieur, le recours massif au plastique essaie de limiter la masse du véhicule. © transporturbain

La nouveauté est pour l’instant bien française avec d’une part le Bluebus du groupe Bolloré, dont les diversifications font feu de tout bois, mais aussi d’Alstom avec l’Aptis, développé par la filiale New Translohr (ce qui est probablement plus porteur que les « tramways sur pneus »). Néanmoins, pour ce dernier, le caractère trop novateur, la faible capacité (par une place perdue importante) et le coût d’acquisition élevé ont rapidement poussé Alstom à cesser la commercialisation de ce produit.

Aptis-grenoble

Alstom se lance dans l'autobus électrique, via New Translohr. Grenoble et Strasbourg sont ls premières villes à utiliser ces étranges véhicules à 4 roues directrices placées aux extrémités du véhicule. Paris devrait en recevoir une première tranche de 50 dans les mois à venir. (cliché Grenoble Métropole)

bus-electriques

140220_6republique3

Beauvais - Boulevard de la République - 14 février 2020 - Le constructeur chinois BYD a installé une usine dans la région de Beauvais pour faciliter sa pénétration sur le marché français. La ligne 6 desservant l'aéroport de Beauvais est équipée d'un autobus standard électrique BYD12, encore peu présent en France qui utilise des batteries lithium-fer-phosphate. BYD perce aussi en Espagne. © transporturbain

Et maintenant l'hydrogène !

Objet de nombreuses recherches, l'hydrogène est présentée comme une énergie d'avenir : un propos qui appelle par expérience à la prudence. Comme pour le train, l'autobus à hydrogène est en réalité un véhicule dont les batteries sont alimentées par une pile à combustible fonctionnant à l'hydrogène.

Le principe est finalement relativement proche des autobus hybrides puisqu'il s'agit d'embarquer un générateur d'électricité. Dans le cas présent, un autobus standard dispose d'une réserve d'environ 30 kg d'hydrogène, stockée à très haute pression, et d'une pile à combustible, fournissant de l'électricité par électrolyse et ne rejetant que de la vapeur d'eau. La puissance de la seule pile est très faible, de l'ordre de 30 kW sur les premiers autous standards. La puissance maximale développée, avec les batteries est de 250 kW avec une puissance des batteries de 132 kWh, dans le cas du Businova de Safra, inauguré en mai 2019 sur le réseau Tadao du Syndicat Mixte des Transports Artois-Gohelle.

Safra-Businova-H2-TADAO

Présentation le 11 juin 2019 des premiers autobus avec pile à hydrogène pour une première application du côté de Béthune, devançant de quelques mois le BHNS de Pau avec un matériel produit par Van Hool. (document SMT Artois-Gohelle). Encore une fois, l'arrivée de ce matériel est le fait d'un nouvel acteur : Safra était jusqu'à présent carrossier dans le domaine du poids lourds et du transport en commun.

L'autonomie du véhicule atteint 300 km et le rechargement en hydrogène prend environ 15 minutes, mais doit être effectué au dépôt, dans des conditions très sécurisées puisque libéré dans l'atmosphère, l'hydrogène est hautement explosif.

Cette solution réduit - un peu - le dimensionnement des batteries, du fait du recours à un générateur d'autonomie. En revanche, l'exemplarité environnementale est non seulement tributaire des modalités de fabrication des batteries mais aussi de la production d'hydrogène. En outre, la prise en compte de l'énergie nécessaire à la production de l'hydrogène vient quelque peu tempérer les propos enthousiastes, compte tenu d'un rendement entre la production et la consommation d'environ 30%, contre 80% pour le gasoil. Dans le domaine ferroviaire, des experts anglais ont démontré que pour 1 kW utile, la caténaire nécessitait la production de 1,2 kW contre 3 kW pour l'hydrogène.

Autre inconnue, l'accostage du coût d'acquisition : pour l'instant, le bus à hydrogène est 4 fois plus cher que le bus Diesel et il est trop tôt pour évaluer ses bénéfices, ne serait-ce que pour définir les coûts de maintenance, notamment pour assurer la sécurité des réservoirs d'hydrogène.

En conclusion, s'affranchir d'installations fixes de fourniture d'énergie, bref écarter le trolleybus, n'est pas un choix exempt de contraintes influant sur l'efficacité technique et économique de ces palettes de solutions. L'hydrogène pourra être une solution dès lors que sa production sera respectueuse de l'environnement, mais reste structurellement pénalisée par un rendement énergétique entre la production et le consommateur qui reste faible. Du moins serait-ce le point de vue technique. Sur le plan politique, l'effet-vitrine risque d'être prédominant, du moins un certain temps...

Publicité
Publicité
Publicité