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transporturbain - Le webmagazine des transports urbains

Annemasse : tramway disparu... tramway revenu !

Le quotidien des 90 000 habitants de l’agglomération d’Annemasse est historiquement lié à la proximité immédiate avec Genève. Sans surprise, l’histoire des transports publics de cette ville de Haute Savoie est indissociable de celle de la cité de Calvin et nous vous invitons d'ores et déjà à consulter aussi le dossier de transporturbain sur les tramways de Genève.

Quand le tramway franchit la douane

Ainsi, les tramways genevois, encore à traction animale, arrivèrent à la douane de Moillesulaz le 2 juillet 1882. Ce n’était qu’une étape car les Tramways Suisses avaient demandé aux autorités françaises l’autorisation de prolonger la ligne jusqu’à la gare du PLM d’Annemasse, sur un parcours 2800 m. La mise en service intervenait dès le 22 octobre 1883, toujours en traction hippomobile. Sept mois plus tard, des locomotives à vapeur prenaient la relève.

Les TS s’intéressaient à l’agglomération pourtant encore fort modeste d’Annemasse et à ses alentours. Ainsi, une antenne de 1700 m vers Etrembières fut réalisée pour rejoindre la gare du Chemin de fer du Salève. Ouvert le 14 août 1892, le tramway précédait de 4 mois la ligne à crémaillère. Les TS organisèrent d’emblée la vente de billets directs avec le CFS : si les tramways desservaient Annemasse toutes les 30 minutes, seuls 3 allers-retours par jour atteignaient Etrembières, avec cependant en saison un certain succès pour cette offre qu’on qualifierait aujourd’hui d’intégrée.

Voie normale ou voie métrique ?

Le projet de liaison Annemasse – Samoëns déclencha une forte concurrence entre les TS, qui considérait que cette ligne leur était acquise, et les Chemins de Fer Economiques du Nord (CEN), qui l’emportèrent le 29 décembre 1888. Cette ligne à voie métrique de 43 km fut mise en service 3 ans plus tard, incluant par la suite des antennes entre Bonne sur Menoge et Bonneville (13,5 km) et du Pont du Risse à Marignier (8,5 km).

CP-tram-annemasse-samoens-vapeur

Le tramway de Samoëns, établie à voie métrique, à ses débuts en traction vapeur. On aperçoit à droite les voies de remisage situées à proximité de la gare du PLM où se situait le terminus de la ligne.

Il faut rappeler qu’à l’époque, les TS avaient établi leurs lignes à voie normale. Absorbés en 1900 par la Compagnie Genevoise de Tramways Electriques, les installations des TS vers Annemasse furent converties à la voie métrique et électrifiées au tournant du siècle, les travaux étant achevés le 3 décembre 1901. La desserte d’Annemasse allait être progressivement intégrée à la desserte de l’agglomération genevoise avec la ligne 12 amorcée au Rondeau de Carouge.

CP-tram-annemasse

Annemasse - Vers 1909 - Le tramway 12 et la motrice n°83 type Schlieren circule dans la rue de la gare à Annemasse. Nouveau venu dans les rues de la petite ville, il suscite la curiosité d'une jeune fille, alors que ces messieus prennent la pose pour le photographe.

Après la première guerre mondiale, les CEN allaient réaménager la gare d’Annemasse, installée face à celle du PLM. Les tensions économiques des années 1920, entre inflation et blocage des prix, allaient entrainer l’abandon des branches de Marignier et Bonneville, qui se retrouvaient en partie concurrencées avec la desserte ferroviaire de la ligne de la vallée de l’Arve.

Modernisation de la ligne de Samoëns mais contraction du réseau

En revanche, la ligne de Samoëns allait bénéficier d’une importante modernisation, qui n’était pas sans rappeler celle réalisée à Lyon sur la ligne Lyon-Neuville : électrification en 1500 V continu, mise en site propre de certaines sections, allant même jusqu’à la rectification du tracé, mais aussi un prolongement de 6 km de Samoëns à Sixt. Cette transformation était achevée et mise en service le 24 août 1932. L’exploitation était confiée à 7 automotrices et 2 fourgons automoteurs, dotés de 4 moteurs de 74 kW, avec 15 remorques neuves et 6 unités rénovées.

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Saint Jeoire - mai 1959 - Le tramway Annemasse - Sixt a compté parmi les tramways les plus modernes de France, à l'instar du Lyon-Neuville également électrifié en 1932. © J.Paillard

La croissance du trafic allait aussi nécessiter le renforcement des installations électriques, car les chutes de tension dans le secteur d’Annemasse s’avéraient fréquentes : une nouvelle sous-station était installée en 1932 à Annemasse.

En outre, un raccordement allait être réalisé en janvier 1936 avec le réseau de la CGTE pour assurer un train des neiges entre Genève (Plainpalais) et Sixt.

Cependant, la ligne à crémaillère du Salève allait disparaître le 31 décembre 1931 et sa chute entraînait celle de l’antenne d’Etrembières du réseau de tramways. En une décennie, la partie française du réseau de tramways genevois était donc assez nettement élagué.

La guerre et l’appétence pour l’automobile

La deuxième guerre mondiale et l’occupation du territoire français entraîna la scission de l’exploitation des tramways à la frontière, le service étant assuré par une unique motrice et une petite équipe de 6 agents suisses détachés.

Après la libération, la desserte fut à nouveau assurée sans changement de motrice à la frontière et le train des neiges put aussi être mis en ligne en hiver avec un départ reporté au terminus de la Jonction.

Devant le vieillissement des installations ferroviaires, le Département de Haute-Savoie refusa le financement du renouvellement des voies, entrainant l’arrêt de l’exploitation le 31 décembre 1958 de la section française de la ligne 12, dès lors limitée à la douane de Moillesulaz. Bien que sa modernisation soit encore relativement récente, la desserte Annemasse – Sixt par tramways fut supprimée le 14 mai 1959. La desserte fut alors confiée à des autobus.

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Annemasse - Avenue de la Gare - 18 juin 1956 - Dernières années de service pour le tramway dans les rues d'Annemasse, assez peu encombrées par les automobiles. Le matériel roulant n'était plus de première jeunesse et Genève a été sensible au discours très hostile aux tramways, comme dans les villes françaises. Le refus de financement du renouvellement des voies par le Département de Haute-Savoie fut un ingrédient de plus pour démanteler la dernière section française. © J. Bazin

Retour aux sources

L’essor des liaisons transfrontalière avec l’élargissement de l’aire d’influence genevoise sur cette frange de la Haute-Savoie motiva dès le début des années 2000 l’étude de nouvelles solutions de transports en commun. Si le projet CEVA occupa assez naturellement le devant de la scène, le retour du tramway à Annemasse fut également mis à l’étude avec un tracé de 3,3 km entre le terminus de Moillesulaz et le lycée des Glières, en complément d’un BHNS annemassien qui, lui, desservirait la gare SNCF. Adopté en 2010, ce projet évalué à 84,6 M€ a bénéficié d’une contribution suisse à hauteur du tiers du coût, le solde étant porté par la partie française, et principalement l’agglomération d’Annemasse.

Sans attendre cette réalisation, la desserte urbaine d’Annemasse intégra la communauté tarifaire Unireso, pour faciliter les trajets aux nombreux voyageurs transfrontaliers.

La première étape ce de dispositif a été la réalisation du BHNS Tango sur l'axe nord-sud d'Annemasse, mis en service en septembre 2015 dans une configuration provisoire, incluant la liaison préfigurant le tramway vers Moillesulaz. Sur 7,5 km entre les parcs-relais des Chasseurs et du lycée Jean Monnet, les bus articulés hybrides (des MAN Lion's City) bénéficient de voies réservées sur environ 40% du parcours. Des aménagements d'un montant de 21,3 M€ financés d'abord par l'Agglomération d'Annemasse (33,4%), le Département (37,1%) et la Suisse (15,3%) puis l'Etat français (9,4%), la Ville d'Annemasse (3,6 %) et la Région (1,2 %), qui vont donner désormais pleinement leurs effets avec la mise en service du tramway et du RER.

C’est évidemment un tramway à la Suisse qui a été réalisé, à voie métrique, mais avec des installations de signalisation françaises, tout en étant supervisée par les TPG depuis le poste de commandement du réseau.

Dans un premier temps, une première section a été réalisée jusqu’au Parc Montessuits, sur 2,2 km, et mise en service le 15 décembre 2019, exactement en même temps que le RER genevois Léman Express, dont l’origine est presque aussi vieille que celle des tramways genevois puisque le traité international prévoyant la réalisation de la liaison ferroviaire Genève – Annemasse date de… 1881 !

Avec le tramway et le RER, la desserte d’Annemasse se met plus que jamais à l’heure suisse !

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