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transporturbain - Le webmagazine des transports urbains

Amiens : du tramway au BHNS... mais électrique

transporturbain vous propose ce dossier, établi au moment des premières études sur un projet de retour du tramway à Amiens, amorcé en 2012, mais qui ne résista pas à l'alternance politique suite aux élections municipales de 2014, remplacé par un projet de BHNS dont la mise en service est intervenue le 11 mai 2019.

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Amiens - Rue Jules Barni - 21 juin 2019 - La gare du Nord est évidemment un point central du réseau de BHNS. Franchissant le pont sur les voies en direction d'Abbeville et Boulogne, cet autobus ie.tram de la ligne N1 ne porte pas encore le filet bleu matérialisant cette ligne. On notera aussi que le stationnement automobile n'a que faire des couloirs réservés aux bus... © transporturbain

Le premier tramway amiénois (1891 - 1940)

Le 14 mai 1891, deux lignes de tramways à voie métrique ont été mises en service dans les rues d'Amiens. Elles reliaient Saint Acheul à la route d'Abbeville et Saint Pierre à l'Hippodrome avec embranchement sur le cimetière. Recourant à la traction animale, le réseau fut directement converti à l'électricité en janvier 1899, avec l'apparition de 28 motrices sur truck Thomson d'une puissance de 35 CV, rapidement dotées d'un second moteur doublant la puissance. Entre 1902 et 1906, face au succès de l'exploitation, 12 motrices identiques furent livrées, ainsi que 18 remorques dont 8 ouvertes. Le réseau atteignait 19 km et 7 lignes centrées sur la place Gambetta et la gare du Nord, quoique deux d'entre elles formaient en réalité un service circulaire :

  • 1 : Gambetta - Saint Acheul
  • 2 : Gambetta - Montières
  • 3 : Gambetta - Châteaudun
  • 4 : Gare du Nord - Route de Rouen / Hippodrome
  • 5 : Gambetta - Madeleine
  • 6 : Gare du Nord - Gambetta par Saint Pierre
  • 7 : Gare du Nord - Gambetta par Henrville

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Amiens - Place Gambetta - Vers 1910 - Avant la gare du Nord, cette place au coeur de la ville était le point central du réseau de tramways amiénois. On notera en bas de l'image la très faible distance entre les points d'aiguilles permise par les motrices à truck de faible empattement.

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Amiens - Rue Duménil - Vers 1910 - Les petites motrices Thomson à voie métrique dans les rues anciennes du centre de la cité picarde. L'accès se faisait par le côté des plateformes. © collection Th. Assa

Le réseau demeurait stable jusqu'aux années 1930, avec tout au plus quelques adaptations du plan de voie pour améliorer la circulation des convois, notamment par la création d'évitements supplémentaires. Vestibulées en 1910, les motrices primitives allaient être épaulées par 15 nouvelles voitures à plateforme centrale pour entamer leur retrait du service.

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Amiens - Place Alphonse Fiquet - Vers 1920 - Les motrices primitives vestibulées sur le cours, à proximité de la gare du Nord. Selon la coutume de l'époque, les employés de la compagnie posaient devant leur matériel.© collection Th. Assa

Toutefois, le réseau devait être fortement touché par les bombardements de mai 1940 : le dépôt de Saint Acheul, sévèrement touché, était devenu inutilisable, tout comme l'intégralité du matériel. Le service des tramways cessa le 18 mai 1940, remplacé le mois suivant par la mise à disposition de quelques autobus parisiens et versaillais. A la libération, la ville décida de recourir au trolleybus pour les principales lignes, et l'autobus devait lui succéder en 1963.

Le retour du tramway sur les rails ?

Depuis 2009, l'agglomération d'Amiens étudiait l'amélioration de son réseau de transports en commun et comparait les avantages et inconvénients du BHNS et du tramway. Finalement, le 17 novembre 2012, le tramway était adopté à la majorité. La première ligne, d'orientation nord - sud, devait desservir l'hôpital, la gare et la citadelle.

Le contexte est peu favorable aux transports en commun dans cette agglomération : le réseau a perdu près de 40% de sa fréquentation entre 1997 et 2007. Les élus amiénois espéraient donc que le tramway soit l'outil permettant de relancer un réseau jugé peu attractif par la population. Il est vrai que les conditions de circulation sont assez favorables dans la capitale picarde...

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Amiens- Mail Albert 1er - 28 juin 2010 - Le réaménagement de la gare en 2009-2010 a permis de créer quelques aménagements pour les autobus sur le maire Albert 1er notamment emprunté par une ligne à haut niveau de service équipée de Citaro customisés. © transporturbain

L'objectif était de traverser la ville du nord au sud en 36 minutes contre 46 en moyenne aujourd'hui par le réseau d'autobus.

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Ce premier schéma du projet baptisé Amstram fut proposé au débat par l'agglomération à ses habitants. Au nord, la desserte du quartier du Pigeonnier et d'un futur quartier sur la zone dite Frange Nord concernait 17 900 habitants et 3100 emplois à terme avec cette zone aménagée. L'alternative plutôt orientée au nord-est visait plus de 20 000 habitants et plus de 3300 emplois.

Au centre, le passage rue de Saint-Leu fut proposé, quoique complexe : large de 15 à 17 m, le passage du tramway limitait la largeur dévolue aux piétons dans la partie très commerçante. En outre, un immeuble aurait dû être démoli pour assurer un rayon suffisant à une courbe permettant de rejoindre la rue Vanmarcke. Au sud, le tramway devait desservir l'université et l'hôpital, mais sans préciser les conditions exactes de desserte de ces équipements.

La concertation a été menée dans le courant de l'année 2013, parallèlement aux études préalables. L'enquête d'utilité publique était envisagée en 2015, et le début des travaux est espéré en 2016 pour une mise en service en 2019. Amiens devrait présenter son projet dans le nouvel appel à candidatures pour les financements du Grenelle Environnement, dont l'enveloppe de 450 M€ a été confirmée en mai 2013.

Le projet d'Amiens aurait pû être un nouveau terrain d'application pour les tramways compacts de CAF et d'Alstom, voire pour la voie métrique, plus économique et plus facile d'insertion dans les rues étroites, ce qui aurait alors ouvert aussi la voie à Stadler ou Bombardier qui disposent de solides références en la matière. Une stratégie commune fut d'ailleurs envisagée par Amiens et Caen, dans le cadre du remplacement du TVR de cette dernière.

Le BHNS plutôt que le tramway

Cependant, suite aux élections municipales de mars 2014, le changement de majorité a entrainé un coup d'arrêt au projet; dans un revirement favorable à une circulation automobile maximale dans le centre-ville...

Le nouveau projet propose 4 lignes de BHNS, totalisant 44 km dont 22 en site propre, qui devraient placer 62% de la population à moins de 400 m de ce réseau, exploité à l'aide de 43 bus articulés électriques rechargeables par biberonnage au terminus.

BHNS Amiens

Le coût du projet atteint 122 M€ : 7 M€ d'études, 56 M€ pour les aménagements de voirie, 34 M€ pour les autobus, 5 M€ pour les systèmes d'exploitation et de recharge des batteries et 20 M€ pour un nouveau dépôt.

L'agglomération a retenu l'autobus Irizar ie.tram en version 18 m, muni d'un pantographe permettant la recharge des véhicules aux terminus et au dépôt. C'est la première implantation française du constructeur basque. Après une période de mise au point, le fonctionnement semble donner satisfaction : les autobus sont silencieux, souples et puissants. La ligne N4 a d'abord été exploitée par autobus articulés Citaro dans l'attente de l'achèvement des livraisons Le réaménagement des voiries est en revanche le point faible de la mise en service du réseau baptisé Nemo : seule une partie du programme, environ le tiers du linéaire, a été réalisé avant la mise en service survenue le 11 mai 2019.

Sur les sections achevées, il semble que les configurations aient été pensées au plus juste avec par exemple des girations minimales, des voiries réduites à la valeur réglementaire plancher ne facilitant pas les croisements, sans compter la multiplication de plateaux piétonniers qui ralentissent considérablement la circulation des bus tout en altérant le confort. En station, l'exploitant du réseau Amétis a été contraint de recourir aux poteaux provisoires, et les voyageurs ne disposent pas d'une information dynamique des temps d'attente du fait du retard accumulé sur cette partie du projet. Bref, Nemo est un BHNS à la mise en service très partielle mais qui sera observé de près car il s'agit du premier cas d'exploitation de bus électriques à biberonnage.

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Amiens - Centre commercial Promenade - 13 juillet 2019 - Le système de recharge des batteries au terminus fait appel à une borne et à un pantographe installé en toiture. Le conducteur bénéficie d'une assistance pour optimiser le positionnement du bus pour le biberonnage réalisé par induction. © Ph. Nemery

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Amiens - Rue du Sergent - 21 juin 2019 - Pour la ligne N1, le filet de décoration des autobus est bleu. Le tracé du réseau Nemo assure une desserte fine de l'hypercentre au prix d'un tracé parfois un peu sinueux. © transporturbain

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Amiens - Place Alphone Fiquet - 21 juin 2019 - Croisement de deux bus de la ligne N2 à filet rouge. On notera aussi la sérigraphie dédiée à Jules Verne sur l'ensemble des véhicules. © transporturbain

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Amiens - Boulevard Albert Ier - 21 juin 2019 - Filet vert pour la ligne N3 sur une partie du boulevard qui n'a pas encore été réaménagée. On notera la demi-porte avant et le vitrage d'angle qui permet au conducteur d'avoir une visibilité maximale pour l'accostage aux arrêts et lors des girations. © transporturbain

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Amiens - Rue Leclerc - 21 juin 2019 - La ligne N4 utilise transitoirement des autobus articulés Citaro redécorés pour s'apparenter aux ie.tram des autres lignes en attendant l'achèvement des livraisons. Ici, une station est aménagée en ilot central sur un couloir réservé. © transporturbain

A noter que durant le premier mois d'exploitation, afin d'inciter les amiénois à découvrir leur nouveau réseau, même pas encore totalement achevé, la gratuité a été instaurée temporairement par l'agglomération.

Mais d'autres difficultés sont intervenues sur le matériel roulant avec notamment un problème sur les batteries, n'appréciant que très modérément les petits matins frisquets de Picardie, sur le freinage (vapeur d'eau dans les bombonnes d'air comprimé) et sur le chauffage fonctionnant avec une pompe à chaleur. Le contrat avec Irizar stipulait un engagement minimal de 36 autobus sur un parc de 43, objectif qui n'a pas été atteint après 2 ans de fonctionnement.

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