Le 9 septembre 1991, les lyonnais pouvaient enfin découvrir la quatrième ligne du métro de l'agglomération, sur une première section entre Gorge de loup et Grange Blanche. Ce nouvel axe est-ouest était attendu : le quartier de Vaise commençait déjà sa transformation, l'ancienne Manufacture des Tabacs allait devenir une université et la population augmentait dans les arrondissements de la rive gauche du Rhône. Le terminus provisoire de Grange Blanche desservait l'important hôpital Edouard Herriot.
Lyon - Station Grange Blanche - 2 septembre 1991 - Derniers essais avant le grand jour : le lendemain aura lieu l'inauguration politique. La rame 361 est équipée d'un poste de conduite provisoire : on aperçoit la cloison vitrée séparant le conducteur des passagers et on peut remarquer la dépose de 2 banquettes. (archives municipales de Lyon)
Lyon - Place d'Arsonval - 7 avril 2012 - La ligne D, c'est aussi une nouvelle identité pour les stations de métro : inspiré d'une libellule, ce modèle a eu une existence éphémère car ils sont assez mal vieilli. Tous n'ont cependant pas disparu. © transporturbain
A cette occasion, le réseau de bus et trolleybus était largement remanié et les TCL avaient réussi le tour de force à changer toute la signalétique en une seule nuit, même si les nouvelles indications avaient été le plus souvent installées dès l'été aux arrêts, mais cachés par le maintien des drapeaux orange et marron apparus en 1978. Pour l'ouest lyonnais, l'arrivée de la ligne D allait radicalement améliorer les conditions de transport avec le rabattement de nombreuses lignes de bus à Gorge de loup, proposant une solution bien plus rapide que les itinéraires au départ de Perrache voire des quais de Saône... ou des correspondances entre ligne de bus à l'horloge de Tassin. De son côté, la SNCF renforçait la desserte sur les lignes de chemin de fer de l'ouest lyonnais au départ de Lyon Saint Paul, profitant de la correspondance à Gorge de loup, avec la réouverture de la desserte Tassin - Brignais et un financement des services par le Département du Rhône.
Dans le centre de Lyon, les réorganisations étaient un peu plus discutables : par exemple, les lignes 13 et 44, exploitées en trolleybus, étaient limitées à l'hôtel de ville, les privant de la correspondance avec la ligne D possible avec leur ancien parcours (le 13 reliait alors Montessuy à Bellecour et le 44 Les Sources à Perrache via Bellecour). La ligne 11 était déviée vers Perrache pour remplacer le 4 orienté vers Gerland en remplacement du 18 limité à Saxe-Gambetta. Surtout, le grand axe des cours Gambetta et Albert Thomas disparaissait : depuis 1989, les lignes d'autobus 1 Saint Jean - Grange Blanche et 24 Cordeliers - Bron Sept Chemins avaient été fusionnées en une ligne 1/24 Saint Jean - Sept Chemins exploitée en autobus articulés, après la fin des travaux de construction de la ligne, essentiellement opéré en tranchée ouverte en rive gauche.
A Saint Jean, la station était en correspondance avec les funiculaires, dans un nouvel ensemble intégré dans le bâti du Vieux Lyon, et qui avait nécessité 3 ans de travaux avec leur raccourcissement temporaire.
Entre la place Gabriel Péri et Gorge de loup, le passage sous le Rhône puis sous la Saône avait été réalisé au tunnelier, en bitube, non sans quelques déboires. La première machine avait été lourdement endommagée après avoir percuté les profondes fondations de l'ancien pont médiéval de la Guillotière. Une partie de la place Bellecour s'était effondrée et le passage sous la colline, gorgée d'eau, avait été pour le moins délicate. Le tunnel entre Saint Jean et Fourvière a été réalisé en méthode classique, à l'explosif.
Mais surtout, cette mise en service se déroulait en mode dégradée. Le projet initial en 1984 avait prévu une exploitation conventionnelle avec des rames de 4 voitures en conduite manuelle. Suite au succès du VAL lillois, les élus lyonnais voulurent leur métro automatique, mais pas un VAL. Ainsi devait naître Maggaly (Métro Automatique à Grand Gabarit de l'Agglomération Lyonnaise), dont la mise au point fut particulièrement laborieuse au point que le projet faillit capoter suite à un coup de colère de Michel Noir, alors fraichement élu maire de Lyon. Ainsi, il fallut bricoler à la hâte les nouvelles rames MPL85, composées de 2 voitures, afin de les munir d'un poste de conduite provisoire, séparé du public par une simple cloison vitrée.
La section Grange Blanche - Gare de Vénissieux était alors quasiment achevée mais servait à la finalisation de la mise au point du pilotage automatique. Le 31 août 1992, l'exploitation automatique débutait entre Gorge de loup et Grange Blanche : les voyageurs pouvaient embarquer dans la ligne D depuis les stations Laënnec, Mermoz-Pinel, Parilly et Gare de Vénissieux le 11 décembre suivant., avec à la clé une nouvelle réorganisation du réseau de bus, concernant surtout le sud-est de l'agglomération.
Bron - Station Mermoz-Pinel - 17 avril 2008 - La rame 305 dans sa configuration quasiment d'origine : au fur et à mesure de l'augmentation du trafic, les TCL ont retiré quelques banquettes pour faciliter la circulation des voyageurs, avant de changer complètement l'aménagement en plaçant de nouvelels (et inconfortables) banquettes longitudinales. © transporturbain
La ligne D du métro lyonnais est une pionnière au niveau mondial puisqu'elle est la première ligne sur laquelle fut adopté le principe du canton mobile déformable avec une communication permanente entre les trains et avec le poste de commande centralisé. Rétrospectivement, les difficultés de mise au point de Maggaly sont finalement peu de chose par rapport à la révolution que ce système a procuré à l'exploitation des métros dans le monde entier. Au passage, la ligne D se distingue aussi de la plupart des métros automatiques par l'absence de façades de quai : un système de faisceau laser couvre les voies en station pour arrêter les trains en fonction de la taille de l'élément coupant le faisceau.
Lyon - Station Monplaisir-Lumière - La ligne D dispose désormais de MPL85 modernisés, ayant abandonné leur couleur orange. Les trains de 2 voitures sont d'une capacité souvent insuffisante en heures de pointe, malgré un intervalle de 2 minutes. La ligne transporte près de 300 000 voyageurs par jour. © transporturbain
La prochaine étape, c'est l'exploitation à 4 voitures, pour augmenter la capacité et le confort de la ligne. En 2018, des essais ont eu lieu avec les MPL85, en utilisant les fonctionnalités du pilotage automatique existant. Le SYTRAL envisage à terme une exploitation panachée MPL85 + MPL16 avec des formations de 4 voitures, mais pour cela, il faudrait arriver à fiabiliser le fonctionnement du nouveau système en cours de déploiement sur la ligne B. Finalement, Maggaly, le premier CBTC du monde, aura été relativement rapide à concevoir et déployer sachant qu'on partait d'une feuille blanche.