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transporturbain - Le webmagazine des transports urbains
9 janvier 2021

2021 : un accélérateur de transition ?

Les transports en commun, plus que jamais une solution… mais des problèmes à court terme

Alors que les records de température de la planète tombent d’année en année, rendant déjà obsolètes les vœux de l’accord de Paris signé en 2015, les transports urbains se retrouvent dans la posture inconfortable d'un solide rugbyman devant transformer un essai face aux poteaux mais avec un fort et brûlant vent de face.

L’année 2020 a malmené l’économie des transports publics par :

  • les séquences de confinement sanitaire, vidant presque intégralement les réseaux de leur trafic pendant près d’un tiers de l’année,
  • un essor du télétravail pour une partie des salariés,
  • un « quoi qu’il en coûte » sélectif pour compenser le manque à gagner des réseaux, entre recettes tarifaires et Versement Mobilités,
  •  un « urbanisme tactique » aux effets plus ou moins hasardeux pour les transports publics, devant la percée du vélo.

Il y a pourtant une conjonction de facteurs favorables aux transports publics : l’urgence environnementale impose de profondes remises en question dans l’organisation des déplacements, mais aussi dans l’aménagement des villes. La densité durable, pour limiter l’usage de la voiture et maîtriser la longueur des trajets, et une plus forte articulation entre les projets urbains et les réseaux de transport en commun, demeurent plus que jamais les clés dans la maîtrise des gaz à effet de serre et de l’imperméabilisation des sols.

Pour aller plus loin sur ce sujet, retrouvez le dossier de transporturbain Urbanisme, déplacements, choix modaux.

Les transports en commun, de la navette de quartier au RER parisien transportant 2500 personnes à 120 km/h, constituent le pilier de cette transition urbaine, parce que leur pouvoir structurant est sans égal.

Ils occupent donc une place majeure dans la « réponse » mais sont aujourd’hui en partie un « problème ». L’année 2020 les a fragilisés sur le plan économique et certaines villes, surtout de taille modeste, auront du mal à maintenir le niveau d’offre face aux pertes essuyées l’année dernière, d’autant que la voiture a été le principal mode de repli face à la « peur » – en partie infondée – provoquée par l’usage d’un tramway, d’un autobus ou d’un métro. Le « quoi qu’il en coûte » gouvernemental a été pour le moins sélectif et les transports en commun en ont souffert car si une solution a été trouvée en Ile de France (quoique discutable car reposant sur des prêts qui devront être remboursés), les autres autorités organisatrices restent dans une situation floue.

Priorité aux transports publics, plus que jamais

Dans ce contexte, il est donc essentiel de renforcer encore l’attractivité des transports en commun. Il faut espérer que le trafic revienne le plus rapidement possible, et que la part « perdue » par le développement du télétravail, perceptible surtout sur les heures de pointe, soit compensée à la fois par les effets de ces nouveaux rythmes urbains sur l’usage des transports publics hors pointes (télétravail ne signifie pas nécessairement moins de déplacements, mais plutôt un écrêtement des pointes du matin et du soir et une hausse progressive du trafic en journée) et dans la conquête de nouveaux voyageurs. Pour cela, au-delà de la traditionnelle approche quantitative de l’offre, il faudra plus que jamais accroître la qualité du service.

Elle passe évidemment par une amélioration de la vitesse commerciale, pour rendre le service plus attractif et accroître de façon rationnelle sa capacité Pour cela, des actions parfois de coût modeste peuvent avoir de grands effets : des couloirs vraiment réservés aux autobus et trolleybus (sur ce point, la position de l’UTP est très claire), une amélioration de la gestion des carrefours, des adaptations ponctuelles de tracé, un réexamen du nombre et de la position des arrêts, l’introduction de bus articulés sur les lignes à fort trafic, le retour du libre-accès par toutes les portes, la systématisation du cadencement sur toutes les lignes quelle que soit leur niveau de service.

Ces actions contribueront à un deuxième pilier : la fiabilité du service. Savoir que les intervalles et les temps de parcours sont respectés forgent l’image des transports publics, probablement plus qu’une livrée inventée par un designer de renom ou un nom de réseau imaginé par des consultants en communication dont le moins qu’on puisse dire est que la présence du transport urbain finit par être noyé dans une imagerie d’autocar de tourisme.

La dimension qualitative passe aussi par le confort. Il est indéniable que des progrès assez significatifs ont été accomplis depuis le début de ce siècle. Il va falloir continuer et aller plus loin. Le confort commence à l’arrêt (abri, banc, temps d’attente, situation générale du trafic, plan, horaires, fiabilité des temps d’attente, …). Il se prolonge à bord du véhicule, avec l’aménagement du véhicule, le confort des sièges, la facilité des mouvements intérieurs, la qualité de l’éclairage et la propreté. Sur ce point, le covid-19 a déjà eu généralement un effet assez positif.

L’ambiance générale lors du trajet est un facteur de poids dans l’attractivité des transports en commun : entre propreté et éclairage, on évoquera rapidement le contre-exemple du Métro parisien, dans lequel nombre de stations, mal entretenues, les rampes d’éclairage accumulent une couche de crasse inacceptable, notamment dans celles disposant d’un éclairage indirect (« Renouveau du Métro ») intrinsèquement problématique. Les voyageurs se retrouvent dans un environnement lugubre, donnant une piètre image au réseau. A court terme, c’est probablement l’un des domaines où les progrès peuvent être les plus rapides sans être trop onéreux : il suffit … de passer l’éponge régulièrement. Ajoutons aussi les effluves douteuses des couloirs et stations provoquées par la présence d’une population indélicate.

Enfin, il ne faudra pas négliger le développement des réseaux, car c’est aussi un enjeu économique mobilisant de nombreux secteurs d’activité : l’extension et la création de nouvelles lignes de tramway, de BHNS, certaines extensions de métro, viendront à la fois soutenir la relance économique, dans une dimension plus écologique pour réduire encore un peu plus l’usage de la voiture et ses nuisances en zone urbaine. Aux côtés de ces grands projets, l’intermodalité, par le développement des pôles d’échanges et des communautés tarifaires intégrées incluant la SNCF avec des possibilités de recouvrement inter-communautés tels que nous le connaissons en Suisse ou en Allemagne, demeure encore et toujours un vaste chantier, qui connaît il est vrai quelques progrès, réduisant à un rythme encore trop modeste le retard français par rapport aux pays de référence en la matière.

Espérons donc que 2021 accélère ces transitions : il y a urgence !

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6 janvier 2021

Vélos et bus : l'UTP prend une position claire... et consensuellle ?

L'année 2020 sera peut-être celle qui, par l'effet de la crise sanitaire, celle d'un puissant coup d'accélérateur à l'usage du vélo, mais cet essor a été souvent pensé de façon unidimensionnelle, ce qui a donné lieu, par exemple dans les différents articles (dont celui-ci) de transportparis, à des débats parfois houleux, ces aménagements négligeant un peu trop les autres usages de la voirie et plus largement de l'espace public. En résumé, on peut reprocher aux aménagements réalisés de privilégier la course aux kilomètres de pistes cyclables affichés dans la communication politique, quitte à les réaliser à la place de couloirs pour autobus et plus largement à impacter le fonctionnement des transports en commun... ou à les rendre inutilisables par les cyclistes eux-mêmes.

Il est d'ailleurs à noter que la région parisienne constitue un cas extrême - sinon extrémiste - avec en prime un foisonnement de blocs de béton et plots en plastique, incarnant une extraordinaire rigidité du cloisonnement des modes de transport, et pas toujours bien pensés, mais aussi une confusion souvent entretenu dans certains esprits : la chaussée n'est pas que l'espace de la voiture individuelle, et, s'il ne fallait retenir qu'un seul exemple, l'organisation des livraisons reste le parent pauvre de ces aménagements, initialement considérés temporaires, mais dont beaucoup pourraient devenir définitifs (on espère que les blocs de béton et autres plots de plastique ne le seront pas...). Heureusement, dans d'autres villes, on a su rapidement adapter les aménagements en tenant mieux compte de l'ensemble des usages de l'espace public.

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Chaville - Rue Roger Salengro - 23 octobre 2020 - Ce n'est pas forcément mieux en banlieue. Le cycliste circule sur l'ancien couloir utilisé auparavant dans le sens Versailles - Pont de Sèvres par l'importante ligne 171. Le couloir en direction de Versailles, matérialisé par une bordurette, est ici préservé dans sa fonction... © transporturbain

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Lyon - Boulevard des Etats-Unis - 19 décembre 2020 - Outre le développement du réseau de tramways avec ici le croisement entre T4 et la récente ligne T6, ce cliché montre la création ces derniers mois d'une voie de bus sur le boulevard, matérialisée par des bandes peintes et panneaux, prenant l'une des deux files de circulation. La piste cyclable existait déjà depius le réaménagement de l'axe à l'arrivée de T4. Il en résulte un espace large pour les bus et les cyclistes, ce qui est une situation acceptable dès lors que le flux d'autobus n'est pas trop important. © transporturbain

En fin d'année, on avait déjà eu un premier signal d'alarme adressé en septembre dernier par la présidente de la RATP, qui appelait à un peu plus de raison et un peu plus d'efficacité afin de ne pas se tromper de cible : on ne sait pas s'il y aura un « monde d’après », mais pour l'instant, la première chose revenue à peu près à son niveau d'avant la crise, c'est quand même le trafic automobile.

L'Union des Transports Publics a donc pris la plume et publié en fin d'année une position officielle, qu'on peut qualifier de courageuse dans un contexte parfois exacerbé où tout ce qui n'est pas aveuglément pour est considéré radicalement contre. L'UTP rappelle que l'objectif porte à la fois sur la lutte contre l'étalement urbain, facteur de développement de l'usage de la voiture, la lutte contre la congestion et les pollutions générées par le transport individuel motorisé... et qu'à ce jour, les courts trajets sont encore trop souvent effectués en voiture.L'organisme appelle à décloisonner les stratégies d'aménagement urbain, non seulement par une plus forte intégration des transports, et singulièrement des transports en commun dans les politiques d'urbanisme, mais aussi par une dimension multimodale afin de ne pas se tromper de cible : pour l'instant, la croissance de l'usage du vélo provient d'un report provenant de la marche ou des transports en commun, et marginalement de la voiture. C'est contreproductif et, in fine, profite à la voiture.

Il s'agit donc, pour une ville durablement apaisée, de mieux faire cohabiter les modes de transport, et singulièrement le couple autobus - vélo (elle se pose moins avec les tramways français modernes, en site propre, puisque les plateformes sont généralement interdites aux vélos). L'UTP rappelle dans cette position que l'usage des couloirs d'autobus par les cyclistes est rarement autorisé dans les villes où l'usage du vélo a le plus progressé. L'explication fournie est assez simple : si la vitesse moyenne de circulation est relativement comparable en milieu urbain, la vitesse de pointe n'est pas la même (un bus peut rouler jusqu'à 50 km/h entre 2 arrêts) et la masse des véhicules est très différente, créant une logique sensation du vulnérabilité du cycliste dans un couloir pour autobus, surtout si le trafic y est dense.

Au passage, l'UTP rappelle que les transports en commun présentent de loin le meilleur ratio capacité / espace occupé : pour 200 personnes en déplacement, 3 autobus ou un tramway occupent 150 m², contre 300 m² pour 200 vélos et... 2400 m² pour 175 voitures. C'est donc par les transports en commun que l'espace public peut être réaménagé, pour qu'ils soient intrinsèquement plus performants, y compris dans la dimension économique de maîtrise des coûts d'exploitation, ce qui n'est pas un petit sujet en ce moment, par les effets de la crise sanitaire et d'un « quoi qu'il en coûte » gouvernemental à géométrie très variable. Les transports en commun seront aussi plus efficaces dans l'objectif de réduction de la part de déplacements assurés en voiture... et pour dégager de l'espace pour d'autres usages : les piétons, les cyclistes et on sera tenté d'ajouter aussi une dose de végétalisation.

Aussi, l'UTP préconise de dissocier les espaces de circulation de ces deux modes quand le trafic des transports en commun est élevé : en clair, pas de vélos dans les couloirs de bus sur les grands axes à fort trafic, cette mixité ne pouvant être que ponctuelle, sur des sections à moindre trafic de bus. Elle met en avant également le besoin de penser au stationnement des vélos car aligner les kilomètres de pistes cyclables ne saurait être suffisant et il faut aussi veiller à ne pas créer une forme de pagaille sur ce sujet. Au chapitre des points de vigilance, l'UTP appelle aussi à respecter le juge de paix qu'est le Code de la Route...

On pourra faire 2 remarques à cette prise de position :

  • si la chaussée représente bien entre 50 et 60% de la largeur d'une rue, il est erroné de dire que c'est l'espace de la voiture car il y a d'autres usages à cet espace : véhicules d'urgence, d'intervention, livraisons, travaux publics et privés... et souvent transports en commun, puisque l'autobus reste encore le mode de référence dans de nombreuses villes et ne dispose pas systématiquement - parce que le besoin n'est pas justifié - de voie réservée ;
  • la question des livraisons, qui ne cessent d'augmenter avec l'essor accéléré du commerce en ligne, pose des difficultés de plus en plus aiguës, mal appréhendées, y compris dans les récents aménagements, ce qui se traduit par une gêne à la fois pour les transports en commun et pour les cyclistes quand leurs voies sont occupées par des livreurs qui n'ont parfois guère d'autres choix.
13 octobre 2020

Le transport public dans l'incertitude

Une lente remontée de la fréquentation mais des signaux d'alerte

Comme tous les autres secteurs d’activité, le transport public paie un lourd tribut à cette crise sanitaire dont on ne connait pas – encore la fin – pour mesurer l’ampleur de ses conséquences. Il le paie d’autant plus fortement que c’est par nature un lieu concentrant une population importante sur un espace restreint. Pour autant, de ce que l’on arrive à déterminer actuellement, les transports publics ne seraient pas un lieu de transmission majeur de ce virus. En revanche, une véritable inquiétude est apparue dans la population.

Avec le confinement du printemps, le trafic s’est effondré, chutant de 90 à 95%, que ce soit pour les transports urbains et interurbains. Si des allègements d’offre ont été opérés, il n’en demeure pas moins que les frais fixes n’ont pas diminué, entrainant une explosion des déficits. Si l’Ile de France a finalement obtenu gain de cause, les autres autorités organisatrices attendent toujours la traduction du « quoi qu’il en coûte » présidentiel.

Avec la rentrée 2020, on a pu constater un net regain du trafic, sans revenir au niveau nominal : le télétravail, pour les métiers compatibles, et une évolution des choix modaux entrainent un plafonnement du trafic, autour de 80% en moyenne nationale, du moins pour les heures de pointe. En revanche, le trafic en heures creuses a fortement chuté, y compris le week-end.

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Bourg en Bresse - Rue Pierre Sémard - 20 octobre 2017 - Conjoncture difficile pour les petits réseaux, a fortiori quand les conséquences de l'effondrement du trafic ne sont pas reconnues : les transports en commun sont essentiels à la vie d'une cité, quelle que soit sa taille. © transporturbain

Incontestablement, l’augmentation de l’usage du vélo explique aussi l’érosion de la fréquentation des transports publics, mais il y a aussi un retour à la voiture qui ne doit pas être occulté d’autant que le niveau de congestion des grands axes a été l’un des premiers phénomènes revenus à la normale après le déconfinement. La crise sanitaire a donc entraîné un retour à l’individualisme pour une partie de la population, encouragé par des aménagements « temporaires » y compris aux dépens des transports publics de surface.

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Paris - Porte de Saint Cloud - 10 octobre 2020 - Exemple d'aménagement favorisant les vélos mais pas vraiment les usagers des autobus. Pourquoi ne pas avoir conservé l'unité de la gare des autobus en plaçant la piste cyclable entre celle-ci et la circulation automobile ? Sans compter les conditions d'attente des voyageurs plus que précaires et que la limite du mini-trottoir bitumé est invisible. © Th. Assa

Sur les longs parcours, la SNCF a constaté un été moins pire que prévu avec 85% du niveau de 2019, mais souffre depuis la rentrée de la faiblesse du trafic d’affaires et de moindres déplacements pour motif loisirs le week-end. Résultat, des allègements d’offres TGV, une activité aux risques et périls de la SNCF.

Ne pas surestimer les effets du vélo et du télétravail

Dans ces conditions, l’économie du transport public est durablement bouleversée, car les prévisions faisaient état à la fin de l’été d’un retour possible à une situation nominale dans un délai de 2 ans. Mais les incertitudes demeurent quant à l’évolution de la pandémie et les décisions politiques qui seront prises dans les prochaines semaines et les prochains mois.

L’étude réalisée récemment par Kisio pour SNCF Transilien sur l’Ile de France est assez riche d’enseignements. La généralisation de 2 jours de télétravail pour les 29% de salariés potentiellement éligibles entrainerait un écrêtement de 6 à 13% selon les axes de la charge en heure de pointe. Un bénéfice relativement modeste, qui pourrait a minima procurer un meilleur confort, mais il ne faut pas écarter un scénario optimiste avec une nouvelle vague de report modal de la voiture vers les transports publics à iso-offre et taux d’occupation constant grâce à la pérennisation de cette dose de télétravail.

Cependant, la question de fond est celle de la soutenabilité de transports publics avec un déficit accru du fait d’un décrochage du trafic et en particulier de la clientèle occasionnelle, celle qui n’est pas abonnée. Outre le fait qu’une compensation par l’Etat des conséquences du confinement est impérative à court terme, il va falloir interroger le modèle économique à moyen terme et éviter une spirale malthusienne, qui a le mérite de la simplicité mais peut prétendre au trophée de l’inefficacité. Alléger les dessertes en heures creuses ne réduira que marginalement le coût global du service structuré par les pointes, mais aura assurément un effet sur la non-attractivité du service public.

La crise environnementale n'a pas été confinée...

En outre, il ne faut pas oublier qu’au-delà de la crise sanitaro-économique, il y a aussi – surtout ? – une crise environnementale qui appelle inéluctablement à accroître le rôle des transports publics au détriment du transport individuel motorisé… et que le vélo n’est une réponse que très partielle, écrêtant tout au plus les pointes.

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Marseille - Rue de la République - 14 février 2014 - Les transports publics constituent la solution la plus efficace pour réduire l'usage de la voiture en ville et structurer un urbanisme de densité durable. En coeur d'agglomération, le vélo peut tout au plus écrêter les pointes. SItuation probablement différente en périphérie, notamment pour organiser les rabattements sur les modes lourds. Rappel : la circulation des bicyclettes sur les voies des tramway est interdite ! © transporturbain

Pour affronter cet enjeu durable, il va falloir donner aux transports publics le moyen de surmonter une crise durable, en maintenant une offre soutenue malgré une moindre fréquentation. L'une des clés pour maîtriser les coûts de fonctionnement réside dans un mot qui heurte bien des oreilles : productivité. En la matière, il s'agit d'augmenter la vitesse commerciale, par des aménagements assurant - restaurant parfois - de bonnes conditions de circulation : cela concerne évidemment d'abord les réseaux de surface, autobus et trolleybus aux premières loges. Voies vraiment réservées, sites propres, priorité aux carrefours, accélération des échanges aux arrêts avec l'accès par toutes les portes, vente de titre de transport déportée aux arrêts, voire dématérialisée. Ajoutons aussi dans certains cas (et notamment à Paris et sa petite couronne), une révision des plans de circulation pensés pour les transports en commun, notamment en réassociant au maximum les itinéraires allers et retours... Voilà un vrai urbanisme tactique durable !

Au-delà, il faudra aussi s’interroger sur la valeur du service de transport public, et notamment les modalités de financement, sans exclure les voyageurs. La mise en place de la gratuité semble de peu d’effet sur le report modal depuis la voiture ou les 2 roues motorisés, mais s’invite déjà dans la pré-campagne des élections régionales du printemps prochain.

Or rien n’est vraiment réglé sur ce point : en Ile de France, le mécanisme adopté fait quand même reposer sur la Région la majorité des conséquences de la crise, et dans les autres villes, l’Etat reste sourd aux demandes des collectivités. Le « quoi qu’il en coûte » est déjà dépassé. Mais en Ile de France, le financement de l’exploitation du Grand Paris Express est toujours au point mort. L’Etat ferme les yeux devant un problème qui montera en puissance tout au long de la décennie pour atteindre 2 MM€ par an à horizon 2030…

3 juillet 2020

Municipales : allez les verts ?

Depuis dimanche dernier, on parle de vague verte après la victoire de listes écologistes à Bordeaux, Poitiers, Tours, Lyon, Annecy, Strasbourg, Nancy, Besançon et Colombes. La situation est encore incertaine à Marseille où il faut attendre le 3ème tour. Il faut cependant souligner que l'abstention a largement dominé ce scrutin atypique, dont les deux tours ont été séparés de 3 mois et demi. La portée des résultats en est quand même un peu altérée.

On notera aussi que ces victoires ont lieu dans des zones urbaines denses. C'est un enseignement important : le vote Vert a bien du mal à percer dans les villes de taille moyenne et en zone rurale, ne serait-ce que parce que les listes sans étiquettes y sont bien plus nombreuses et que les clivages d'appareils politiques sont l'apanage des grandes villes. Mais quand on pointe le clivage entre les habitants des grandes villes et des territoires plus ruraux, le résultat d'hier vient alimenter cette analyse. Pourtant, un habitant de Privas n'est pas moins sensible aux questions environnementales qu'un lyonnais... mais elle s'exprime de façon très différente dans un processus électoral.

La grande question est la suivante : avoir élu  une liste écologiste se traduit-il par une politique favorable aux transports en commun ? Poser la question, c'est déjà émettre une doute... ou au moins considérer que cela ne va pas nécessairement de soi.

L'appétence pour le développement de l'usage du vélo a pris un certain ascendant dans les discours et les programmes et il y a quand même un risque : on y évoque moins de projets pour les transports en commun et les considérations sur ce que certains appellent un « urbanisme tactique » constituent parfois une zone grise. La période récente a montré que la création de pistes cyclables pouvait se faire au détriment des transports en commun en transformant un couloir de bus et en les reléguant dans la circulation générale. Dans d'autres cas, heureusement, on a commencé par réaliser de nouveaux couloirs pour autobus admettant les vélos. C'est mieux... du moins tant qu'il n'y a pas trop de vélos, au risque d'affecter le service.

Si on prend le cas de Lyon, il semblerait que le programme soit plutôt construit sur un mixage raisonné avec la poursuite du développement du tramway (mais que va devenir le projet de nouveau métro ?) pour desservir la presqu'île (maillon Bellecour-  Préfecture), achever T6 (section Hôpitaux Est - La Doua) et former une rocade en première couronne (Vaulx - Bron - Vénissieux - St Fons - Gerland) en tête d'affiche et un plan d'augmentation de l'offre (mais il y a un petit sujet de financement, accentué par le confinement sanitaire du printemps).

Parmi les premières déclarations, on remarque déjà un léger dérapage en considérant qu'il fallait abandonner Lyon - Turin, projet du passé (sous-entendu du passif ?) : rajouter du sel sur la plaie de ce dossier où le point de non-retour semble avoir été dépassé n'apporte pas grand-chose. A vrai dire, on préfèrerait une prise de position sur le devenir du projet du métro E... qu'il est encore temps de réexaminer. Il semblerait qu'on commence aussi à évoquer l'hypothèse de télécabines entre le quartier du Confluent et le plateau ouest : une façon d'attaquer de biais le dossier ?

A Annecy, le projet de tunnel routier sous le massif du Semnoz a du plomb dans l'aile et il pourrait être question d'un tramway. Mais la situation parisienne pose quand même question car plusieurs aménagements cyclables se font au détriment de l'attractivité des transports en commun.Et on connaît l'effet-vitrine de la capitale...

A Bordeaux, le nouveau maire semble focalisé sur le vélo. Il lui faudra quand même se pencher sur le fonctionnement des transports en commun et l'évolution du réseau de tramways. Outre le sort des dessertes au sud-ouest de l'agglomération, le dossier-phare pourrait bien être celui des Boulevards. La création d'une rocade à grande capacité apparaît de plus en plus indispensable, pour délester le coeur du réseau (moins de correspondances à Pey-Berland et aux Quinconces) et capter de nouveaux utilisateurs. Manifestement, sa priorité serait une grande piste cyclable : pourquoi ne pas concilier les deux dans un même projet ? Autre dossier sensible, le BHNS de Saint Médard en Jalles, avec en particulier la question de la section Gambetta - Gare Saint Jean, dont on aurait préféré à transporturbain qu'elle soit empruntée par la ligne D, toujours dans l'objectif de mailler le réseau afin d'en desserrer les contraintes.

A Lille, où l'équipe sortante a eu chaud, que deviendront les projets de tramways esquissés ? Et à Marseille, où le retard en matière de transports urbains reste colossal, les projets de tramway seront-ils poursuivis ? Et à Toulouse, où la reconduction de l'équipe sortante remet en scène un clivage artificiel entre le métro et le train ?

La véritable tactique d'une évolution de l'urbanisme reste donc bien d'abord dans un coup d'accélérateur donné aux transports publics, par l'amélioration de l'offre et de la capacité et par une coordination étroite avec le développement urbain. C'est par le transport collectif qu'on pourra réorienter les choix modaux et intégrer dans les nouveaux aménagements des itinéraires cyclables attractifs. Le vélo ne peut pas tout mais ça ne veut pas dire qu'il ne peut rien du tout... mais dans ce monde de plus en plus manichéen, le sens de la nuance se perd... Elle se perd même parmi les partisans de la petite reine, qui oublient un peu parfois qu'en voulant artificiellement pénaliser l'automobile en ville en réduisant la capacité des voiries, on pénalise d'abord et surtout les transports en commun ! Gare au néo-individualisme !

Les nouvelles municipalités auront donc fort à faire et devront faire preuve à la fois de détermination - et de doigté dans certains cas - dans un contexte économiquement difficile mais d'urgence à l'action... et on peut quand même mesurer l'évolution de la maturation de la population à ces enjeux. Mais il faudra prendre garde aux contrastes entre les villes-centres, les couronnes périurbaines et les localités rurales en recherchant un esprit de consensus. Rendez-vous en 2026...

5 juin 2020

L'UTP presse l'Etat de soutenir les transports publics

La liste des courriers au gouvernement sur les transports en commun s'allonge ! Après les opérateurs, le GART, la FNAUT, voici celui de l'UTP.

L'UTP appelle donc à son tour l'Etat à soutenir les transports en commun. Les pertes pour les transports urbains sont évaluées à au moins 4 MM€, avec baisse des recettes d'environ 50%, sans compter les effets de la chute du Versement Mobilités qui se fera aussi sentir dans la durée en raison du décrochage économique des entreprises. L'UTP insiste sur le fait que sans un soutien rapide et puissant de l'Etat, les autorités organisatrices seront en situation de cessation de paiement avec pour conséquences l'arrêt progressif des services, un risque évident sur l'emploi dans le secteur du transport public et une menace d'exclusion supplémentaire des populations les plus tributaires des transports en commun . En Ile de France, les restrictions pourraient survenir dès le mois de juillet, au-delà des traditionnels allègements d'offre d'été. D'ici la fin de l'année, l'ensemble des réseaux pourraient être concernés. Mais pour l'instant, l'Etat est atteint de surdité sélective.

Au-delà du constat, l'UTP fait aussi ses propositions :

  • prise en charge par l'Etat en 2020 et 2021 de la compensation des pertes de recettes liées à la période de confinement ;
  • abaissement de la TVA à 5,5 % pour l'ensemble des transports en commun y compris les billets longue distance ;
  • relance des investissements avec un appel à projets pour améliorer les réseaux : TCSP, verdissement des parcs, aménagements intermodaux...
  • prise en compte de l'amélioration des transports en commun dans tous les projets d'urbanisme concernant la voirie.

 

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30 mai 2020

Les transports en commun et le néo-individualisme urbain

Sujet potentiellement sensible... mais il faut savoir prendre quelques risques parfois.

Des années 1930 jusqu'au milieu des années 1970, les transports en commun ont subi les effets de la démocratisation progressive de l'automobile, surtout après la deuxième guerre mondiale où celle-ci est devenue une priorité industrielle nationale. Résultat : un démantèlement en règle des tramways, un accaparement de l'espace public, la pollution, les nuisances, l'insécurité routière... mais aussi des considération d'urbanisme centrés autour de déplacements en voiture, avec de forts effets de ségrégation et de dépendance à ce mode de transport. Ne développons pas plus, transporturbain a déjà consacré un dossier à ce sujet.

Cette fois-ci, c'est à cette forme de néo-individualisme urbain que transporturbain s'intéresse. Il ne s'agit pas du tout de le mettre au banc des accusés, mais d'attirer l'attention sur certaines analogies de situation et de raisonnement avec l'automobile... vis-à-vis des transports en commun. Le développement en France de l'usage du vélo est évidemment une bonne chose, compte tenu du fait que la majorité des trajets en voiture en milieu urbain ont une longueur inférieure à 5 km. Ce peut être aussi un moyen d'écrêter des pics de trafic sur les réseaux de transports publics et donc d'agir sur leur fonctionnement et sur leur coût, en essayant de lisser les investissements.

En revanche, sous couvert d'être un mode de transport dit doux car non polluant, il ne faudrait pas que son retour en grâce, après des années d'ostracisme (presque autant que le tramways dans nos villes !) n'ait pour conséquence de reléguer les transports en commun - et singulièrement les autobus... puisque nombre de villes françaises paient les conséquences de la non-modernisation des tramways au profit de l'automobile - au même niveau que le trafic routier général.

Depuis plusieurs années, l'usage du vélo en ville progresse (il est vrai qu'il partait de loin, à quelques rares exceptions) et la pandémie de coronavirus de 2020 semble pour l'instant jouer un rôle d'accélérateur (dont l'intensité reste à mesurer) alors que les transports en commun sont plutôt stigmatisés pour des motifs sanitaires qui semblent exagérés.

Ce nouveau dossier a donc pour objectif d'ouvrir le débat, au-delà des raisonnements de court terme liés à la crise sanitaire, d'identifier ce penchant pour une nouvelle forme d'individualisme dans les déplacements urbains et de remettre en perspective les enjeux d'aménagement urbain, de report modal et de décarbonation des déplacements urbains en suggérant une hiérarchisation des besoins : d'abord le piéton, puis les transports en commun, le vélo et enfin le trafic motorisé général.

27 mai 2020

Le GART inquiet pour les transports publics

Les conséquences de la crise sanitaire et des mesures de confinement commencent à se faire jour et elles ont de quoi sérieusement inquiéter. Le GART (Groupement des Autorités Responsables des Transports) a donc écrit au Président de la République pour l'alerter sur les conséquences à court terme. En résumant :

  • des recettes en forte baisse du fait du confinement et de l'arrêt d'une partie de l'activité économique à la fois par le produit de la billetterie et des abonnements, mais aussi par la chute de la contribution des entreprises par le Versement Mobilité, qui représente le tiers des revenus d'Ile de France Mobilités et jusqu'à la moitié pour les AOT urbaines ;
  • des charges d'exploitation maintenues à un niveau élevé, car le transport est une activité à coûts fixes importants, du fait d'une offre largement surabondante dans la plupart des cas par rapport à la fréquentation réelle ;
  • de nouvelles dépenses liées à la mise en oeuvre des règles de protection sanitaire.

Dans certains cas, les autorités organisatrices ont déjà reporté certains investissements, mais la situation de l'offre de transport pourrait devenir particulièrement critique puisque la plupart d'entre elles seraient en grande difficulté sur le financement des services à un horizon de 3 mois. Sans mesure de soutien durable, l'alternative se résumerait à une augmentation des tarifs ou une diminution de l'offre... voire les deux. Bref, le voyageur paierait les pots cassés. S'il ne faut pas écarter une hausse des tarifs, car la contribution des voyageurs a plutôt baissé depuis 20 ans, celle-ci ne pourra être que limitée car en parallèle, l'évolution du revenu des ménages devrait elle aussi suivre une tendance à la baisse du fait de l'impact social de la crise.

On ne peut que partager la conclusion de ce courrier : 7 MM€ pour Air France, 8 MM€ pour le secteur automobile avec des aides à l'achat de voitures... et pour l'instant pas un mot pour le transport public... même pas un remerciement pour tous ceux qui ont continué à assurer un service minimal de transport dans cette période. Le GART, rappelle à juste titre qu'il n'y aurait de reprise économique sans transports publics performants. On serait tenté d'ajouter « reprise économique écologiquement responsable » !

Ce courrier, à la conclusion inhabituellement franche et directe, révèle une fois de plus le malaise des professionnels du transport public, pris dans des injonctions de plus en plus contradictoires de l'Etat, lui-même pris à son propre jeu : clamer la priorité aux transports du quotidien, c'est bien surtout quand il y a des actes. Quand il n'y a rien, cela ressemble à ce duo avec Dalida et Alain Delon (mais sans caramel, bonbons et chocolats...). Pour l'instant, l'Etat joue l'esquive pour les transports urbains, interurbains, routiers et ferroviaires, que ce soit vis-à-vis des exploitants mais aussi des collectivités locales autorités organisatrices. Pour combien de temps ? Dans moins d'un an, les élections régionales et dans 2 ans, la séquence présidentielle - législatives...

4 mai 2020

Déconfinement : les opérateurs haussent le ton

C'est un courrier assez inédit. D'abord, il est signé par les 4 acteurs majeurs du secteurs : RATP, SNCF, Keolis, Transdev, tous au diapason d'une missive adressée au Premier Ministre, dont le contenu révélé ce matin par Le Point ne prend pas de gants pour dénoncer l'incohérence des décisions du gouvernement et l'incapacité de ces entreprises à les mettre en oeuvre.

En résumé : contrôler que chaque voyageur soit masqué et respecte la règle d'un mètre vis à vis des autres personnes à bord n'est pas possible sans l'engagement de forces de police. Le gouvernement avait donné 3 semaines aux opérateurs pour mettre en oeuvre ces règles. La réponse n'a pas tardé : c'est une fin de non-recevoir, dans laquelle les 4 entreprises dégagent leurs salariés de missions qui ne sont pas les leurs et mettent en garde le gouvernement face au risque de troubles à l'ordre public et de mouvements sociaux. Ils vont même plus loin, pointant l'incohérence à limiter la capacité des transports publics à 10 ou 20% de leur potentiel dans un plan de déconfinement et de reprise de l'activité économique.

Les 4 signataires ne prennent pas de gants pour dénoncer les choix du Premier Ministre, qui n'étaient pas évoqués dans les échanges qui ont précédé son discours à l'Assemblée Nationale : « Les mesures strictement nécessaires et proportionnées aux risques sanitaires encourus doivent être appropriées au réseau de transport auquel elles s'appliquent ». Comprendre : le masque oui, la distanciation non. Par ailleurs, tout le territoire doit-il être astreint aux mêmes règles ? Les transports publics rejoignent le cortège des mesures édictées à l'échelon national, sans lien avec la réalité locale. En quoi le service d'autobus de Périgueux devrait-il être astreint aux mêmes règles que celui de Colmar, entre un département en vert sur la carte du ministère de la Santé et un département encore en rouge ?

Le fait que ce courrier soit signé par 4 dirigeants d'entreprises publiques ou para-publiques (la Caisse des Dépôts étant l'actionnaire principal de Transdev) renforce sa vigueur car en cas de désaccord, ceux-ci pourraient se retrouver sur un siège éjectable si le gouvernement voulait rester droit dans ses bottes.

Surtout, comment se passera la première journée et, pour plus d'objectivité, la première semaine dans les transports publics ? 

 

29 avril 2020

Déconfinement : les opérateurs déchantent

Manifestement, les annonces du Premier Ministre hier sur le plan de déconfinement - encore virtuel - à compter du 11 mai ont douché les opérateurs de transport public. Alors que depuis plusieurs semaines, la RATP, la SNCF, mais aussi Transdev et Keolis, bref les acteurs majeurs en France du secteur, avaient exposé leur point de vue et les mesures déjà mises en oeuvre mais aussi leurs interrogations sur la suite, on ressent plus qu'une perplexité. M. Philippe a ainsi pris leur contre-pied en imposant la combinaison du port du masque et de la distanciation des individus, tout en maintenant la bride serrée sur la liberté de déplacement... et en demandant aux opérateurs d'augmenter l'offre.

Les opérateurs considèrent qu'il sera très difficile d'appliquer cette règle : la forme est polie du côté des directions, elle est beaucoup plus franche du côté des organisations syndicales qui soulignent aussi le flou sur l'organisation concrète de la protection du personnel et du public au fur et à mesure du déconfinement. Déconfiner en augmentant la contrainte par rapport au confinement, c'est un peu la clarté dans la confusion. Comment faire respecter une règle qui reviendrait à limiter à 20 ou 25 personnes la capacité maximale d'une voiture de métro à Paris, Lyon et Marseille, et probablement moins dans les VAL de Lille, Toulouse et Rennes du fait de leur exiguïté ? Un filtrage en amont suppose du personnel donc des coûts, alors que les recettes sont en chute libre et que la trésorerie des entreprises est au plus mal. Et surtout, cela ne fait que reporter le problème en amont : sur les quais, dans les couloirs et aux arrêts, car la mesure devra aussi être appliquée aux tramways et aux autobus dans toutes les villes de France.

La mesure est d'autant plus surprenante qu'elle a vocation à s'appliquer partout de la même façon, que ce soit dans des Régions très touchées comme le Grand Est, les Hauts de France et l'Ile de France, ou des Régions très peu touchées comme toute la façade Atlantique.

Il était évident qu'il ne serait ni possible ni raisonnable de réouvrir les vannes comme avant le 16 mars. Mais les orientations annoncées hier sur le chapitre des transports confortent une impression de confusion et maintiennent de fortes inquiétudes pour la suite : les collectivités locales autorités organisatrices demandent aussi à l'Etat des précisions sur les compensations financières sur la diminution des recettes tant par l'effondrement du trafic que par la chute des rentrées par la fiscalité locale, du fait de la mise en sommeil d'une partie de l'activité économique et des dégâts qui se préparent... Là dessus, pour l'instant, les messages restent confinés !

2 janvier 2020

Une décennie pour les transports urbains

La décennie qui commence sera, du moins espérons-le, celle d'un nouveau rapport entre la ville, ses habitants, ses activités et la façon de se déplacer. Déjà, dans plusieurs villes, l'usage de la voiture commence à reculer. L'usage du vélo augmente d'autant plus nettement quand il est précédé d'aménagements de qualité pour faciliter et sécuriser la circulation vis à vis du trafic automobile. Le citadin réapprend parfois même à devenir piéton, surtout quand les villes font des efforts pour réaménager les trottoirs et délimiter des espaces qui leur sont plus favorables. Les situations demeurent cependant très fluctuantes en fonction des conjonctures locales et de la compréhension du sujet par les élus locaux. A ce titre, on a pu constater que les revirements pro-voiture qui ont suivi les élections municipales de 2014 ont souvent été de courte durée : le bon sens a fini par l'emporter. La cure de réduction de la dépendance exclusive à la voiture n'est pas terminée, mais le processus est tout de même globalement engagé.

Les transports en commun apparaissent plus que jamais comme l'épine dorsale des transports dans les bassins urbains. On peut tout de même mesurer l'important chemin accompli depuis le tournant des chocs pétroliers de 1973 et 1979 : il est indéniable que les réseaux urbains reviennent de loin, mais pour autant, le retard accumulé durant les Trente Glorieuses, civilisation de l'auto-mobilité, reste conséquent. Alors que de plus en plus de déplacements se font autour du coeur d'agglomération, les investissements portent encore principalement sur la (re-)constitution de lignes radiales : Strasbourg (avec la ligne E), Grenoble (avec la ligne D), Nice (avec la ligne T3) et Lyon (avec la ligne T6) font exception avec la réalisation au moins d'amorces de lignes de rocade.

En ce début d'année 2020, la France compte, hors Ile de France, 5 réseaux de métro (Marseille, Lyon, Lille, Toulouse et Rennes), 25 réseaux de tramways classiques et une ligne de tramway sur pneus (Clermont-Ferrand). Il faut aussi ajouter que 3 réseaux de villes frontalières desservent la France : le tram-train de Sarrebruck vient à Sarreguemines, le réseau bâlois dessert Saint Louis en plus du village du Leymen et désormais Annemasse avec les tramways genevois.

Le marché du tramway en France devrait être, au cours de la décennie, animé car une première projection peut faire état d'un besoin minimal d'au moins 450 rames en ne considérant que le renouvellement des premières générations et les opérations déjà identifiées. Ainsi, Nantes prévoit le remplacement des 46 TFS. D'ici 2030, il faudra probablement en faire de même avec les 53 TFS grenoblois. En Ile de France, l'appel d'offres est déjà passé pour retirer les 35 éléments du T1, dans un appel d'offres de 120 unités couvrant l'ensemble des besoins de la rocade nord entre Rueil-Malmaison et Val de Fontenay. A Lille, si on ne connaît pas encore l'ampleur des besoins liés à la réalisation de nouvelles lignes, du moins faudra-t-il remplacer les 24 rames Breda actuelles. Enfin, à Nancy, il faudra remplacer le TVR et l'agglomération projette l'acquisition de 25 rames.

Au chapitre des développements, outre Lille dont on ne connaît pas encore le volume de rames nécessaires pour les nouvelles lignes esquissées l'an passé, Angers aura besoin d'une vingtaine de rames pour ses 2 nouvelles lignes, tandis que Montpellier devrait see doter de 29 rames pour la ligne 5. Les extensions marseillaises devrait générer la commande d'une trentaine de rames. Brest aurait besoin de 10 unités et Tours d'une vingtaine, pour leur deuxième ligne. On peut d'ores et déjà considéré que Lyon devra acquérir au moins une dizaine de rames pour le prolongement de T6 jusqu'au campus de La Doua. Les réflexions havraises pourraient motiver le besoin de 12 à 20 rames selon l'ampleur des investissements, incluant notamment la transformation de la ligne ferroviaire de Rolleville.

Le métro ne restera pas à quai. Dès cette année, une tête d'affiche : la deuxième ligne de métro à Rennes avec la première mise en exploitation du Cityval de Siemens. Lyon reçoit ses MPL16 dans le cadre de l'automatisation de la ligne B et du renforcement de la capacité de la ligne D. Toulouse allonge ces jours-ci les trains de la ligne A pour faire face à la hausse continue et soutenue de la demande. Marseille vient de désigner Alstom pour renouveler son matériel, en lien avec l'automatisation de son réseau. Lille finira bien par accoucher du projet d'augmentation de capacité de sa première ligne...

Voici donc pour le socle, et encore une fois, hors Ile de France (pour laquelle nous consacrons un article similaire dans transportparis).

Quant aux véhicules routiers, on peut à grands traits esquisser deux lignes d'action : l'amélioration des performances de l'exploitation, avec la réalisation de BHNS plus ou moins évolués dans leur degré de séparation par rapport à la circulation générale, et l'électrification de la motorisation. Le bus électrique à batteries semble démarrer plus difficilement que ce que l'imaginaient constructeurs et élus locaux, ce qui ouvre une brêche favorable au trolleybus nouvelle génération, ne posant pas de question d'autonomie et de modalités de recharge nocturne. Puisse cette décennie faire du slogan de transporturbain « le trolleybus est le seul bus électrique complètement interopérable » une réalité communément admise. La relance à Saint Etienne et les nouveaux projets lyonnais seront certainement scrutés par de nombreux observateurs.

Au-delà, il faudra assurément constituer un fonds d'investissement pour les transports publics, de sorte à ce que l'Etat - et aussi l'Union Européenne - puisse soutenir les collectivités locales dans ces projets au nom de la réduction de la consommation d'énergies fossiles importées. La FNAUT ne cesse de demander le lancement d'un nouvel appel à projets type Grenelle Environnement, mais son efficacité ne peut être réelle sans un appui financier conséquent. La prise de conscience de la population est bien réelle et les attentes sont fortes. Se traduiront-elles dans les urnes ? La sphère politique est-elle vraiment au diapason du corps électoral ? Si nous posons les questions, c'est que nous ne sommes pas convaincus des réponses... Néamoins, le transport public urbain a devant lui une décennie prometteuse si on lui en donne réellement les moyens, ce qui supposera de faire des choix, qui seront parfois jugés tranchés sinon radicaux... mais on a trop attendu, en dépit des réels efforts accomplis au cours des 4 dernières décennies.

Quant au véhicule autonome, promis par certains à un grand avenir, il est encore en phase expérimentale, avec des véhicules de très faible capacité à une vitesse très réduite. L'autonomie totale des véhicules routiers ne sera probablement pas mûre de sitôt, moins pour des raisons techniques qu'administratives : la maîtrise technologique évolue mais c'est dans la définition des responsabilités qu'il faudra statuer en cas d'accident. Le véhicule autonome privilégiera-t-il ses occupants ou le piéton face à lui ? Autre interrogation : ces véhicules nécessitent une hyper-connectivité et une fiabilité des bases de données (de sorte à ce que la voiture ne cherche pas à passer par une rue en escaliers par exemple...). Qui plus est, dans une vision partagée, il n'est pas avéré que ces nouveaux véhicules soient plus économes en distance parcourue. En revanche, la décennie qui débute pourrait être celle d'une déconnexion croissante entre la propriété et l'usage de l'automobile.

Bonne année !

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