15 février 2023

Pas de ZFE ni de ZTL sans bons transports en commun !

Condamné en 2017 pour inaction en matière de transition écologique, l'Etat ne cesse de trainer les pieds : le délai de 3 ans accordé par le Conseil d'Etat a expiré sans mesure concrète, amenant cette institution à prononcer une sanction financière de 10 M€ par semestre d'inaction, portée à 20 M€ l'été dernier. La loi Climat et Résilience a été adoptée à l'été 2021 et reste de portée très insuffisante : elle se cantonne à l'incitation à l'achat de véhicules électriques (voitures et vélos), à l'interdiction des vols intérieurs sur un trajet de moins de 2h30 en train, au développement de la formation à l'écoconduite et à l'instauration de Zones à Faibles Emissions en milieu urbain. C'est assez léger, non ?

Ces dernières seront obligatoires pour toute agglomération d'au moins 150 000 habitants à compter de 2025, soit 43 ZFE. Actuellement, 4 existent et 7 sont en cours d'élaboration. Pour l'instant, ces zones ne sont qu'incitatives, mais l'Etat prévoit l'installation de nouveaux radars adaptés pour verbaliser les véhicules ne répondant pas aux critères d'émission (amende prévue : 68 €).

Cette mesure s'inscrit dans une forme de continuité d'orientations pas vraiment favorables aux transports en commun. Pour résumer, la ZFE crée une barrière technologique sur un seuil d'émissions des motorisations pour tendre vers la voiture électrique, sans remettre en question l'usage et les effets de congestion. Elle peut aussi créer une barrière sociologique selon la capacité des ménages à pouvoir disposer d'un véhicule autorisé.

Il existe une autre forme de restriction, la Zone à Trafic Limité, qui sélectionne par l'usage (en excluant les flux de transit et les non-résidents), mais qui sont parfois assimilées au principe du péage urbain : ce n'est cependant pas automatique.

Le nouveau dossier de transporturbain tente une analyse sur ce thème et rappelle que les bons leviers de réduction de la dépendance à la voiture sont déjà connus de longue date et ont déjà commencé à être mis en oeuvre par nombre de collectivités : améliorer les transports en commun, les coordonner entre eux (y compris les modes individuels), les intégrer à des politiques d'urbanisme durable fondées sur une maîtrise de l'étalement urbain et une planification coordonnée rendant naturelle l'usage de ces réseaux.

Finalement, ne serait-on pas en train de confondre - à dessein - le gâteau (planification coordonnée transport - urbanisme) avec la cerise (les mesures de restrictions de circulation des voitures particulières) ? D'oublier de nombreux facteurs (la congestion par exemple), voire provoquer des clivages sociologiques, selon la capacité des ménages à éviter d'aller toujours plus loin trouver un logement compatible avec leurs revenus, et donc dépendre de plus en plus de la voiture qui leur est pour partie inaccessible, du fait du coût d'acquisition d'un modèle électrique, malgré le fort soutien gouvernemental à cette filière ?

Mais il est vrai que cet axe finalement très classique d'évolution des villes suppose d'importants investissements et des choix politiques forts, y compris contre des acteurs (pas seulement économiques) à fort pouvoir de pression sur les élus locaux et nationaux...


06 octobre 2022

Rétablissement de l'offre : pas si facile

L'effet de ciseau est redoutable : alors que le rétablissement du service nominal sur les réseaux de transports en commun après la pandémie de 2020-2022 est justifiée par le retour des voyageurs, parfois même en rattrapant le rythme ayant précédé le confinement de mars 2020 ; alors que le renchérissement du prix du carburant, même masqué par un subventionnement massif et onéreux de l'Etat, incite à réfléchir à l'usage de la voiture ; alors que l'été qui vient de s'achever a donné un avant-goût supplémentaire des années à venir sur le plan climatique ; alors que la guerre en Ukraine provoque une flambée - elle aussi atténuée par l'Etat du moins pour un temps - des prix de l'énergie ; les réseaux font face à une accumulation inédite de difficultés. On serait tenté de dire qu'ils n'ont jamais connu pareille situation depuis la fin de la deuxième guerre mondiale.

En cause : un manque de personnel sur des métiers stratégiques pour ce service public, celui de conducteur. On pourrait parler de nombreux autres métiers dans ce secteur, mais celui-ci focalise toutes les attentions. Le déficit se compte en milliers, probablement plus de 10 000, car on n'arrive pas encore à clarifier réellement l'ampleur de la situation, très fluctuante, compte tenu de la persistance des mesures sanitaire en cas de test positif. Cependant, sur le plan structurel, le secteur des transports en commun a du mal à renouveler ses effectifs et à recruter pour couvrir les besoins de développement. Il y a pour partie l'effet de l'interruption des campagnes de recrutement et de formation pendant les confinements de 2020 et 2021. Il y a aussi une perte d'attractivité de ces métiers. Souvent critiqués pour leurs conditions particulières voire les privilèges des régimes spéciaux de la RATP et de la SNCF, on peut même constater que certains organes de presse plutôt libéraux en viennent à souligner les problèmes salariaux de ces métiers qu'ils considèrent insuffisamment payés (les vestes doivent avoir de bonnes coutures...). Il faut aussi peut-être y voir un effet générationnel face à des professions qui nécessitent souvent des choix de vie décalés, illustration d'un monde d'avant. Mais le télétravail pour un conducteur d'autobus n'est probablement pas encore pour demain.

Est-ce simplement une question d'ordre économique par rapport au niveau de rémunération ? Ce serait probablement trop simple. Il y a peut-être, pour la RATP et la SNCF, la confirmation de la fin des recrutements sous statut spécifique (ce qui était déjà le cas depuis plusieurs années à la RATP). Mais dans ce cas, comment expliquer les difficultés des opérateurs tels que Keolis, RATP Dev et Transdev ? La libéralisation du marché avec la fin du pré carré de ces deux entreprises à capitaux d'Etat n'est peut-être pas étrangère, mais il paraît difficile d'établir un lien de causalité sur les problèmes de recrutement, ne serait-ce que parce que les agents en bénéficiant sont assurés de le conserver. Encore une fois, en province, le renouvellement des délégations de service public prévoit déjà des dispositifs de continuité pour les personnels hors encadrement.

Les transports en commun semblent donc, comme nombre de services publics, en déficit d'attractivité et vont avoir du mal à créer les conditions d'un rétablissement du service nominal. L'attitude de l'Etat n'est pas anodine, elle non plus : hormis quelques effets de manche qui ne font plus guère illusion que pour quelques naïfs et autres thuriféraires (les deux catégories étant pour partie fongibles), ils sont depuis trop longtemps mal considérés par les différentes majorités. Que ce soit pour le chemin de fer ou les réseaux urbains, les investissements pour améliorer et développer les réseaux demeurent insuffisants, alors que la demande augmente, malgré la redécouverte du vélo.

Pour les transports urbains, si l'initiative est clairement du côté des collectivités locales, le rôle de l'Etat demeure déterminant dans l'appui aux projets. On se souvient par exemple des effets de la Loi sur l'Air et l'Utilisation Rationnelle de l'Energie, adoptée en 1996 et qui avait notamment amorcé la démarche des Plans de Déplacements Urbains et une participation de l'Etat jusqu'à 25% du coût des infrastructures nouvelles. Il en avait résulté le puissant mouvement de renouveau du tramway en France et de quelques projets de métro.

L'inflation des coûts de l'énergie est un nouveau facteur de nature à mettre le service sous tension puisque les autorités organisatrices y sont désormais confrontées et leurs marges de manoeuvre sont évidemment réduites : augmenter la contribution des collectivités locales et des entreprises (via le Versement Mobilité) ne semble guère avoir d'issue, tout comme la hausse la tarification pour les usagers. Bref, une demande en hausse, des ressources au mieux stagnantes, des coûts en hausse et des carences d'effectifs : il est bien difficile à ce stade d'entrevoir les portes de sortie plausibles. Il faudra assurément des moyens supplémentaires, en investissement comme en fonctionnement... mais d'où pourraient-ils provenir ? Pour le chemin de fer, on rappellera une fois de plus les conditions honteuses - scandaleuses ! - du naufrage de l'écotaxe. Pour les réseaux urbains, l'hypothèse de péages urbains ne semble pas avoir les faveurs de l'Etat et des collectivités locales compte tenu d'effets relativement mitigés dans les villes qui y ont recours. Et on sait la capacité de réaction épidermique d'une partie de la population face à la perspective de ce qui ressemblerait de toute façon comme un nouvel impôt.

06 mai 2022

Quand le lobby automobile allemand incite à la modération...

Qui, au cours du même entretien dans le magazine allemand Der Spiegel, a exprimé les avis suivants à propos de la hausse du coût des carburants consécutivé à la guerre en Ukraine ?

  • « Pour de nombreux trajets courts, rouler en voiture n'a aucun sens. Sur d'autres itinéraires, vous pouvez également utiliser les transports en commun ».
  • « Il est possible de se rendre à la boulangerie à vélo au lieu d'un SUV »
  • « J'essaie moi aussi de conduire environ 20 % moins vite »
  • « Chaque litre de carburant économisé peut contribuer à réduire la dépendance vis-à-vis des importations de pétrole et ainsi influencer indirectement le développement ultérieur de la guerre »

C'est Christian Reinicke, président de l’Automobile Club allemand... qui va lancer prochainement une campagne auprès des automobilistes pour inciter à la modération de l'usage de ce mode de transport afin de réduire la consommation de carburant.

 

17 mars 2022

Spécial présidentielle 2022 : le constat

Dans les colonnes de transportrail, nous avons amorcé ce constat sur la situation actuelle et nous le prolongeons à transporturbain en nous focalisant sur les enjeux spécifiques à cette seule dimension.

Dans le bilan de ce quinquennat, on pourra tout de même considérer positivement l'issue du 4ème appel à projets, doté par l'Etat de 900 M€ de participation, soit le double du montant initialement prévu. L'effort supplémentaire est arrivé avec le plan de relance post-crise sanitaire de septembre 2020. Il est toutefois dommage qu'il ait fallu l'irruption de cette pandémie pour commencer à toucher du doigt la contribution des investissements sur les transports urbains dans l'économie nationale et l'articulation avec la question énergétique.

Justement, cette dernière change encore plus violemment de dimension avec la guerre en Ukraine. Elle devrait amener à considérer comme hautement stratégique les investissements de sobriété énergétique : il s'agit non seulement de lutter contre les gaz à effet de serre mais aussi de sanctionner les agissements de la Russie. S'il faut espérer que les seconds reviennent le plus rapidement possible à une posture pacifique, le réchauffement climatique demeure une préoccupation persistante. Bref, au-delà de l'objectif de se passer à terme des énergies fossiles provenant de Russie, il s'agit surtout de s'en passer au maximum, quelle que soit le pays producteur.

Pour l'instant, la posture gouvernementale se contente d'un statu quo comportemental sur la consommation de déplacements, en changeant simplement la motorisation des véhicules pour passer à la traction électrique. Cela ne fera pas tout, car la dépendance aux ressources concourant à la production de batteries n'est pas forcément plus souhaitable que celle que nous avons connu depuis plus de 200 ans aux énergies fossiles. L'objectif est donc de maîtriser les besoins.

Le plan de résilience annoncé le 16 mars par le gouvernement, en réplique stratégique à la situation en Ukraine, apporte des réponses de court terme, mais ne dresse pas réellement de perspectives durables, renvoyant à la Stratégie Nationale Bas-Carbone, elle-même peu loquace et surtout focalisée sur la voiture électrique et le recours à l'hydrogène. Bref, la résilience apparaît d'abord liée à la conjoncture internationale plus qu'à l'évolution structurelle du climat et ses conséquences sur l'activité et la vie quotidienne. C'est une occasion manquée, car la décarbonation de la voiture individuelle n'est qu'une facette de l'action à mener pour réduire la consommation énergétique liée aux déplacements... et n'est pas forcément celle à mettre en tête d'affiche dans le cadre des trajets en milieu urbain.

Nous reviendrons prochainement sur ce débat... qui sera à coup sûr absent de la campagne présidentielle, et probablement législative.

30 novembre 2021

L'usage de la voiture au plus haut

Un effet de ciseau redoutable... et les esprits sont ailleurs. S'intéresser à l'augmentation de l'usage du vélo dans les déplacements urbains ne doit pas faire perdre de vue l'ensemble des circulations. Or la comparaison entre 2019 et 2021 de l'UTP, montre une situation particulièrement préoccupante.

La part modale de la voiture dans l'ensemble des déplacements en France est passée en 2 ans de 80,4 à 85% alors que les transports en commun est passée de 17,6 à 14%. Le manque de recettes des transports publics, urbains et interurbains, approche les 2,3 MM€ : une évidente fragilité qui se traduit par le maintien d'un service partiel sur de nombreux réseaux. Le retour des voyageurs, à un peu plus de 80% en moyenne, est suffisamment significatif pour provoquer un taux d'occupation assez élevé et, dans les transports urbains, par une impression de retour à la normale si on en juge par le taux de compression des voyageurs en heure de pointe. Mais 20% de voyageurs en moins avec 15 à 20% d'offre en moins aboutit à un statu quo quant à l'occupation à l'instant t d'un bus, d'un tramway ou d'un métro.

En élargissant l'analyse, on constate donc une chute brutale de l'usage des modes collectifs et une hausse de l'usage des modes individuels, par le retour à la voiture ou par l'usage du vélo. Or les transports publics demeurent la solution qui, notamment en ville, est la plus économe en espace occupé tout en proposant le meilleur débit. On rappellera que la campagne des années 1970 « C’est 40 voitures... ou moi », affichée sur la calandre des autobus parisiens, reste plus que jamais d'actualité et déclinée dans une version « C’est moi ou 65 vélos » (pour un autobus standard)... quoi que peut-être un peu provocatrice par rapport aux considérations dominantes du moment...

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Paris - Gare Montparnasse - 1974 - Ce Berliet PCMR affecté à la ligne 92 Montparnasse - Porte de Champerret arbore sur sa calandre l'une des bananes publicitaires faisant la promotion de l'autobus : juste après le premier choc pétrolier, le trafic était encore à l'étiage mais la conjoncture - aidée par la modernisation des réseaux et la Carte Orange - redevint propice aux transports publics. Et si on relançait une telle campagne aujourd'hui ? © J.H. Manara

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07 octobre 2021

Appel à projets : les lauréats

900 M€ ont finalement été accordés par l'Etat pour le 4ème appel à projets de transports en commun. Initialement, seuls 400 M€ étaient programmés mais l'Etat a consenti une augmentation de 500 M€ de la dotation par le plan de relance. En proportion, l'effort est significatif, mais il mériterait d'être encore un peu plus important compte tenu de l'effet sur des questions aussi centrales que celles de la qualité de vie urbaine, l'environnement et la santé publique.

Au total, 95 projets ont été sélectionnés. Dans cette liste, on trouve peu de métro, une bonne dose de tramways quoique moins importante que dans les précédents plans, beaucoup de BHNS et, nouveauté pertinente, un grand nombre de pôles d'échanges, qu'il s'agisse de gares centrales dans des villes de taille intermédiaires ou de gares périphériques dans les couronnes périurbaines des grandes métropoles.

En chiffres toujours : 168 km de tramways supplémentaires et 852 km de BHNS ou équivalents.

Lille et Lyon en tête d'affiche

La métropole lilloise se taille la part du lion (d'où le déplacement du Premier Ministre aujourd'hui à Tourcoing) avec 120,31 M€ d'abord pour le développement des tramways :

  • Renouvellement du matériel du tramway : 17,38 M€ ;
  • Nouvelles lignes de tramway Wambrechies / Gare Europe - Seclin / Hallennes, Roubaix - Wattrelos - Hersaux et Roncq - Roubaix - Hem : 80 M€ ;
  • BHNS Lille - Villeneuve d'Ascq (12,58 M€) et Marcq - Villeneuve d'Ascq (9,98 M€) ;
  • Pôle d'échanges Fort de Mons : 370 000 €.

Toujours dans les Hauts de France, l'Etat accorde 2,3 M€ au développement du BHNS de Douai, 320 000 € pour la ligne 6 du réseau Artois-Gohelle et 1,31 M€ pour le pôle d'échanges de la gare d'Arras.

Suit la métropole lyonnaise avec 91,08 M€, d'abord pour les tramways :

  • T6 nord : 16,97 M€ ;
  • T9 : 33,8 M€ ;
  • T10 : 15,8 M€ ;
  • Augmentation de capacité de T1 et T2 (passage aux rames de 43 m) : 3 M€ ;
  • Téléphérique Francheville - Lyon : 7 M€ pour un projet néanmoins très contesté ;
  • BHNS Part-Dieu / La Soie - Sept Chemins - Aéroport Saint Exupéry : 2,84 M€ ;
  • BHNS Sathonay - Trévoux (piloté par la Région) : 9,73 M€
  • Programme d'amélioration de l'exploitation sur les principaux corridors bus : 1,94 M€.

Les 2 lignes de BHNS prévues à Clermont-Ferrand sont créditées de 21,59 M€. A Grenoble, seul, le projet de téléphérique entre Fontaine et Saint Martin le Vinoux a été présenté, avec un concours de 5,11 M€. A Saint Etienne, l'amélioration de la ligne M6 (avec des trolleybus ?) recevra 1,74 M€.

Dijon semble également envisager l'augmentation de capacité de son réseau de tramways, qui sera subventionnée à raison de 1,23 M€.

Un soutien significatif pour de nouvelles lignes de tramway

Nice est également bien dotée avec 49,25 M€ pour le développement du réseau de tramways, 6,94 M€ pour une ligne de BHNS et 1,48 M€ pour le téléphérique entre le terminus du tram à la CADAM et Saint Laurent du Var. Toujours dans les Alpes-Maritimes, Grasse recevra 4,98 M€ pour la ligne de BHNS vers Mouans-Sartoux et Cannes 1,33 M€ pour l'extension du BHNS PalmExpress.

Dans une ville particulièrement à la traine en matière de transports publics, 20 ans après l'abandon du projet de tramway, le BHNS qui essaie de lui succéder entre La Seyne sur mer et La Garde perçoit 40 M€ (vous l'aurez compris, il s'agit de Toulon !)

L'extension du réseau de tramways d'Avignon bénéficiera d'un soutien de 7,83 M€ et la liaison par bus entre Les Angles et le centre d'Avignon 2,15 M€.

Les nouvelles lignes de tramway de Caen, Le Havre et Tours disposent chacune de 40 M€ de subvention de l'Etat. Concernant Tours, il s'agit de la deuxième ligne (la troisième n'étant pas candidate car pas encore connue au moment de l'appel à candidatures). Le projet de BHNS tourangeau bénéficiera d'un soutien à hauteur de 2,04 M€.

Brest recevra 17,09 M€ pour sa deuxième ligne de tramway et 3,81 M€ pour la ligne de BHNS également annoncée. En Bretagne toujours, Rennes recevra 7,63 M€ pour les aménagements de la ligne A pour augmenter sa fréquence (terminus Kennedy) et 2,13 M€ pour l'axe BHNS Est-Ouest.

Nantes percevra 17,95 M€ pour participer au financement des 3 nouvelles lignes de tramway devant desservir l'île de Nantes et le nouveau pôle hospitalier. A Saint Nazaire, le projet de BHNS sera doté par l'Etat de 4,4 M€. Au Mans, l'augmentation de capacité des 2 lignes de tramway (exploitation en rames de 43 m) est soutenue à hauteur de 2,07 M€. L'aménagement de 3 lignes de BHNS est crédité de 6,88 M€.

Strasbourg avait postulé avec l'extension de la ligne G (BHNS) au sud de la gare (950 000 €) et les extensions de tramway : la ligne F vers Wolfisheim (15,12 M€) et le maillage du réseau pour délester le noeud de l'Homme de Fer (23,52 M€).

Bordeaux fait un peu pâle figure avec 7,63 M€ pour la branche de tramway vers l’aéroport et le BHNS entre l’hôpital Pellegrin et Malartic (4,89 M€).

Le projet de tramway de La Réunion refait surface et reçoit le budget maximal de 40 M€

BHNS encore

Viennent ensuite une série assez importante de projets de bus plus ou moins améliorés, tant est large le spectre du « haut niveau de service » :

  • Nancy : 32,29 M€ pour 4 lignes destinées à remplacer le projet de tramway ;
  • Montpellier : 20,06 M€ pour 4 lignes complétant les 5 lignes de tramway existantes ou en projet ;
  • Metz : 790 000 € pour le prolongement de la ligne A et 2,01 M€ pour la création de ligne C du réseau Mettis ;
  • Reims : 14,6 M€ pour la création de 2 lignes ;
  • Rouen : 3,18 M€ pour le Teor T5 entre le quartier Flaubert et Mont Saint Aignan ;
  • Cherbourg : 1,91 M€ ;
  • Blois : 2,78 M€ ;
  • Limoges : 15,88 M€ ;
  • Nîmes : 1,56 M€ pour le prolongement de la ligne T1 :
  • Toulouse : 4,72 M€ ;
  • Guadeloupe : 13,62 M€
  • Cayenne : 7,03 M€
  • Martinique : 22 M€
  • Mayotte : 4,89 M€
  • La Réunion : 1,97 M€.

La répartition par mode est la suivante :

  • Métro : 7,63 M€
  • Tramway : 468,64 M€
  • Bus : 278,3 M€
  • Téléphérique : 13,59 M€

Le solde est constitué d’aménagements pour l’intermodalité soit 131,84 M€.

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04 octobre 2021

Congrès du GART et financement du transport public

Renouant avec la forme classique couplant congrès et salon, à Toulouse, les Rencontres Nationales du Transport Public organisées par le GART ont été principalement l'occasion d'évoquer le financement des transports en commun. Manifestement, le gouvernement ne reprend pas les conclusions du rapport de Philippe Duron sur ce dossier, posant la question de la soutenabilité d'une faible contribution des usagers d'une part et proposant notamment de conditionner le soutien de l'Etat aux projets à un taux plancher de couverture par les utilisateurs, et mettant l'Etat également devant ses responsabilités pour accompagner toutes - sans exception - les autorités organisatrices dans la remise à flot de leurs comptes après la crise sanitaire. Il n'est d'ailleurs pas surprenant que, 3 jours plus tard, à Montpellier au Congrès de Régions de France, la sélectivité de l'Etat dans son « quoi qu’il en coûte » ait été une nouvelle fois déplorée : le temps est toujours à l'orage entre l'Etat et les Régions... et les effets d'annonce sur quelques projets phares ne semble pas suffire à créer une relation de confiance.

De son côté, avant de filer à Montpellier, la présidente de la Région Occitanie en a profité pour rappeler son engagement, concrétisé dans la foulée, à hauteur de 800 M€ pour le financement du renouvellement et de la modernisation du réseau ferroviaire : l'appel du pied effectué l'année dernière auprès de l'Etat n'a pas reçu de réponse (quelle surprise !).

Quant au salon, pas de grandes nouveautés dans l'industrie du transport public : les constructeurs d'autobus mettent en avant leurs modèles électriques et au gaz. Seule l'association toulousaine de préservation de véhicules anciens (l'ASPTUIT) osait afficher des véhicules au gasoil avec un Renault PR100 et un Saviem SC10 (en très bel état au demeurant).

SC10UMA-ASPTUIT_1

PR100-ASPTUIT_2

L'Association pour la Sauvegarde du Patrimoine des Transports Urbains et Interurbains Toulousains avait amené à l'entrée du parc des expositions des véhicules faisant le contraste avec ceux exposés à l'intérieur : un Saviem SC10U à plateforme arrière ouverte (grand format à Toulouse avec porte arrière donnant directement sur l'espace ouvert) et un Renault PR100MI. © transporturbain

SCANIA-Citywide-électrique

VOLVO-7900-électrique

MAN-Lion's-City-électrique

MERCEDES-E-citaro

Tous électriques : le Scania Citywide, le Volvo 7900, le MAN Lion's City et le Mercedes e-Citaro sont ici représentés. De son côté Iveco faisait plus classique en misant sur le biogaz. En revanche, pas de trolleybus... © transporturbain

BOLLORE-Bluebus-mini

Bolloré présentait la version microbus de gamme avec un véhicule de 6 mètres de long seulement destiné à de petites navettes d'intérêt très local. © transporturbain

SAFRA-Businova-hydrogene

Régional de l'étape, Safra exposait une fois de plus son étrange Businova muni d'une pile à combustible fonctionnant à l'hydrogène. L'accessibilité de ce véhicule est déroutante avec une partie arrière surélevée, à rebours des autres véhicules du marché européen. © transporturbain

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16 juillet 2021

Transports urbains post-COVID : quelles solutions ?

En une vingtaine d’années, c’est devenu un personnage incontournable du secteur des transports et ses productions ont été multiples, souvent ferroviaires (avenir des TET, premier conseil d’Orientation des Infrastructures).

Cette fois-ci, il a coordonné la production d’un rapport multimodal : ce n’était pas sa vocation initiale, mais il était impossible de ne pas embrasser l’ensemble des réseaux, urbains, interurbains et ferroviaires.

Il s’agit d’évaluer l’impact de la crise sanitaire depuis 2020 sur le modèle économique des transports collectifs. Affichant un recul de fréquentation de plus de 30% pour les transports urbains et de plus de 40% pour les réseaux ferroviaires régionaux, il est évidemment urgent de s’interroger sur les conséquences économiques et les solutions pour y pallier, d’autant que, pour une partie des utilisateurs, l’essor du télétravail à raison d’un à deux jours par semaine en moyenne va modifier durablement les usages.

Pour plus de clarté, nous dissocions l’analyse entre transporturbain et transportrail sur leurs domaines respectifs.

La perte de fréquentation des réseaux urbains a entrainé une diminution de 27% des recettes. Le Versement Mobilité (ex-Versement Transport) a plutôt bien résisté (-5%), mais évidemment, les coûts sont restés relativement constants malgré la forte réduction du service.

Les réseaux sont cependant inquiets car, avec la fin des restrictions de déplacements, le retour des voyageurs dans les bus, tramways et métros a été beaucoup plus lent que la reprise du trafic routier. Une partie des utilisateurs a renoncé aux transports en commun et c’est d’abord la voiture qui en a profité, avant le vélo.

En outre, les compensations de l’Etat ont été d’une ampleur très variable selon que le rôle d’autorité organisatrice soit directement assuré par l’intercommunalité ou par le biais d’un syndicat dédié. Cette inégalité avait déjà suscité de nombreuses critiques et le rapport de M. Duron confirme qu’il faudrait l’abolir.

Les travaux réalisés mettent en exergue la nécessité d’adapter le modèle économique des transports urbains principalement par 5 leviers :

  • Adapter l’offre : augmenter la vitesse commerciale, rationaliser les réseaux, cadencer les services pour des offres plus lisibles, développer l’intermodalité… bref un discours classique, mais une piqure de rappel ne peut faire de mal. Pour les 36 principales autorités organisatrices urbaines, le besoin d’investissement pour améliorer les réseaux (BHNS, tramways, métros) est estimé à 20 MM€ d’euros et concernerait un quart de la population urbaine française ;
  • Repenser la tarification : l’amélioration qualitative et quantitative doit se traduire par une évolution de la part incombant aux voyageurs, tout en incitant au report modal par une dissuasion à l’usage de la voiture par le stationnement. La gratuité est contestée (ce n’est pas une surprise) et pour cela, le rapport préconise un plafonnement du Versement Mobilité et une réduction des participations de l’Etat aux investissements quand le taux de couverture des charges par les recettes voyageurs est inférieur à 30%. Or depuis le début de ce siècle, ce taux n’a cessé de diminuer avec les mesures commerciales non dénuées de sens politique (voire démagogique) sur le coût des transports. A contrario, seule Lyon s’approche des taux qu’on connaît par exemple en Allemagne (60% pour le SYTRAL, 70% pour les réseaux urbains comparables outre-Rhin) ;
  • Adapter la fiscalité : le rapport reprend la proposition maintes fois répétée de la FNAUT, l’abaissement de la TVA à 5,5% sur les transports urbains et les transports ferroviaires régionaux. Il propose aussi de flécher une partie de la TICPE vers les autorités organisatrices urbaines et d’envisager une taxation sur les livraisons associées aux commandes en ligne, qui ne manquera pas de susciter de nombreuses réactions ;
  • Moderniser la gouvernance avec le transfert de la compétence sur la voirie et des pouvoirs de police aux intercommunalités, de confier aussi le stationnement aux autorités organisatrices urbaines, tout comme envisager des Zones d’Aménagement Différé autour des axes de TCSP et inciter à développer l’urbanisation prioritairement autour des gares et des lignes structurantes urbaines ;
  • Doubler le niveau d’investissement dans le cadre de l’Appel à Projets pour les transports urbains pour porter l’enveloppe de subvention à 900 M€.

Au-delà, dans les 48 recommandations de ce rapport, on retrouve aussi une étude plus fine des impacts du télétravail sur la fréquentation des réseaux (volume mais aussi serpent de charge), une énième incitation à coordonner urbanisme et transport, l’adaptation des horaires scolaires et universitaires et la création de plans de mobilité scolaire pour lisser les flux, la possibilité de cumuler le Forfait Mobilités Durables avec le remboursement de la moitié de l’abonnement aux transports en commun, la modulation du stationnement en entreprise via les plans de mobilité d’entreprise…

Le devenir de la TICPE est également questionné avec une proposition de redevance kilométrique qui pourrait s’avérer délicate tout comme l’évocation d’une écotaxe pour les poids-lourds.

Dans le domaine urbain et interurbain, le rapport préconise l’essor des biogaz, notamment pour les petits réseaux qui auront du mal à franchir le cap du coût des solutions électriques, du moins à court terme, et de l’accompagner par une récupération d’une partie de la TICGN (équivalent de la TICPE pour les carburants au gaz).

On trouve aussi dans ce rapport une formule un peu générique incitant au « développement de solutions de mobilité s’appuyant sur des dynamiques locales et des acteurs privés ».

09 janvier 2021

2021 : un accélérateur de transition ?

Les transports en commun, plus que jamais une solution… mais des problèmes à court terme

Alors que les records de température de la planète tombent d’année en année, rendant déjà obsolètes les vœux de l’accord de Paris signé en 2015, les transports urbains se retrouvent dans la posture inconfortable d'un solide rugbyman devant transformer un essai face aux poteaux mais avec un fort et brûlant vent de face.

L’année 2020 a malmené l’économie des transports publics par :

  • les séquences de confinement sanitaire, vidant presque intégralement les réseaux de leur trafic pendant près d’un tiers de l’année,
  • un essor du télétravail pour une partie des salariés,
  • un « quoi qu’il en coûte » sélectif pour compenser le manque à gagner des réseaux, entre recettes tarifaires et Versement Mobilités,
  •  un « urbanisme tactique » aux effets plus ou moins hasardeux pour les transports publics, devant la percée du vélo.

Il y a pourtant une conjonction de facteurs favorables aux transports publics : l’urgence environnementale impose de profondes remises en question dans l’organisation des déplacements, mais aussi dans l’aménagement des villes. La densité durable, pour limiter l’usage de la voiture et maîtriser la longueur des trajets, et une plus forte articulation entre les projets urbains et les réseaux de transport en commun, demeurent plus que jamais les clés dans la maîtrise des gaz à effet de serre et de l’imperméabilisation des sols.

Pour aller plus loin sur ce sujet, retrouvez le dossier de transporturbain Urbanisme, déplacements, choix modaux.

Les transports en commun, de la navette de quartier au RER parisien transportant 2500 personnes à 120 km/h, constituent le pilier de cette transition urbaine, parce que leur pouvoir structurant est sans égal.

Ils occupent donc une place majeure dans la « réponse » mais sont aujourd’hui en partie un « problème ». L’année 2020 les a fragilisés sur le plan économique et certaines villes, surtout de taille modeste, auront du mal à maintenir le niveau d’offre face aux pertes essuyées l’année dernière, d’autant que la voiture a été le principal mode de repli face à la « peur » – en partie infondée – provoquée par l’usage d’un tramway, d’un autobus ou d’un métro. Le « quoi qu’il en coûte » gouvernemental a été pour le moins sélectif et les transports en commun en ont souffert car si une solution a été trouvée en Ile de France (quoique discutable car reposant sur des prêts qui devront être remboursés), les autres autorités organisatrices restent dans une situation floue.

Priorité aux transports publics, plus que jamais

Dans ce contexte, il est donc essentiel de renforcer encore l’attractivité des transports en commun. Il faut espérer que le trafic revienne le plus rapidement possible, et que la part « perdue » par le développement du télétravail, perceptible surtout sur les heures de pointe, soit compensée à la fois par les effets de ces nouveaux rythmes urbains sur l’usage des transports publics hors pointes (télétravail ne signifie pas nécessairement moins de déplacements, mais plutôt un écrêtement des pointes du matin et du soir et une hausse progressive du trafic en journée) et dans la conquête de nouveaux voyageurs. Pour cela, au-delà de la traditionnelle approche quantitative de l’offre, il faudra plus que jamais accroître la qualité du service.

Elle passe évidemment par une amélioration de la vitesse commerciale, pour rendre le service plus attractif et accroître de façon rationnelle sa capacité Pour cela, des actions parfois de coût modeste peuvent avoir de grands effets : des couloirs vraiment réservés aux autobus et trolleybus (sur ce point, la position de l’UTP est très claire), une amélioration de la gestion des carrefours, des adaptations ponctuelles de tracé, un réexamen du nombre et de la position des arrêts, l’introduction de bus articulés sur les lignes à fort trafic, le retour du libre-accès par toutes les portes, la systématisation du cadencement sur toutes les lignes quelle que soit leur niveau de service.

Ces actions contribueront à un deuxième pilier : la fiabilité du service. Savoir que les intervalles et les temps de parcours sont respectés forgent l’image des transports publics, probablement plus qu’une livrée inventée par un designer de renom ou un nom de réseau imaginé par des consultants en communication dont le moins qu’on puisse dire est que la présence du transport urbain finit par être noyé dans une imagerie d’autocar de tourisme.

La dimension qualitative passe aussi par le confort. Il est indéniable que des progrès assez significatifs ont été accomplis depuis le début de ce siècle. Il va falloir continuer et aller plus loin. Le confort commence à l’arrêt (abri, banc, temps d’attente, situation générale du trafic, plan, horaires, fiabilité des temps d’attente, …). Il se prolonge à bord du véhicule, avec l’aménagement du véhicule, le confort des sièges, la facilité des mouvements intérieurs, la qualité de l’éclairage et la propreté. Sur ce point, le covid-19 a déjà eu généralement un effet assez positif.

L’ambiance générale lors du trajet est un facteur de poids dans l’attractivité des transports en commun : entre propreté et éclairage, on évoquera rapidement le contre-exemple du Métro parisien, dans lequel nombre de stations, mal entretenues, les rampes d’éclairage accumulent une couche de crasse inacceptable, notamment dans celles disposant d’un éclairage indirect (« Renouveau du Métro ») intrinsèquement problématique. Les voyageurs se retrouvent dans un environnement lugubre, donnant une piètre image au réseau. A court terme, c’est probablement l’un des domaines où les progrès peuvent être les plus rapides sans être trop onéreux : il suffit … de passer l’éponge régulièrement. Ajoutons aussi les effluves douteuses des couloirs et stations provoquées par la présence d’une population indélicate.

Enfin, il ne faudra pas négliger le développement des réseaux, car c’est aussi un enjeu économique mobilisant de nombreux secteurs d’activité : l’extension et la création de nouvelles lignes de tramway, de BHNS, certaines extensions de métro, viendront à la fois soutenir la relance économique, dans une dimension plus écologique pour réduire encore un peu plus l’usage de la voiture et ses nuisances en zone urbaine. Aux côtés de ces grands projets, l’intermodalité, par le développement des pôles d’échanges et des communautés tarifaires intégrées incluant la SNCF avec des possibilités de recouvrement inter-communautés tels que nous le connaissons en Suisse ou en Allemagne, demeure encore et toujours un vaste chantier, qui connaît il est vrai quelques progrès, réduisant à un rythme encore trop modeste le retard français par rapport aux pays de référence en la matière.

Espérons donc que 2021 accélère ces transitions : il y a urgence !

06 janvier 2021

Vélos et bus : l'UTP prend une position claire... et consensuellle ?

L'année 2020 sera peut-être celle qui, par l'effet de la crise sanitaire, celle d'un puissant coup d'accélérateur à l'usage du vélo, mais cet essor a été souvent pensé de façon unidimensionnelle, ce qui a donné lieu, par exemple dans les différents articles (dont celui-ci) de transportparis, à des débats parfois houleux, ces aménagements négligeant un peu trop les autres usages de la voirie et plus largement de l'espace public. En résumé, on peut reprocher aux aménagements réalisés de privilégier la course aux kilomètres de pistes cyclables affichés dans la communication politique, quitte à les réaliser à la place de couloirs pour autobus et plus largement à impacter le fonctionnement des transports en commun... ou à les rendre inutilisables par les cyclistes eux-mêmes.

Il est d'ailleurs à noter que la région parisienne constitue un cas extrême - sinon extrémiste - avec en prime un foisonnement de blocs de béton et plots en plastique, incarnant une extraordinaire rigidité du cloisonnement des modes de transport, et pas toujours bien pensés, mais aussi une confusion souvent entretenu dans certains esprits : la chaussée n'est pas que l'espace de la voiture individuelle, et, s'il ne fallait retenir qu'un seul exemple, l'organisation des livraisons reste le parent pauvre de ces aménagements, initialement considérés temporaires, mais dont beaucoup pourraient devenir définitifs (on espère que les blocs de béton et autres plots de plastique ne le seront pas...). Heureusement, dans d'autres villes, on a su rapidement adapter les aménagements en tenant mieux compte de l'ensemble des usages de l'espace public.

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Chaville - Rue Roger Salengro - 23 octobre 2020 - Ce n'est pas forcément mieux en banlieue. Le cycliste circule sur l'ancien couloir utilisé auparavant dans le sens Versailles - Pont de Sèvres par l'importante ligne 171. Le couloir en direction de Versailles, matérialisé par une bordurette, est ici préservé dans sa fonction... © transporturbain

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Lyon - Boulevard des Etats-Unis - 19 décembre 2020 - Outre le développement du réseau de tramways avec ici le croisement entre T4 et la récente ligne T6, ce cliché montre la création ces derniers mois d'une voie de bus sur le boulevard, matérialisée par des bandes peintes et panneaux, prenant l'une des deux files de circulation. La piste cyclable existait déjà depius le réaménagement de l'axe à l'arrivée de T4. Il en résulte un espace large pour les bus et les cyclistes, ce qui est une situation acceptable dès lors que le flux d'autobus n'est pas trop important. © transporturbain

En fin d'année, on avait déjà eu un premier signal d'alarme adressé en septembre dernier par la présidente de la RATP, qui appelait à un peu plus de raison et un peu plus d'efficacité afin de ne pas se tromper de cible : on ne sait pas s'il y aura un « monde d’après », mais pour l'instant, la première chose revenue à peu près à son niveau d'avant la crise, c'est quand même le trafic automobile.

L'Union des Transports Publics a donc pris la plume et publié en fin d'année une position officielle, qu'on peut qualifier de courageuse dans un contexte parfois exacerbé où tout ce qui n'est pas aveuglément pour est considéré radicalement contre. L'UTP rappelle que l'objectif porte à la fois sur la lutte contre l'étalement urbain, facteur de développement de l'usage de la voiture, la lutte contre la congestion et les pollutions générées par le transport individuel motorisé... et qu'à ce jour, les courts trajets sont encore trop souvent effectués en voiture.L'organisme appelle à décloisonner les stratégies d'aménagement urbain, non seulement par une plus forte intégration des transports, et singulièrement des transports en commun dans les politiques d'urbanisme, mais aussi par une dimension multimodale afin de ne pas se tromper de cible : pour l'instant, la croissance de l'usage du vélo provient d'un report provenant de la marche ou des transports en commun, et marginalement de la voiture. C'est contreproductif et, in fine, profite à la voiture.

Il s'agit donc, pour une ville durablement apaisée, de mieux faire cohabiter les modes de transport, et singulièrement le couple autobus - vélo (elle se pose moins avec les tramways français modernes, en site propre, puisque les plateformes sont généralement interdites aux vélos). L'UTP rappelle dans cette position que l'usage des couloirs d'autobus par les cyclistes est rarement autorisé dans les villes où l'usage du vélo a le plus progressé. L'explication fournie est assez simple : si la vitesse moyenne de circulation est relativement comparable en milieu urbain, la vitesse de pointe n'est pas la même (un bus peut rouler jusqu'à 50 km/h entre 2 arrêts) et la masse des véhicules est très différente, créant une logique sensation du vulnérabilité du cycliste dans un couloir pour autobus, surtout si le trafic y est dense.

Au passage, l'UTP rappelle que les transports en commun présentent de loin le meilleur ratio capacité / espace occupé : pour 200 personnes en déplacement, 3 autobus ou un tramway occupent 150 m², contre 300 m² pour 200 vélos et... 2400 m² pour 175 voitures. C'est donc par les transports en commun que l'espace public peut être réaménagé, pour qu'ils soient intrinsèquement plus performants, y compris dans la dimension économique de maîtrise des coûts d'exploitation, ce qui n'est pas un petit sujet en ce moment, par les effets de la crise sanitaire et d'un « quoi qu'il en coûte » gouvernemental à géométrie très variable. Les transports en commun seront aussi plus efficaces dans l'objectif de réduction de la part de déplacements assurés en voiture... et pour dégager de l'espace pour d'autres usages : les piétons, les cyclistes et on sera tenté d'ajouter aussi une dose de végétalisation.

Aussi, l'UTP préconise de dissocier les espaces de circulation de ces deux modes quand le trafic des transports en commun est élevé : en clair, pas de vélos dans les couloirs de bus sur les grands axes à fort trafic, cette mixité ne pouvant être que ponctuelle, sur des sections à moindre trafic de bus. Elle met en avant également le besoin de penser au stationnement des vélos car aligner les kilomètres de pistes cyclables ne saurait être suffisant et il faut aussi veiller à ne pas créer une forme de pagaille sur ce sujet. Au chapitre des points de vigilance, l'UTP appelle aussi à respecter le juge de paix qu'est le Code de la Route...

On pourra faire 2 remarques à cette prise de position :

  • si la chaussée représente bien entre 50 et 60% de la largeur d'une rue, il est erroné de dire que c'est l'espace de la voiture car il y a d'autres usages à cet espace : véhicules d'urgence, d'intervention, livraisons, travaux publics et privés... et souvent transports en commun, puisque l'autobus reste encore le mode de référence dans de nombreuses villes et ne dispose pas systématiquement - parce que le besoin n'est pas justifié - de voie réservée ;
  • la question des livraisons, qui ne cessent d'augmenter avec l'essor accéléré du commerce en ligne, pose des difficultés de plus en plus aiguës, mal appréhendées, y compris dans les récents aménagements, ce qui se traduit par une gêne à la fois pour les transports en commun et pour les cyclistes quand leurs voies sont occupées par des livreurs qui n'ont parfois guère d'autres choix.