Pas de ZFE ni de ZTL sans bons transports en commun !
Condamné en 2017 pour inaction en matière de transition écologique, l'Etat ne cesse de trainer les pieds : le délai de 3 ans accordé par le Conseil d'Etat a expiré sans mesure concrète, amenant cette institution à prononcer une sanction financière de 10 M€ par semestre d'inaction, portée à 20 M€ l'été dernier. La loi Climat et Résilience a été adoptée à l'été 2021 et reste de portée très insuffisante : elle se cantonne à l'incitation à l'achat de véhicules électriques (voitures et vélos), à l'interdiction des vols intérieurs sur un trajet de moins de 2h30 en train, au développement de la formation à l'écoconduite et à l'instauration de Zones à Faibles Emissions en milieu urbain. C'est assez léger, non ?
Ces dernières seront obligatoires pour toute agglomération d'au moins 150 000 habitants à compter de 2025, soit 43 ZFE. Actuellement, 4 existent et 7 sont en cours d'élaboration. Pour l'instant, ces zones ne sont qu'incitatives, mais l'Etat prévoit l'installation de nouveaux radars adaptés pour verbaliser les véhicules ne répondant pas aux critères d'émission (amende prévue : 68 €).
Cette mesure s'inscrit dans une forme de continuité d'orientations pas vraiment favorables aux transports en commun. Pour résumer, la ZFE crée une barrière technologique sur un seuil d'émissions des motorisations pour tendre vers la voiture électrique, sans remettre en question l'usage et les effets de congestion. Elle peut aussi créer une barrière sociologique selon la capacité des ménages à pouvoir disposer d'un véhicule autorisé.
Il existe une autre forme de restriction, la Zone à Trafic Limité, qui sélectionne par l'usage (en excluant les flux de transit et les non-résidents), mais qui sont parfois assimilées au principe du péage urbain : ce n'est cependant pas automatique.
Le nouveau dossier de transporturbain tente une analyse sur ce thème et rappelle que les bons leviers de réduction de la dépendance à la voiture sont déjà connus de longue date et ont déjà commencé à être mis en oeuvre par nombre de collectivités : améliorer les transports en commun, les coordonner entre eux (y compris les modes individuels), les intégrer à des politiques d'urbanisme durable fondées sur une maîtrise de l'étalement urbain et une planification coordonnée rendant naturelle l'usage de ces réseaux.
Finalement, ne serait-on pas en train de confondre - à dessein - le gâteau (planification coordonnée transport - urbanisme) avec la cerise (les mesures de restrictions de circulation des voitures particulières) ? D'oublier de nombreux facteurs (la congestion par exemple), voire provoquer des clivages sociologiques, selon la capacité des ménages à éviter d'aller toujours plus loin trouver un logement compatible avec leurs revenus, et donc dépendre de plus en plus de la voiture qui leur est pour partie inaccessible, du fait du coût d'acquisition d'un modèle électrique, malgré le fort soutien gouvernemental à cette filière ?
Mais il est vrai que cet axe finalement très classique d'évolution des villes suppose d'importants investissements et des choix politiques forts, y compris contre des acteurs (pas seulement économiques) à fort pouvoir de pression sur les élus locaux et nationaux...