Dans son rapport annuel, la Cour des Comptes s'est penché sur la question du financement des transports urbains, marqués par des difficultés croissantes illustrées au travers d'une baisse continue depuis près de 10 ans du taux de couvertures des coûts d'exploitation par les recettes tarifaires, qui a diminué d'un quart sur la période en passant de près de 40% en 2005 à un peu plus de 30% l'année dernière.
Le Havre - Rue Aristide Briand - 2 mars 2013 - L'amélioration de la productivité des transports urbains, et singulièrement des lignes d'autobus, priorité pour redresser les comptes des réseaux ? L'autobus articulé peut y contribuer en augmentant la capacité d'emport sans requérir de personnel supplémentaire. Mais il faut aussi améliorer les conditions de circulation. © transporturbain
La Cour reconnaît le rôle essentiel des transports collectifs urbains dans le fonctionnement des agglomérations et dans l'objectif environnemental. Elle souligne toutefois que l'extension des dessertes vers des territoires moins denses conduit à augmenter les coûts d'exploitation pour une chalandise limitée et souvent avec des services peu attractifs.
Elle suggère 5 pistes principales :
- maîtriser le coût des investissements des nouvelles infrastructures ;
- maîtriser les coûts d'exploitation ;
- rééquilibrer la contribution des usagers et lutter plus efficacement contre la fraude ;
- augmenter la productivité du personnel compte tenu d'une durée moyenne du travail inférieure à d'autres professions comparables ;
- une gestion plus sévère de la police du stationnement.
Le premier point est difficilement contestable et appelle à plus de rationalité dans les choix de développement des TCSP : le coût de réalisation d'un tramway varie du simple au quadruple selon les villes, et Besançon a démontré qu'on pouvait assurer les fondamentaux d'un système de transport urbain de grande capacité à un budget contenu.
Sur les coûts d'exploitation et la productivité du personnel, il faudrait relativiser les critiques sur la durée du travail et l'absentéisme car ces points apparaissent secondaires par rapport aux pistes principales d'économie qui sont d'abord contenues dans l'augmentation de la vitesse commerciale et donc une réelle politique de priorité dans la circulation aux transports en commun. Gagner 1 km/h de vitesse moyenne sur un réseau peut faire gagner plusieurs centaines de milliers d'euros à un réseau "intermédiaire" et quelques millions d'euros à un grand réseau type Lyon ou Marseille.
Saint Etienne - Gare Châteaucreux - 31 décembre 2012 - Le réseau stéphanois s'est étendu à la vallée du Gier avec un redécoupage des compétences entre l'agglomération et le département. Le réseau reste toutefois dans une logique de tarification unique sur ce périmètre largement étendu, puisque la ligne 5 rejoint par exemple Rive de Gier. © transporturbain
C'est d'abord par un plus grand développement des voies réservées, une réflexion sur les conséquences réelles de l'autorisation des vélos dans les couloirs de bus, sans compter la volonté de la ministre de l'écologie d'y admettre les voitures électriques, et une politique plus sévère sur l'occupation de ces voies par les livraisons, les taxis et les automobilistes qu'on améliorera la productivité des transports urbains : moins de moyens à offre constante ou offre supplémentaire à moyens constants.
Quant à la contribution des usagers et à la fraude, le sujet est vaste et particulièrement sensible puisque renvoyant aux questions de pouvoir d'achat. Sur la fraude, les moyens dévolus actuellement manquent d'efficacité et de coercition. On prendra pour exemple Genève où le montant de la contravention est de 100 CHF soit 95 €, et monte à 140 CHF en cas de paiement non immédiat. A Lyon, le montant du PV n'est que de 50 € en cas de défaut de titre de transport.
Rodez - Place d'Armes - 24 juillet 2014 - Situation peu évidente pour les petits réseaux : la circulation automobile est souvent fluide et l'attractivité des transports en commun s'en ressent d'autant plus que la chalandise est modeste. D'où la tentation de tarifs très bas voire de la gratuité : à Rodez, le ticket unitaire est à 1€ mais la carte de 10 trajets à seulement 2€. © transporturbain
Plus délicate est enfin l'augmentation du taux de recouvrement des charges par les recettes : la politique des prix bas semble atteindre ses limites puisqu'il faut développer la capacité des réseaux et les étendre dans un contexte de plafonnement de la contribution des collectivités et des entreprises. L'acceptabilité est faible par principe mais des pistes peuvent être dégagées :
- surtaxer les tickets à l'unité vendus à bord des véhicules : ils font perdre du temps aux arrêts et implique que les conducteurs disposent d'une caisse qui peut être l'objet de basses convoitises et l'occasion d'agressions. Cette mesure est mise en oeuvre dans plusieurs villes en France (Paris, Lyon par exemple) et en Europe (Bruxelles, Anvers, Gand) et a réduit la vente à bord. Mais les comparaisons entre réseaux se font toujours sur le ticket au détail ;
- maîtriser les politiques de remises catégorielles : la gratuité devrait être accordée selon le niveau de ressources réel et non par catégorie d'âge ou de situation sociale ;
- tenir un discours de vérité aux citoyens : la gratuité est un leurre (les coûts se retrouvent dans les impôts locaux) et le maintien d'une tarification unique sur des périmètres de réseaux grandissants atteint ses limites
Mais surtout, c'est d'abord l'augmentation de la vitesse commerciale des transports urbains qui produira les plus grands effets sur le taux de couverture : l'ajustement de la politique tarifaire viendrait alors au second plan, en complément, pour accélérer le rattrapage.